Auteur : Lady Zalia

Type: Fiction courte (3/4 chapitres prévus). Romance, Humour, quelques périphéties… (Happy End)

Disclaimers: Univers appartenant à J.K. Rowling. Rating T. Romance homosexuelle légère [Drarry].

L'histoire commence deux mois après la Bataille de Poudlard. Je n'ai rien changé par rapport aux livres.


Chapitre 1

Harry étendit ses jambes en avant pour les dégourdir un peu et poussa un énième soupir sous le regard légèrement inquiet de Kreattur, mais l'elfe de maison resta immobile, en attente d'un ordre de sa part.

Il avait lutté des mois durant en compagnie de Ron et Hermione pour mener à bien la dernière mission que leur avait confié Albus Dumbledore. Ils étaient parvenus à trouver et détruire tous les Horcruxes, alors que cette quête leur avait semblé impossible. Il s'était battu contre Voldemort et ses Mangemorts, avait découvert au dernier moment qu'on attendait de lui un sacrifice, et avait courageusement fait face à son destin. Il avait même survécu, en dépit de tout, et ils avaient enfin gagné… tout ça pour ça.

Cela faisait presque deux mois que Harry était cloîtré au 12 square Grimmaurd, seul ou presque. Surtout depuis que Hermione était partie en Australie, à la recherche de ses parents. Il se sentait tellement coupable du décès de Fred lors de la bataille finale qu'il ne lui semblait pas légitime de s'incruster parmi les Weasley. Bien sûr, il s'était rendu aux enterrements des trop nombreuses victimes de la Bataille de Poudlard : Severus Rogue, Fred Weasley, Remus Lupin, Ted Tonks, Nymphadora Tonks et Colin Crivey. Mais depuis qu'il avait quitté le champ de bataille, il était resté le plus souvent isolé de la communauté sorcière. Au départ, il avait voulu habiter un petit studio dans le Londres sorcier, profiter un peu de son argent, pour la première fois de sa vie. Mais il s'était rapidement trouvé confronté au harcèlement quasi continuel des journalistes et des agents du Ministère. Ils voulaient faire de lui un étendard à brandir pour souder la nation sorcière. Grand bien leur fasse. Harry avait suffisamment donné en tant qu'Indésirable N°1, désormais il aspirait à un peu de calme. Faire le point sur sa vie, sur ce qu'il voulait et ne voulait pas pour son avenir. Et puis il y avait eu les quelques Mangemorts en fuite qui avaient cherché à se venger, puis des fans hystériques qui ne comprenaient pas le principe de vie privée… Alors il avait rendu son studio et était retourné dans la sinistre demeure des Black. Au moins, les sortilèges qui la protégeaient lui garantissait une certaine tranquillité.

Avec l'aide de Kreattur, il avait entrepris de rendre cette vieille maison de Serpentards moins austère. Bien sûr, il restait encore certaines choses collées avec des maléfices de Glu Perpétuelle et il n'avait pu retirer le portrait de Walburga, la tapisserie de la famille Black ainsi que les décorations des chambres de Sirius et Regulus. Mais il s'était débarrassé de presque tous les meubles, tapis et rideaux et s'était rendu dans le monde moldu pour s'en procurer de plus modernes. Désormais le salon était pourvu d'un confortable canapé noir et de deux fauteuils assortis, d'une table basse et de plusieurs étagères en bois clair ainsi que d'un chevalet et son tabouret positionnés devant la plus grande des fenêtres. Kreattur avait poncé et ciré le parquet pour lui donner une nouvelle jeunesse et Harry avait acheté par correspondance un épais grimoire de sortilèges ménagers qui lui avait permis de repeindre murs et plafonds. Enfin, il avait recouvert la tapisserie Black d'une immense tenture en tissu d'inspiration celtique dont les entrelacs représentaient un dragon noir sur un fond vert.

Harry aimait beaucoup son nouveau salon, mais pour l'heure, il s'ennuyait. Si le grand remaniement l'avait occupé pendant plusieurs jours, il devait bien reconnaître que la solitude ne lui réussissait pas. Il faut dire qu'il avait été rarement, si ce n'est jamais, seul durant ces dix-sept, bientôt dix-huit dernières années. Les Dursley ne lui avaient jamais fait suffisamment confiance pour le laisser seul, le confiant à Miss Figg, leur voisine Cracmol, quand ils devaient s'absenter. Ensuite à Poudlard, il avait été constamment en compagnie des membres de sa maison. Puis, lors de la chasse aux Horcruxes, Ron et Hermione avaient été présents. En bref, c'était la première fois que Harry était véritablement seul, et si au début il avait savouré cette solitude qui avait apaisé son cœur, désormais il la haïssait de tout son être.

- Kreattur ! Joue aux échecs avec moi… Allez, s'il te plait !

L'elfe leva ses yeux au ciel, lui répondant de sa voix grinçante.

- Non, maître Harry ! Les elfes de maison ne doivent pas jouer aux échecs avec un sorcier !

- Kreattur, quand arrêteras-tu enfin de m'appeler maître… Juste Harry… Ou Monsieur, si tu y tiens vraiment…

- Maître Harry, quand commencerez-vous enfin à adopter l'attitude qui convient à votre rang ? La famille Potter est une famille de Sang-Pur ! Vous devriez vraiment prêter plus d'importance à votre image…

Cette fois, ce fut au tour de Harry de lever les yeux au ciel.

- Si seulement j'avais une vraie personne avec qui discuter…

- Maître Harry souhaite que Kreattur aille lui chercher une prostituée ?

Harry faillit s'étouffer en buvant son thé et se redressa brusquement pour reprendre une respiration normale.

- Non mais ça va pas ! Surtout pas ! Tu me parles de rang et d'image et l'instant d'après tu me proposes de louer les services d'une prostituée…

Harry n'avait pu s'empêcher de faire une grimace de dégoût cette évocation et Kreattur haussa les épaules.

