BÉNÉVOLENTS - Partie I ÉMISSAIRES
12 Minoas de Knossos
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Lorsque les hommes du roi vinrent pour l'emmener, Jim était beaucoup moins enthousiaste. Deux esclaves puissamment musclés tenaient une méridienne à porteur, quatre soldats en tenue d'apparat les accompagnaient. La méridienne était recouverte d'un moelleux futon de draps de soies et de coussins brodés d'or.
─ Je vais devoir monter là-dessus? S'étrangla-t-il
─ Ordre de sa Majesté, ma Dame, afin que vous ne vous fatiguiez pas.
Se faire nommer «Ma dame» provoqua en lui un haut le cœur de profonde répulsion.
─ Mais enfin, je ne suis pas une petite chose fragile à envelopper dans de la soie !
Cette phrase résonna étrangement dans les esprits du trio. Ils l'avaient déjà entendue prononcée. Dans quelle circonstance ? par qui? quand? où? Ils n'auraient su le dire. Mais ils ne s'attardèrent pas sur ce furtif sentiment de déjà-vu étrange. La situation était déjà suffisamment embarrassante pour Jim.
Les soldats ne comprirent pas la raison de cette protestation.
─ C'est très grand honneur que le roi vous fait. Expliqua Ioústos. C'est une façon d'affirmer aux yeux de tous combien vous lui êtes était importante et précieuse.
─ Je ne veux pas lui être importante ou précieuse! S'insurgea Kyriakê en posant sa main sur le bras de Spêlios. J'ai déjà un époux!
Une puissante vague d'amour les traversa l'un et l'autre de part en part.
─ Nous comprenons cela, Noble Dame, mais nous devons obéir aux ordres du Roi, notre Maître
Les esclaves avaient posé la méridienne sur le sol afin qu'il puisse y prendre place. Une fois de plus, il n'avait pas le choix. Il s'assit en tailleur et se tint bien droit. Spock et McCoy se placèrent l'un devant l'autre, à coté de lui.
Il était plus mortifié que jamais, ainsi exposé à tous les regards. Il avait la sensation d'être un veau sacré que l'on paradait avant de l'amener au sacrifice. Pourtant, alors que tous les badauds se retournaient sur leur passage, il n'y eut aucun comportement ou commentaire déplacés. Les gens admirèrent sa grâce, son maintien altier, sa beauté. Beaucoup semblaient supposer que cette belle Dame devait être une des Nobles Matrone du palais Royal.
Jim s'allongea à demi sur le côté, afin de pouvoir parler avec Spock et Bones. Il chuchota, tout en maudissant cette impossibilité à parler en Standard :
─ L'attitude des hommes n'est plus la même.
McCoy hocha la tête :
─ Oui, je l'ai remarqué aussi. Le fait que tu sois mis à l'honneur avec les couleurs de leur roi doit leur imposer le respect.
─ Je pense que les pulsions sexuelles ces mâles avaient été exacerbées par leur déesse. Le contredit Spêlios
Tout comme Ny'One avait vraisemblablement affaibli volontairement son contrôle psychique.
Bones ne remit pas en cause cette affirmation. Il avait lui-même été manipulé par Athênâ : elle s'était servie de lui pour donner ses encouragements et sa Bénédiction à Antiópê et son peuple. La thèse de Spock était cohérente... et logique.
Kyriakê prit le temps de contempler les visages admiratifs, mais respectueux. Il n'y avait plus un seul regard libidineux :
─ Une sorte de preuve par l'image que cette société a besoin d'être réformée en profondeur vers plus de respect et d'égalité ?
─ Illes ont sans doute fait de même avec les Amazonides. Comprit Leóntios. Pour nous motiver...
─ Votre déduction est plausible. Les probabilité que ce roi soit actuellement sous leur influence sont assez élevées. Je ne dispose cependant pas d'assez d'élément pour vous donner un chiffre précis.
