Bonjour, j'espère que votre dimanche se passe mieux que le mien haha.

Merci infiniment d'avoir pris la peine de me donner votre avis, je pars donc sur des chapitres plus long (env. 5000) mots ce qui devrait permettre à cette fanfiction de ne pas faire 250 chapitres haha ! Je vous aime et je ne savais pas que vous étiez en tout cas 10 à lire ce machin ! Donc ça me fait trèèès plaisir ! Encore merci !


Rester coincer dans un appartement avec un ver maléfique - d'accord, Harry pouvait sans doute le gérer. Il avait vécu des situations bien plus inconfortables que celle-là, dans sa courte vie. Certes, celle-ci sortait légèrement de l'ordinaire, elle avait un petit goût d'inattendu qui aurait pu être plaisant dans d'autres circonstances mais la pointe de catastrophe qu'elle présentait n'était pas suffisamment épaisse pour le faire fuir. Non.

En revanche, être coincé dans un appartement avec non seulement un ver maléfique mais en plus une peluche possédée par il ne savait quoi -

Oui, c'était là qu'Harry traçait la limite. Là, c'en était trop.

Sans parler du fait qu'il y avait aussi Lord Voldemort dans la pièce mais - mais comme il était complètement hors d'état de nuire, Harry décida qu'il ne méritait pas de rester sur cette liste. Il referma doucement la porte du placard. Il lui sembla que la peluche le suivait du regard. Super. C'était dans son imagination, essaya-t-il de se persuader : la peluche était incapable d'esquisser le moindre geste, cette impression ne pouvait venir que de sa crainte.

Sauf que non. Harry avait très bien vu les effets de ce jouet sur le gosse moldu. Il avait vu les énormes bras d'ombre se précipiter vers eux. Cette chose était néfaste et était tout à fait susceptible de lui faire du mal. Cette chose, quelle qu'elle soit, était capable d'attaquer, de prendre des décisions. La laisser dans le placard était tout à fait rationnel, tout à fait sensé. Le seul problème c'était bien sûr qu'elle était probablement apte à ouvrir la porte - grâce à ses appendices. Mais bon, Harry réglerait ce problème le moment venu s'il survenait.

Il décida de mettre de côté toute cette mésaventure. Il en toucherait un moment à Riddle lorsque celui-ci serait à nouveau sur pied. Qu'avait-il l'intention de faire d'un truc pareil ? Quel était le but de garder une peluche possédée par il ne savait quoi ? Attaquer des moldus ? Ça paraissait tellement… mesquin et tellement en dessous de ses ambitions que ça en devenait peu probable (il l'espérait).

Bon, essayer de comprendre comment l'esprit de Tom Riddle fonctionnait serait une entreprise complètement veine, de toute façon. Et Harry n'avait absolument pas l'intention de s'atteler à cette tâche. Ce qui le ramenait précisément à son problème de base : à boire et à manger. Il ne voyait pas où, dans l'appartement, il était censé trouver de la nourriture. En fait, tous les faits semblaient pointer dans la même direction : démontrer que Riddle ne se nourrissait pas. C'était … inquiétant, bien sûr.

Sauf qu'Harry l'avait déjà vu manger. Souvent, même. Le soir quand il le rejoignait au chaudron baveur ou lorsqu'ils étaient allés en Russie. Le temps passait vraiment vite… et de se dire qu'il avait cassé la croûte à plusieurs reprises avec Tom Riddle, comme si c'était tout à fait normal… ça avait de quoi l'inquiéter légèrement, il supposait. Mais bon. Il n'avait pas de contrôle sur la situation.

Ce qui, réflexion faite, était encore plus inquiétant. Il soupira, remarqua qu'il y avait un autre verre à l'autre bout de l'appartement. Parfait, il pourrait essayer de faire boire Voldemort avant de transplaner pour trouver de la nourriture. Quitter l'appartement ne l'enchantait pas mais il ne voyait sincèrement pas d'autre solution. Enfin si, il y avait toujours la solution numéro un qui consistait à laisser Riddle se débrouiller maintenant qu'il avait fait le plus gros du travail. Il fallait quand même pas exagér-

Quelque chose de singulier arriva. Il traversa la moitié de l'appartement - une distance évidemment assez courte - et, soudain, Harry se sentit… apaisé. En fait, il se sentit comme il ne s'était plus senti depuis des mois. (Voir, en fait, des années). C'était une impression étrange. Comme s'il avait pénétré un champ magique qui avait la capacité de résoudre tous les maux. Est-ce que Riddle avait trafiqué l'air de son appartement ? Était-il drogué ? Harry s'arrêta.