- Ce n'est pas incompatible, tant que vous ne la demandez pas en mariage…

Le jeune sorcier resta un moment interdit devant la logique de son elfe, avant de secouer la tête en poussant un nouveau soupir. Vautré dans son canapé, l'inoccupation allait bientôt le rendre fou. Il avait déjà rangé tous les manuels de sa scolarité dans sa bibliothèque flambant neuve et avait relu Le Quidditch à travers les âges pour la énième fois, mais aucun autre livre ne présentait le moindre attrait à ses yeux. Sur la table basse, traînait la lettre de Gawain Robards, le chef du bureau des Aurors, qui le recommandait personnellement pour s'inscrire à l'académie de formation des Aurors de Grande Bretagne, ainsi que celle de Kingsley Shacklebolt qui l'exemptait de passer ses ASPIC pour s'inscrire à ladite formation. Il n'y avait pas encore répondu, mitigé à l'idée de continuer à poursuivre des mages noirs. D'un autre côté, il ne s'imaginait pas non plus retourner à Poudlard pour rattraper sa septième année au milieu des autres élèves. Hermione s'y était réinscrite, mais pas Neville ni Ron. En plus, s'il y retournait, il serait dans la même classe que Ginny, et s'il avait éprouvé des sentiments pour la jeune fille par le passé, il redoutait désormais le moment où il devrait lui avouer la vérité. La chasse aux Horcruxes et la Bataille de Poudlard l'avaient changé et il ne voyait désormais Ginny que comme une petite sœur attachante.

Harry balaya la pièce du regard et tomba sur le poste de radio qui trônait sur le rebord de la cheminée. Il l'alluma d'un coup de baguette négligeant. Au moins, cela lui ferait un fond sonore… Il repensa à la télévision, si chère aux yeux de son cousin Dudley. Il devait bien reconnaître que les sorciers avaient un certain retard pour tout ce qui avait trait aux loisirs. Serait-il seulement possible d'en faire fonctionner une dans son salon ? Il ferma les yeux, essayant d'imaginer comment il pourrait faire, mais la voix de Kreattur le sortit immédiatement de ses pensées.

- Maître Harry, vous ne pouvez pas vous endormir sur le canapé ! C'est inconvenant pour un sorcier de noble ascendance tel que vous ! Vous avez une chambre, et Kreattur s'est chargé de nettoyer vos draps, comme chaque matin.

- Kreattur, tu es mon elfe de maison, pas ma gouvernante, que je sache. Je fais encore ce que je veux chez moi…

Malgré ses récriminations, il bascula ses jambes sur le côté et se leva souplement, éteignit le poste de radio et quitta la pièce. Ce n'était pas comme s'il avait autre chose à faire que dormir de toute façon…

Le lendemain matin, Harry se réveilla tôt, parfaitement reposé. C'était tout de même autre chose que de dormir sur un lit de camp. Son lit était moelleux à souhait et il aimait beaucoup l'odeur de la lessive qu'utilisait Kreattur. Dans sa chambre, il s'était contenté d'un lit, d'une table de nuit et d'une grande armoire pour ranger ses vêtements. Le papier peint décrépi avait été remplacé par une simple peinture blanche et cette sobriété lui convenait pour le moment. De toute façon, il n'avait aucune décoration à y installer. En y repensant, il n'avait presque aucune photo de sa scolarité si ce n'était celles prises par Colin Crivey ou par le photographe de Rita Skeeter durant le Tournoi des Trois Sorciers et les unes comme les autres ne représentaient pas des souvenirs heureux, loin de là…

Il se promit mentalement d'acheter un appareil photo avant le mariage de Ron et Hermione et rejoignit la cuisine pour prendre son petit déjeuner. Kreattur avait bien insisté pour qu'il prenne ses repas dans la salle à manger, mais il avait été intransigeant sur ce point, trouvant beaucoup trop sinistre de manger seul à une grande table. Comme d'habitude, l'elfe l'avait gâté et une pleine théière de thé de noël l'attendait sur la table, accompagné de pancakes au bacon beurrés et de l'édition du jour de la Gazette du sorcier. Ce jour là comme les précédents, il n'avait rien de prévu, donc il pouvait prendre son temps… Il s'assit tranquillement et remplit un premier mug quand un visage familier sur la une du journal arrêta son geste : Drago Malefoy. Son estomac se serra à la vue de son ancien camarade de classe. La photo le représentait terrifié, solidement encadré par des Aurors en compagnie de sa mère, Narcissa Malefoy. L'article titrait en gros « Le Mangemort Drago Malefoy arrêté ». La lecture de la suite lui coupa définitivement l'appétit.

« Hier à l'aube, les Aurors ont pénétré le manoir de Lucius Malefoy en vue de l'arrêter pour l'interroger dans le cadre de ses activités de Mangemort. L'homme a été tué sur place après avoir tenté de résister. Son épouse, Narcissa Malefoy (sœur de la Mangemort Bellatrix Lestrange, de sinistre réputation) a donc été arrêtée, ainsi que leur fils unique, Drago Malefoy, lui aussi Mangemort. Une enquête visera à prouver le degré d'implication de Drago Malefoy, qui est d'ores et déjà condamné à une peine de dix ans de réclusion à Azkaban pour avoir permis aux Mangemorts d'infiltrer Poudlard en juin 1997. Quant à Narcissa Malefoy, le Département de la justice magique a décidé de la faire interner en centre fermé de haute sécurité, la prévenue présentant des signes d'hystérie. Plus d'informations sur la famille Malefoy page 3. Les crimes commis par Lucius Malefoy page 5. Le récit du duel acharné mené par nos valeureux Aurors page 6. »

Harry jeta le journal à travers la table, vidant sa tasse d'une traite avant de se lever.

- Kreattur. Je mangerai plus tard. Je dois me rendre de toute urgence auprès de Kingsley Shacklebolt. Je ne sais pas combien de temps cela me prendra.

Sans tergiverser davantage, il rejoignit le hall d'entrée, mais jeta tout de même un œil dans le grand miroir pour vérifier qu'il était correctement habillé. Il hésita un moment mais remonta dans sa chambre à toute vitesse. S'il voulait éviter de se faire trop remarquer au ministère, autant s'habiller à la manière sorcière… Il enfila donc une robe très sobre, puis attrapa sa sacoche pour y mettre son portefeuille et, après quelques secondes d'hésitation, sa cape d'invisibilité. La précieuse cape que lui avait légué son père était décidemment bien pratique, surtout quand on était Harry Potter le deux-fois-survivant, le Sauveur ou il ne savait quel autre surnom stupide on lui donnait encore… Lors de sa dernière tentative d'aller au Chemin de Traverse, il avait dû supporter la présence grossissante d'une cohorte de sorciers de tous âges venus lui serrer la main, l'acclamer, le toucher et même lui arracher des cheveux. Il n'avait dû son salut qu'à Georges Weasley qui lui avait permis de se réfugier dans son arrière-boutique. Il se couvrit donc de sa cape d'invisibilité avant même de transplaner, bien décidé à se faire le plus discret possible.