─ Oui, et bien ça me fait une belle jambe de savoir qu'il n'est pas réellement fou amoureux de moi. Ironisa Kyriakê
─ Une... belle jambe ?
Ni Jim ni Bones n'eurent le cœur à rire de son incompréhension de cette métaphore Humaine.
─ Cela signifie que cette info ne nous sera pas vraiment utile pour nous sortir de cette situation pourrie. Traduisit Leóntios
─ Bien au contraire, nous pouvons supposer que cet état est provisoire. On peut logiquement en déduire que lorsque ces Bénévolents auront obtenu ce qu'illes veulent, illes libèreront ce roi de cette emprise.
─ Que le ciel vous entende mon ami! Soupira Leóntios
Il rougit en prenant conscience des deux derniers mots qui lui avaient échappés.
Pour une fois, Spock ne releva pas l'incongruité de ces propos. D'autant plus que l'aveux d'amitié de Bones lui fut infiniment agréable.
Arrivés au palais, Jim fut emmené d'un côté et ses compagnons de l'autre. Protester était inutile. Jim tourna son esprit vers le Kash-naf qui l'unissait à Spock. Il constata que son T'hy'la avait fait de même. Leur lien enfla comme pour mieux les rattacher l'un à l'autre. Et ils surent qu'aucune distance n'était à même de les séparer. Quel que puisse être le lieu où l'un était emmené, l'autre le retrouverait, pour toujours et à jamais.
«Taluhk nash-veh k'du» pensèrent-ils au même moment.
Jim fut confié à des esclaves qui le pomponnèrent avec soin. Elles se comportèrent avec respect et gentillesse, il les laissa faire : elles ne faisaient que suivre les ordres reçus.
Il fut plongé dans un bain parsemé de pétales de roses, essuyé avec délicatesse, coiffé. Il refusa le parfum et l'épilation de son corps au motif que son époux désapprouvait ces artifices. Cet argument était parfaitement entendable pour ces femmes : une bonne épouse doit obéissance à son mari. On le revêtit de somptueux chitons composés de soies fines, chatoyantes... et transparentes. Il protesta en usant des mêmes prétextes. Les servantes lui donnèrent un second chiton plus court, richement brodé, qu'il enfila par-dessus les autres.
De leur côté, Spock et McCoy furent eux-aussi bien traités : bain aux herbes et chitons propres en soies épaisses. On ne les empêcha pas d'accrocher leurs sacoches de lin à leur épaule.
La salle des banquets était étonnement vide de tout courtisan. Là aussi, une fresque immense couvrait l'entièreté d'un mur, et représentait le couple de Bénévolents Ny'One et Athênâ au milieu d'un jardin de fleurs.
Un esclave indiqua à chacun où allait être sa place autour de la table basse. Mais le trio désobéit à ces instructions.
Le Rois de Knossos entra, encore plus richement vêtu. Il arborait un large collier de perles et d'or entremêlés autour du cou, des bagues de pierre précieuse aux doigts.
Il vit que Spêlios, Kyriakê et Leóntios s'était assis côte à côte. Les deux hommes entouraient la jeune femme, sur la même méridienne. Et non pas chacun à demi-allongé sur la sienne comme il était coutume de le faire.
Séduire cette Déesse allait s'avérer difficile. Que faisait-elle donc avec un époux aussi froidement impassible ? Que pouvait-elle bien lui trouver comme qualités ? Minoas raffermit sa volonté et adressa un large sourire à la Belle Femme.
─ Vous voilà enfin ma Princesse !
Jim dut se mordre la langue pour se retenir de répliquer qu'il n'était pas une princesse, et encore moins sa princesse.
Le Roi tapa dans ses mains. Des serviteurs apportèrent le repas, un orchestre caché derrière un paravent se mit à jouer. Il y eut un long silence embarrassant
─ Voyez l'étendue de mes richesses. Se vanta maladroitement le Roi, pour tenter d'éveiller l'intérêt de cette Belle Dame au visage impassible aussi figé qu'une statue de marbre. Je peux tout obtenir d'un claquement de doigt, tout vous offrir : parures, vêtement de soies, nourriture la plus raffinée !
