BÉNÉVOLENTS - Partie I ÉMISSAIRES
5 Hallucinations
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Tout commença par un ozh'esta alors qu'ils jouaient aux échecs 3D.
Aucun d'eux ne se souvenait qui initié le premier geste, mais cela n'avait pas d'importance. Tous deux éprouvaient un sentiment de justesse absolue : les choses étaient telles qu'elles devaient être.
Cette caresse des doigts se transforma en un tendre el'ru'esta : les longs doigts de Spock effleurèrent tendrement la paume de Jim, et Jim imita aussitôt cette câlinerie. Le temps se suspendit autour de ces chastes caresses offertes et reçues avec une émotion étrange.
Tous deux frissonnèrent avec langueur.
Ils n'avaient d'yeux que pour l'Autre, tout ce qui n'était pas eux était flou, indistinct... sans intérêt. Leur Kash-naf vibrait avec une intensité suave, leurs esprits se frôlaient délicatement, s'invitaient mutuellement.
Spock et Jim avaient totalement oublié sa nouvelle forme corporelle, comme s'ils se trouvaient hors du temps.
Rapidement, ce ne fut plus suffisant pour Jim. Il bouillonnait d'un désir ardent, presque douloureux. Spock ne repoussa pas ce violent affect transmis par leur lien mental. Au contraire, il laissa le sien s'épanouir et s'harmoniser avec celui de Jim.
Jim se leva, soudain impatient de plus. Il empoigna le col de Spock et posa ses lèvres sur les sienne. Il ne rencontra aucune résistance, alors il s'empara de cette bouche délectable dans un long baiser possessif. Leurs langues se mêlèrent le plus naturellement du monde, c'était comme s'ils s'étaient embrassés ainsi depuis toujours.
Le Vulcain se délecta des avances de son Humain, mais lui aussi désirait plus de contact charnel. Il glissa ses mains sous la tunique trop courte, à la recherche de cette peau qu'il savait être si tiède, si ferme, et si douce. Le plus merveilleux des velours.
D'un même mouvement, sans cesser de s'embrasser et de se caresser, ils se levèrent et se dirigèrent vers le lit. Leurs vêtements disparurent comme magie, ils n'y accordèrent aucune attention. Seuls comptaient leurs corps frémissants de désirs, si beaux, si désirables.
Ils s'allongèrent. Leurs baisers, leurs caresses se firent passionnées, urgentes.
Ils étaient nus, éperdus de lascivité, l'un contre l'autre. Plus rien d'autre n'existait que leurs corps en feu, la chaleur de leurs peaux, les mélodies de leurs souffles, leur esprits vibrants de bonheur et de désirs. Les mots étaient inutiles, chacun savait par cœur ce que l'autre désirait, et le voulait aussi.
Jim surplomba Spock. L'esprit de son Amant lui hurla l'urgence de son consentement. Jim le posséda alors de toute sa force virile. Il fut passionné, dominateur, aimant. Et Spock le reçut spontanément en lui, accepta de se laisser aller, de s'abandonner corps et âme, de ne rien chercher à contrôler... il laissa s'épanouir sa jouissance physique et s'exprimer sa féroce possessivité.
Leurs esprits fusionnèrent enfin. Ils furent aussi intimement unis que leurs corps… c'était si naturel, si évident. Leurs âmes s'emplirent d'allégresse alors qu'ils se sentaient enfin entier.
Ils avaient la sensation de se redécouvrir l'un l'autre, de réveiller des sensations, de raviver des émotions profondément engrammées en eux, comme s'ils avaient été séparés pendant une douloureuse éternité…
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Spock se réveilla en sursaut, le souffle court, le corps parcouru par les ondes brûlantes de ces plaisirs indécents.
Il s'assit en frissonnant de froid. Avec fébrilité, il chercha de la main un corps à coté de lui. Il n'en trouva aucun. Instinctivement, il raffermit ses boucliers mentaux pour qu'aucune de ces perceptions et de ces émotions indécentes ne circulent le long de leur Kash-naf, et n'atteignent Jim
─ Ha'ge, kau-leh sateh [lumière, 50%] Parvint-il à articuler d'une voix incertaine
Le programme comprit sa demande, et alluma comme il l'avait demandé. Spock regarda autour de lui. Il frémit à nouveau.
sa'awek ! [Seul !]
Il était seul dans sa cabine!
Run ! [Un rêve!]
Tout ce bonheur d'éternité n'avait été qu'un rêve!
Une hallucination si puissante qu'elle avait compromis son esprit et ses perceptions sensorielles.
Comment cela pouvait-il être possible ?
Savarun-kashkaya ! [une hallucination!]
et pourtant, il sentait encore Jim en lui, comme gravé dans la profondeur de sa chair.
