Notes de l'auteur : La saga Twilight appartient à Stephenie Meyer. Je joue juste un peu avec son histoire, et j'en blâme mon obsession qui s'appelle Carlisle Cullen. Je ne le possède pas non plus ; seul Stephenie Meyer a ce bonheur. J'ai un immense respect pour son écriture et tous les merveilleux personnages qu'elle a créés.
Sans m'épancher plus, voici le résumé : l'histoire se déroule environ huit ans après la fête d'anniversaire de Bella dans New Moon. Depuis lors, Bella n'a plus entendu parler d'aucun des Cullen et elle a poursuivi sa vie, vivant maintenant dans la ville de Buffalo dans l'Etat de New-York. A vingt-six ans, elle est plus que satisfaite de sa vie car elle passe ses journées à faire ce qu'elle aime le plus. Sa propre librairie associée à une vie convenablement calme et confortable équivaut à un modèle qui la comble. Jusqu'au jour où...
Pairing : Bella / Carlisle
Rating : M - pour les futurs chapitres
Notes du traducteur : Salut tout le monde ! Je me suis lancée dans la traduction d'une fiction en anglais sur un couple assez atypique dans cet univers ^^ Mais j'avoue avoir comme l'auteur de cette histoire, une préférence pour le personnage de Carlisle Cullen qui est à mon goût peu exploité dans la saga de Twilight (on peut pas toujours avoir tout ce qu'on veut ;) et ce n'est pas le personnage principal après tout !)
Tout l'univers appartient à Stephenie Meyer ainsi que ses personnages. Cette fiction est l'entière exclusivité de l'incroyable AylenBc qui m'a gentiment autorisé à traduire sa fiction en français. Toute l'intrigue de cette histoire lui revient ainsi que les idées et les quelques personnages OC présents. Le pairing est annoncé partout dans cette fiction, donc ceux qui n'aime pas ce couple, vous pouvez passer votre chemin.
Si possible et si vous pouvez, lisez cette fiction en VO dont voici le lien (sans les espaces) : : / / w w w . fanfiction s / 10290415 / 1 / Paths - to - Entwine
Au niveau du rythme de publication, je pense publier un chapitre par semaine, de préférence le jeudi sans être certaine que cela n'évoluera pas au cours du temps. Cette histoire comprends 52 chapitres et est assez longue à traduire mais rassurez-vous, elle est terminée en VO et je compte bien la traduire jusqu'au bout.
Résumé : Huit ans après le départ des Cullen de Forks, Bella a déménagé et s'est installée dans la ville nuageuse de Buffalo. A vingt-six ans, elle est plus que satisfaite de la vie qu'elle mène. Mais quand quelqu'un de son passé oublié revient pour lui donner un avertissement, Bella se retrouve une nouvelle fois à la croisée des choix et des décisions. BellaXCarlisle
« Nous sommes ce que nos pensées font de nous alors méfiez-vous de ce que vous pensez.
Les mots sont d'une importance secondaire.
Les pensées vivent elles voyagent loin. »
- Swami Vivekananda -
Ce que le jour apporte
Mes yeux dansaient le long des lettres noires imprimées sur la page. Ces lettres qui devenaient des mots. Ces mots qui devenaient des phrases. Ces phrases qui devenaient des histoires. Et de manière presque inattendue, des images, des rêves et des sentiments voyaient le jour. C'était ce que les mots créaient parfois et il y avait presque quelque chose de magique à ça. C'était étrange de voir comment une simple phrase pouvait faire naître des frissons le long de votre échine et provoquer des émotions que vous ne pensiez même pas ressentir, mais c'était de cela qu'il s'agissait. Ils avaient le pouvoir de laisser une marque indélébile. Ils avaient le moyen d'influencer votre façon de penser. Ils avaient aussi le pouvoir de nous faire s'attarder sur un point impossible à oublier.