C'était la fin du mois de juillet et le temps était beau et chaud. La plupart des sorciers goûtaient l'euphorie de la fin de de la guerre et de la liberté retrouvée, de sorte que le département des accidents magiques et les Oubliators ne cessaient d'intervenir à travers tout le pays. De ce fait, l'atrium du ministère de la Magie était aussi effervescent que d'habitude malgré la période estivale. La fontaine de la Fraternité magique avait retrouvé sa place et de jeunes sorcières en uniforme orientaient les sorciers venus faire telle ou telle démarche. Harry savait parfaitement où se trouvait le bureau de Kingsley, il les évita donc pour se glisser dans un ascenseur lorsqu'une voix le fit sursauter.

- Les sortilèges de Désillusion et autres artifices sont interdits au sein du Ministère. Veuillez décliner votre identité !

Il retira sa cape d'invisibilité avec un soupir et se présenta au sorcier qui protégeait l'accès à l'ascenseur.

- Harry Potter. Je viens voir monsieur le Ministre de la Magie provisoire Kingsley Shacklebolt.

- HARRY POTTER ! Monsieur le ministre est occupé. Vous n'avez pas pris rendez-vous. Pourquoi souhaitez-vous le voir ?

Il leva les yeux au ciel. Cet idiot était-il obligé de crier ? Bien évidemment, tous les regards se tournèrent vers lui et il entendit bientôt une myriade de chuchotements plus ou moins discrets dans son dos. Il fit de son mieux pour les ignorer et réfléchit à la meilleure réponse à donner. Il aurait bien répliqué que c'était personnel mais le sorcier semblait capable de le renvoyer chez lui si son argument n'était pas valable.

- Je viens le voir au sujet de sa proposition pour rejoindre l'académie de formation des Aurors. Je n'ai plus de hibou, je voulais lui répondre personnellement…

Il offrit un sourire timide au sorcier et celui-ci hocha la tête, l'air visiblement impressionné.

- Bien, vous pouvez passer.

Harry put enfin accéder au bureau de Kingsley. Il frappa à la porte, attendant patiemment que celui qui était devenu « Ministre de la magie à titre provisoire » lui permette d'entrer. Celui-ci ne le fit pas attendre.

- Ah, Harry ! Je suis content que tu sois venu. Je t'en prie, entre. Je t'offre une bièraubeurre ? Privilège de la fonction…

Harry hocha la tête et Kingsley sortit une petite bouteille en verre de l'un de ses placards, qu'il décapsula d'un coup de baguette avant de la lui tendre. Le jeune homme savoura une gorgée du liquide frais et sucré avant de prendre la parole.

- Bonjour Kingsley. À vrai dire, je suis venu à propos des Malefoy… J'ai lu l'article dans le journal ce matin.

Le sourire de son interlocuteur se fana.

- Ah, oui. Drago Malefoy… Il a ton âge, un élève de Poudlard de la même année que toi, j'imagine... Je sais ce que tu m'as dit après la bataille. Narcissa Malefoy t'a sauvé la vie. Mais de toute façon elle ne porte pas la marque. Elle ne sera pas si mal là-bas. Par contre pour son fils, je ne peux rien faire. Ils veulent des coupables. Et je lui ai évité la pendaison. Tu ne saisis peut-être pas tous les rouages de la politique, Harry. Il reste encore plusieurs Mangemorts en liberté, les gens ont besoin de voir qu'il n'y aura pas de pitié pour les partisans de Voldemort.

- Mais il n'a rien fait ! Il a refusé de tuer Albus Dumbledore. Il n'a rien fait pendant la guerre, il était simplement élève à Poudlard. Il ne mérite pas Azkaban !

- Il a permis aux Mangemorts d'entrer dans Poudlard. Ce jour-là, seul Dumbledore est mort, mais il aurait pu y en avoir d'autres. Tu sais comme moi que Bill Weasley a failli être tué par Fenrir Greyback.

- Sa famille était menacée par Voldemort. Drago a fait ça pour les protéger. Je ne pleurerai pas son père, mais il a déjà bien assez souffert ces deux dernières années. Azkaban va lui retirer tout espoir d'avenir…

L'ancien Auror secoua la tête.

- La décision est déjà prise. Il sera transféré demain matin à l'aube. Écoute, son cas sera sans doute rejugé d'ici deux ou trois ans s'il se conduit bien. Il aura peut-être une remise de peine. Quand tout ça se sera un peu calmé…

Harry posa sa bouteille brusquement sur le rebord du bureau.

- Et bien si les Aurors de ce nouveau ministère ont pour tâche d'enfermer des innocents à Azkaban, ce n'est pas ma définition de la justice et je n'ai aucune envie d'en faire partie. Au revoir monsieur le Ministre.

Il quitta la pièce avant même que Kingsley ait pu rajouter quelque chose, enfilant sa cape d'invisibilité dès que la porte fut fermée. Il rejoignit la sortie et transplana directement sur le palier du 12 square Grimmaurd, sans desserrer les dents une seule fois. La fureur lui brûlait les joues. Il ne pouvait concevoir que son rival de toujours soit envoyé à Azkaban sans jugement, sans même de preuve de sa culpabilité. Il se sentait frustré, enragé même par cette injustice flagrante, marquant d'une première pierre noire ce système en lequel il voulait tellement croire.

Arrivé chez lui, il commença à faire les cents pas dans son salon, incapable de s'asseoir. L'adrénaline coulait dans ses veines, il n'avait jamais supporté l'inaction et ce n'était pas aujourd'hui que ça allait changer. Il fallait qu'il fasse quelque chose.

- Kreattur !

- Maître Harry ?

- Drago Malefoy sera transféré demain à l'aube à la prison d'Azkaban alors qu'il est innocent. Je ne peux pas l'accepter, je vais le libérer. Tu pourras lui préparer une chambre s'il te plait ?

- Bien entendu, maître Harry. Kreattur est heureux que maître Harry fréquente un noble sorcier tel que monsieur Drago Malefoy. Kreattur fera tout pour que monsieur Drago Malefoy se sente bien dans la maison.