Ri-tor-yehat [Impossible!]
La première pénétration ne se déroule pas ainsi pour un Vulcain !
Runaya ha? [un rève ?]
Ri-tor-vehat!
Ni run-tor Vuhlkansu ! [Un Vulcain ne rêve pas!]
Hi yi ha ? [mais alors ?]
Si cela était réellement un rêve ? La réalisation d'un fantasme inconscient ?
Comment expliquer cette sensation de permanence qui imprégnait chaque seconde de ce rêve ?
Son cœur se mit à battre douloureusement alors qu'il prenait conscience de ce que cela impliquait : la révélation que son attachement pour Jim n'avait rien d'amical...
Il ne lui vint même pas à l'esprit de se rebeller contre ces sentiments, tant ceux-ci lui apparurent aussi naturels que de respirer, presque ataviques... comme s'ils étaient présents en lui depuis toujours.
Ces affects étaient si intenses qu'ils s'étaient révélés à lui en violant les solides barrières de son inconscient. Ils étaient par conséquent trop intenses pour être ignorés ou réprimés. Spock était dans l'incapacité la plus totale de les renier.
Il fut honnête avec lui-même: il l'avait toujours su sans jamais vouloir le reconnaître. Cela expliquait cette complicité innée qui les avaient si rapidement liés, et surtout la génération spontanée de leur Kash-naf. Les Humains n'ont pas de don psionique, Jim ne faisait pas exception. Ce lien mental avait pris naissance son esprit Vulcain. Il était si intense qu'il était parvenu à se rattacher à l'esprit de Jim.
Mais pourquoi cette conscientisation intervenait-elle maintenant ?
Jim était en état de grande souffrance psychique, était-ce une manifestation de son instinct de protection?
Les pensée de Spock devinrent douloureuses : Worla Jim T'hy'la t'nash-veh ! [Jim ne sera jamais mon T'hy'la]
Il haussa à nouveau ses plus puissants boucliers mentaux autour de ce souvenir et de ses ressentis physiques : Jim ne devait pas savoir! Non, Jim ne devait jamais savoir qu'il le désirait charnellement, comme un homme en désire un autre.
Spock se força à la rationalité, en récapitulant douloureusement tout ce qui s'opposait à leur hyménée :
Jim était un homme hétérosexuel, il collectionnait les conquêtes féminine. Il ne s'intéressait pas aux hommes. Comment pourrait-il être attiré par lui?
Jim était un homme libre, il fuyait toutes les relations amoureuses à long terme… Des liens maritaux étaient impossibles entre eux.
Et surtout Jim était un homme piégé dans un corps de femme, et qui haïssait cet état.
Très ouvert d'esprit, Jim ne jugeait pas les sentiments amoureux. Mais il ne devait jamais avoir connaissance de l'intensité et de la profondeur de l'attachement que Spock éprouvait à son égard. Une telle révélation le mettrait extrêmement mal à l'aise, et risquait d'entacher leur amitié.
Jim était son ami, son T'hai'la, il ne serait jamais son T'hy'la, et encore moins son Adun (époux).
Une profonde souffrance traversa son cœur et son esprit alors qu'il se le répétait : Jim ne serait jamais sien.
Spock se leva et prit place sur son coussin de méditation.
Il s'interrogea longuement sur l'aspect... authentique des perceptions sensorielles et psychiques ressenties lors de cette hallucination.
Il lui était déjà arrivé de procéder des fusions mentales superficielles avec l'esprit de Jim, afin de lui venir en aide. Mais cela n'avait jamais réveillé en lui aucune excitation, ni aucun désir d'unir plus profondément sa psyché avec celle de Jim, comme cela pouvait avoir lieu lors des accouplements entre T'hylara Vulcains.
Spock n'avait jamais ressenti de désir physique sexuel à proprement parlé. Il ne s'était jamais accouplé, ni masturbé. Certes, la vue du nombril de Jim, alors qu'il s'étirait dans sa cabine, l'avait profondément troublé. Mais pas au point de réveiller de la concupiscence... Cet évènement avait-il agi comme une sorte de déclencheur ? Un révélateur ?
Comme la majorité des Vulcains adultes, il avait atteint un contrôle presque total de son corps. Il maîtrisait et supprimait si besoin toutes ses perceptions sensorielles inutiles. Il ne s'expliquait pas la persistance de ces réminiscences charnelles : il avait encore l'impression de sentir les mains de Jim sur sa peau, son membre en lui... il ne parvenait pas à discerner les raisons de cette irrationnalité.
Spock s'imposa de longues et lentes respiration afin de tenter d'effacer ces illusions sensorielle. Sans grande réussite.