─ Tant mieux pour vous. Répliqua Kyriakê avec une indifférence polie.
Il n'accorda pas un regard aux somptueux atours que lui présentaient les esclaves. Il les remercia tous poliment d'un «Non. Merci»
─ Aucune de vos richesses sauraient m'acheter. Déclara-t-il d'un ton ferme. Je suis déjà mariée et ne suis pas à vendre.
Minoas balaya cette rebuffade d'un geste de la main.
─ Vous êtes faites pour un destin royal ! Rien ne peut égaler votre beauté! La grâce de votre maintien...
─ Les qualités d'une femme ne se réduisent pas à son apparence physique. Rien ne prouve que je sois aussi idiote et acariâtre que belle.
─ Cela m'étonnerai beaucoup, vos yeux de miel brûlent d'intelligence !
Jim se contenta de se murer dans un mutisme têtu. Ses compagnons maintinrent eux aussi un silence réprobateur.
Voyant que ses compliments n'atteignaient pas leur but, Minoas changea de tactique pour tenter d'éveiller l'intérêt de cette Belle Dame :
─ On m'a raconté que vous étiez en voyage à la recherche de pierre précieuse.
─ Peut-on savoir d'où vous tenez cette information? Demanda Kyriakê en faisant un effort pour ne pas être mal-aimable
─ Vous ne connaissez visiblement pas nos usages, nul ne vous connait ici, donc vous venez de loin. Vous vous êtes directement rendu chez Ioústos le meilleur lapidaire de la ville. Donc vous êtes à la recherche d'une pierre.
─ Logique. Se contenta de dire Spêlios, en s'attirant un regard mécontent de McCoy.
─ Avez-vous trouvé ce que vous cherchiez, ma belle Dame ?
─ Non, mais nous sommes sur la bonne voie.
─ Moi, je recherche une nouvelle épouse. Annonça Minoas, qui se rendit compte après coup de son manque total de délicatesse.
Cette femme était si étourdissante qu'il en perdait son éloquence
─ Vraiment? Fit mine de s'étonner Kyriakê.
─ Vous pourriez être celle qui...
─ Je vous rappelle que j'ai déjà un époux.
─ Il y a toujours moyen de s'arranger en échange de contreparties...
─ Mon Épouse n'est pas à vendre. Intervint Spêlios d'une voix glaciale.
Minoas évita de croiser les yeux sombres de cet homme aux traits impénétrables. Son étrange ressemblance avec le Bénévolent Ny'One le mettait mal à l'aise.
─ D'ailleurs, n'êtes-vous pas vous-même déjà marié, pratiqueriez-vous la polygamie? Insinua Kyriakê
─ Moi, déjà marié? Humpf, à une traîtresse adultère! Protesta Minoas. Cela ne compte pas !
─ J'ai entendu ces rumeurs sordides et ridicules à propos de votre épouse. Franchement, j'ai beaucoup de mal à croire qu'une femme et un taureau puissent concevoir un enfant ensemble! Affirma Kyriakê avec une grimace de profond dégoût. Il est inconcevable que cela puisse être physiquement possible !
─ Vous aussi! Vous êtes contre moi! S'emporta soudain Minoas avec colère
─ Non, je suis persuadé que votre enfant a été victime d'un mauvais sort. Rétorqua Kyriakê calmement
Minoas contempla cette si belle femme si confiante en elle-même. Il la trouva plus envoutante que jamais et fut incapable de lui en vouloir pour son impertinence. Phôtios lui avait toujours dit que son épouse l'avait trompé, et il avait toute confiance en son conseillé. Il se souvint pourtant que Kirkê lui avait tenu les mêmes propos que Kyriakê, avant qu'il ne lui interdise l'entrée de son palais.
Le doute s'insinua sournoisement en lui, Phôtios aurait-il menti ? Non, c'était impossible ! Son conseillé lui était loyal et fidèle, Phôtios avait dévoué sa vie à la prospérité du Royaume et au service de son Roi.