C'était indéniable, il se sentait réellement bien. Il fit un pas en arrière. La sensation de manque qui l'accompagnait en permanence ressurgit - un pas en avant, elle avait disparu.

Il y avait définitivement quelque chose de bizarre. Mais était-ce réellement plus bizarre que de garder une poupée possédée dans un placard ? Sûrement pas. Et Harry le savait bien, Riddle possédait un éventail de connaissances qui ne se résumaient pas à la magie noire. Peut-être avait-il installé des gris-gris qui permettaient de soigner les états dépressifs ? Peut-être qu'il était en plein milieu d'un cercle de méditation ou quelque chose du genre ?

Il n'en savait strictement rien. Mais ce n'était pas grave, il pouvait au moins en profiter quelques minutes. Il ferma les yeux. La sensation était plaisante, chaude dans sa poitrine. Comme si quelque chose comblait les éléments qui manquaient dans sa poitrine. Il se dit brièvement qu'il avait bien fait de passer à travers l'arche si c'était pour retrouver une complétion pareille, lui qui se sentait vide de sens, vide de vie depuis des années.

Assez pour faire une tentative de suicide qui n'aurait pas dû échouer.

C'était la première fois qu'il s'autorisait cette pensée, la première fois qu'il mettait réellement des mots sur son acte. Et Harry avait conscience qu'il se l'autorisait parce que dans ce quart d'appartement, aussi fou et dérangé que ça puisse paraître, il se sentait serein. Il serait horrifié en en ressortant, bien sûr. Il regretterait cette pensée, probablement qu'il se justifierait, la qualifierait de trait d'humour. Il s'immergerait à nouveau et avec un plaisir égoïste dans un bain de déni. Mais là, avec cette impression que tout était bien et beau et parfait, oui - il réalisait qu'il n'allait pas bien du tout

depuis des années.

Il rouvrit les yeux qu'il avait fermés. Le verre vide était toujours devant lui. Il fit quelques pas. Ce champ de bonheur ne disparaîtrait pas, il lui suffisait de donner à boire à Riddle et de revenir se poster là.

En fait, peut-être même qu'il pouvait prendre un matelas et prétexter vouloir surveiller son collègue pour passer la dans l'appartement ? Ce n'était… vraiment pas une si mauvaise idée. En plus, c'était rationnel de vouloir surveiller quelqu'un qui avait failli passer l'arme à gauche. Il saisit le verre d'eau et se dirigea vers l'évier. L'eau ne serait sans doute pas potable, il faudrait qu'il jette un sort -

À nouveau, la chape de désespoir qui habitait ses épaules l'écrasa de son poids. Était-ce toujours si lourd ? Non, se ressaisit-il : il exagérait complètement, tout allait parfaitement bien.

Il tourna la tête et étudia l'endroit où il s'était arrêté avec suspicion. C'était vrai qu'il s'était senti… différent. Cela était indéniable. Mais il y avait forcément une raison qui expliquait pourquoi il avait eu l'impression d'avoir avalé du Felix Felicis. Sur le moment, ses sentiments lui avaient paru tout à fait naturels, la sensation d'apaisement légitime, mais c'était évidemment tout l'inverse. Il n'y avait rien de naturel dans ce qu'il avait ressenti.

Bon sang, l'appartement de Riddle était complètement piégé ou quoi ? Entre un truc bizarre dans le coin de l'appartement et la peluche - Harry craignait sincèrement ce qu'il ne manquerait pas de trouver dans la salle de bain.

Il secoua de la tête, essayant par ce geste de chasser ces funestes pensées. Il releva ensuite le verre et l'approcha de l'évier. Le conduit était rouillé. La pièce était si mal éclairée et les murs en bois si sombres qu'il ne l'avait même pas remarqué. Le robinet grinça lorsqu'il en tourna la tête. De l'eau d'une couleur brunâtre, elle aussi, coula lentement. Il plaça le verre en dessous.

Vivre au chaudron baveur lui permettait au moins de ne pas devoir se soucier de ce genre de problèmes. C'était facile d'oublier à quel point il était dans le passé quand il n'avait pas en face de lui ce genre de preuves. Tout était vétuste à l'extrême, en fait. Les canalisations, les meubles, la lumière – même l'odeur de l'appartement était surannée. Il sortit sa baguette marmonna un sort et tapota contre le verre.

L'eau s'éclaircit immédiatement. Très satisfait de lui-même, Harry hocha de la tête et se tourna vers la forme allongée derrière lui. Voldemort n'avait pas bougé : il était toujours en travers de son lit, blanc comme un linge.

