BÉNÉVOLENTS - Partie I ÉMISSAIRES


15 Spohkh

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T'Partha et Daédalos les invitèrent toustes dans leur grande demeure.

Pasipháê fut installée dans une belle chambre avec son nouveau-né. Elle s'endormit aussitôt, le visage rayonnant de bonheur : elle avait retrouvé son Fils-Bien-Aimé, ses Enfants-Chéri·es. Toustes avaient été choyé·es par leurs parents d'adoption et étaient en excellente santé. Elle avait mis au monde le plus beau de tous les bébés, et elle allait pouvoir l'élever dans ce monde paisible, avec Celui que son cœur avait choisi.
Après l'avoir longuement regardé dormir, Mános accepta de la laisser pour rejoindre ses hôtes. Leur aspect étrange ne l'étonnait déjà plus : illes étaient à l'image de Ny'One, tout comme son peuple avait été conçu à celle de Athénâ... leurs nations étaient destinées à s'unir, tout comme le couple des Bénévolents.

Les frères et sœurs Humains de Astérios organisèrent une joyeuse fête : l'arrivée de Pasipháê, la naissance de leur petit frère, la délivrance de Astérios étaient autant de motifs de se réjouir. Illes chantèrent et dansèrent sans se fatiguer jusqu'au milieu de la nuit.

Installés à une table un peu à l'écart, le trio fut soumis à un feu de questions nourries. Ils y répondirent dans la mesure où cela n'entrait pas en contradiction avec la Prime directive.
Le petit Spohkh ne quitta pas le Vulcain des yeux et finit par s'installer sur ses genoux. Étonnement, l'adulte ne repoussa pas le petit garçon. Kirk ne fit aucune remarque, son cœur était trop gonflé de tendresse à la vue de cet étrange duo.

Les parents furent très surpris : Spohkh détestait tellement les contacts physiques qu'il refusait même leurs câlins. Il suffisait parfois de le toucher pour provoquer de violentes crises de colère. Il détestait encore plus se trouver au milieu d'un grand nombre de personnes. Il faisait toujours l'effort de rester, pour faire plaisir à ses parents, et finissait toujours par fuir le plus loin possible de toutes ces voix trop bruyantes.
T'Partha avait expliqué à Daédalos les raisons du besoin vital de Spohkh de rester ainsi en retrait. La situation n'en était pas moins douloureuse pour ce père aimant, si impuissant à aider son enfant.
Là, assis tout contre le Messager, l'enfant leur parut plus calme et détendu que d'ordinaire. Il resta même toute la soirée !

Instinctivement, Spock modéra plus rigoureusement ses pensées. Il percevait l'esprit de l'enfant, blotti à la frontière du sien, attentif et silencieux. Il devait être pourvu d'un don de télépathie tactile. Il était plus prudent d'éviter que cet enfant perçoive certaines informations ou données personnelles.

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Enfin seuls! Une chambre leur avait été donnée pour la nuit. Jim et Spock avaient procédé à leurs ablutions et savouraient à présent le meilleur moment de la journée : celui où ils pouvaient enfin s'enlacer et s'embrasser en toute liberté. Leurs lèvres étaient si douces, leurs peaux si suaves, leurs esprits s'échauffaient lentement, s'enlaçaient étroitement...

L'ouïe fine de Spock perçut le discret toc-toc à la porte. Jim s'assit sur ses talons en bougonnant. Il se dérida en voyant entrer celui qu'il avait surnommé Mini-Spock dans son esprit.

─ Je peux dormir avec vous? Demanda-t-il timidement

─ Pourquoi souhaites-tu dormir avec nous? Répondit tranquillement Spêlios

─ Quand je suis contre toi, je n'entends plus tous les autres. Expliqua l'enfant

─ Tu as un don de télépathie.

─ Ce n'est pas un don! S'emporta Spohkh avec colère. Si Maman ne m'aidait pas en faisant une barrière avec son esprit, j'entendrais tout de ce que pense tout le monde tout le temps!