─ Est-elle encore en vie? Demanda Kyriakê le tirant involontairement de ses pensées
─ Bien entendu. Répondit-il au tac au tac
─ Je ne vous crois pas. Rétorqua Kyriakê avec provocation. Tout homme dans votre position l'aurait tuée sans aucune pitié !
Oui, c'est ce qu'il avait voulu faire, Phôtios n'avait eu de cesse de le lui conseiller encore et encore, mais un doute inexplicable, inextricable, l'en avait empêché.
─ Je ne l'ai pas tuée.
─ Nul ne l'a jamais revue. Insista Kyriakê.
Minoas s'énerva à nouveau :
─ D'accord, je vais vous prouver qu'elle est bien en vie! Venez avec moi! Tous les trois !
Spock, Kirk et McCoy échangèrent un rapide regard : c'était bien trop facile...
Ils le suivirent jusqu'à l'étage supérieur, dans une sorte de tour.
Les gardes, tous plus étonnés les uns que les autres, se levèrent sur leur passage. Une porte leur fut ouverte. Minoas fit pénétrer Spock et Leóntios dans la pièce. Il resta à l'entré et saisit Kirk par le bras pour qu'il reste prêt de lui. Une femme se leva à leur entrée, éberluée. Elle ressemblait étrangement à Jim dans sa forme féminine.
─ Là, tu vois bien qu'elle est en vie !
─ ...votre...altesse? Balbutia Pasipháê en pâlissant
Minoas recula, entraînant Kirk avec lui.
─ Fermez la porte ! Ordonna-t-il
Ainsi, il n'allait plus avoir à encaisser les regards plein de reproche du frère et de l'époux légitime de celle qu'il avait choisie pour Reine.
─ Que faites-vous? S'indigna Kyriakê en tentant en vain de se dégager de la prise de Minoas.
─ Tes amis vont rejoindre cette traînée adultère dans sa prison dorée, et toi tu vas m'appartenir !
─ Je suis déjà mariée! Ce serait un adultère! Protesta Kyriakê.
L'adultère était sévèrement réprimé et puni dans cette citée. Mais Minoas balaya ce problème, il était le Roi, il avait tous les droits, y compris celui de faire plier les lois.
─ Je décrète que ces liens maritaux n'ont aucune valeur dans mon royaume ! Tu seras mon épouse, que tu le veuilles ou non!
─ Jamais!
Le ton de Kyriakê avait été si déterminé et si autoritaire que Minoas eut une demie seconde d'hésitation. Il serra la femme de force contre lui, afin de bien lui montrer son pouvoir sur elle.
Pour la millième fois, Kirk maudit la fragilité et la faiblesse des muscles de ce corps de femme. Il fut incapable de le repousser. Il ne pouvait pas non plus se permettre de le frapper pour se libérer de ses bras libidineux.
Minoas approcha ses lèvres des siennes. Il stoppa net son mouvement, décontenancé par le regard meurtrier de sa prisonnière qui semblait lui promettre milles morts douloureuses si par malheur il l'embrassait de force.
Minoas décida de changer de méthode. Il entraîna sa captive à sa suite et la força à entrer dans une salle luxueusement meublée.
─ Tu dormiras ici cette nuit. Seule. Tu auras tout le loisir de réfléchir à ta situation. Sache que tes amis sont en mon pouvoir, il ne tiendra qu'à toi qu'il ne leur arrive aucun mal.
La porte fut claquée avant que Jim n'ait le temps de répliquer quoi que ce soit.
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─ Qui êtes-vous? Demanda Pasipháê, visiblement anxieuse
─ Des amis de Kirkê. Je me nomme Leóntios et voici Spêlios l'époux de ma sœur Kyriakê. Répondit McCoy de sa voix la plus douce.
Pasipháê contempla l'homme étrange, et bien qu'il ait ce bandeau qui lui cachait les oreilles, elle s'exclama :
─ Vous ressemblez à Ny'one!