Il avait la bouche entrouverte. En s'approchant, Harry remarqua qu'un râle - un sifflement en sortait à intervalles réguliers. Il décida que c'était bon signe – en tout cas, ça l'était plus que l'état d'inconscience avancé qu'il avait eu jusqu'à présent. Au moins, ça, ça montrait qu'il était en vie. Embarrassé, il regarda successivement sa main et l'épaule de Riddle

Il fallait qu'il le réveille, il n'avait pas le choix. S'il essayait de le faire boire en dormant, il risquait juste de lui remplir les poumons d'eau et, donc, de le noyer. L'idée était amusante, surtout après s'être donné tant de mal pour le garder en vie, mais Harry l'écarta aussitôt.

-Tom ? demanda-t-il en lui secouant délicatement l'épaule.

Le tissu de son pyjama était rêche, ça devait le gratter. Il retira immédiatement sa main, mal à l'aise à l'idée de connaître un détail aussi intime.

En plus, il savait exactement ce qui allait arriver dès qu'il se réveillerait. Il aurait droit à toutes les insultes du monde. Peut-être que c'était précisément ça qu'il fallait à Riddle pour le remettre sur pied : l'opportunité de s'énerver contre quelqu'un et de pouvoir le menacer de toutes les façons imaginables. Harry retint un sourire et repartit à la charge :

-Tom, Riddle, Tom ! essaya-t-il tour à tour.

D'une force assez étonnante compte tenu des circonstances, Riddle arracha son épaule à son étreinte et se retourna. Harry vit distinctement les jambes bouger, sous le duvet pour se recroqueviller. Il soupira et fixa un point dans le mur devant lui, une tache plus sombre faite par le bois. Il se demandait quotidiennement ce qu'il foutait, ce n'était un secret pour personne, mais là - ça prenait des proportions complètement dingues.

Il se remit à lui secouer l'épaule.

-To -

Riddle se releva brusquement - probablement avec l'idée d'étriper la personne qui osait déranger son noble sommeil. Mais la réalité de son état physique avait dû lui échapper : il plissa des yeux et fit une grimace en s'attrapant la tête. Harry imaginait très bien ce qu'il venait de se produire : il était pris d'un vertige aussi soudain que violent.

Profitant de cet état de faiblesse, il tendit une nouvelle fois le verre dans sa direction.

-Tiens, essaya-t-il maladroitement.

Sa réflexion était la suivante : peut-être qu'en voyant qu'il y avait une raison à sa présence dans son appartement - même si celle-ci était aussi aberrante que de lui donner à boire – Riddle, trop désorienté pour penser lui soumettre un interrogatoire, ne s'insurgerait pas de la situation. C'était un plan tout à fait sensé et Harry avait bon espoir que c'était précisément ce qui surviendrait.

Riddle ouvrit les yeux, son poing gauche était toujours appuyé contre son front. Il devait avoir un mal de tête carabiné. Sans bouger la tête, d'une façon très dramatique, ses yeux glissèrent sur Harry.

Sentant une catastrophe aussi imminente que prévisible, Harry poussa le verre d'eau contre son épaule :

-Tiens, bois.

Le poing descendit lentement. Riddle - avec cette même lenteur mesurée - releva la tête. Il la tourna ensuite en direction d'Harry. Qui lui offrit un sourire qui était supposé sous-entendre que tout était parfaitement normal. Qu'Harry était le genre de personne qui s'introduit parfois chez les gens pour leur donner à boire. Et après tout, c'était une occupation plutôt sympa - peut-être devrait-il se pencher sur la question. Rien ne l'empêchait de faire la même chose à toute ses connaissances.

Sans un mot, mais avec le même regard enflammé, Riddle attrapa le verre et, d'un geste expéditif, le porta à sa bouche, pencha légèrement la tête et vida son contenu dans sa gorge. Harry vit distinctement sa pomme d'Adam monter puis redescendre. Il fallait qu'il calme ses tendances à l'observation, ça ne lui réussissait pas très bien. Sans un mot. Voldemort lui rendit ensuite le verre.

Il ouvrit la bouche, semblant sur le point de dire quelque chose mais se contenta de secouer de la tête avant de se laisser retomber contre son matelas. Il se retourna, rabattit les couvertures sur lui et -

Plus un geste. Bon. Harry était surpris, il s'attendait plutôt à des hurlements et des menaces, pas à cette passivité exaspérée. Il s'était peut-être totalement fourvoyé sur le caractère de Riddle, cela dit. Peut-être qu'il s'en foutait que des gens s'introduisent chez lui.

Une voix fatiguée résonna dans la pièce :

-N'ouvre pas le placard.