Ses parents avaient tendance à lui faire des reproches lorsqu'il s'enflammait ainsi. Mais ces deux adultes-là réagirent de façon différente. Il y avait de la douceur dans leurs yeux et dans leurs esprits, de la douceur et de la compréhension.

Kyriakê murmura d'une voix apaisante des mots qui réconfortèrent l'enfant :
Moi aussi, à ta place, je trouverai cela insupportable.

─ Quel âge as-tu ?

─ Sept ans.

Il était vraiment très petit pour son âge, il paraissait beaucoup plus jeune. Il perçut leur acceptation et grimpa sur le lit.

Spock prit sa décision en même temps qu'il la proposa :
─ Souhaites-tu que je te montre comment élaborer tes propres barrières mentales pour ne plus entendre les pensées des autres ?

─ Oui! Oui, s'il te plait!

─ Je vais devoir fusionner mon esprit avec le tien. Le supporteras-tu?

─ Oui. Je sais que tu es gentil et que je n'entendrai plus les autres.

─ C'est pour cela que tu es monté sur ses genoux lors du repas, pour faire taire les autres voix.

─ Oui, même s'il vous aime si fort, les pensées de Spock sont calmes et bien rangées.

Tous deux prirent place dans le lit, non loin de Jim, et s'assirent sur leurs genoux. L'adulte prit la main de l'enfant, les dons de celui-ci étaient tels que cela était suffisant pour établir une fusion mentale. Spock prononça cependant la formule rituelle.

─ Katra t'nash-veh svi'du, katra t'du svi'nash-veh, nahp hif-bi du throks [mon esprit dans ton esprit, ton esprit dans le mien, donne-moi un accès à tes pensée]

Spock fut aussitôt assailli par le maelstrom désordonné de toutes les voix qui fusaient de toutes parts. Ce vacarme était assourdi grâce à la protection mentale de T'Partha, mais elles étaient là, omniprésentes, pressantes, oppressantes, un brouhaha permanent.
Le petit Spohkh avait grandi entouré de l'amour, de son père, sa mère, ses frères et sœurs d'adoption, toustes l'entouraient de toute leur tendresse...Spock perçut les échos mentaux de toute cette affection qui entourait l'enfant, et qui agissaient en lui comme autant d'antidotes protecteurs, mais insuffisants.

Car la présence constante de ces pensées étrangères entravaient l'épanouissement de l'enfant. Elles requérait de sa part une concentration permanente pour ne pas les écouter, une énergie considérable pour les séparer des voix des personnes qui s'adressaient à lui. L'épuisement psychique provoquait de temps en temps des pertes de contrôle sous la forme de ces crises de fureurs incontrôlables qui déconcertaient tant son entourage...

Cette faculté grandissait avec lui, s'amplifiait avec le temps, au point de lui faire éprouver de plus en plus de difficultés à différencier ses propres pensées et perceptions de tous ces bruits ambiants permanents. Ce don croissait de façon exponentielle, devenait une malédiction. L'enfant avait déjà pensé à aller vivre seul, loin, très loin de tout pour ne pas devenir fou... jusqu'à ce qu'il rencontre cet adulte étrange qui lui ressemblait tant, cet homme dont l'esprit à la fois puissant et tranquille agissait comme un bouclier.

L'enfant se laissa guider avec une confiance aveugle. Il ne fut pas difficile de trouver le type de Naph-fo-dan dont il avait besoin, leurs deux psychés étaient si semblables.
Pas à pas, Spock guida ce petit frère spirituel. Avec son accord, il implanta en lui une auto-suggestion hypnotique afin que ces Naph-fo-dan soient en permanence solidement érigés autour de toutes les composantes de sa psyché, de façon à ce qu'il n'ait plus à y penser. Spohkh avait la possibilité de les abaisser, mais uniquement s'il le désirait.