Qu'allait-il faire de ces souvenirs aussi intenses ?
Après une longue et intense réflexion, Spock décida d'écouter son irrationalité Humaine et sa Possessivité Vulcaine. Il choisit de ne pas refouler totalement ce souvenir hors de sa mémoire: cette étreinte avec Jim était la seule qu'il n'aurait jamais de lui.
Lors de ce rêve, son Ashayam [Bien-Aimé] lui avait semblé si réel dans sa façon d'agir, de penser, de réagir… Étonnement sa Krus-Vuhlkansu [part Vulcaine de sa psyché] n'émit aucune objection à conserver intact ce souvenir si émotionnel. Il le cacha avec dévotion dans un écrin de solides Nahp-fo-dan [boucliers mentaux].
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Un puissant orgasme sortit violemment Jim du sommeil.
Son souffle était souffle court, son cœur s'affolait dans sa poitrine, son corps était encore parcouru par de longues ondes de plaisir.
Spock!
Jim sentait encore sous ses doigts la douce chaleur de sa peau de soie, le goût délicat de ses lèvres, son corps brûlant contre le sien, la merveilleuse onctuosité du fourreau de son intimité autour de son pénis, il entendait encore ses délectables gémissements de plaisir...
Ses mains cherchèrent avidement un corps à coté du sien.
─ Lumière !
Celle-ci lui brûla les rétines. Il posa ses paumes sur ses paupières les frotta de façon presque convulsive
Bordel de bordel de bordel de bordel! Pensa-t-il en boucle pour tenter de retrouver le contrôle de sa pensée
Il avait rêvé qu'il faisait l'amour avec Spock!
Par tous les dieux maudits de l'univers !
Et cela avait été si merveilleux!
Oh bordel ! Spock si pudique serait profondément choqué s'il découvrait cela!
Paniqué, Jim tourna son esprit vers leur Kash-naf. Celui de Spock lui sembla loin, il devait être endormi.
Un Vulcain contrôle sa psyché jusque dans son sommeil, il ne rêve donc jamais à moins de souffrir d'un affaiblissement psychique. Jim ne devait pas se faire d'illusion: les probabilités pour que Spock ait partagé cette hallucination étaient de l'ordre de zéro! Il avait été le seul à vivre ce rêve.
et quel rêve !
Jim fit un effort pour retrouver son souffle, il devait reprendre le contrôle son esprit, en chasser ces feux sacrés si persistants, mettre de coté ces illusions perceptives. Oh cette peau si merveilleusement douce, ce corps en feu, cette bouche ardente aux baisers si ...
─ STOP! stop stop ! ça suffit! Haleta-t-il en se prenant la tête dans les mains
Jim sut instinctivement la signification de ce rêve si réaliste.
Tout était si limpide à présent, comme un voile que l'on lève sur une émotion trop longtemps réprimée.
Il aimait Spock, passionnément, éperdument !
Son cœur s'accéléra à nouveau dans sa poitrine.
Il aimait Spock.
Spock ne devait pas savoir ce qu'il venait de comprendre!
Ils étaient déjà si proches au quotidien, une telle hallucination d'absolue communion mentale et physique ne pouvait avoir qu'une seule et unique signification : il aimait Spock!
Comment avait-il fait pour ne pas en avoir conscience plus tôt qu'il était aussi éperdument épris ? Lui qui avait déjà fait tant de fois l'expérience de l'amour. Il en avait même parfois souffert. Il avait eu un grand nombre de conquêtes, il avait déjà sincèrement aimé des femmes... mais toutes ces idylles n'avaient été que des flirts de courtes durée, comme si... comme si quelque-chose l'avait retenu de s'impliquer vraiment. Tout prenait sens désormais : il avait inconsciemment saboté toutes ces relations amoureuses !
Bordel ! Ses sentiments étaient si forts, si profonds!
Jim savait intuitivement que rien ni personne n'était à même de les effacer. Il allait devoir vivre avec cela jusqu'à la fin de ses jours!
Leur lien mental ! Tout était dit, dans ce lien Vulcain!
Quel idiot il avait été de ne pas le comprendre lorsque Spock le lui avait avoué ! Tout lui avait été révélé dans les émotions qu'il avaient ressenties alors : sécurité, justesse, profond contentement. Lui qui avait toujours mis un point d'honneur à conserver sa totale liberté ! Il ne s'était pas rebiffer, il s'était réjoui d'être relié, uni à Spock, par un lien mental indélébile !
À croire qu'il le savait déjà présent en lui, et que ce besoin vital de trouver une "constance" était en fait une tentative de l'amener au grand jour.