-Trop tard, répondit laconiquement Harry.

Seul un soupire - exagéré et encore une fois très dramatique - lui répondit.


Harry quitta l'appartement pendant quelques minutes. Le temps d'aller chercher (voler) de la nourriture au marché moldu, de repasser dans sa chambre au chaudron baveur et il était de retour dans le petit studio de Voldemort.

Son regard se dirigea immédiatement sur le ver. Il était toujours prisonnier. Il se tortillait à droite et à gauche posant ce qui semblait être une immonde ventouse sur la paroi transparente. Harry détourna les yeux, dégoûté. À grand pas, il s'approcha ensuite du placard, l'ouvrit, constata que la peluche était toujours là-

Mais pas au même étage-

Il referma calmement le placard, lança un sort pour que celui-ci ne puisse plus s'ouvrir sans son accord et se retourna finalement vers la cuisine.

Il posa ce qu'il avait amené sur le comptoir. Harry n'aimait pas voler, il ne ressentait ni plaisir ni excitation à l'idée de commettre des crimes. Cela dit…tout comme il l'avait fait lorsqu'il était en cavale avec Ron et Hermione, il savait s'en accommoder. Parfois la situation exigeait de faire des sacrifices. Il n'avait pas suffisamment d'argent pour acheter des aliments de qualité. Sa pension au chaudron baveur lui prenait la majorité de son salaire et le peu qu'il lui restait… Il préférait plutôt mettre cet argent de côté en cas de coup dur. D'accord, peut-être aurait-il dû considérer la présente situation comme "un coup dur" et aider Riddle honnêtement -

Mais s'il voulait être tout à fait honnête, l'idée de dépenser le moindre centime pour lui l'horripilait assez vigoureusement. Il plaça les légumes sur le comptoir. Il avait aussi réussi à attraper un morceau de viande. Ce serait parfait. Il n'avait pris que pour une personne. Il n'avait absolument pas l'intention de rester dans la pièce plus que nécessaire. Il mangerait dans le pub, comme il le faisait tous les soirs et il laisserait l'assiette à Riddle.

Il avait sorti sa baguette, une vieille casserole en argent complètement oxydée lévitait devant lui lorsqu'il se rendit compte pleinement, pleinement de l'absurdité totale et sans nom de son comportement. D'accord sauver Voldemort, c'était assez son genre. Plus il y repensait, plus Harry était assez sûr que si Voldemort n'était pas tombé raide lors de l'affrontement final, s'il avait été simplement blessé ou autre, Harry aurait été assez idiot pour l'aider.

S'il était assez con pour faire ça, nul doute qu'il était assez con pour aider Tom Riddle.

Mais il y avait une grande différence entre aider ou sauver quelqu'un d'une mort imminente et - et lui faire à manger pour lui redonner des forces. Ouais.

Ouais. Il allait trop loin, ça en devenait inquiétant. Peut-être que c'était encore un des pièges de l'appartement ? Quiconque y entrait se sentait pris du besoin irrésistible d'aider Tom Riddle ?

Non, cela ne pouvait pas être ça. Parce qu'il avait été habité par la même volonté, au marché. Dans sa chambre aussi. Bon dieu, pouvait-on faire plus pathétique ? Harry laissa rageusement tomber la casserole contre l'évier. Elle produisit un bruit assourdissant qui le fit grimacer. Il fallait qu'il se tire de là et au plus vite.

Un mois et demi avec Tom Riddle et il était prêt à commettre des crimes (voler aux moldus était un crime sérieux, et Harry en avait parfaitement conscience) pour l'aider ? il était prêt à lui couper des putains de carotte, lui faire de la soupe ? Il avait un réel problème.

La phrase de Dumbledore passa tranquillement entre ses deux oreilles : "as-tu pitié de Voldemort ?"

Non seulement oui mais, en plus (et c'était pire, infiniment pire) il ressentait le besoin d'être apprécié par lui. Suffisamment pour qu'il se comporte comme un gentil chien prêt à tout pour satisfaire son maître.

Harry tourna le dos à la partie de l'appartement qui allégeait (apparemment) les problèmes. Elle était soudainement devenue très tentante. Non, pensa-t-il avec rage. Cela faisait très clairement partie du piège. Comme une plante carnivore qui appâte les mouches de son doux parfum et de ses jolies couleurs.

Amener de quoi manger à l'autre homme était déjà suffisant. Il saurait parfaitement se débrouiller une fois debout. Honnêtement, Harry en avait déjà fait bien assez. Bien plus que ce qui aurait pu être attendu de lui. Oui, il avait décidément franchi cette étape pour aller beaucoup plus loin. Le pire, c'était que Riddle ne lui serait jamais reconnaissant de s'être démené de la sorte pour lui.