Harry hocha la tête. Sa décision était prise. Il redescendit dans le hall, remit sa cape d'invisibilité et tranplana au Chemin de Traverse. La rue était bondée mais il emprunta une rue parallèle moins fréquentée pour atteindre son but, à savoir l'entrée de service du 93 Chemin de Traverse. Il tira la sonnette, et quelques minutes plus tard, la porte s'ouvrit sur une jeune femme blonde aux cheveux courts. Harry fit glisser sa cape juste assez pour laisser apparaître son visage.

- Bonjour Verity, c'est Harry. Tu peux me faire entrer et prévenir George que j'ai besoin de le voir, s'il te plait ?

La vendeuse se décala pour lui permettre d'accéder à l'arrière-boutique avant de refermer la porte. Quelques instants plus tard, George Weasley arriva.

- Bonjour Harry. Que puis-je pour toi ?

- J'ai besoin de quelques-uns de vos articles pour une opération spéciale. Moins tu en sauras, mieux cela vaudra. Il me faut un marécage portable et de la poudre d'obscurité instantanée du Pérou.

George partit lui chercher sa commande et il en profita pour sortir une vingtaine de Gallions qu'il déposa derrière une caisse. Il savait que George allait probablement insister pour qu'il ne paye rien, mais il savait aussi ce que ces produits coûtaient.

- Tiens. Tu devrais venir dîner chez maman. Ça ferait plaisir à tout le monde tu sais.

Harry hocha la tête, mal à l'aise face à la tournure que prenait la discussion.

- Molly m'a pardonné d'avoir embarqué Ron dans une aventure hautement mortelle pendant presqu'un an ? Je vous ai mis tous en danger…

- Ron savait ce qu'il faisait. Tout le monde savait… même Fred. S'il était là, il dirait que tu es stupide de t'en vouloir. Je vais envoyer un hibou à maman pour la prévenir que tu seras là ce soir. Ne me dis pas que tu as quelque chose de prévu. Tu n'as pas intérêt de nous faire faux bond.

Harry hocha la tête, recomposant un sourire timide. Il songea brièvement que s'il pouvait dormir chez les Weasley, cela lui fournirait un alibi parfait, et il se sentit encore plus coupable. Mais si tout se passait comme il le voulait, Drago viendrait vivre avec lui et il ne retournerait probablement pas rendre visite aux Weasley avant longtemps. Il ne voulait surtout pas laisser croire à sa famille d'adoption qu'il avait le moindre grief contre eux.

- OK, je serais là. À ce soir.

Il prétexta qu'il était pressé pour partir rapidement et transplana directement chez Xenophilius et Luna Lovegood. Comme toujours, ils l'accueillirent chaleureusement.

- Bonjour, Harry. Que nous vaut ta visite ?

- En fait, je venais voir ton père. J'avais quelques questions à lui poser et c'est assez urgent. Désolé si j'arrive à l'improviste.

- Vous êtes toujours le bienvenu chez nous monsieur Potter. Luna et moi vous devons la vie. Que puis-je pour vous ?

- Et bien… Je voulais avoir des informations à propos d'Azkaban. Je me doute que c'est un souvenir douloureux pour vous. Mais c'est important. On m'a dit que l'île se trouvait au milieu de la mer du Nord et qu'il était impossible d'y transplaner directement. Même les prisonniers y sont amenés par bateau depuis la côte sous escorte des Aurors. Sauriez-vous m'indiquer de quel endroit exactement il s'agit ?

Différentes émotions traversèrent le visage de Xenophilius qui se leva tout de même pour aller chercher une carte dans son bureau. Luna en profita pour servir à Harry une tasse de thé fumante et une assiette de biscuits.

- Tenez… c'est ici, monsieur Potter. Le village d'Amble. Tous les prisonniers transitent par ce lieu. C'est le port le plus proche. Je ne sais pas ce que vous comptez faire mais…

- Vous ne le saurez pas, rassurez-vous M. Lovegood, je ne compte pas vous impliquer davantage. C'est exactement ce que je voulais savoir. Merci beaucoup.

Luna et son père insistèrent pour qu'il déjeune en leur compagnie et il les quitta en début d'après-midi. Il devait rentrer chez lui pour finaliser son plan et prévenir Kreattur qu'il dînerait à l'extérieur, se rendre ensuite jusqu'à Amble en balai pour pouvoir y transplaner par la suite et s'assurer que tout fonctionnerait parfaitement le moment venu. Cette fois, Hermione n'était pas là pour penser aux détails…

À dix-huit heures, il transplana jusqu'au Terrier avec une excellente bouteille d'Ogden's Old Firewhisky. Ron l'accueillit avec une accolade fraternelle.

- Bon retour à la maison, Harry, mon pote. Ça faisait longtemps !

Il répondit à son étreinte avec un sourire sincère. Ça faisait du bien de retrouver son meilleur ami.

- Merci, Ron. J'avais besoin d'un peu de temps pour moi. Et je ne voulais pas m'imposer… Tes parents ont fait beaucoup pour moi, je ne veux surtout pas… me substituer à Fred, tu comprends.

- Pas de souci, mec. Je ne pense pas qu'ils l'auraient vu comme ça mais j'apprécie le geste. Ce n'est facile pour personne et ça ne le sera jamais. Tout le monde est content que tu sois venu ce soir.

Molly, Arthur, Ginny et George l'accueillirent avec la même chaleur et le repas fut excellent. Molly encouragea Harry à suivre la formation des Aurors, quitte à abandonner par la suite et Harry ne la contredit pas. Une partie de lui voulait rester en compagnie de Ron et Neville tandis qu'une autre voulait suivre sa propre voie. Il leur répondit qu'il se donnait encore un peu de temps avant de prendre sa décision. De toute façon, il avait encore un mois… Après le dîner, il déboucha la bouteille de Whisky Pur Feu et en servit généreusement à tout le monde. Même Ginny fut autorisée à en prendre un verre. Après tout, elle allait atteindre sa majorité quelques semaines plus tard.