Ces Kash-naf reliaient spontanément les T'hai'lu [amis] Vulcains, mais il n'était pas naturel chez les Humains. Ce T'hai'lu k'kash-naf avait pu s'implanter en lui uniquement parce que lui-même était amoureux...
Les sentiments de Spock était pure amitié, une puissante amitié, certes... mais pas de l'Amour. Sinon, il aurait perçut cet affect via leur lien.
Son cœur recommença à se débattre dans sa poitrine, son souffle s'altéra à cette douloureuse pensée : son Amour était à sens unique !
Jim devait absolument se calmer pour ne pas alarmer Spock via leur Kash-naf.
Respirer.
Respirer profondément.
Se calmer pour ne pas éveiller l'attention de Spock, toujours si prévenant à son égard.
Jim sentait encore la pression suave, délectable, brûlante, humide de l'intimité de Spock autour de son membre fantôme... et sa peau, si incroyablement soyeuse... Ce paradis… Cette hallucination avait été si réaliste !
Il s'assit sur le lit, et ce corps de femme dépourvu de pénis le dégoûta plus que jamais.
Pourtant, d'un point de vue strictement Vulcain, la situation paraissait idéale : les mariages Vulcains unissaient uniquement un homme et une femme, dans le but de procréer. Une telle union était à désormais possible… Sarek lui-même l'approuverait. Mais Jim avait beau avoir un utérus fonctionnel, un vagin, une vulve et des seins, il n'était pas une femme! Et il ne le serait jamais. JAMAIS. Un mariage ne pouvait pas reposer sur un mensonge!
Une relation de nature amoureuse quelle qu'elle soit était impossible.
Jim voulait, désirait aimer Spock en étant un homme, avec un corps d'homme… aujourd'hui disparu.
Et même si un miracle lui rendait son corps masculin... la société Vulcaine considérait l'union de deux hommes comme hautement illogique. Elle la désapprouvait, car elle ne permettait pas la conception d'une descendance. Les Vulcains ne pratiquaient pas non plus le concubinage : les couples hétérosexuels étaient fiancés très jeunes pour faire face au Pon Farr, puis se marier afin de fonder une famille…
Dans tous les cas de figure, leur union était impossible. Jim pouvait aimer Spock en secret mais il devait renoncer à être aimé de lui.
Jim prit se prit la tête dans les mains. Qu'allait-il faire?
Se déclarer à Spock? Avec le risque de perdre son amitié ? Jamais !
En parler à Bones? Non, il ne se sentait pas capable d'affronter l'étonnement et les sermons de son ami.
Jim serra les points et se raccrocha à ce qui le reliait déjà à Spock : il était son ami, son meilleur ami, son T'hai'la. Il lui était loyal. Jim pouvait compter sur lui en toute circonstance. Il devait se raccrocher à cela, se contenter de cela.
Jim ne possédait pas de Naph-fo-dan. Mais ses capacités de contrôle sur lui-même étaient grandes.
Il encapsula ce merveilleux souvenir dans ce qui ressemblait à un bouclier mental Vulcain. Il fit son deuil de cet amour impossible et tenta de retrouver sa sérénité.
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Comment se rendormir après une telle révélation? Avec un tel secret?
Aucun des deux ne le put.
Spock se plongea dans une profonde méditation.
Il parvint à fermement cloisonner ses sentiments d'attachement profond pour Jim derrière le même enclos mental où il avait encapsulé les fantasmagoriques souvenirs de ce rêve. Il atteignit un niveau élevé de méditation, qui l'amena dans un état proche du sommeil, dont il sortit à l'heure à laquelle il se levait habituellement. Il ne subsistait en lui aucune trace de fatigue, ni aucun doute.
Jim était son T'hai'la, l'amitié de ce merveilleux Humain était constante et chaleureuse, fidèle. Quoi qu'il leur advienne, il en serait toujours ainsi.
Spock retrouva la paix de son esprit.
Jim sortit de son lit, prit une longue douche brûlante.
Il se fit répliquer un décaféiné… qui s'avéra avoir un arrière-goût de noisette grillée, très agréable. Il sourit : un bug de plus. Il prit son pad, s'installa sur son lit et explora les mythes et légendes de l'ancienne Grèce.
La sonnerie du réveil le sortit d'un sommeil sans rêve, dans lequel il ne s'était pas senti tomber.
Jim se leva, étonné d'être aussi frais et dispos. Il rationalisa à nouveau : ce rêve merveilleux était la réalisation d'un fantasme qui le poursuivait depuis si longtemps. Il se sentait plus léger de l'avoir accompli. Il assumerait ses sentiments en silence. Il serait le meilleur ami possible car il savait que l'amitié de Spock lui était acquise à jamais. Jim se sentit incroyablement serein à cette dernière pensée.