Les mots laissaient des cicatrices, des marques, des images – mais plus important encore des sentiments. Des émotions qui n'avaient aucun moyen de naître sans d'abord être façonnées par les mots. Ou sans les lire. Ou en les écrivant. Ou juste en s'en souvenant.
J'ai fermé la couverture du livre avec un sourire en laissant mon doigt courir le long de la reliure. Après avoir jeté un coup d'œil au titre du recueil, je l'ai placé sur le petit support devant moi. Levant les yeux, je regardai par la grande vitrine du magasin le flux de personnes qui passaient. Une ou deux d'entre elles s'arrêtaient parfois pour regarder les livres de plus près mais elles continuaient finalement leur chemin sans prendre la peine d'entrer dans la petite librairie.
Je réprimai un soupir tandis qu'une vague de déception me submergeait. Mais rapidement j'ai chassé ce sentiment pour m'accroupir à côté d'une grande boîte en carton. Elle était remplie d'exemplaires du nouveau livre qui m'avait intéressée il y a quelques semaines. Le lot que j'avais commandé était arrivé aujourd'hui. Ce roman avait reçu de très bonnes critiques et c'est pourquoi j'espérais ne pas être la seule intéressée à le lire. Peut-être qu'une personne aussi émerveillée par les mots que moi était en chemin en ce moment. Peut-être que quelqu'un en achèterait un exemplaire.
Sinon, eh bien… je suppose que je devrais les vendre à prix réduit. Encore.
J'ai continué mon travail qui était de remplacer les livres du mois dernier reposant en vitrine. Je ne pouvais m'empêcher d'être un peu blasée en ce qui concernait ceux qui attiraient les clients en exposition. J'avais parfois tendance à exposer mes préférés. Ouvrant une nouvelle boîte, j'ai extrait un livre d'une couverture bleu sombre. Ce que le jour apporte, en était le titre. Après avoir réalisé que je n'avais pas encore lu celui-ci je mis un exemplaire de côté décidant de m'y plonger dès que j'en aurais le temps, et j'ai placé un autre exemplaire sur le dernier support vide. Commençant discrètement à fredonner je lus rapidement les titres des livres avant de les exposer face à la rue derrière la vitrine.
Fins et commencements…. Retour dans le passé…
… et Destinés.
Après avoir placé le dernier exemplaire sur le support je suis sortie du magasin afin de m'assurer que la rangée était belle ainsi qu'ordonnée vue de l'extérieur. J'ai essayé de regarder la vitrine du point de vue d'un client potentiel tout en me demandant si le magasin avait l'air attrayant. En regardant par la fenêtre mes yeux étudièrent les étagères imposantes qui remplissaient l'espace. Le magasin n'était pas immense et ne possédait pas une collection illimitée en littérature comme certaines grandes librairies. Ce magasin-ci pouvait être décrit comme petit et intime – comme un chez-soi.
Et je l'adorais. J'adorais chaque petite chose du magasin. J'adorais chaque vieille étagère en bois, chaque livre posé dessus – même ceux que je n'avais pas encore pu lire – et j'aimais même l'énorme araignée présente sous le comptoir que j'avais trop peur de tuer. J'adorais tout cela aimant encore plus le fait que c'était à moi.
Il n'en avait pas toujours été ainsi. Pouvoir appeler cet endroit mien n'était pas arrivé du jour au lendemain. Il était cependant étrange que la toute première fois où j'avais mis le pied dans le magasin, j'avais su que je souhaitais passer toutes mes journées dans un endroit comme celui-ci. Déjà à l'époque, il y régnait une certaine atmosphère – et en tant que personne aimant la littérature – il était aisé de s'y imaginer travailler. A ce moment-là, je n'aurais pas cru que ce souhait se réaliserait un jour et certainement pas de cette manière. Si quelqu'un s'était approché de moi pour me dire qu'un jour je serais propriétaire de cet endroit je ne l'aurais pas cru. Même l'idée d'y travailler avait semblait trop belle pour être vraie.
