Chers lecteurs,
Bon ben voilà quoi. La suite.
Portez-vous bien, calfeutrez-vous loin de la canicoule, à bientôt,
Al
« Tu as fait quoi ? »
Harry se trouvait face à Hermione, furieuse et surprise à la fois.
« J'ai embrassé Malefoy et j'ai transplané juste après. J'avais l'autorisation de Jones pour prendre deux semaines de congé, ça n'a pas gêné Ginny et Molly de s'occuper des enfants. Donc me voilà.
- Je n'en reviens pas ! On a passé quinze jours en Angleterre et tu as attendu le moment où on est loin pour faire des tiennes !
- C'était pas vraiment prémédité…
- Tu parles. »
Hermione avait du mal à s'en remettre, en effet. Harry eut le bon goût de paraître penaud, sachant que c'était inutile : son amie ne mâcherait pas ses mots.
« Je ne pensais pas que tu comprendrais qu'il fallait te jeter au cou de Malefoy quand je t'ai dit de passer à l'acte. C'est un peu brutal. En même temps, tu n'as jamais été connu pour ton tact. »
Hermione resservit une tasse de thé à Harry. Elle huma sa tasse avec un air béat sur le visage :
« Si tu savais comme j'étais en manque !
- De moi ?
- De thé anglais, corrigea Hermione. Voyons, Harry, je suis toujours en manque de toi, ajouta-t-elle.
- C'est pour ça que je suis venu vous voir.
- Tu es venu nous voir parce que tu fuis les ennuis. »
Elle avait raison. Harry savait qu'Hermione et Ron l'accueilleraient à bras ouverts et que son amie le protégerait de Drago si besoin : pour Ron, c'était moins sûr, il aimait bien laisser Harry dans la panade sentimentale, considérant qu'il en avait suffisamment souffert et qu'Harry devait être son frère de galère aussi pour les sentiments.
« Même si c'est rassurant de voir qu'à presque trente-cinq ans tu te réfugies toujours chez nous.
- Trente-quatre. C'est toi qui as bientôt trente-cinq.
- Ne me rappelle pas mon âge ou je te fais pousser des cheveux blancs.
- Tu en parais toujours vingt-cinq.
- Flatteur. » répondit Hermione, absolument pas convaincue, mais rougissant quand même.
Harry avala une gorgée de son thé brûlant et observa son amie.
Hermione avait l'air radieuse et fatiguée. On commençait à apercevoir le renflement de son ventre. Quand Harry l'avait prévenue qu'il débarquait au Mexique par le premier avion, elle avait demandé à Neville de venir avec elle le chercher à l'aéroport : elle ne voulait pas s'endormir au volant et Neville avait donc servi de juke-box pour le trajet. Neville ne s'était jamais décidé à s'approcher des moyens de transport moldu, ce qui irritait Hermione qui aurait bien apprécié pouvoir compter sur son colocataire pour quelques menus trajets, surtout quand Ron finissait tard le soir : il était, de toute façon, inconcevable de demander à Luna d'aller récupérer les enfants à l'école moldue du coin. Luna était incapable de passer inaperçue.
Harry avait donc été accueilli par Neville et Hermione à l'aéroport moldu de Cancun. Ron travaillait au restaurant et ne serait vraiment disponible que le surlendemain. Les enfants étaient à l'école. Quant à Luna, elle était en excursion vers Veracruz : elle reviendrait dans les prochains jours.
Une fois rentrés à la hacienda de Luna, une fois qu'Harry eut posé ses valises dans la chambre d'ami et pris une douche et qu'il eut donné des nouvelles fraîches des parents Londubat, Neville retourna au jardin s'occuper de ses plantes favorites pour laisser Hermione cuisiner tranquillement Harry.
« Donc ?
- Donc quoi ?
- Ça te fait quoi ?
- D'être amoureux ? »
Hermione ricana :
« Depuis le temps que tu l'es, j'espère que tu t'es habitué au sentiment. »
Au sentiment, peut-être. À Drago Malefoy, jamais.