Il hésita à transplaner mais décida finalement que marcher dans la rue quelques minutes lui ferait le plus grand bien. Il pourrait remettre les choses en perspectives et ses idées en place. Elles avaient bien besoin d'être recadrées sévèrement. C'était tellement insidieux ! Non. Il fallait qu'il arrête d'y penser immédiatement. Se torturer sur son comportement ne servait à rien - Mais bon dieu, c'était dingue !

Est-ce que c'était comme ça que Riddle ferrait ses proies ? Quelques paroles agréables, un air avenant, de l'humour ? Bon, en fait, c'était le procédé assez normal pour se faire des amis. Mais Harry aurait dû le savoir - ce truc bizarre dans l'appartement doublé au fait qu'il avait volé la peluche n'était que des preuves qu'il était profondément mauvais.

Il sortit de l'appartement, referma la porte derrière lui et descendit à pas lourds les larges marches en bois. Elles craquaient sous ses pieds et une ondulation semblait remonter le long de ses genoux à chaque pas. Il ne manquerait plus que l'escalier s'effondre ! Pensa-t-il avec irritation. Il n'en fut rien, si le sol était loin d'être stable il avait au moins la qualité d'être robuste.

Bientôt, il se trouva à nouveau dans la rue. Le soleil lui fit plisser des yeux. L'appartement était si sombre (et sa chambre au chaudron baveur aussi) qu'elle lui brûla la rétine. Les voix des moldus emplissaient la large rue. En face, une marchande hélait les passants. Toujours un peu aveuglé, Harry se concentra en fixant les pavés du sol.

-Tout va bien ?

Il redressa la tête, surpris. Le monde entier semblait l'oublier et ne pas faire attention à lui. Qu'on l'aborde dans la rue, ça faisait si longtemps que ça ne lui était pas arrivé qu'il en sursauta presque.

La voix était douce et inquiète et appartenait à une jeune fille. Plutôt jolie, elle avait des cheveux blonds et des yeux bleus. En fait (et Harry regrettait de le penser) si quelqu'un lui avait demandé d'où elle venait en lui présentant une photo, il aurait probablement imaginé qu'elle était américaine. Mais son accent était indéniablement celui des quartiers populaires anglais.

Embarrassé, il répondit :

-Oui, oui ! Merci.

Harry réalisa que c'était la première fois depuis des semaines qu'il adressait la parole à une femme. C'était - choquant. Alors certes il n'avait jamais été un Dom Juan, loin de là (bien loin de là) mais c'était rare qu'il fasse abstraction à ce point de sa vie sentimentale. En fait, il n'avait jamais fait abstraction de sa vie sentimentale depuis Cho Chang. Il y avait eu Ginny, ensuite, puis Ella et, finalement, une sorcière un peu plus âgée que lui du nom d'Amelia.

Bon Ginny et les deux suivantes avait été des femmes qu'il avait côtoyé pendant quelques mois au minimum. Mais seule Ginny avait dépassé le cap des un an (ils étaient, au final, restés ensemble pendant trois ans avant qu'elle ne s'évade (pour utiliser ses propres termes) de cette relation).

Il avait eu pas mal d'aventures - et finalement, réalisant que rien ne parvenait à combler le gouffre qu'il sentait en lui, il avait un peu baissé les bras. Jusqu'à se précipiter jusqu'à l'arche.

La jeune femme lui sourit. Elle avait entre les bras des fleurs jaunes qu'elle tenait contre sa robe bleue. Harry essaya de lui faire un sourire charmant. Elle ne sembla pas le remarquer - ou alors il ne l'ému pas. C'était drôle, Harry n'avait jamais essayé de flirter avec quelqu'un en étant "juste" Harry. Sans que la femme en face de lui ne sache précisément qui il était.

Il s'était toujours dit qu'il devait quand même être un peu séduisant voir beau garçon au vu de son succès, mais toutes les péripéties de son voyage temporel-dimensionnel le forçaient à remettre cela en question.

-Est-ce que vous avez besoin de vous asseoir ? Je travaille juste à côté !

Elle désigna une échoppe en face d'eux, de l'autre côté de la rue. Elle était manifestement fleuriste, ce qui expliquait son bagage. La devanture du magasin était peinte en violet, une touche de couleur bienvenue dans ce quartier gris. Il fut presque tenté d'accepter, presque tenté de voir s'il était toujours capable de séduire (ou plutôt capable tout court de séduire).