T'Partha se réveilla en sursaut: l'esprit de son fils s'éloignait du sien, se délitait ! Elle tendit le bras et trouva le coté du lit vide. Jamais il ne s'était éloigné d'elle la nuit, car c'était à ce moment là que les voix se faisaient encore plus omniprésentes.
Paniquée, elle se leva avec précipitation et le chercha dans la maison. Avait-il eu une crise de colère? Une crise de panique? Non elle l'aurait su. Elle se concentra et perçut les échos d'un autre esprit près de celui de son fils. Il était tout à la fois puissant, énergique et bienveillant. Il se comportait comme une barrière protectrice, bien plus efficace que toutes celles qu'elle avait pu bâtir pour sécuriser la psyché de son fils.
T'Partha se dirigea vers la chambre des invités : la porte était restée entrebâillée. Elle passa la tête. Spohkh était bien là. Les yeux fermés, assis tout contre Spêlios. Jamais elle n'avait vu le visage de son fils aussi serein et détendu. Non loin, Kyriakê contemplait l'étrange duo. Ses yeux étaient brûlants d'amour, de tendresse, de gentillesse, d'adoration...

Spêlios rompit son immobilité pour allonger l'enfant avec des gestes précautionneux. T'Partha ne voulut pas être surprise en flagrant délit d'espionnage, elle se cacha, mais ne put se retenir de rester pour écouter. Les époux parlaient un T'khasien fluide.

Il s'est endormi si vite! Tu as pu l'aider un peu?

Oui, cet enfant souffre d'hyper-télépathie. Son esprit est incroyablement volontaire et résistant. Sa mère avait entouré sa psyché de boucliers mentaux élémentaires mais leur efficacité a diminué au fur et à mesure que ses dons ont pris de l'ampleur.

─ C'est puissant à ce point-là?

─ Oui, j'ai calculé qu'il perçoit de façon distincte toutes les pensées de toutes personnes à plus de 500 mètres autour de lui.

─ Quel cauchemar!

─ Ce harcèlement permanent a fini par user son énergie mentale. Il commençait à se replier sur lui-même afin de tenter de s'en protéger. Je l'ai aidé à élaborer des Naph-fo-dan. Je lui ai transmis les connaissances nécessaires afin qu'il sache utiliser et contrôler son don.

─ Et maintenant, il n'entend plus les pensées des gens autour de lui

─ Tout à fait, à moins de le décider de façon consciente

Doucement, Spock remonta la couverture sur le petit Spohkh.

Vois-tu un inconvénient à ce que cet enfant partage notre lit cette nuit?

─ Pas le moins du monde. Je suppose que tu vas passer ta nuit à l'aider à consolider ses naph-fo-dan pendant son sommeil?

─ Oui, il m'en a donné l'autorisation.

Jim se souleva sur ses coudes, il posa un long baiser sur les lèvres de Spock, en murmurant T'hy'la.
Puis se leva, contourna le lit. Spock s'allongea et Jim se coucha tout contre lui, dans son dos, entoura sa taille de son bras.
Spock prit la main de l'enfant et patiemment, point par point, il renforça les naph-fo-dan de l'enfant de façon à ce qu'elles soient à la fois souples et solides. Il se laissa à son tour glisser sans le sommeil, son esprit blottit tout contre celui de Jim.

T'Partha rejoignit sa chambre, rassurée. Ces deux hommes étaient décidément à l'image des Bénévolents. Elle dut faire un effort afin de maîtriser les battements d'allégresse de son cœur. L'Émissaire Spock avait tenté d'aider son fils. Pour le moment, elle ignorait si sa méthode avait été efficace, elle ne devait pas se bercer de faux espoirs...

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Spohkh se réveilla au petit matin.
Il écouta avec stupéfaction.
Il entendait... le chant des oiseaux, mélodieux comme une caresse;
Il entendait... les respirations profondes des adultes qui dormaient à coté de lui, apaisantes, rassurantes

Il s'assit et tendit l'oreille avec encore plus d'attention. Au loin, un pi-matya miaula, un coq chanta.

Ce silence!

Ce merveilleux silence !

Cette incroyable sensation de liberté!
Il n'entendait plus que ses propres pensées !

Il prit conscience des solides structures mentales qui avaient été élaborées dans son esprit. Il les abaissa légèrement et fut aussitôt assailli par le vacarme de toutes les pensées des autres. Comme mues par une volonté propre, ses barrières se rehaussèrent aussitôt. Le silence revint, merveilleux.