Toutes les sensations de souffrance liée à son amour à sens unique avaient miraculeusement disparues.
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36910.09 (9 octobre 2269)
Kirk et Spock sortirent de leur cabine en même temps. Leurs yeux se croisèrent. Ils échangèrent, sans même en avoir conscience, un glazhan'esta [baiser des yeux] et en ressentirent un profond contentement mêlé de soulagement. Aucun des deux ne pouvait deviner le rêve de l'autre, leur précieuse amitié était par conséquent intacte.
— Bonjour, Spock. Sourit Jim, comme à son habitude
— Bonjour, Jim. Répondit tranquillement le Vulcain, comme tous les matins.
— C'est aujourd'hui que nous descendons sur Elládha. J'ai hâte de voir Bones s'emmêler les pattes dans sa toge. Plaisanta Jim.
— Ce vêtement se nomme un chiton. Le corrigea Spock
— Et je suis certain qu'un chiton vous siéra parfaitement. Ajouta Jim avec malice.
Spock ne trouva rien à répondre, alors il se tut. Ils prirent le turbolift pour se rendre au mess. Malgré leurs rêves de la nuit, rien ne semblait avoir changé entre eux. Jim avait ses yeux rieurs et son attitude décontractée, il gérait de mieux en mieux sa souffrance psychique liée à ce corps de femme. Spock était toujours aussi impassible, mais son regard s'adoucissait subtilement lorsqu'il se posait sur Jim.
Kirk se tendit imperceptiblement lorsqu'ils entrèrent au réfectoire, bien qu'aucun indice n'apparût sur son visage. Spock eut la sensation que leur kash-naf s'était encore approfondi, car il perçut plus distinctement ce malaise que la veille. Ils prirent place face à McCoy qui les scruta tous les deux de son regard d'un bleu acéré, mais ne fit aucun commentaire.
— Bonjour, le duo infernal.
— Bones! Protesta Kirk pour la forme.
─ Votre adjectif est pour le moins inapproprié, Docteur.
— Un jour, quand j'aurai du temps à perdre, je vous enseignerai les rudiments de l'humour Humain.
─ BONES! Se hérissa aussitôt Jim.
Spock ne s'était pourtant pas senti agressé. Il savait que McCoy ne cherchait pas à le blesser mais à provoquer une réaction de sa part, comme il avait l'habitude de faire. En revanche, l'attitude de Jim l'étonna imperceptiblement. Ce mécontentement épidermique anesthésia toute réaction de défense.
Ce comportement était nouveau remarqua le médecin. D'ordinaire Jim laissait Spock se défendre lui-même lorsqu'il lui lançait une pique un peu trop vigoureuse. McCoy remarqua la douceur feutrée des prunelles du Vulcain. Il prit à nouveau conscience de "l'aggravation" de la profondeur des liens qui unissait ces deux hommes.
─ J'ai réfléchi à notre mission. Reprit le médecin, comme si de rien n'était
Ses amis posèrent leurs plateaux-repas. Il fit un effort pour ne pas voir les trois gros croissants et la confiture sur celui de Jim... vraisemblablement à l'abricot cette fois-ci
─ Si cette civilisation est semblable à celle de nos aïeux. Poursuivit-il. Elle risque d'être sacrément misogyne. Une... femme célibataire se baladant avec deux hommes, ça va intriguer ces gens et poser problème.
Le Jim se crispa, les traits de son visage se tendirent.
— En effet. Approuva Spock.
— Dans ce cas nous dirons que vous êtes mon grand frère, Bones. Cela ira très bien avec votre tempérament de mère-poule !
— Je ne suis pas une mère-poule! Se hérissa immédiatement McCoy.
Le sourcil subtilement ironique du Vulcain sembla confirmer les propos de Jim. Ses amis le considéraient-ils donc comme un homme surprotecteur ? Les yeux de Spock s'adoucirent, comme pour lui signifier que ce n'était pas un reproche.
— Quant à vous Spock, verriez-vous un inconvénient à vous faire passer pour mon époux?
Une émotion non identifiable et mutuelle circula le long de leur lien mental, ils ne remarquèrent même pas l'expression ahurie de McCoy.
— Je ne vois aucun inconvénient à jouer le rôle de votre époux, Capitaine. Répondit le Vulcain de son ton neutre qui cachait habillement le profond sentiment de satisfaction qui pulsait en lui.
— Il est probable que les époux grecs de cette époque soient particulièrement possessifs et protecteurs. Intervint McCoy. Donc émotifs. Saurez-vous jouer un tel rôle?