« De l'avoir embrassé ?
- Les premiers baisers sont toujours indicateurs de ce que va devenir la relation. »
Ah ben tiens. Voilà qu'Hermione était partie dans un nouveau monologue d'analyse comportementale des gens. Harry se renfonça dans la fraîcheur du canapé, prêt à l'écouter, et répondit :
« Développe, t'attends que ça. Tu as toujours besoin d'un auditoire attentif pour donner l'ampleur à ton raisonnement.
- Tu es plus attentif que quand nous étions jeunes, reconnut-elle.
- J'ai appris à laisser parler les suspects.
- Je suis donc suspecte. Ça me va. »
Harry sourit.
« Je pense que le premier baiser dans un couple définit tout le reste, expliqua Hermione, ravie de l'attention que lui portait Harry. C'est la base de la relation, la première approche. Cho pleurait pendant que tu l'embrassais dans la Salle sur demande vide. Résultat : votre relation a été triste et austère. Tu t'es jamais éclaté et ça s'est dégonflé comme un souaffle crevé sans avoir vraiment commencé. Personne n'a jamais su que vous étiez ensemble : votre relation est restée discrète et triste, comme votre premier baiser !
- Ouais…
- Avec Ginny, premier baiser en salle commune…
- Ron en fait toujours des cauchemars ?
- Joyeux et enthousiaste, devant tout le monde, et légèrement irréfléchi. Ça a été ton mariage officiel, la petite-amie que tu as assumée devant tous, parce que tu ne pouvais pas cacher cette relation, mais ça commençait surtout sur une franche amitié. On peut dire que ça n'a jamais été la passion même si c'était enthousiaste. D'ailleurs vous avez toujours été très amis, même encore aujourd'hui. Et pourtant, comme c'était irréfléchi, ça a fini par échouer. »
Il n'y avait rien à faire quand Hermione commençait à développer une théorie : d'une, elle réussissait à tout faire rentrer dedans et à tout expliquer selon son prisme ; de deux, elle déroulait son discours en redisant tous les éléments, même s'il n'y avait pas besoin de remettre une couche sur les échecs amoureux d'Harry. Il fallait attendre que ça passe.
« Selon ma théorie, la relation entre deux personnes est donc à l'image de leur premier baiser.
- Ron et toi ?
- Salle sur demande, ce qui signifie que c'était notre désir le plus cher d'être ensemble, répondit-elle du tac au tac, comme si elle avait attendu cette intervention. Urgence parce que nous allions nous battre, ce qui montre que Ron était la personne la plus nécessaire à ma vie car nous allions possiblement mourir ensemble, et balai à la main et elfes de maison libérés, ce qui est encore le cas aujourd'hui : Ron fait toujours le ménage et la cuisine, je m'occupe du reste. Notre relation était parfaitement équilibrée dès le départ. »
Harry gloussa :
« Et j'étais là, puisque je suis le spectateur comme toujours de votre réussite et votre bonheur. »
Hermione se pencha vers lui :
« Harry, toi aussi tu mérites de trouver ton Ron.
- Eurk.
- Je veux dire, si Drago est la personne qu'il te faut, fonce. »
Harry repensa à son premier baiser avec Drago… Urgence, maladresse, irritation. À l'abri des regards, lors d'une fête peuplée d'inconnus. Tellement déstabilisant qu'il avait fui comme Crockdur dans la Forêt interdite. Et ce sentiment qu'il n'en avait pas assez, qu'il en voulait plus, plus longtemps, plus fort, plus près… Il chassa ses pensées en s'ébrouant.
« Je vois ce que tu veux dire.
- Tu me donneras ta conclusion ? »
Les yeux d'Hermione pétillaient de joie. Harry ne voulait pas confier ce qu'il avait découvert tout de suite : il avait besoin de temps pour analyser.
« Oui, je le ferai. »
Elle opina :
« Bon. Maintenant que ça c'est clair, je te fais visiter ? »
OoO
« Harry !
- Ron !