Il regarda les deux adultes, endormis et sa curiosité fut la plus forte.
Il parvint à n'ouvrir qu'une infime fenêtre dirigée vers eux.

La psyché de Kyriakê était chaude, volontaire, bouillonnante, énergique. Elle était un réellement homme du nom de Jim... et non pas Djim comme avait cru le comprendre Pasipháê... il aimait... Spock si passionnément ! L'enfant ne s'y attarda pas, il était beaucoup plus attiré par la psyché de son homonyme.

Il ne rencontra aucune difficulté à contourner les nahp-fo-dan de Spock, si semblables aux siens.
Comme son amour pour Jim était puissant ! Il était encore plus fort que les sentiments qui unissaient son papa et sa maman ! Leurs liens étaient si lumineux, aussi naturels et vitaux qu'une respiration, si intenses, plus profonds que les racines des plomeek-lap [arbres à plomeek] les plus anciens! C'est juste beau. Spohkh espérait connaître cela un jour, lui-aussi, quand il serait grand.

Intrigué, l'enfant remarqua des Nahp-fo-dan particulièrement vigoureux. Il devina plus qu'il ne perçut les violents bouillonnements des émotions contradictoires et incontrôlables qui y étaient canalisées. Ce strict auto-contrôle augmenta son admiration vis à vis de cet adulte. Il ne chercha pas à les explorer, parfaitement conscient du danger que ce recoin de cet esprit représentait pour lui.
Il se tourna plutôt vers les souvenirs les plus récents qui affleuraient : ces deux hommes venaient de loin, si loin. Ils vivaient entourés d'Humanoïdes de toutes sortes, découvraient de nouveaux mondes, de nouvelles cultures. Il ne s'y attarda pas : son esprit assoiffé de connaissances fut irrésistiblement attiré par un endroit de l'esprit qui renfermait l'ensemble de ses connaissances. Et plus particulièrement par les enseignements d'un Vuhlkansu célébré pour lequel Spock éprouvait une admiration profonde. Il était trop jeune pour en comprendre la portée pourtant sa mémoire enregistra avidement ce savoir.

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Spock perçut une présence dans sa psyché : un esprit jeune, innocent, animé d'une curiosité insatiable, et plongé dans la contemplation des enseignements de Surak. Il rompit le contact et ouvrit les yeux. L'enfant sursauta.

─ Tu ne dois pas te servir de tes dons pour lire dans l'esprit des autres sans leur consentement, petit frère. Dit-il tranquillement.

─ Pourquoi?

─ Aimerais-tu que l'on lise en toi tout tes secrets sans te le dire? Intervint Jim doucement

─ Non. Reconnut Spohkh. Je ne le ferai plus. Excuse-moi.
Il y avait quelque-chose dans ce qu'il avait glané de l'esprit de Spock qui interdisait rigoureusement toute fusion ou exploration mentale sans le consentement des deux parties. Cela disait que c'était un viol psychique, mais Spohkh ignorait ce qu'était un viol.

Tu es jeune, tu ne pouvais pas avoir connaissance de cet interdit. Thrap-fam'es nufau [je choisi de ne pas être offensé].

─ Comment te sens-tu? Demanda Jim avec bienveillance

─ Ce silence est merveilleux! Répondit l'enfant. Merci, merci Spock. Et je vous promets à tous les deux que je ne dirais à personne ce que j'ai vu!

─ C'est une sage décision. Qu'as-tu vu en son esprit?

─ J'ai surtout regardé les souvenirs de Spock sur vos voyages à travers l'espace et Surak.

─ Tu es bien trop jeune pour en comprendre toute la portée de ses enseignements. Remarqua Spock.

─ Oui, je ne comprends pas tout, mais c'est pas grave, quand je serais grand, je comprendrai. Vous m'en voulez? Demanda l'enfant avec un moue adorable.

Il était impossible de garder rancune et Jim éclata de rire. Il prit l'enfant dans ses bras et déposa un baiser dans ses cheveux. Pour la première fois de sa vie, Spohkh ne fut pas envahi par les pensées par celui qui le touchait. Pour la première fois, il accepta cette étreinte affectueuse.