─ Oui, c'est une drôle de coïncidence. Sourit gentiment Leóntios.
─ Savína disait souvent qu'un jour les Bénévolents nous enverraient des Êtres venus des étoiles pour nous guider sur les voies de la sagesse. Déclara-t-elle avec une dévotion touchante. Est-ce vous?
Par quel magie avait-elle fait le rapprochement ? Les deux hommes n'eurent pas le temps de l'interroger. La porte s'ouvrit sur le jeune garde qui entra en trombe. Il se laissa enfermer avec elleux.
─ Ma Dame?
─ Mános, tout va bien, ils sont des amis de Kirkê. Le roi les a enfermés avec moi pour faire du chantage sur l'épouse de Spêlios.
Mános les regarda longuement.
─ Vous ressemblez à Ny'one. Êtes-vous les Émissaires de la Promesse ?
McCoy soupira.
─ Cela n'a aucune espèce d'importance tant que nous serons tous coincés ici.
─ Et où irez-vous si vous pouviez partir d'ici? Demanda Pasipháê
─ Nous devons récupérer un cristal au centre du labyrinthe. Répondit Spêlios calmement
─ Dans le labyrinthe? ! Oh, je vous en prie, emmenez-moi avec vous! Supplia Pasipháê. Emmenez-moi voir mes enfants !
─ Vous aussi, vous pensez qu'ils sont en vie? S'étonna Leóntios
Elle posa ses mains sur son cœur :
─ Le cœur d'une mère sait ces choses-là.
Elle se crispa soudain de douleurs et se plia en deux. Mános se précipita vers elle et la prit dans ses bras.
─ Ça lui arrive souvent? Demanda Leóntios
─ Oui, de plus en plus! Répondit Mános en essayant de cacher son inquiétude
McCoy se plaça derrière le couple. Une certaine forme de magie semblait exister au sein de ce peuple, il en profita :
─ Ne vous retournez pas, je vais... je vais sortir un de mes instruments magiques.
Le couple ne protesta pas, ni ne désobéit, le confortant dans cette déduction. McCoy prit son médicorder.
─ Ça alors! S'exclama Leóntios au bout de quelques minutes.
Il rangea son instrument dans son sac.
─ Me permettez-vous de vous tâter le ventre? Est-ce bien là que vous avez eu mal, ainsi que dans le bas du dos?
─... euh... oui... Murmura Pasipháê dont les douleurs s'étaient calmées.
McCoy palpa doucement son abdomen.
─ Je vais vous posez une question extrêmement intime. Tous les deux avez l'air très proches, avez-vous, hem... vous-savez-quoi?
Pasipháê rougit et acquiesça : elle ne voulait pas mentir au Messager des Bénévolents.
─ ... que sous-entendez-vous? Qu'elle serait enceinte? Balbutia Mános.
─ Oui, et de plusieurs mois.
─ Minoas va être furieux! Paniqua aussitôt Pasipháê. Il va faire du mal à cet enfant !
─ Mais pourquoi son ventre est-il si plat?
─ On nomme cela un déni de grossesse. Dans le cas de votre compagne, son corps a dû vouloir cacher l'enfant pour le protéger de la colère du roi.
Pasipháê posa les mains sur son ventre plat, elle avait toujours désiré avoir d'autres enfants, et voilà que le Messager lui annonçait cette future maternité :
─ Mon pauvre petit amour... Oh, Bienveillante Athênâ, protège cet enfant! Ne laisse pas la malédiction tomber à nouveau !
Elle prit conscience qu'elle n'éprouvait plus aucune peur. Guidés par la Bénévolente, les Messagers allaient lui venir en aide.
Mános ne partageait pas cette absolue confiance :
─ Il faut que nous partions d'ici immédiatement! Il faut partir loin d'ici, le plus loin possible!
─ Pas sans mon épouse. Rétorqua Spêlios avec autorité.