J'avais toujours vécu avec parcimonie – un trait de caractère dont aujourd'hui j'étais reconnaissante car cela m'avait finalement permis de réaliser ce rêve. Non pas que je comptais acheter une librairie lorsque j'avais commencé à économiser. Après le lycée puis l'université et l'argent gagné en travaillant le soir et le weekend, j'avais décidé de faire mes valises et de prendre un an ou deux pour voyager.
Charlie s'y était opposé. Il avait insisté pour que je prolonge mes études ou que je trouve un bon emploi mais heureusement je ne l'avais pas écouté. Renée avait été plus réceptive à propos de mes projets – venant d'elle, je n'en attendais pas moins connaissant sa nature aventureuse – elle avait même proposé de me soutenir financièrement. Je suppose qu'elle se souvenait mieux que Charlie de ce que c'était que d'être jeune et d'avoir soif d'expériences. Son geste avait été très attentionné mais j'avais refusé de lui prendre de l'argent arguant que c'était une chose que je souhaitais faire par moi-même.
Je n'ai jamais su pourquoi cela m'avait tant tenu à cœur. J'imagine qu'après tant d'années à vivre selon certaines règles et attentes, je voulais me retrouver et me donner du temps pour pouvoir décider où aller et quoi faire. Cela avait peut-être été une recherche d'indépendance même s'il avait fallu un certain temps pour me l'admettre.
« Tu ne peux pas voyager seule à travers le monde », m'avait dit Charlie au téléphone toujours en désaccord avec mes plans. Je n'avais pas ressenti la nécessité de m'énerver contre lui. Je savais qu'il était juste inquiet à se rendre probablement fou à imaginer tous les dangers possibles qui pourraient m'arriver.
« Je ne voyage pas à travers le monde, avais-je répondu en riant. Juste aux États-Unis »
Il avait été aisé d'imaginer la manière frustrée dont Charlie avait dû secouer la tête. Puis il avait énuméré une vingtaine de bonnes raisons pour lesquelles je ne devrais pas le faire. Mais aucunes n'avaient été assez dissuasives pour moi.
« Très bien », avait-il finalement accepté d'un profond soupir. Même par téléphone j'avais pu sentir sa gaucherie alors que sortant de ses lèvres des mots d'affection avaient suivi. Charlie n'avait jamais été trop à l'aise avec tout ce qui touchait les sentiments, alors les exprimer. « Fais juste attention Bells, m'avait-il dit d'une voix bourrue. Je t'aime »
J'avais raccroché le téléphone le sourire aux lèvres. Et le lendemain matin j'avais dit au revoir à Renée et Phil ainsi qu'à la belle maison sur la plage qui était devenue la mienne pendant mes années à l'université.
Le monde ne m'avait pas déçu mais il ne m'avait pas non plus convaincu à errer très longtemps. Il ne m'avait fallu que quelques semaines pour arriver à la conclusion que les expériences n'étaient pas des choses qui se recherchaient mais qu'elles venaient au contraire à soi. Après quelques mois de voyage à dormir dans des motels bon marché et à occuper des emplois temporaires qui ne payaient pas autant qu'ils auraient dû, je me suis soudain retrouvée dans la ville de Buffalo dans l'État de New-York.
Je me souvenais encore de ce jour avec une clarté parfaite. Il pleuvait et j'avais cherché un motel ou autre par m'abriter de la pluie lorsque les lumières de la petite librairie avaient atteint mes pupilles. Au début j'ignorais que j'allais me réfugier dans une librairie. J'avais plutôt pensé que c'était une pharmacie ou une boutique de dépannage en tout genre. J'étais tellement pressée de m'abriter de la pluie que je n'avais pas pris la peine de regarder le panneau accroché au-dessus de la porte.
L'odeur avait été la première chose que j'avais remarqué après avoir secoué les gouttes d'eau de mes vêtements et essuyé celles de mon visage. L'odeur du papier et de l'encre – c'était toujours une chose qui activait les endorphines de mon corps pour les faire valser dans mes veines. J'avais regardé autour de moi ce petit magasin pittoresque et j'avais instantanément été conquise.