— Je ne vois pas pour quelle raison j'échouerai. Rétorqua Spock. De plus, je suis physiquement trois fois plus fort qu'un Humain, ce qui pourrait s'avérer utile en cas d'agression.
McCoy ne cacha pas sa surprise: depuis quand le Lutin jouait-il au Gros-bras ?
Spock vit et comprit son étonnement du médecin : il n'avait pas su maîtriser la froideur de sa voix. Mais il n'eut pas le temps de se le reprocher car il percevait aussi la totale approbation de Jim.
Spock prit conscience qu'il voulait jouer ce rôle. Cette fois encore, sa Krus-Vuhlkasu et sa Krus-Qom'i aspiraient à un même but : veiller sur Jim. C'était psychiquement reposant. Pour être honnête, cela allait bien au-delà d'un simple souhait de protection : il désirait, le temps de cette mission, avoir le droit de revendiquer Jim comme sien, même si ce n'était qu'une apparence, quitte à en souffrir après. C'était puéril, il en était parfaitement conscient, mais, pour une fois, il assumait cette part d'irrationalité.
— Jim, voyons, raisonnez-le!
Il se sentait plus à même de jouer le rôle de l'époux possessif, beaucoup plus que cet impassible Croque-mitaine au sang vert.
— C'est déjà décidé Bones. Répliqua Jim fermement.
Il sentit l'assentiment de Spock, et il s'en réjouit.
Jouer au couple marié, cela signifiait avoir le droit d'être encore plus proche de Spock sans avoir l'obligation d'enfanter, pouvoir prétendre que Spock lui appartenait. Ce n'était pas un mensonge en tant que tel, puisque tous les deux savaient de quoi il retournait. Peut-être cela allait-il l'aider à moins souffrir de ce corps de femme? Peut-être cela allait-il les rapprocher tous les deux? Il devait tenter le coup, quitte à en souffrir après.
McCoy les sonda à nouveau l'un et l'autre de son regard métallique. Les deux semblaient parfaitement... butés. Cette fois encore, il ne fit aucune remarque sur cette proximité qui s'était encore accentuée entre eux.
— Ok, j'ai compris, sœurette. Bougonna-t-il
Jim lui renvoya un sourire un peu triste, mais exempt de douleur. Tel était le rôle qu'ils allaient désormais devoir jouer tous les trois.
— o —
Kirk préféra se changer dans la salle de bain de sa cabine. Il enfila le large tube fait de voiles de lin légers et fluides, en fixa les bords sur ses épaules à l'aide de deux fibules ouvragées. Il noua la ceinture autour de ses reins. Il se sentait mal à l'aise : il était nu sous les tissus flottants.
Uhura l'attendait dans la chambre pour lui montrer comment coiffer ses longs cheveux que les femmes de Elládha se devaient de porter attachés. La jeune femme eut un temps d'arrêt en voyant arriver Jim. Cette tenue lui allait à merveille, et mettait en valeur ses formes pulpeuses.
— Il va vous falloir prendre garde à la concupiscence des hommes! Ne put-elle se retenir de dire.
Même si la grande majorité des hommes de leur époque avaient été éduqués à respecter les femmes, elle avait tout de même été confrontée à la grossièreté de certains qui se croyaient tout permis et au-dessus des lois. Les hommes de ce monde, par contre…
— C'est pour cela que j'ai choisi Spock pour jouer le rôle d'époux. Il n'est sans doute pas très expansif, mais ses regards peuvent être parfois meurtriers. Il sera un parfait garde du corps.
— Je confirme. Sourit Uhura. Bon, asseyez-vous que je vous montre.
La leçon dura un peu moins d'une heure, et Jim parvint à faire lui-même une coiffure acceptable.
Jim alla retrouver ses amis au téléporteur, accompagné par Uhura. Il sentait plus que jamais que ce corps n'était pas celui d'un homme. Aucune brassière ne maintenait plus sa poitrine en place, laquelle se mouvait au rythme de ses pas, et ce vide immense entre ses jambes…
Bon nombre d'hommes se retournèrent sur son passage, son regard se durcit et il serra les dents.
Tous les yeux se figèrent sur lui lorsqu'illes entrèrent dans la salle. Jim avait toujours dégagé beaucoup de charme, de charisme et de prestance. Cette apparence féminine les avaient amplifiées, et là, dans cette tenue, il avait tout d'une Aphrodite des anciens temps… son air renfrogné ne faisait que renforcer sa beauté de déesse inaccessible .
Jim se crispa, plus mal à l'aise que jamais face à ces yeux d'adorateur…
— Dva-tor ish-veh ta vesht-sa'ovau ein-veh bath'pat... [c'est à croire que l'on a aggravé ma malédiction!]. Murmura-t-il quand il fut à coté de Spock
— Kupi-Nam-tor ish-veh danaya [Cela pourrait être une explication]. Approuva Spock, resté parfaitement impassible.