─ Attendons au moins qu'il fasse nuit. Suggéra Leóntios.
─ D'accord. Concéda Mános.
─ Je suggère que vous commenciez à préparer les choses que vous souhaitez amener avec vous. Proposa Leóntios
─ Je n'ai besoin que de Mános à mes côtés. Répondit Pasipháê avec un amour véhément, que McCoy trouva attendrissant.
Mános rougit, s'agenouilla devant elle et déposa des baisers sur ses mains.
Bones sourit avec indulgence. Pasipháê était encore jeune, elle avait à peine la trentaine, et son compagnon ne devait pas avoir beaucoup plus de vingt ans. Si illes parvenaient à s'évader de cette prison, illes pouvaient espérer avoir de longues années de bonheur devant elleux...
Spock avait assisté à tout cela de loin, son esprit était entièrement tourné vers son T'hy'la, il percevait son agacement, sa frustration... mais il savait que Minoas ne lui faisait aucun mal.
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Vaguement nauséeux suite aux avances répugnantes de Minoas, Kirk fit le tour de sa prison dorée. Il se sentait comme un rat pris au piège. Comment allait-il faire pour sortir de là? Sa seule consolation était de savoir qu'aucun mal n'était fait à son T'hy'la et à Bones. Ce Kash-naf était une bénédiction!
Il remarqua une petite table qui l'attira comme un aimant. Sur celle-ci étaient disposées des feuilles, de grandes plumes soyeuses et une petite amphore d'encre noire. Tien, ces gens avaient inventé le papier?
Il prit l'une des feuilles dans sa main. Il eut un long frisson tandis qu'une volonté supérieure à la sienne frôlait délicatement en son esprit. «Nous avons besoin de votre aide pour guider nos enfants, acceptez de nous laisser guider votre main».
Il reconnut Athênâ et Ny'One
Étrangement, Jim n'éprouva aucune appréhension. Ces deux esprits étaient paisibles et bienveillants. Il savait intuitivement qu'au moindre refus de sa part, ils se retireraient de lui. Alors, il accepta.
Il tourna sa pensée vers Spock, leur Kash-naf vibra alors que leurs psychés s'unissaient, se servant des esprits des Bénévolents comme catalyseurs. L'amour puissant que Athênâ et Ny'One éprouvaient l'une pour l'autre trouva écho dans celui de Jim et Spock. Ces sentiments aimants diffusèrent en eux un incroyable sentiment de bien-être et de justesse.
Tranquillement, Jim les laissa guider ses gestes. Il s'assit, prit une plume et en tailla la tige en biseau, «le calamus de la plume» précisa doucement la voix en lui avec une tendre malice qui fit sourire Jim. Il la trempa dans l'encre noire et écrivit sur les feuilles de pápyros :
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Ceci est la parole et la volonté de Athénâ et Ny'one, créateurtrices de ce système solaire, afin de guider nos enfants bien-aimé·es sur les voies de la sagesse et du bonheur.
• Toustes les humanoïdes naissent libres et égauxles, en dignité et en droit, quelles que soient leur apparence physique, leur sexe biologique, leur identité de genre ou leur sexualité.
• Nul·le n'a le droit de réduire autrui en esclavage, de porter atteinte à son intégrité physique ou psychique.
• Nul·le n'a le droit de s'approprier les biens d'une autre personne.
• Toustes les humanoïdes adultes sont libres de pratiquer leurs sexualités selon leurs appétences, dans le strict cadre du consentement mutuel et du respect mutuel. Tout comme illes sont libres de ne pas désirer de sexualité.
• Toutes les femmes sont libres de gérer leur aptitude à la reproduction, et nul·le n'a le droit d'obliger une femme à porter un enfant
• Toustes les humanoïdes ont le droit de penser et de s'exprimer librement, sans craindre d'être condamné·es pour ses opinions. Par conséquent, illes ont aussi le droit de ne pas croire en nous.