Et quelques jours plus tard après avoir parlé à la propriétaire, j'avais commencé à travailler là-bas sans me douter du nombre d'années merveilleuses qui m'attendaient, ni combien de merveilleux moments je passerais à naviguer entre les étagères anciennes. Je n'avais aucune idée que ce serait ici que je me retrouverais des années plus tard. Il était étrange qu'un seul jour de pluie ait pu avoir un impact aussi énorme sur la vie d'un être. Mais je suppose que la vie avait tendance à être ainsi parfois. Imprévisible.
J'avais réussi à me débrouiller avec très peu d'argent ne le dépensant que pour des nécessités comme la nourriture et le loyer. J'avais mis de côté la plupart de mes payes, économisant autant que j'avais pu. J'ignorais ce qui m'avait poussé à le faire. Peut-être avais-je songé à étudier ou à revoyager dans l'avenir. Mais presque sans m'en rendre compte, j'avais commencé à apprécier cette vieille ville bordée d'un immense lac. Et plus important encore j'avais commencé à aimer la petite librairie idyllique dans laquelle je passais toutes mes journées. La pensée de voyager et même de reprendre des études avait commencé à disparaître de mon esprit au fil des mois. Puis vint le moment où j'ai réalisé que je ne voulais plus partir.
Cette réalisation m'avait d'abord surprise. Surtout parce que je ne m'étais pas imaginée être capable de m'installer aussi facilement. Après tout j'avais quitté la maison pour pouvoir voyager autant que je le voulais tout en réalisant les choses que j'avais toujours voulu faire. Afin que je puisse voler de mes propres ailes et vivre dans un changement constant afin de découvrir qu'il n'y avait rien de mieux que de ne pas savoir de quoi demain sera fait. Je n'avais pas quitté la maison pour en chercher une autre. C'est ce que je m'étais dit. Mais plus tard en y repensant, je m'étais demandée si inconsciemment je ne l'avais pas juste recherché au contraire. Une chose qui m'appartienne. Un endroit que je pourrais appeler maison.
Par conséquent je pourrais dire que mon inconsciente quête d'indépendance avait été quelque peu atteinte. Après tout c'était devenu bien plus qu'une quête. C'était devenu une vie.
Et donc… j'étais restée. Et c'était une chose que je ne regretterais jamais. Les années avaient passé rapidement et finalement le jour était arrivé où la propriétaire de la librairie avait décidé de prendre sa retraite. J'en étais presque tombée de l'échelle sur laquelle je me tenais lorsqu'elle m'avait proposé de me la vendre. La gérante n'avait pas d'enfants mais elle avait d'autres parents. C'est pourquoi cela m'avait surprise qu'elle soit venue me voir en premier au lieu de proposer son entreprise à ses nombreux neveux et nièces. Peut-être avait-elle désiré qu'une véritable fanatique de livre continue son travail.
Cela avait été ma dernière étape. La pièce manquante du puzzle quand je lui avais donné une réponse positive sans prendre le temps de réfléchir un seul instant. J'avais eu toutes mes économies pour appuyer ma décision et même si cela n'avait pas été suffisant pour acheter la valeur totale du magasin en une seule fois, je savais que j'avais fait la bonne chose à faire. Cela avait été une décision effrayante. Oui. Mais en même temps je ne m'étais jamais sentie aussi bien. Et je me connaissais donc je savais ce qui pouvait me rendre heureuse. C'était définitivement une chose qui le pouvait donc j'avais décidé de me lancer.
Je ne m'étais jamais retrouvée à regretter ma décision même si l'argent venait parfois à manquer. Mon revenu était juste suffisant pour me permettre de verser les paiements que je devais à la précédente propriétaire quelques fois dans l'année. L'amortissement de ma dette avait été un long procédé mais heureusement, il serait achevé dans quelques mois. Dans l'ensemble tout allait bien dans ma vie. Tout allait plus que bien. J'avais de la chance de me réveiller tous les jours en sachant que j'allais faire quelque chose que j'aimais plus que tout. Les livres et la lecture avaient toujours été ma passion sans imaginer qu'un jour ils en deviendraient aussi mon gagne-pain.