Officiellement, cela faisait un an qu'ils avaient rompu et Harry était certain qu'il ne ressentait plus rien pour elle, si ce n'était de l'amitié. Mais la jeune fille semblait encore très amoureuse et Harry fit tout son possible au cours de la soirée pour ne jamais se retrouver seul en sa présence. Heureusement, Ron n'avait aucune envie de le lâcher et, l'alcool aidant, ils finirent tous les deux, allongés sur le sol du salon à ressasser les vieux souvenirs de leur scolarité. Harry avait pris garde à ne pas boire plus que de mesure, de manière à être parfaitement sobre le moment venu et tout s'était déroulé exactement selon son plan. George était rentré chez lui un peu avant minuit car il travaillait le lendemain, et lorsque Arthur et Molly allèrent se coucher peu après, cette dernière lui ordonna de dormir sur place pour éviter qu'il ne transplane sous les effets de l'alcool. Harry fit mine de rechigner avant d'accepter. Son alibi était parfait et il repoussa sa culpabilité en pensant au Serpentard dans sa cellule. S'il ne faisait rien, Drago Malefoy allait voir son avenir détruit sans avoir commis de crime.

À quatre heures du matin, il jeta un Assurdiato sur ses chaussures et quitta le Terrier dans le plus parfait silence. Il transplana chez lui pour prendre son nouvel Éclair de feu, sa cape d'invisibilité et son sac de courses de Weasley, Farces pour sorciers facétieux et transplana sans plus tarder dans une ruelle discrète d'Amble qu'il avait repéré plus tôt. De là, il enfila sa cape d'invisibilité et décolla pour se positionner en vol stationnaire au-dessus des quais. Les rues étaient désertes et pendant un moment il craignit d'être arrivé trop tard, mais une vingtaine de minutes plus tard, un bruit caractéristique de transplanage retentit. Son cœur battait fort dans sa poitrine et l'excitation lui fit resserrer les mains sur le manche de son balai. Il se sentait comme au début d'une partie de Quidditch déterminante. Sauf que cette fois, Drago ne représentait pas un adversaire, mais le Vif d'Or qu'il devait attraper. Il expira longuement, observant le « terrain ». Il ne pouvait laisser place à l'erreur. Drago Malefoy était menotté, bâillonné et les yeux bandés, encadré par deux Aurors, baguette à la main. Il reconnaîtrait entre mille la peau diaphane du Serpentard mais surtout ses cheveux blonds si clairs. Il allait devoir être rapide.

Harry laissa tomber le Marécage Portable qui atterrit aux pieds du petit groupe et, avant que quiconque puisse réagir, l'activa d'un Reducto. Le sol se transforma immédiatement en marécage boueux et nauséabond dans lequel les pieds des trois sorciers s'enfoncèrent rapidement. Il ne leur laissa pas le temps de transplaner et lança un Stupefix informulé sur l'un des Aurors, tandis que l'autre pataugeait, baguette en l'air, cherchant sans doute à localiser leur agresseur. Harry n'attendit pas plus, lançant son balai à toute vitesse vers sa cible. Il serra les jambes et lança la Poudre d'obscurité instantanée juste avant d'attraper Drago par le bras, le hisser sur son balai et s'éloigner. Son camarade gémit et tenta de résister mais s'immobilisa en sentant le vide sous ses pieds, comprenant que ça serait une mauvaise idée s'il devait tomber. Harry entendit distinctement des sortilèges être lancés dans sa direction, mais ne ralentit pas, s'éloignant de plus en plus de la côte. Ils n'étaient pas encore tirés d'affaire.

Il vola jusqu'à apercevoir une ouverture à flanc de falaise et s'y posa, vérifiant qu'ils n'avaient pas été suivis avant de retirer sa cape d'invisibilité. Les lieux lui faisaient un peu penser à la grotte choisie par Voldemort pour y entreposer le médaillon Horcruxe et il sourit brièvement de cette analogie. Il retira le bandeau et le bâillon, détacha les menottes et le Serpentard écarquilla des yeux à sa vue.

- Potter ! Mais qu'est-ce que tu fais ? Tu as perdu la tête !?

- Shhht. Je ne pouvais juste pas te laisser emprisonner alors que tu es innocent. Je connais ton rôle pendant la guerre et ils voulaient faire de toi un exemple. Ça ne correspond pas à mon idée de la justice.

Le blond grimaça.

- Alors ça y est, Saint Potter le défenseur de la veuve et de l'orphelin ? Je suis devenu ta nouvelle cause désespérée ? Ramène moi là-bas, je ne veux pas de ta pitié !

Sa verve était atténuée par sa voix éraillée et les tremblements incessants qu'il ne parvenait à réprimer. Harry se mordit la lèvre.

- Malefoy… Je ne fais pas ça par pitié. Ils n'ont pas le droit de t'infliger ça. Tu n'as rien fait et de toute façon tu n'as même pas été jugé ! Ils veulent te faire payer pour tous les Mangemorts qu'ils n'ont pas réussi à capturer. Shacklebolt me l'a dit. Je ne pouvais pas rester les bras croisés en sachant ça. Je suis fier de t'avoir eu comme rival pendant ces dernières années. Tu ne mérites pas d'être sacrifié comme ça.

L'autre sembla se calmer un peu mais continua de trembler. Harry remarqua alors qu'il portait une simple tenue de prisonnier, peu apte à le protéger des embruns glacés de la Mer du Nord.

- Et tu me proposes quoi maintenant que tu m'as fait évader ? Mon père a été tué, ma mère est enfermée, toute notre fortune a été saisie et je n'ai même plus ma baguette…

Harry lui offrit un sourire qui se voulait rassurant.

- Nous allons transplaner chez moi. Ma maison est incartable et sous un Fidelitas que j'ai renouvelé à la fin de la guerre. Mon elfe de maison t'a déjà préparé une chambre. Nous trouverons une solution. Je compte bien réhabiliter ton honneur.

Il saisit les deux mains de son camarade qui ne fit pas un geste pour s'éloigner et se concentra pour transplaner. Les deux jeunes hommes atterrirent instantanément sur la plus haute marche du perron et Drago faillit tomber en arrière, retenu par la poigne de Harry. Le soleil n'était pas encore tout à fait levé mais il allait devoir se dépêcher de retourner au Terrier s'il voulait le faire avant le réveil d'Arthur Weasley. Une fois en sécurité dans le hall, Drago ne manqua pas de manifester son étonnement.