Mais, inexplicablement fatigué et sentant que ce serait trop d'effort pour rien, il secoua de la tête :

-Je vous remercie mais ce n'est pas la peine.

Elle lui sourit une nouvelle fois. Bon sang, pensa-t-il avec énervement, qu'est-ce qui lui prenait ? Elle était jolie, voire même plutôt très jolie, il vivait une vie de moine depuis des semaines, qu'est-ce qu'il foutait ?

Il lui adressa un signe de main un peu embarrassant et se retourna. Quel genre de vie pourrait-il proposer à une femme, d'ailleurs ? Il n'avait pas d'argent et surtout il avait une mission précise : détruire les horcruxes et -

Il ne connaissait pas encore la suite de son plan mais il ne s'en inquiétait pas : il finirait bien par trouver une occupation une fois qu'il serait certain que Voldemort était définitivement hors d'état de nuire.


Il passa une soirée remarquable. Remarquable parce qu'odieuse. Il n'arrivait pas à se sortir cette jeune fille de la tête - et pas pour les bonnes raisons. Couplé aux révélations que son esprit lui avait plaisamment fournies lorsqu'il se trouvait dans l'appartement… Harry était torturé entre l'envie d'y réfléchir - de réaliser ce que son cerveau lui disait, exactement - et ne pas y penser et prétendre que tout était parfaitement normal.

Mais rien n'était normal - tout était irrémédiablement chaotique et insensé. La meilleure chose à faire était d'accepter que pour l'instant, sa vie se résumait à arrêter les agissements néfastes de Tom Riddle. La suite, sa vie, reprendrait ensuite.

Sur ces considérations somme toute assez déprimantes, Harry décida de se coucher. Tout de même rassuré par les conclusions auxquelles il était parvenu, il s'endormit facilement.

Le lendemain, c'est sans enthousiasme qu'il se prépara à se rendre au travail pour annoncer à Beurk que Riddle était malade. Il n'avait évidemment pas l'intention de lui expliquer exactement en quoi et comment mais …- mais il devait quand même s'en charger.

La boutique était vide, bien sûr. Harry se demanda comment était censés faire les clients qui y seraient entrés. En fait, Riddle et lui étaient si souvent en déplacement qu'il y avait forcément un moyen pour indiquer au propriétaire que quelqu'un était entré. Et, effectivement, les pas lourds résonnèrent bientôt à travers le mur. Harry, qui avait enlevé sa veste, se tourna de sorte à faire face à la porte.

C'était bien Beurk. Il leva un sourcil en le remarquant et croisa des bras. Comprenant qu'il était censé s'expliquer Harry commença :

-Je suis allé voir Riddle, il est malade.

-Suffisamment pour ne pas me prévenir ? répondit l'homme d'une voix méprisante.

Peut-être pensait-il qu'Harry était en train de "couvrir" son collègue. C'était une idée vraiment absurde, jamais Harry ne se donnerait cette peine – ahhh…c'était un mensonge. Bien sûr. Evidemment que s'il avait appris que Riddle avait été occupé à faire il ne savait quoi, il aurait menti à son patron. La raison était simple : il ne le portait vraiment pas dans son cœur.

-En fait, oui, répondit-il : je ne sais pas ce qu'il a exactement mais il était vraiment mal en point.

-Vous l'avez emmené à Sainte-Mangouste ? il y avait une lueur intéressée dans le regard de Beurk. Elle était née subitement, comme si un nuage s'était levé devant son regard dévoilant des étoiles particulièrement brillantes.

-Non, je lui ai juste donné une potion.

Harry grimaça en répondant. Soit il devrait avouer toute la vérité - ce qu'il était théoriquement capable de faire, après tout c'était Beurk qui les envoyait faire des missions illégales à l'autre bout du monde, il ne serait probablement pas outrageusement choqué d'apprendre que Riddle s'était fait mordre par un Inferius. Les risques du métier, comme on dit.

-Et vous êtes allé voir s'il allait mieux ?

Harry fut sur le point de lui répondre qu'il n'était pas son infirmier personnel mais - mais il réalisa au même instant que s'il répondait par la négative, il y aurait d'assez bonnes chances pour que Beurk l'envoie à nouveau auprès de Riddle. Ce qui n'était pas une perspective très réjouissante, il en convenait, mais qui l'était bien plus que de rester dans la boutique pour toute la journée.

-Pas encore, je pensais y aller ce soir.

Beurk leva les yeux au ciel :

-Sans lui, vous ne m'êtes d'aucune utilité.

