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12 septembre 2021.
Leïa observa son fils lutter avec la fermeture éclair de sa seconde valise, ses doigts tâtant distraitement le rang de perles ornant son cou.
« Est-ce qu'elle pourra même se fermer ? »
Le temps d'un soupir exaspéré, Ben s'accorda une courte pause.
« Oui, Mère, elle pourra se fermer. »
« Permets-moi sérieusement d'en douter. » jaugea Leïa, sourcil haussé.
« Permettez-moi de vous contredire, Mère. » siffla Ben et il claqua deux fois des doigts pour s'exclamer ensuite : « Rey, ramène ton joli petit postérieur ici. »
« Ben ! » réagit immédiatement Leïa.
« Rey Niima, je me tiens humblement devant vous afin de gracieusement solliciter l'aide de votre glorieux arrière-train, si, bien sûr, une telle requête vous sied. » reformula Ben d'une voix robotique.
Adossée contre l'encadrement de la porte, Rey haussa des épaules, sa paille de bubble-tea toujours entre ses lèvres.
« 'kay. » acquiesça-t-elle aisément.
Elle traversa ensuite la pièce, ses pas légers contre la moquette, et eut à peine atteint la valise entrouverte que Ben la soulevait déjà par les hanches pour l'y percher.
« Appuie. » ordonna-t-il.
« C'est ce que je fais. » répondit Rey.
« Appuie plus fort, alors. » continua Ben.
« J'y mets littéralement tout mon poids. » lui fit savoir la brune.
« Mets-y le double. » persévéra Ben.
« Comment veux-tu même que je… »
« Plus fort ! »
« J'y mets toute ma force ! »
« Je savais qu'elle n'allait pas se fermer. » intervint Leïa, presque satisfaite. « Tu ne m'écoutes jamais. »
« Merci de votre soutien indéfectible, Mère. Je n'en attendais absolument pas moins. » susurra Ben avant de s'écrier, sourire victorieux aux lèvres : « A-ha ! »
Toujours installée au-dessus du bagage, Rey aspira d'un trait les dernières boules de tapioca de son gobelet.
« C'est fermé ? » s'étonna-t-elle.
« Presque. » l'informa son meilleur ami, le fermoir ayant effectué une magistrale avancée de deux centimètres. « Plus fort, Rey. »
« Si je pousse plus fort, j'accouche, en fait. »
« Qui sera le père ? »
« Ben ! » s'offusqua une seconde fois Leïa.
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oOo
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Pour une raison obscure, Ben refusait que quiconque l'accompagne à l'aéroport.
Rey reconnaissait bien là ce fameux syndrome du héros-slash-martyr seul face à sa terrible quête, balluchon à l'épaule. Une drama-queen, somme toute, mais cette décision arrangeait tout de même Rey. L'accompagner jusqu'aux portes d'embarquement garantissant une inévitable crise de larmes de sa part, elle souhaitait effectivement lui épargner ce spectacle. Le taxi n'était même pas encore arrivé qu'elle en ressentait déjà les prémisses — c'était dire.
« Est-ce que tu as tout pris ? » lui demanda-t-elle tandis qu'il posait son sac à dos à l'entrée.
« Je pense. » répondit-il.
« Tu penses, mais es-tu sûr ? »
« Oui, j'en suis sûr. »
« Téléphone ? Portefeuille ? Montre ? » énuméra tout de même Rey.
Ben tâta trois différents endroits sur son corps puis opina.
« Ventoline ? »
« Yep. » acquiesça-t-il en pointant la poche arrière de son sac.
« Vador ? » ajouta Rey, sourcils haussés.
Ben tapota cette fois-ci la poche latérale de son bagage, l'oreille gauche du doudou en dépassant, et Rey hocha la tête, un peu plus sereine.
Beaucoup plus triste, aussi.
Ben s'était levé un matin et avait décidé d'aller étudier une année entière en Allemagne. Comme ça, sans préavis. La nouvelle était tombée de façon si abrupte qu'inconsciemment, l'esprit de Rey ne l'avait jamais cataloguée comme réelle. À présent entourée de valises toutes étiquetées d'un 'Benjamin Luke Solo', la réalité de ce déracinement devenait soudain palpable.