- C'est chez toi ici ? On dirait une ancienne maison sorcière…

- Effectivement, j'ai hérité de la maison Black lorsque mon parrain Sirius Black est décédé. Voici mon elfe, Kreattur. Il te guidera. Je dois retourner chez les Weasley qui me servent d'alibi. Rassure-toi, personne n'est au courant. Je serais probablement de retour en fin de matinée.

Kreattur s'inclina devant Drago qui hocha la tête, visiblement épuisé par ses dernières heures de captivité. Il suivit l'elfe de maison et Harry lui trouva un air de petit garçon qui aurait grandi trop vite. Il déposa sa cape et son balai dans l'entrée et ressortit immédiatement pour rejoindre la demeure des Weasley. Il connaissait la maison par cœur et n'eut aucune difficulté à rejoindre la chambre de Ron. Il se laissa tomber sur le lit de camp qui lui avait été préparé par Molly, plongeant immédiatement dans le sommeil, harassé par la multitude d'émotions qui l'avaient assaillies au cours de la journée et sa nuit blanche.

Plusieurs heures plus tard, ce fut Ron qui le réveilla avec un large sourire.

- Eh ben, Harry, tu as dormi comme un bébé ! C'est ça quand on ne sait pas boire ! Allez, lève-toi si tu veux prendre un petit déjeuner. Maman a fait une tarte à la mélasse !

Harry mit plusieurs minutes à rassembler ses pensées. Il s'étira longuement en baillant et jeta un Tempus : il avait dormi à peine cinq heures. Ce n'était pas beaucoup mais c'était bien suffisant pour ce qu'il avait prévu de faire aujourd'hui. Il rejoignit Ron dans la cuisine, celui-ci ne semblant pas en meilleur état malgré qu'il eût dormi bien plus longtemps. Manifestement, la gueule de bois ne l'avait pas épargné. Il se retenait visiblement à grand peine de s'enfuir alors que sa mère lui faisait la morale.

- Ronald, tu dois apprendre à te montrer raisonnable ! Oh bonjour Harry, mon chéri. Assieds-toi donc et sers-toi une part de tarte. Le Fire Whisky est un alcool fort. Vous ne pouvez pas vous permettre de boire ça comme de la bièraubeurre !

Il hocha la tête, conciliant face à sa mère de substitution. Ce fut à ce moment que Ginny arriva dans la cuisine et vint se coller contre son dos, les bras passés autour de son cou. Elle se pencha pour déposer un baiser sur sa joue et il frissonna.

- Bonjour, Harry. Tu restes avec nous cet après-midi, j'espère. On pourrait aller se promener tous les deux…

- Bonjour, Ginny… Euh désolé, j'ai encore quelques travaux à faire au square Grimmaurd. J'aimerais vraiment terminer avant le début de l'année. Pour l'instant j'ai fini le salon, la salle de bain du premier étage et ma chambre qui se trouve au deuxième. Je vous vous ferais visiter quand tout sera terminé.

Ce n'était pas totalement un mensonge, mais s'il restait bien quelques travaux à faire, cela ne concernait plus que les troisième et quatrième étages. La jeune fille perdit son sourire et vint s'asseoir à côté de lui, sa main sur sa cuisse. Il la retira l'air de rien, se tournant vers Ron comme s'il voulait continuer une discussion. Ginny devenait un peu trop pot de colle à son goût… Il espérait tout de même qu'elle finirait par comprendre les signaux… Molly Weasley reprit la parole :

- Pourquoi tu ne fais pas appel à une entreprise, Harry ? Ils pourraient te faire ça bien plus rapidement et sans effort.

- C'est ma première maison... Elle a un passé, je voudrais faire les choses bien. Je suis parvenu à passer un accord avec le portrait de Walburga Black. Elle ne hurle plus quand je fais venir du monde, en échange de quoi je la préviens avant de faire une transformation dans la maison. Et puis ça m'aide à me vider la tête. Monter des meubles en kit, ce n'est pas bien compliqué.

Ron eut un sourire indulgent.

- On te croit sur parole… tant que tu n'attends pas de moi que je t'aide… J'ai hâte de voir tous les changements que tu as fait. Tu nous inviteras à dîner quand ça sera terminé ?

- Bien sûr ! Vous serez tous les bienvenus. Allez, sur ce je file, je vous souhaite une bonne journée. Molly, merci encore pour le dîner et l'invitation à dormir. Ça m'a sans doute évité un douloureux désartibulement. Vous saluerez Arthur de ma part.

Il quitta le Terrier en s'efforçant de paraître naturel avant de transplaner, étrangement impatient à l'idée de retrouver Drago Malefoy. Personne ne semblait l'attendre devant le square Grimmaurd mais à peine eut-il passé le pas de la porte que Kreattur le salua de sa voix grinçante.

- Bienvenue à la maison, maître Harry.

- Bonjour, Kreattur. Notre invité est-il levé ?

- Non maître. Kreattur l'a entendu avoir un sommeil agité. Il a préféré le laisser dormir.

- Bien. Il est possible que nous ayons la visite d'un Auror. Si c'est le cas, préviens Drago et demande-lui de se cacher sous la cape d'invisibilité et de ne faire aucun bruit.

Kreattur disparut après avoir hoché la tête et Harry se rendit au deuxième étage. Il avait besoin d'une bonne douche et de se changer. Il alla dans sa chambre pour prendre un caleçon, un jean et un t-shirt propres et après une brève hésitation, prépara une seconde tenue pour son invité. Il aurait dû y penser le matin même, le Serpentard était sans doute pressé de troquer sa tenue carcérale contre quelque chose de plus confortable. Une chance qu'ils fassent à peu près la même carrure.

Lorsqu'il sortit de la salle de bain, Drago l'attendait dans le couloir et l'impression de vulnérabilité qui se dégageait de lui le laissa un moment stupéfait. Ce fut le Serpentard qui détourna le regard le premier et Harry reprit contact avec la réalité.

- Salut. Je t'ai mis des fringues propres sur une chaise dans la salle de bain. Si tu me cherches, je suis dans le salon.

- Merci.

La voix de Drago était encore éraillée, comme s'il avait pleuré pendant longtemps, mais son visage restait impassible. Il hocha la tête et alla s'enfermer dans la salle de bain. Harry s'installa dans le salon et quelques secondes plus tard, Kreattur apparut avec le journal du jour.

- Maître Harry, la Gazette du Sorcier.