- Tio Harrico ! »
Rose parvint aux bras de son parrain avant son père et Hugo. Harry la récupéra :
« Dis-moi, tu as encore grandi !
- Comment vont Albus et Scorpius ? »
Harry se sentit vexé : sa filleule n'en avait rien à faire de lui. Tout ce qui lui importait, c'étaient ses deux lascars qu'elle avait abandonnés à leur sort en Angleterre.
« Moi aussi je suis content de te voir.
- Repose-moi, mi tio. Je vais aller chercher l'information moi-même. Mama ! J'ai besoin de Merlin ! »
Harry reposa Rose et prit Hugo à la place. Ce dernier était beaucoup plus enthousiaste à l'idée de voir son oncle et commença à raconter sa journée à l'école en un mélange d'espagnol et d'anglais catastrophique mais enjoué. Harry embrassa Thomas sur le haut du front, déposa Hugo et étreignit joyeusement Ron.
« Tu as fait bon voyage ?
- Ouais. Je suis un peu crevé, je t'avoue, à cause du décalage horaire, mais Hermione m'a donné une potion de régénération, ça devrait faire effet bientôt. »
Ron embaumait le pain chaud et la sauce tomate. Harry était heureux de voir que ses amis l'intégraient toujours dans leur famille sans sourciller ni hésiter.
L'équilibre qui s'était créé entre la famille Weasley-Granger et le duo Neville-Luna faisait plaisir à voir. Depuis quelques temps, comme le lui avait expliqué Hermione, Neville avait rompu avec toutes ses maîtresses (plan cul était un peu injurieux aux oreilles d'Harry) et courtisait Luna. Harry ne pouvait pas juger de l'efficacité de cette cour vu que Luna était toujours à Veracruz mais il soupçonnait, connaissant son amie, qu'elle était totalement à côté de la plaque. Finalement, Luna était un peu comme lui : assez à côté question relations.
Ils passèrent une soirée très agréable une fois que les trois enfants furent mis au lit. Neville était allé leur lire une histoire, pour leur plus grand plaisir : Harry comprit pourquoi en le voyant faire. Neville agrémentait Le dragon amoureux de la sorcière borgne de commentaires savoureux : le dragon se nommait Mauvaise foi et était amoureux de Lune-œil, la sorcière qui finissait par épouser Pantalongbat, le serviteur du dragon (ce qui, dans les souvenirs d'Harry, n'était pas exactement le déroulé de l'histoire). Harry avait donc écouté son fantasme secret jurer doucement en imitant Pantalongbat qui apprenait l'enlèvement de la sorcière par le dragon, chuchotant des gros mots comme s'il confiait des secrets. Harry pensa à Lily qui adorait quand il lui lisait des histoires et imitait le ton de la Mort : Neville était presque meilleur que lui. Dommage que leurs cœurs respectifs soient déjà pris, ils auraient pu fonctionner du tonnerre ensemble !
« Alors ?, demanda Ron une fois qu'Harry et Neville furent redescendus dans la salle à manger.
- Alors quoi ?
- Pourquoi tu squattes ? »
Harry rougit.
« Hermione te l'a pas dit ?
- Si. Mais je veux être sûr qu'elle ne m'a pas menti.
- Ron…, gronda l'intéressée.
- J'ai peur qu'elle prenne ses désirs pour la réalité.
- Ron !
- Je crois qu'Harry a envie de se faire Malefoy.
- Neville ! Comme tu y vas !
- Quoi ? Certes, c'est pas ultra sexy dit comme ça, mais c'est bien résumé, non ?
- Pas vraiment.
- Tu veux pas coucher avec lui ?, demanda Ron, clairement surpris.
- Si. Mais pas que.
- Tu veux l'épouser ?
- Pourquoi il n'y a jamais d'alternative entre coup d'un soir et mariage pour vous autres ?, soupira Harry en levant mélodramatiquement les yeux au ciel.
- Arrête de faire comme Drago, c'est insupportable.