Harry dut se retenir de ne pas rétorquer quelque chose de bien senti - l'autre reprit :

-Allez voir s'il va mieux et bon sang, faites en sorte qu'il puisse revenir demain. Sans quoi, je n'aurai pas de quoi vous payer.

Harry était déjà au bord des insultes et cette remarque désobligeante le rapprocha encore un peu plus de la limite. Ils étaient payés comme des moins que rien - alors que le succès actuel de la boutique ne tenait qu'à Riddle. Qu'il se permette de les menacer… Enfin non, les menaces n'étaient évidemment destinées qu'à lui. Riddle leur était bien trop précieux, à Barjow et lui, pour qu'ils le licencient.

Harry, d'un autre côté, n'était personne et n'était de toute évidence pas particulièrement doué pour les ventes. Peut-être aurait-il dû mesurer la taille de Riddle pour que les gens daignent le respecter. Il souffla, amusé. Tout n'était pas qu'une question de taille, et il le savait parfaitement.

Il tourna les talons et, sans un mot, essayant par son silence d'insulter discrètement son patron. Il transplana avant même d'avoir passé la porte.

Pour arriver directement dans l'appartement de Riddle.

-Ne fais plus jamais ça, l'accueillit une voix cordiale quoique fatiguée. Bien sûr, la cordialité était totalement feinte - le visage de Riddle était absolument tout sauf content. Son profil transpirait l'agacement. Pas étonnant, Harry venait de s'incruster dans son appartement sans le prévenir.

Pour sa défense, il ne s'attendait pas à ce qu'il soit déjà debout et dans un état suffisamment bon pour s'exprimer.

-Désolé je pensais -

Riddle le coupa d'un geste brusque de la main. Il y avait plusieurs livres ouverts devant lui. De toutes tailles et de toutes épaisseurs, ils ne se ressemblaient qu'en un point : les pages étaient toutes très jaunes. Riddle était assis sur son lit - entourée de cette marée de livres, donc - en tailleur. Il était si grand que la position paraissait un peu ridicule. Le pli de ces longues jambes rappelait à Harry les pattes des insectes.

-Je voulais juste voir si tu allais mieux, et ça a l'air d'être le cas donc au revoir !

Riddle posa le livre qu'il avait entre les mains. Il se tourna ensuite vers Harry :

-Je n'apprécie absolument pas que l'on s'introduise chez moi.

Son ton était on ne peut plus froid. En fait, Harry était sûr qu'il était en train de ravaler une colère assez foudroyante - qui serait, pour une fois, légitime.

Oui, définitivement, Harry comprenait et d'ailleurs avait toujours su qu'il s'introduisait dans un espace dans lequel il n'était pas le bienvenu. Il allait donc s'excuser à nouveau (et au passage essayer de se justifier en soulignant à Riddle qu'il l'avait assez littéralement sauvé)

Mais Riddle ne lui laissa pas le temps d'expliquer son point de vue :

-Cependant, je suppose que sans ton intervention, je serais toujours en train d'agoniser.

Il fronça des sourcils et se releva complètement. Il était toujours dans son pyjama bleu miteux, vraiment l'une des pires choses qu'Harry ait vu de sa vie. Il avait passé par-dessus un peignoir fin d'une couleur bordeaux qui était -lui aussi - en très mauvais état.

Alors il fallait expliquer à Harry comment il faisait pour paraître aussi … distingué aussi magnétique alors même qu'il était dans la tenue la plus ridicule de la planète.

-Ou alors, reprit-il en s'avançant : je ne serais plus en train d'agoniser, ce qui, tu en conviendras, serait également regrettable.

Il s'arrêta à quelques centimètres d'Harry. Ils étaient un peu trop proches pour son confort mais bon -

-Des remerciements sont donc de vigueur. Merci, Harry Potter. Je n'oublierai pas que tu m'as aidé.

Harry fronça des sourcils. Les mots étaient tout à fait cordiaux mais le ton… était très loin de l'être. Son premier réflexe aurait été de répondre quelque chose du genre de "je suis sûr que tu en aurais fait de même pour moi" mais - quelle bonne blague. Riddle l'aurait sûrement laissé dépérir si c'était lui qui l'avait trouvé.

-Pas de quoi, j'allais quand même pas te laisser...comme ça.

Riddle pencha légèrement la tête sur le côté. Il sourit ensuite. En l'observant, Harry remarqua parfaitement son air fatigué, les cernes sous ses yeux et la couleur diaphane de sa peau.

N'importe qui d'autre serait encore certainement au lit, se dit-il.

-D'ailleurs - puisque tu as décidé de me rendre une visite impromptue - tu vas pouvoir répondre à mes interrogations.