Evidemment, le gros titre portait sur l'évasion de la nuit et Harry le parcourut avec intérêt. À lire l'interview des deux Aurors, ils ne semblaient avoir aucune idée de l'identité du fautif. Harry sourit. Les Aurors allaient probablement suspecter d'anciens Serpentard comme Blaise Zabini ou Pansy Parkinson et à moins que Kingsley Shacklebolt ne s'implique lui-même dans l'enquête, il y avait peu de chance qu'il n'ait besoin d'utiliser son alibi. En résumé il était fier de son plan et si Hermione n'aurait probablement rien fait d'aussi illégal pour sauver Drago Malefoy, il restait persuadé qu'il avait fait une bonne action.

Il continua sa lecture de la Gazette sans réel intérêt. Rita Skeeter était toujours en poste et si elle n'était pas la seule journaliste, la plupart des articles restaient des ramassis de bêtises faisant dans le sensationnel plus que dans l'information. Il y trouva d'ailleurs un article sur lui, s'étonnant de sa présence au ministère la veille et extrapolant des raisons toutes plus ridicules les unes que les autres pour lesquelles il aurait pu avoir rendez-vous avec le Ministre de la magie provisoire. Il soupira longuement et ferma les yeux un instant. Drago Malefoy allait bientôt sortir de la salle de bain, il serait probablement affamé…

Lorsqu'il rouvrit les yeux, Drago Malefoy se trouvait devant lui, habillé avec le jean et le t-shirt qu'il lui avait préparé, ses cheveux blonds encore humides plaqués en arrière. Harry cligna des yeux, sentant soudainement le besoin de s'éclaircir la gorge. Son camarade avait minci depuis le mois de mai, et son regard avait perdu l'arrogance qui le caractérisait autrefois. Ses yeux étaient cernés et pourtant Harry trouva un certain charme à ce visage harmonieux.

- Potter. Tu vas me dire ce que tu attends de moi à présent ?

Harry fronça les sourcils puis secoua la tête.

- Quoi ? Mais… je n'attends rien de toi. L'altruisme est peut-être une valeur étrangère aux Serpentard mais je n'ai pas fait ça pour obtenir quelque chose de toi. Je n'accepte pas qu'on te sacrifie pour l'exemple. Tu m'as sauvé la vie, ta mère m'a sauvé la vie. Je sais que tu ne voulais pas tuer Dumbledore. J'étais là ce soir-là, en haut de la tour d'astronomie. J'ai vu Voldemort t'ordonner de torturer des Mangemorts. Je sais mieux que personne ce que tu as enduré ces deux dernières années et il était hors de question que tu sois condamné pour ça.

Drago écarquilla les yeux face à l'étendue de ce que son rival connaissait. Il eut un frisson en entendant le nom de son ancien maître prononcé avec tant de désinvolture, puis il baissa les yeux et son regard se fit triste.

- Cela t'étonnera peut-être mais les Serpentard se serraient les coudes. Mais maintenant tout ça, c'est terminé, nous ne sommes plus à Poudlard…

Son ventre gargouilla bruyamment et Harry sauta sur l'occasion pour l'attraper par le bras et l'entraîner vers le couloir. Drago se laissa faire, quelque peu sonné par l'attitude inhabituelle de son ancien camarade.

- Tu dois avoir faim ! Allez viens, il est l'heure de déjeuner. Ensuite je te ferai visiter la maison. La cuisine est au sous-sol. Il y a bien une salle à manger au rez-de-chaussée mais je préfère la garder pour les grandes occasions.

Ils descendirent les escaliers, mais alors qu'il s'apprêtait à continuer plus bas, Kreattur apparu devant eux en s'inclinant.

- Maître Harry, Kreattur a mis la table dans la salle à manger. À présent que maître Harry est en compagnie du noble monsieur Drago Malefoy, il n'est plus question qu'il déjeune à la cuisine comme les domestiques. Kreattur ne supportera pas l'infamie et se coupera les oreilles si son maître l'oblige à les servir au sous-sol !

Harry faillit répliquer quelque chose mais il se souvint que Drago avait passé une journée entière dans les sous-sols du ministère et qu'il préférerait sans doute déjeuner à la lumière du soleil. Ils pénétrèrent donc dans la salle à manger qui jouxtait le hall d'entrée, et Harry s'aperçut que Kreattur avait transformé l'immense table de réception en une modeste table ronde, parfaite pour deux personnes. Il avait mis une nappe nacrée brodée de liserés végétaux verts. Cela faisait très Serpentard mais c'était finalement assez joli. L'elfe avait sorti la vaisselle aux armoiries des Black ainsi que l'argenterie et Harry ne put s'empêcher d'éclater de rire.

- Ah ah ah, décidément je crois que mon elfe t'admire, Malefoy. Il a mis les grands moyens pour que tu te sentes bien… J'ai hérité de Kreattur avec la maison, c'est l'ancien elfe de la famille Black, et il est très porté sur le respect des traditions sorcières. Pour lui, tu représentes un invité de marque !

Drago esquissa un sourire et s'assit précautionneusement à table tandis que Harry prenait place face à lui. Kreattur avait préparé un excellent repas et même s'il avait déjeuné tard chez les Weasley, il fit comme toujours honneur à sa cuisine. C'était aussi une manière d'avoir quelque chose à faire car Drago restait silencieux et lui-même ne voyait pas bien comment entamer une discussion sans remuer des souvenirs douloureux. Le jeune homme avait vu son père se faire tuer sous ses yeux, sa mère et lui-même avaient été emprisonnés et sa baguette ainsi que sa fortune lui avaient été retirés. Après deux ans à vivre sous la menace continuelle de Voldemort ou de ses Mangemorts et alors que tout le monde fêtait la victoire, il y avait de quoi être déprimé. Et Harry voulait que Drago Malefoy soit heureux. Il ne savait pas pourquoi, il en avait pris conscience en voyant son léger sourire au début du repas. Quelque part, le Serpentard était devenu aussi isolé que lui, tous ses repères ayant disparus en l'espace de quelques jours.

Après le repas, Harry lui fit visiter toute la demeure, puis il lui proposa de faire une partie d'échecs, ce que Drago accepta. Ils parlèrent peu, mais l'ambiance était paisible, et pour la première fois depuis qu'ils se connaissaient, ils avaient passé plusieurs heures dans une même pièce sans s'insulter ou se faire des crasses. Finalement, ce fut Drago qui décida de briser la glace.