- Oh, alors on l'appelle Drago ? J'ai raté cet épisode. »
La voix de Neville était amère. Harry supposa qu'il était jaloux. Et en effet :
« Je dirai à Luna que son futur fiancé est déjà apprécié dans la famille, puisqu'on lui donne son prénom sans sourciller.
- Neville, on t'appelait Neville bien avant qu'on appelle Malefoy Drago.
- Ouais c'est ça.
- T'as pas de quoi être jaloux, reprit Harry. Drago veut juste se fiancer à une Sang-pur qui lui foutra la paix.
- Il veut l'engager dans une relation stérile ?
- Ben ouais.
- Si ça te gêne tant, commenta Ron en se resservant un verre de rhum, t'as qu'à faire ta demande.
- QUOI ? » rugit Neville.
Harry eut un mouvement de recul tant Neville avait l'air hors de lui. Courageux mais pas suicidaire…
« Ben ouais, reprit Ron qui avait à peine cillé, sûrement habitué aux éclats de voix de Neville. Tu nous emmerdes avec Malefoy et Luna depuis bientôt deux mois. Il serait temps de changer de sujet de conversation. »
Ron avait toujours été expéditif et manqué de tact. Et sous les yeux incrédules d'Harry, Neville convint que Ron avait raison.
« Ouais t'as raison. Je fais ça dès qu'elle rentre. »
Hermione prit sa tête niaise et Harry proposa de boire un shot à la santé des amours de Neville.
Le lendemain, son mal de tête lui fit regretter d'avoir trop bu la veille : il était, en plus de ça, couvert de piqûres de moustiques et commençait à regretter son escapade mexicaine. Il arriva à la cuisine en suivant le bruit qui en émergeait. Ron était en train de servir Thomas et Hugo en lait. Rose comptait ses corn-flakes pour en verser exactement la bonne portion, tout en en mettant de côté pour Merlin, le hibou de la famille. Harry se laissa choir sur une chaise et accepta le café que lui tendit Ron.
« Bien dormi ?
- Dégnalach'horairrrrrr…, gronda Harry.
- Demande à Neville des vitamines ou de la pimentine, il doit avoir ça en stock. C'est bien, Hugo, continue comme ça et ton bol va se retrouver comme par magie sur ta tête. T'auras du lait sur le crâne, il paraît que c'est bon pour le cuir chevelu. »
Hugo comprit l'ironie et les menaces de son père et arrêta de lancer des céréales à la tête de son frère : Harry convint que c'était sage. Il avait déjà vu Ron faire : quand un de ses enfants dépassait les bornes, il leur jetait un sort inoffensif pour quelques minutes. C'était efficace. Rose avait déjà eu la langue collée à son palais après avoir insulté son frère et Hugo avait dû manger un repas avec des mains palmées pour avoir jeté des boulettes de pain à la tête de sa sœur.
« De toute façon, Thomas, c'est le chouchou… C'est lui qui a commencé !
- Pas du tout, mon fils. Thomas est juste trop petit pour vraiment comprendre ce qu'il fait. Ta mère m'a interdit de lui lancer des sorts. Toi, tu sais. »
Hugo grommela et se mit à bouder. Harry allait le réconforter mais Ron lui coupa l'herbe sous le pied : il servit à son fils une tartine de guacamole et lui gratouilla affectueusement la tête. Harry était heureux de voir que ce n'était pas exactement le même fonctionnement chez ses amis que chez lui.
La sonnette retentit, ce qui fit sursauter Thomas qui en lâcha sa timbale de chocolat et se mit à geindre parce qu'il en avait mis partout sur la table.
« Ça doit être Angelo le mécano : il doit passer voir ma moto. Tu peux y aller, Harry ? Je m'occupe de Thomas. »
Harry se leva, s'étira, bâilla et alla jusqu'à la porte d'entrée. Il allait rencontrer son premier Mexicain, peut-être même un Moldu, et était prêt à vivre cette expérience formidable.
Quelle ne fut pas sa déception quand il ouvrit la porte. Quelle ne fut pas sa joie quand il vit qui se tenait devant lui.
« Malefoy !
- Salut. »