Revenant au moment présent, je retournai à l'intérieur. La petite clochette au-dessus de la porte se mit à tinter alors que j'entrais – j'en aimais beaucoup le son. Elle ajoutait une touche agréable au magasin. Après avoir rangé le reste des livres sur les étagères et emporté les cartons vides dans le bac de recyclage à l'arrière du magasin, je me suis assise derrière le comptoir tout en ouvrant un des livres que je n'avais pas eu le temps de finir. Parfois les journées étaient si chargées que je n'avais presque pas le temps de m'asseoir mais des jours comme celui-ci où les livres ne paraissaient intéresser personne, je passais généralement mon temps à lire s'il n'y avait rien d'autre à faire. Et je devais connaître ce que je vendais après tout. Ou c'est ce que j'aimais habituellement me dire comme excuse lorsque je commençais à me sentir paresseuse.
La cloche tinta soudainement au-dessus de la porte. Je levai les yeux du livre m'attendant à voir un client entrer.
Mais ce n'était pas un client qui arrivait – c'était quelqu'un d'autre. Je parierai le maigre salaire que je recevais qu'il n'était pas venu ici pour acheter un livre. Parce que si jamais venait le jour où je le verrais prendre de sa propre initiative un livre entre les mains, je danserais nue tout autour du pâté de maison en chantant Jingle Bells aussi fort que possible. Voilà à quel point j'en étais persuadée. S'il n'y avait pas d'image, c'était bien trop ennuyeux à regarder pour lui.
J'adressai un sourire ironique à l'homme qui était entré tout en mettant mon livre de côté. « Adrian », saluai-je.
Le jeune homme debout près de la porte avait de courts cheveux bruns et des yeux de la même couleur de brun foncé. Il laissa la porte se refermer derrière lui puis piétina le sol de ses pieds avec un large sourire sur le visage. Je connaissais cette expression – il s'apprêtait à dire quelque chose d'insolent comme toujours. J'estimai qu'au moins la moitié des choses qui sortaient de sa bouche étaient soit des blagues, soit des bêtises.
Adrian se rapprocha fourrant ses mains gantées dans ses poches. « Tu sais, commença-t-il, j'aimerais beaucoup te parler et te demander comment s'est passé ta journée et ainsi de suite mais la file de clients qui est ici est si longue que j'ignore quand mon tour sera venu »
Tapotant de mes doigts le comptoir, je lui lançai un sourire amer. « Très drôle, répondis-je en regardant le magasin désespérément vide autour de moi, c'est seulement un de ces jours plus calme que d'habitude »
Adrian appuya ses coudes contre le comptoir tout en jetant un œil aux étagères et aux espaces vides entre-elles. « Calme tu dis ? demanda-t-il sarcastique. Bella cet endroit est désert.
– Ce ne sera pas le cas demain, insistai-je en me dirigeant vers l'arrière-boutique du magasin pour lui verser une tasse de café.
– Je dis juste ça comme ça, l'entendis-je marmonner. Peut-être qu'il serait temps de repenser à toute cette histoire de librairie.
– Je ne vais pas y repenser », soupirai-je en revenant vers lui avec le café. Adrian le prit en murmurant un petit merci. Il avait l'air un peu plus fatigué que de coutume. Je me demandai s'il avait eu une dure journée derrière lui. Il travaillait sur un chantier de construction quelque part en ville et il était probablement debout depuis deux fois plus longtemps que moi aujourd'hui.