- Du coup je ne t'ai pas encore remercié de m'avoir fait évader… Je n'ai rien à t'offrir en échange si ce n'est ma reconnaissance. Je vais essayer de quitter le pays au plus vite, et je te rembourserais dès que je pourrais. J'ai encore quelques contacts, si tu acceptes de me prêter ta chouette…

- Malefoy… Une bonne fois pour toute, je ne te demande rien. Reste ici aussi longtemps que nécessaire. Je suis seul avec Kreattur dans cette maison et je suis heureux d'avoir de la compagnie. Tu pourras utiliser mon hibou, il est au grenier. Si tu as besoin d'autre chose…

- Cette situation ne peut pas durer éternellement. Tu n'étais pas censé entrer à l'école des Aurors en septembre ? Suivre ta vie de héros du Bien, pourchasser les mages noirs, tout ça… Avoir un Malefoy en cavale, planqué dans ta maison, ce n'est pas très compatible.

- Je ne vois aucun mage noir ici moi… Et puis devenir Auror, c'est ce que les gens attendent de moi… Je ne suis pas sûr que ce soit ce dont j'ai vraiment envie. J'ai passé le début de ma vie à suivre une foutue prophétie, un parcours soigneusement balisé par Dumbledore. Maintenant j'ai envie de prendre des décisions pour moi-même.

Drago le fixa un moment.

- Tu es… étonnant. Je pensais que tu aurais profité de ton auréole de gloire pour acheter une grande maison ou que tu vivrais au milieu des Weasley, que tu préparerais ton mariage avec la fille belette… Mais tu vis seul, ici, dans la vieille maison des Black… protégé par un Fidelitas. On dirait que tu cherches encore à te cacher du reste de la société…

Harry baissa un instant les yeux. C'était comme si les iris clairs de Drago l'avaient percé à jour. Il eut un frisson et se fit la réflexion que son rival l'avait mieux compris en quelques heures que Ron malgré toutes ces années à son contact.

- Je n'aime pas tout ça. Les journalistes qui observent tous mes faits et gestes, le ministère qui veut me brandir comme une bannière, les membres de l'Ordre qui m'ont maintenu dans le secret pendant des années, prétextant que j'étais trop jeune, tous les gens qui m'adulent, qui deviennent hystériques en me voyant. Ils ne cherchent pas à savoir qui je suis vraiment, ils réclament uniquement que je joue un rôle que je déteste. Pendant la guerre, ils ont été tout prêt d'accepter la propagande du ministère pour faire de moi l'ennemi numéro 1 et certains n'ont pas hésité à dénoncer leurs collègues et amis pour obtenir un peu plus de confort ou de sécurité. Mais aujourd'hui ils accusent les gens comme toi de tous les maux. Ces hypocrites oublient à quel point eux-mêmes ont été cruels ou égoïstes.

- La désillusion, hein ? Je peux le comprendre. Moi aussi j'ai cru en quelque chose. Et puis tout a été balayé, mes repères détruits…

Il s'interrompit un instant et Harry respecta son silence. Malgré la présence de la rue moldue juste derrière les fenêtres, un sortilège insonorisait magiquement la demeure des bruits de la ville, ce qui la rendait particulièrement paisible à toute heure de la journée et de la nuit. Les premiers jours, Harry avait trouvé ce silence assez pesant, mais à présent il s'y était habitué et en faisait facilement abstraction pour mieux se perdre dans ses pensées. Ce fut Drago qui l'en sortit, quelques minutes plus tard.

- Alors, tu fais quoi de tes journées si tu ne prépares pas à devenir Auror ?

- Je traîne pas mal dans le monde moldu. Là où je peux être un parfait inconnu. Les parcs, les pubs, les restaurants… Je pense que j'y resterai toujours attaché même si je n'ai aucune famille qui m'y raccroche. Même toi tu pourrais prendre goût à certaines choses.

Harry pensait que le Serpentard allait être scandalisé par ses propos, mais celui-ci se contenta de hausser les épaules.

- Tant que je n'aurais pas récupéré de baguette je serais aussi vulnérable qu'un moldu mais je ne compte pas vivre comme eux pour autant. Pour l'heure, je ne vois pas d'autre solution que d'aller me cacher dans un pays qui n'extrade pas les Mangemorts.

- Mais tu risques d'y être en danger ! Ceux qui étaient présents pendant la Bataille de Poudlard savent que ta mère m'a sauvé la vie ! Tu comptes repartir de zéro ?

Drago parut étonné de l'inquiétude manifeste de son vis-à-vis. Harry Potter était trop lisse, il pouvait lire en lui comme dans un livre ouvert et cette constatation le rendit perplexe. Comment quelqu'un d'aussi transparent pouvait avoir réussi à vaincre le Seigneur des Ténèbres ?

- Tant que je suis ici je suis recherché. Ai-je seulement une autre solution ?

- Reste… s'il te plait. Je trouverai un moyen de te faire innocenter. Tu ne mérites pas ça. Je n'abandonnerai pas tant que tu ne seras pas réhabilité.

- Tu perds ton temps.

- Et si j'ai envie ! Je ne veux pas croire que je me suis battu pour une société aussi injuste.

Drago se leva.

- Je vais me reposer un peu…

Comprenant que la discussion était terminée, Harry se leva à son tour, descendit jusqu'au rez-de-chaussée, enfila une veste et une casquette, prit sa sacoche et sortit de la maison. Il avait besoin de prendre l'air, pour réfléchir. Se souvenir qu'il n'était plus aussi enfermé que pendant la guerre, contrairement à Drago. Il était réellement motivé à trouver une solution mais était-ce seulement possible ? S'il se présentait au Magenmagot en tant qu'Élu, pourrait-il exiger un procès équitable… ?

Dans l'immédiat il voulait rendre heureux le Serpentard pour lui redonner l'envie de se battre, et pourquoi pas lui faire apprécier sa présence forcée à ses côtés…


Fin du chapitre 1.

À la base j'imaginais que cette fanfic serait un one-shot. Après 14 pages et une histoire à peine entamée, je pense pouvoir dire que ça ne sera pas le cas. Rendez-vous donc pour un deuxième chapitre ! \o/ Publication probablement irrégulière mais je vais tenter de publier le second chapitre d'ici deux semaines.