Ce n'était pas une requête mais bien un ordre. Harry n'avait pas particulièrement envie de rester - surtout qu'il sentait bien que la situation pouvait dégénérer à tout instant. Chaque mot de Voldemort dégoulinait de reproches - il s'en rendait bien compte et il craignait de jeter de l'huile sur le feu en lui racontant les détails.

Comme le ver. Abasourdi de ne pas y avoir pensé plus tôt, il se tourna brusquement. Le verre n'avait pas bougé. La créature se tordait toujours à l'intérieure - apparemment pas bouleversée d'avoir été abandonnée pendant plus de vingt-quatre heures.

-Quel hasard, déclara-t-il d'une voix amusée qui contrastait avec l'air vide de son visage : c'est précisément de ce dont je veux te parler.

-Il faut vraiment que je retourne travailler, essaya-t-il en jetant un regard très explicite en direction de la porte : je n'ai pas particulièrement envie de me faire virer.

-Oh, ils ne peuvent pas te virer, répondit facilement Riddle : pas s'ils veulent me garder comme employé. Et tu as de la chance, ils savent pertinemment qu'ils me doivent une large partie de leur succès.

Harry haussa des sourcils. Ça… c'était inattendu. Que Voldemort, d'une manière ou d'une autre le « protège » ...Oui, décidément, c'était absurde.

-OK, répondit sobrement Harry. tout à fait consciemment, il essayait d'adopter la même allure menaçante quoique décontractée de Riddle : donc tu voulais parler du ver - qu'est-ce que c'est en fait ?

Riddle s'approcha encore, Il se pencha ensuite - Harry se décala par réflexe - sans manquer le sourire assez méprisant de son collègue - et observa Voldemort qui observait la chose.

-Je n'en ai pas la moindre idée. Il y avait presque une certaine excitation dans sa voix : j'ai fait le tour de tous mes livres, fouillés dans tous mes souvenirs- je ne sais pas ce que c'est.

Harry aurait plutôt imaginé que cet état de fait mortifierait Voldemort. Qu'il puisse ignorer quelque chose ! Diable, en voilà quelque chose d'insultant. Mais lorsqu'il tourna son visage dans sa direction, il y avait une telle avidité, un tel enthousiasme qu'Harry ne put s'empêcher de sourire.

Il aurait dû se douter que Riddle n'était pas seulement fier à l'idée de ses connaissances mais qu'il avait surtout un plaisir intrinsèque à découvrir des choses.

-J'imagine que tu ne vas pas te satisfaire de cette constatation, il hasarda la bouche toujours incurvée dans un sourire

Riddle se redressa et le lui rendit :

-Bien sûr que non.

-Et je suppose que cela veut dire que tu vas te rendre dans un lieu où il y a une certaine quantité de livre.

-Précisément. Et je suis content que tu suives mes pensées, Harry. J'allais justement te proposer de m'accompagner.

Il plissa des yeux :

-Est-ce que tu as l'intention de demander l'autorisation ou de la prendre ?

Riddle croisa des bras et s'appuya contre le meuble de sa cuisine. Dans l'obscurité, il avait un peu des airs de croquemitaine. Quelque chose de dangereux dont la beauté est un piège pour titiller les instincts les plus bas des Hommes.

-Ah Harry, je suis flatté que tu me croies capable d'entrer par effraction à Poudlard.

Le ver se tortillait - Riddle posa délicatement sa main sur le dos du verre. C'était un geste assez menaçant et Harry se félicita de ne pas être la créature.

-Je ne te crois pas forcément capable de réussir, mais je te crois absolument capable d'essayer.

Riddle lâcha un rire qui le courba en deux. Il n'avait rien à faire debout, pensa Harry pour la seconde fois. Sa place était dans un lit pendant en tout cas deux jours, pas à échafauder des plans pour braquer le lieu le plus protégé d'Angleterre.

-Mais la question subsiste, Harry : est-ce que tu viens ?

Harry voulu répondre non. Mais il savait pertinemment, au fond de lui, qu'il ne manquerait ça pour rien au monde.


Réponse au commentaire anonyme:

Guest: Hello! Merci pour ton avis ! Je suis contente si cette modeste chose te plaît :) Effectivement, les chapitres plus longs permettent de plus développer et surtout d'être plus "suivis" que simplement des scènes qui s'enchaînent... Donc voilà j'ai pris ma décision. Merci d'avoir pris le temps de m'écrire, ça me fait très plaisir !


Comme d'hab, n'hésitez pas à me laisser votre avis... c'est ce qui me motive à me bouger l'arrière train hahaha! à bientôoooot