« Et d'ailleurs », continuai-je tout en cherchant le balais par habitude. Après l'avoir trouvé je me suis mise à rapidement balayer le plancher du magasin mais il n'y avait pas grand-chose à nettoyer. Ça avait été vraiment une journée tranquille. « Tu es juste jaloux qu'à l'inverse de toi, j'ai un travail fixe »
Adrian commença à tousser, s'étouffant apparemment avec son café. J'ignorai si c'était arrivé parce qu'il était tellement surpris par mon commentaire ou parce qu'il riait si fort. Je devinai rapidement du fait de mon expérience que c'était la seconde option. Jetant un regard ennuyé dans sa direction, j'abandonnai le balai pour me rasseoir derrière le comptoir afin d'attendre qu'il se remette de sa crise. Souriant doucement en le voyant reprendre sa respiration, je posai mon menton dans ma paume tout en observant son visage rouge.
Nous avions une relation atypique Adrian et moi. Je le connaissais depuis quelques années et j'avais l'impression qu'il avait été mon ami dès le premier jour où je l'avais rencontré. Il avait vingt-sept ans soit un an de plus que moi. Il fut un temps où nous étions assez semblables mais plus maintenant. La plupart du temps nous étions comme le jour et la nuit, nous chamaillant toujours, plaisantant sur tout mais nous nous entendions toujours très bien. Nous avons eu nos tempêtes cela ne faisait aucun doute. Je me souvenais encore de l'attirance folle que j'avais eu pour lui peu de temps après avoir appris à le connaître. Le sentiment avait été réciproque et ce qui avait débuté comme une amitié était devenue quelque chose de plus avec le temps. Mais nous avions nos différences et plus tard nous nous étions rendu compte que la seule chose que nous avions véritablement en commun était notre entêtement. Ce qui n'était pas vraiment une bonne chose.
Et ainsi les étrangers étaient devenus des amis, les amis étaient devenus des amants et finalement les amants étaient redevenus des amis après avoir réalisé que l'amitié était une chose beaucoup plus simple à gérer. C'était la meilleure option pour nous deux. Bien sûr je me souciais toujours d'Adrian mais tout ce que j'avais ressenti de romantique pour lui avait disparu depuis longtemps. C'était étrange de voir comment la vie nous mettait à l'épreuve en jetant constamment devant nous quelque chose sur notre chemin – des gens, des évènements, une librairie – et de cette façon nous permettait d'apprendre des choses sur nous-même dont nous n'avions même pas conscience auparavant. Comme si une chose nous guidait constamment dans la bonne direction sans que nous l'ayons vu au début. Mais aussi certaines choses qui n'auraient pas dû être. Personne ne le disait au début. Personne ne nous prévenait. J'avais été forcée à l'apprendre comme tout le reste.
Adrian repoussa sa tasse de café haletant toujours. « Jaloux, réussit-il à respirer, tu penses que je suis jaloux de ça ? Être assis dans une librairie jours après jour en me privant d'air frais et cela pour toujours ? »
J'ai roulé des yeux à son commentaire sachant qu'il ne faisait que me taquiner. Bien qu'il ne puisse pas comprendre ma passion envers mon travail, je savais qu'au fond il respectait mon audacieuse décision d'acheter le magasin. Adrian était l'une de ces personnes qui s'efforçaient de faire bouger les choses et les rêves. Je ne connaissais personne d'autre ayant ce genre de capacité à vivre de l'instant présent.
Souriant j'ai baissé la tête en direction des gants qu'il avait ôtés et posés sur le comptoir. Ils étaient presque inutilisables tellement ils étaient usés. « Regarde-toi, le taquinais-je, tu as vraiment dû travailler dur aujourd'hui pour les abîmer ainsi. Et moi qui pensais que tu passais ton temps à papoter »
Adrian se redressa en secouant la tête. « Non, dit-il, j'aurais aimé mais c'est trop bruyant là-bas. Personne ne m'entendrait. C'est pourquoi j'ai besoin de déverser ici tout ce sarcasme refoulé.
– Quelle chanceuse je suis », souris-je en prenant un gant pour le jeter doucement sur lui. Il frappa son visage avec un bruit sourd satisfaisant. « Combien de semaines te reste-t-il ?