• Toustes les Humanoïdes ont le droit légitime de prendre part au gouvernement de leurs cités et de leurs nations, dans le cadre du fonctionnement démocratique qui conviendra au plus grand nombre
• Éduquez vos enfants, aimez-les. Éveillez et élevez leurs esprits.
• Partagez vos connaissances, vos savoirs, vos arts, ils seront les ciments fédérateurs de votre société
• Prenez soin des plus faibles d'entre vous avec bienveillance et respect.
• Rendez la justice de façon juste et équitable, bannissez la vengeance.
• Chérissez cette planète qui vous porte en son sein.
• Respectez toutes les formes de vie.
• Assurez à vos animaux domestiques une vie digne et conforme à leurs besoins. Si vous choisissez de vous nourrir de leur chair, accordez-leur une vie heureuse adaptée à leurs besoins, une mort rapide et sans souffrance inutile.
À tout moment, en toute choses, privilégiez la voie de la bénévolence et de la raison. Usez de la violence uniquement si vous n'avez pas d'autre recours possibles.
Nous sommes Athénâ et Ny'one, nous vous avons créé·es à nos images, imparfait·es mais perfectibles.
Vous êtes toustes nos enfants chéri·es, nous vous avons conçu·es avec tout notre amour, soyez aussi heureuxses que possible.
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Les esprits se retirèrent doucement.
Jim relut ce qu'il venait d'écrire. Il avait approuvé au fur et à mesure chaque mot que sa main avait tracés sous l'impulsion des Bénévolents. Le texte était plus succinct que la déclaration universelle des Droits Humanoïdes de la Fédération des Planètes Unies, mais l'essentiel était dit.
Le pápyros émit une lumière irisée et changea de matière. Les fibres végétales qui le constituaient devint aussi souple et solides que du plasticier : indéformable, indéchirable, imputrescible, ininflammable, ineffaçable.
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Spock s'assit en tailleur sur le sol, il ferma les yeux. Il eut un léger tremblement qui inquiéta aussitôt McCoy. Il ressortit son médicorder. Le cerveau de son ami émettait des ondes thêta : Spock était entré dans une sorte de transe méditative. Il resta ainsi pendant un temps qui parut interminable au médecin, il commença à s'inquiéter.
─ Que lui arrive-t-il donc? Pourquoi s'est-il mis dans cet état? Serait-il arrivé quelque-chose à Kyriakê?
─ Peut-être est-il en contact avec les Bénévolents? Suggéra Pasipháê
Les yeux toujours fermés, Spock commença à parler d'une voix calme. Il énonça les préceptes que Jim relisait mentalement. Lorsqu'il rouvrit les paupières, Pasipháê et Mános le regardaient comme s'il était la réincarnation de Ny'one : avec dévotion et respect.
─ Je ne suis pas Ny'one. Affirma-t-il tranquillement. Pas plus que mon Épouse n'est Athênâ. Ils se sont servis de nous pour transmettre leur volonté.
─ Oui, mais pour le coup, cela ne sert à rien, nul autre que nous n'a pu t'entendre ! Ronchonna Leóntios, mécontent de l'inquiétude que cet étrange état de Spock lui avait fait subir.
─ Certes. Cependant, Kyriakê a inscrit ces mots sur une feuille de pápyros, lequel s'est transformé en plasticier dès qu'il a eu fini de tout écrire.
─ Donc nos intuitions étaient justes. Ce sont eux qui ont incité de roi à venir rendre visite à Ioústos, eux qui l'ont rendu fou amoureux de Kyriakê. Illes trouveront donc un moyen de nous aider à sortir de là.
─ C'est une probabilité. Admit Spêlios.
─ Et le plus vite sera le mieux! Ajouta Leóntios en contemplant Pasipháê
Son abdomen s'arrondissait et grossissait à vue d'œil depuis la révélation de sa grossesse, sans provoquer de douleur. Le visage serein, Pasipháê gardait ses mains posées sur son ventre avec amour, murmurait milles mots de tendresse à cet enfant à venir, comme pour rattraper le temps perdu. Elle n'avait peur de rien. Ces envoyé·es des Bénévolents allaient la libérer de cette prison, Mános et elle allaient retrouver leur liberté. Et illes élèveraient ce cadeau de la vie avec tout l'amour qu'il méritait.