« Oh. Tu l'écoutes. »
Rey sortit de ses pensées en un léger sursaut. À sa gauche, Ben avait usurpé son téléphone pour parcourir distraitement son compte Spotify. Il contemplait à présent la playlist 'Do You ?' que la brune avait mise sur pause juste avant de venir.
« Bien sûr. » répondit Rey.
Depuis quand n'écoutait-elle pas les playlists qu'il lui faisait ? Elle se sentit presqu'offensée par la question. D'autant plus que Ben continuait à contempler l'écran, stoïque, comme si sa réponse manquait de conviction. Rey se retint de lever les yeux au ciel. Elle l'aimait, mais sa têtutesse n'allait pas lui manquer.
Elle l'aimait.
Rey déglutit.
Puis le coup de klaxon appréhendé fendit l'air, les rappelant au moment présent. Aussitôt après, Ben se mit en marche tel un automate. Chaussures aux pieds, lacets doublement noués, sac au dos. Prêt à disparaître. Lorsque leurs deux regards se trouvèrent à nouveau, aucun ne trouva les paroles nécessaires pour combler le silence.
« Je pense t'avoir déjà tout dit. » finit par annoncer Ben et il baissa les yeux, pris d'une timidité qu'en plus de dix ans d'amitié, Rey n'avait plus vue. « Du coup… je ne sais pas si… si toi, tu as… si… »
Sa voix finit par s'éteindre, à la plus grande confusion de sa voisine.
« Si..? » l'incita-t-elle.
Ben soupira, les yeux fermés.
« Rey. » prononça-t-il, comme si ces trois petites lettres lui en coutaient.
« …Ben ? » hasarda Rey.
« S'il-te-plaît. Ne… je sais que… mais… s'il-te-plaît. »
Rey était purement, simplement et indubitablement perdue par le fil actuel des événements. Que se passait-il ? Quel était le sens de ces paroles hachées ? Avait-elle raté un épisode ? Un indice ? Il la fixait comme si toutes les cartes étaient déjà entre ses mains.
Depuis les premiers jours, leur relation avait été régie par une compréhension mutuelle et innée, toute parole facultative. Pour une toute première fois, une pièce cruciale du puzzle lui échappait.
« Ok. » finit par se résigner Ben.
Et avant même que Rey ne puisse comprendre à quelle conclusion obscure il semblait s'être résolu, Leïa apparut dans le vestibule d'entrée, mains sur les hanches.
« Le taxi attend, jeune homme » le pressa-t-elle.
« Merci, Mère, de douter de mon ouïe. » répliqua Ben du tac au tac.
Malgré la circonférence de son sac, il se pencha en avant pour prendre sa voisine dans ses bras et murmurer tout contre sa tempe :
« Prends soin de toi, Rey. »
« Toi aussi. » répondit-elle, la gorge serrée. « Appelle-moi quand tu arrives à l'aéroport. Et juste avant de décoller. Et après l'atterrissage. Et dès que tu arrives en résidence. »
« Sans faute. » promit Ben.
« Si tu ne le fais pas, je prends aussitôt un aller pour Berlin. »
« Ok. » rit Ben, la voix un peu humide. « Ok. » répéta-t-il en se redressant puis, après une profonde inspiration : « Ok. »
Il encadra de deux paumes larges la figure de Rey pour embrasser délicatement son front. Puis il prit sa valise et marcha droit vers la porte sans un regard en arrière.
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Hashtag : le début des problèmes. En espérant que vous ayez aimé cette petite suite, à très bientôt ! :)
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Rar :
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Lulu : Très heureuse que tu aies aimé ! :)
Manon : Yesss, je suis contente de recommencer à poster des formats plus longs. Merci beaucoup ! :)
Ilybryry : Une très grande envie de faire des câlins, haha, tu les as bien cerné ! Très contente que tu aimes ce petit début en tout cas ! :)
Justine : Hahaha, connaissant à quel point les trajets sur la 13 sont rudes, je suis contente que tu aies pu trouver refuge dans ce petit début d'histoire. En espérant que tu apprécies la suite tout autant ! :)
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See you (very) soon ! 🌟