– Seulement deux ou trois, sourit Adrian en haussant les épaules. Et puis… » Il s'arrêta pour l'effet. « Ces gants ne serviront bientôt plus.
– Tu réalises qu'on a plus l'impression qu'ils t'ont servi à te battre qu'à t'assister jusqu'à la fin de ton travail ?
– Ce n'est pas mon travail, a déclaré Adrian soulignant le dernier mot. Ce n'est que temporaire. Tu sais une dernière petite souffrance avant que le plaisir ne débute véritablement. Il faut bien payer les cotisations »
Je souris à son choix de lexique soudain un peu triste. « Je ne peux pas croire que tu partes vraiment »
Adrian haussa les sourcils. « Si je vais vraiment autant te manquer, pourquoi ne viens-tu pas avec moi ? »
En riant, je lui pris la tasse de café vide tout en allant dans l'arrière-boutique pour la rincer. « Ouais c'est ça, murmurai-je, tu ne sais même pas où tu vas.
– Je ne sais pas c'est vrai. C'est justement la meilleure partie »
J'ai secoué la tête en souriant. En me tournant vers lui, j'ai réalisé qu'il n'avait pas changé d'un iota depuis le jour où je l'avais rencontré pour la première fois. Il était toujours cette même boule d'énergie qu'il était à l'époque, jamais capable de rester immobile. Il n'acceptait jamais un travail qui durait plus de deux mois affirmant mourir d'ennui s'il le faisait. Il avait besoin de changement constant dans sa vie et l'idée de s'installer l'effrayait tout simplement. Ces trois dernières années il les avait passé ici dans la ville calme de Buffalo, ce qui était certainement son record personnel quand il s'agissait de rester à un endroit. C'est incroyable qu'il ait pu rester aussi longtemps au même endroit et c'était encore plus étonnant qu'il n'en soit pas devenu fou.
Je suppose que c'était la raison pour laquelle je l'avais tant apprécié lorsque je l'avais rencontré pour la première fois. Je m'étais beaucoup reconnue en lui à l'époque. Mais si Adrian était resté le même durant toutes ces années, ce n'était pas mon cas. Si j'avais été comme lui de nature – ou si je n'avais pas traversé ce mystérieux processus de changement et d'évolution – qui sait, je pourrais être encore avec lui et nous voyagerions probablement Dieu sait où en ce moment même.
Cette pensée ne me rendit pas spécialement mélancolique. Je connaissais le chemin que je devais prendre et je savais que ce n'était pas le même qu'Adrian avait devant lui.
« Bien sûr que tu me manqueras », répondis-je en revenant vers lui. J'avais commencé à éteindre les lumières et à me préparer à fermer le magasin. « Mais je sais que je suis là où je suis censée être. Et tu le sais aussi »
Étrangement Adrian n'essaya même pas de faire une blague. Ce qui ne lui ressemblait pas du tout. « Ouais, murmura-t-il doucement, je sais »
Nous sommes restés ainsi un certain temps, deux personnes se ressemblant autrefois mais qui avaient constaté que les années avaient changé que l'un d'entre eux. Cela me fit réaliser qu'Adrian n'avait pas changé car il n'en avait nul besoin. L'homme que j'avais rencontré il y a plus de trois ans était déjà la personne qu'il était censé être. Il n'avait pas changé ou grandi car il se connaissait déjà. C'était moi qui n'avais pas encore cette connaissance de moi c'était moi qui avais eu besoin de grandir et de changer afin de devenir la personne que je devais être.
Et c'est ce que j'avais fait. J'ai pensé à la fille qui avait fait ses valises après ses études accompagnée des seuls encouragements de sa mère et des avertissements de son père à ses oreilles. Souriant au souvenir je me demandai à quel point ma vie aurait été différente si je n'avais pas obstinément décidé de partir ce jour-là.