Il contenait le violent sentiment d'attachement possessif qui tentait d'envahir son esprit. Dans un même temps, il se répéta qu'il se devait de protéger Jim, son T'hai'la, de tous ces mâles stupides qui ne savaient pas se tenir décemment!
Il prit conscience qu'il s'était totalement adapté à la nouvelle apparence physique de Jim. Homme ou femme, Jim restait Jim, cela ne changeait rien aux sentiments qu'il éprouvait pour lui.
Il repoussa vigoureusement ces affects inappropriés. Il allait devoir veiller à mieux contrôler ses émotions. Fort heureusement aucune d'elles ne circula le long de leur Kash-naf. Jim ne se rendit compte de rien. De toute façon, il était beaucoup trop choqué par les réactions des hommes de l'équipage pour le ressentir quoi que ce doit d'autre.
— Oui, bon, je sais que ce corps est beau, ça suffit ça maintenant ! Grogna Kirk.
Mais cela ne sembla pas réveiller tous ces idiots transformés en statues de sel.
Spock remarqua l'air ahuri de McCoy.
— Reprenez-vous! Lui reprocha-t-il d'une voix sèche.
Ce fut le ton glacial de Spock qui réveilla les admirateurs béats.
McCoy revint à lui. Il rougit de honte et de culpabilité. De tous les hommes de la pièce, Spock était le seul à être resté impassible. Il comprit soudain le choix de Jim. Quoi que pouvait ressentir le Vulcain, rien ne transperçait le mur de marbre de son visage. Rien n'avait changé dans son comportement vis à vis de Jim. Alors que lui venait une fois de plus de se conduire comme les derniers crétins !
─ Je… je suis vraiment désolé Jim, j'ai encore agi comme un idiot, excusez-moi. Cela ne se reproduira plus.
Ses traits exprimaient des remords sincères, il était son ami depuis si longtemps, un ami fidèle et chaleureux. Comment lui en vouloir ?
─ Merci, Bones. Je suis conscient que certaines réaction sont parfois difficile à contenir. Répondit Kirk en parvenant à desserrer les dents.
─ Si cela se trouve, on trouvera le moyen de vous rendre votre apparence normale sur cette planète. Reprit McCoy pour tenter de se recentrer sur leur mission du jour.
— Que les déités de ces mondes vous entendent. Soupira le Capitaine. Enfin, dans ce cas précis, je suppose que nous devons adresser nos prières à la déesse Athéna.
— Bien qu'irrationnelles, ce sont des probabilités à prendre en compte. Approuva Spock.
─ Vous ai-je dit combien il est flippant de vous entendre être d'accord avec moi ?
─ Souhaitez-vous, Docteur, que je vous donne le nombre précis de ces interactions ?
Le médecin éprouva des difficultés à réprimer un sourire à cette réplique si Spockienne, même Jim sembla s'en amuser.
— Une prochaine fois, Spock. Trancha Kirk avec une légèreté qu'il était loin d'éprouver. Leóntios, Spêlios en route pour un voyage dans le temps.
—… attendez! S'exclama un enseigne en entrant en trombe alors qu'ils montaient sur leurs plots respectifs.
— Qu'y-a-t-il enseigne Genky ? Demanda Kirk sans prendre ombrage de cette interruption
— Capitaine, j'ai remarqué que le seul endroit où on peut vous téléporter est en haut d'une montagne, et il y fera si froid! Alors je vous ai amené ceci.
Il leur tendit trois épaisses pièces d'étoffes pliées.
— Nous vous avons fait répliquer des himations comme ceux qu'ils portent en bas. Ils sont faits de laine, à laquelle nous avons ajouté des fibres thermiques pour que vous soyez mieux protégés du froid.
Kirk prit l'un des grands rectangles de laine, le déplia et le posa sur ses épaules. La toile était un peu lourde, mais enveloppante, souple et douce.
— Excellente initiative, enseigne Genky. Approuva-t-il.
— Merci, Capitaine. Répondit celui-ci en rougissant
Kirk ne put se retenir de se demander si cet enseigne aurait eu cette idée s'il avait conservé son corps d'homme.
— Bien, allons nous jeter dans la gueule du loup. Scotty, énergie!
— o —
Le triumvirat était descendu sur la planète depuis à peine un quart d'heure. Scotty procédait aux vérifications de routine, il eut la surprise de sa vie lorsqu'il constata que la fissure du cristal de dilithium avait totalement disparue ! Sans laisser la moindre trace.
Impossible!