McCoy ne cachait plus son médicorder, il fit une rapide analyse
─ La mère et l'enfant sont en parfaite santé.
Mános se pencha et déposa un baiser sur le ventre tendu par la vie qu'il portait... son enfant.
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Jim posa le pápyros sur la table. Il entendit un bruit de chute dans le couloir. Pris d'une soudaine inspiration, il poussa la porte, qui s'ouvrit sans opposer de résistance. Le garde était bien là, profondément endormi. C'était son javelot qui avait fait ce bruit en tombant. L'homme n'avait pas été assommé de façon violente. Il était assis, dos au mur, son visage exprimait une joie sereine.
Jim se souvint du chemin parcourut pour venir ici. Il refit le trajet inverse. Toutes les personnes qu'il croisa étaient profondément endormies, beaucoup étaient souriantes, comme si un sortilège bienveillant avait été jeté.
Spock se leva précipitamment.
─ Kyriakê! S'exclama-t-il au grand étonnement de toustes.
La porte s'ouvrit sur Kyriakê :
─ Tout le monde est endormi, profitons-en pour sortir d'ici. Venez!
Spock vint vers lui à grands pas, leurs mains se joignirent en un discret mais intense El'ru'esta. Mános aida Pasipháê à se lever.
─ Qu'est ce que...? S'étonna Kyriakê
─ Déni de grossesse pour protéger le bébé. Expliqua sobrement Leóntios
─ Ok. La question est de savoir par où il faut passer pour rejoindre le labyrinthe de Daídalos.
─ Il faut passer par le fleuve Amnisos, il nous y conduira de façon directe. Suggéra Mános
─ Bien allons-y. Mais auparavant, il faut mettre cette femme à l'abri.
─ Je viens avec vous! Affirma Pasipháê. Je veux retrouver mes enfants!
Jim se rendit compte qu'il venait de tenter de prendre une décision à sa place, sans lui demander son avis. Les vieux réflexes de mâles protecteurs avaient la vie dure.
─ Vous avez raison. Ne perdons pas de temps. Nous ignorons combien de temps durera cet étrange phénomène de narcolepsie générale.
Illes sortirent du palais, parcoururent les rues. Partout où illes passèrent, les gens étaient profondément endormis, nombreuxses étaient celleux qui souriaient dans leur sommeil, comme s'illes faisaient les plus doux des rêves.
Illes choisirent une embarcation sur les conseils de Mános, fils de pêcheur. Le courant et le vent clément entraîna rapidement le bateau loin de Knossos
Spock et Jim s'assirent l'un à côté de l'autre, impassibles. Leurs doigts étaient discrètement joints, leurs esprits délicieusement unis. Ils n'avaient pas besoin de mots, juste d'être ensemble.
Lovée tout contre son bien-aimé, Pasipháê répétait avec un espoir sans faille
─ Je vais retrouver mes enfants, Mille fois Bénis soient les Bénévolents.
McCoy ne pouvait se retenir de sourire face à tant d'amours exposées à ses yeux.
─ Que le ciel vous entende!
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À suivre...
À peine le conseil des ministres s'était-il achevé que Minoas s'était levé avec précipitation. Phôtios le Grand Conseillé contempla son Roi en parvenant à cacher son étonnement. Quelle lubie lui prenait-il?
Un petit commentaire ?
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Christine
merci pour ton commentaire.
Tu vois, les Bénévolents veillent sur leurs messagers. Jamais ils n'accepterai qu'on leur fasse du mal... même s'illes leurs ont forcé la main.
Et au prochain chapitre, nous en saurons un peu plus sur Photios le conseillé
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Taluhk nash-veh k'dular : Vous m'êtes précieux
Taluhk nash-veh k'du : Tu m'es précieux
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