Aurais-je continué à étudier, commencer une carrière et peut-être rencontré quelqu'un sur la route ? Que j'allais vivre ailleurs, loin de cette ville que j'aimais tant ? Aurais-je eu une maison et une famille au lieu du petit logement bon marché et de cette vieille librairie ? Serais-je endormie tous les soirs aux côtés de quelqu'un plutôt que seule ?
Je l'ignorai. Mais ne pas avoir de réponse à toutes ces questions ne me dérangeait pas. Je ne pouvais pas imaginer une vie différente. J'étais heureuse malgré toutes ces choses qui manquaient à ma vie. Famille – amour – ces choses me paraissaient si loin en cet instant. Je n'avais jamais rêvé d'avoir des enfants sans pour autant nier la possibilité de les avoir si le moment se présentait un jour. Mes sentiments étaient plutôt neutres à ce sujet.
En ce qui concernait l'amour… J'avais parfois l'impression de ne pas avoir de chance de côté-là. Finalement il était peut-être plus facile pour moi d'accepter le fait que ce n'était pas une chose faite pour moi. Cela ne m'attristait pas – pas vraiment. Et cela ne me donnait certainement pas l'impression qu'il me manquait quelque chose.
Parce que j'avais l'impression de vivre mon propre idéal. Ce n'était pas une vie mûrement réfléchie et précisément définie c'était la mienne et elle était celle que j'avais créé. Imprévisible, car on ne devrait pas planifier sa vie. On devrait juste la vivre sans avoir l'impression d'exécuter une tâche. Parce que la vie n'était pas une performance ou un examen où il était nécessaire d'avoir les meilleures notes.
Éteignant le reste des lumières tout en laissant celles illuminant la vitrine de présentation, je me tournai vers Adrian en cherchant les clés dans mes poches. A la dernière minute, je me suis rappelée de fermer la caisse et de mettre les reçus de côté. Cela ne me pris que peu de temps, le journée ayant été très calme. J'aimais maintenir une trace précise de mes revenus et dépenses même si parfois les chiffres étaient parfois déprimants et n'avaient pas l'air aussi bons qu'ils auraient dû l'être. Mais j'avais appris à ne pas trop m'y attarder. Les choses avaient toujours tendance à se décanter seules. Cette semaine pouvait être calme mais la prochaine meilleure. Ça avait toujours été ainsi. Les gens n'arrêteraient jamais de lire – c'était une de ces choses qui ne changerait jamais.
« Es-tu prête à y aller ? » demanda Adrian en se dirigeant vers la porte. J'ai hoché la tête tout en attrapant mon manteau pour le suivre dehors. L'air se refroidissait et je soulevai mon col après avoir fermé la porte derrière moi. J'ai actionné deux fois la poignée pour m'assurer qu'elle était bien verrouillée.
Avant de continuer sur le trottoir, j'ai jeté une nouvelle fois un coup d'œil à la vitrine lumineuse pour regarder les livres que j'avais précédemment rangés derrière. Ce que le jour apporte, Fins et commencements, Retour dans le passé et…
« Destinés », chuchota Adrian d'une voix mélodramatique en tapotant la fenêtre de son index
J'ai frappé son bras, ne pouvant ignorer autrement ses taquineries. Il y avait quelque chose dans les titres de ces livres qui faisait naître un frisson le long de mon épine dorsale. C'est la raison pour laquelle j'avais choisi de les mettre en évidence. Cependant je ne pouvais pas saisir l'étrange impression qui m'envahissait, ne pouvant de toute façon pas l'expliquer même si je l'avais voulu. Peut-être que je n'étais pas censée m'en préoccuper ce n'était que des mot après tout. Ils évoquaient des images, des impressions, des sentiments… des choses dont il n'était pas possible de décrire à voix haute.
Je me détournai de la fenêtre en essayant de me débarrasser de cette sensation particulière. Mais quand je me suis rendu compte que c'était impossible, je l'ai simplement emporté avec moi tout en permettant aux dangereux frissons de parcourir mon échine.