Incrédule, il vérifia plusieurs fois, avec toujours le même résultat : comme par magie le précieux cristal était à nouveau parfaitement intact!
Tout excité, il contacta Miss Uhura pour lui demander de joindre immédiatement le Capitaine, afin faire remonter le trio à bord.
En vain. Les mailles du bouclier psionique s'étaient resserrées. Il était plus puissant que jamais et empêchait toute transmission et surtout, toute téléportation. Pas même une navette n'était à même de le traverser sous peine de perdre totalement le contrôle de la navigation et d'exploser dans la haute atmosphère!
Le seul contact qui leur restait avec les trois hommes était les signaux envoyés par la puce implantée sous leur peau. Les bips réguliers attestait qu'ils étaient bien en vie… des bips comme des réminiscences de Spoutnik-1*, le tout premier satellite envoyé par l'homme dans l'espace, par la glorieuse Mère-Russie avait fait remarquer Chekov.
Atterrés, illes comprirent la situation. L'instinct du Capitaine ne l'avait pas trompé : Kirk, Spock et McCoy avaient été attirés dans un piège et ils avaient plongés en son sein !
— o —
La première chose qu'ils ressentirent en se matérialisant sur la planète fut le vent glacial qui s'engouffra sournoisement sous leurs chitons de lin. Ils enroulèrent étroitement leur cape autour de leur corps. Kirk posa des yeux un peu inquiets sur Spock : pour cette mission, il ne lui avait pas été possible de revêtir l'un de ses maillots de corps thermo-isolant. Le Vulcain se contenta de lui envoyer un regard rassurant.
— Il gèle à pierre-fendre, ici. Grogna McCoy en frissonnant. Dépêchons-nous de descendre dans la vallée, avant que nous ne soyons tous les trois en hypothermie, surtout vous, Spock.
Le Vulcain perçut que l'inquiétude du médecin était sincère, aussi il ne le contredit pas. Cette température lui était en effet très inconfortable.
─ Je suis pour le moment parfaitement fonctionnel.
─ Nous sommes donc sauvés, louée soit la déesse de cette planète. Ironisa McCoy
Mais ses compagnons ne furent pas dupes.
— Par où devons nous aller qui quitter cet endroit frigorifiant ? Demanda Kirk.
Spock consulta son tricorder miniaturisé. Il le rangea ensuite soigneusement tout au fond de la sacoche qu'il portait à l'épaule, dans une poche cachée dans la doublure.
— Par ici, cap... Kyriake. Vers l'ouest.
— Oui, vous avez raison, nous devons commencer dès maintenant à jouer nos rôles respectif, Spêlios... mon époux. Ajouta Kirk avec malice
Le Vulcain eut la surprise se sentir tout son corps se réchauffer d'un coup. Le temps d'un instant, il bénit ses capacités Vulcaines à contenir et réprimer ses émotions dès leurs apparitions. Entendre Jim le nommer ainsi le troublait au-delà du possible.
— Comme... tu veux, Kyriake, mon Petit. Renchérit McCoy
— Tu as raison, Leóntios, frère et sœur ne se vouvoient pas.
Ils se mirent en route d'un pas vif. Marcher rapidement ne fut pas facile, le sol était escarpé, parfois glissant à cause de cailloux qui se détachaient. Ils faillirent tomber à de nombreuses reprises, excepté Spock doué d'un sens de l'équilibre hors du commun, ce qui, bien évidemment, agaça McCoy. La température augmenta progressivement au fur et à mesure qu'ils descendaient vers la vallée. Au bout d'une heure de marche, ils trouvèrent enfin un semblant de sentier qu'ils empruntèrent. Ils contournèrent un large rocher.
— L'idéal pour une embuscade. Plaisanta Kirk
— o —
à suivre
Son sixième sens se mit aussitôt en alerte...
Une fois de plus, ce chapitre a été plus long que prévu, et le dernier paragraphe reporté à la prochaine partie
J'espère que vous avez apprécié l'hallucination onirique.
Christine
Merci pour ton commentaire. Oui, l'empathie de notre cher Leonard a toujours été grande. C'est aussi pour ça que je l'aime, ça et sa grande goule ^^
J'espère que cette suite t'a plue
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Spoutnik 1
Pour une fois, Pavel Chekov a raison de dire que c'est une invention russe
fr·wikipedia·org/wiki/Spoutnik_1
« ...du russe : Спутник I signifiant "Compagnon", ou "Satellite"
C'est le premier satellite artificiel de la Terre. Cet engin spatial soviétique, premier de la série de satellites Spoutnik, est lancé le 4 octobre 1957...»
Sa seule fonctionnalité a été l'émission d'un "bip-bip "...»