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Ils retrouvèrent McCoy et leurs hôtes dans la pièce centrale de la demeure. Pasipháê et Mános avaient émis le désir de rester dans leur chambre. La jeune mère était encore fatiguée de son accouchement, et le jeune père voulait rester auprès d'elle.

T'Partha remarqua tout de suite la modification dans l'attitude de son fils. Il n'était plus remplié sur lui-même, se tenait bien droit, son regard était plus clair et plus direct. La méthode de Spêlios avait fonctionné !

Tu es allé déranger nos invités. Gronda gentiment son père, Daédalos.

─ Spêlios m'a aidé à ne plus entendre toute la voix. Expliqua tranquillement l'enfant.

Avant, l'enfant se serait mis en colère en réaction à la remontrance de son père. Celui-ci ne cacha pas son étonnement :
Comment a-t-il fait?

Il m'a aidé à fabriquer des murs protecteurs autour de mon esprit : des nahp-fo-dan.

─ C'était indispensable: le don de votre fils va croître avec lui. Intervint Spêlios.

Ça commençait à me rendre fou. Avoua Spohkh avec une maturité étrange.

─ Il te faudra méditer régulièrement, comme je te l'ai montré, afin de purifier ton esprit, entretenir et renforcer ces nahp-fo-dan.

─ Oui je le ferai tous le jours, comme toi!

Pendant la nuit, l'enfant s'était aussi approprié certaine des façons de penser de cet adulte admirable. À ses yeux de petit garçon, Spock était l'homme le plus sage et le plus érudit du monde. Il voulait devenir comme lui.

Tu vas pouvoir penser par toi-même. Dit Spêlios avec une sévérité qui étonna tout le monde, excepté l'enfant

Oui, et tu seras mon guide. Répliqua Spohkh. Tel est mon choix.

McCoy avait écouté cette étrange discussion avec stupéfaction, il ne put se retenir de s'indigner, ces gens devenaient-ils tous fou de trouver ça normal ?
─ Ne me dites pas que vous avez fusionné votre esprit avec celui de cet enfant? N'y avait-il pas d'autre façon de faire?

─ C'est ainsi que font les parents Vuhlkansu pour guider leurs enfants. Déclara Spohkh

Jim fronça les sourcils, gagné à son tour par l'inquiétude :
À quel point as-tu absorbé les connaissances de Spêlios?

Assez pour pouvoir aider les autres enfants qui naîtrons avec le même don-malédiction que moi.

T'Partha et Daédalos échangèrent un regard, illes comprirent ce qui préoccupait ces Émissaires. Elle posa la main sur l'épaule de son fils. Comme beaucoup de T'khasiens, elle pouvait percevoir les pensées par le toucher. Il ne repoussa pas son intrusion. Elle effleura son esprit.

Notre fils est toujours le même. Dit-elle avec soulagement. Il a simplement acquis beaucoup de maturité en une nuit. Son esprit sait désormais se protéger des aspects envahissants de son don de télépathie. Je vous remercie pour votre aide Spêlios.

McCoy consulta le médicorder qu'il promena autour de l'enfant.
Il est en excellente santé. Mais cela n'empêche qu'une fusion mentale avec un enfant n'est pas...

─ C'est moi qui lui ai demandé! J'avais besoin de son aide. Il était logique que je lui demande : il était le seul à pouvoir m'aider !

─ Logique... Grommela Leóntios comme si ce mot était une grossièreté.

─ Telle devait être la volonté des Bénévolents. Dit simplement T'Partha.

Ce ne pouvait pas être une coïncidence! Elle avait éprouvé de plus en plus de difficulté à protéger l'esprit de son fils de toutes ces voix envahissantes. Elle avait vu son enfant se replier sur lui-même, fuir les contacts avec les autres, s'asseoir dans un coin et se balancer d'avant en arrière, la tête dans ses mains... elle avait craint qu'il ne glisse peu à peu dans une folie auto-destructrice comme cela arrivait parfois à certains enfants trop doués en télépathie...

Spêlios ne t'a pas bourré le crâne avec ses principes psycho-rigides Vuhlkansu au moins?

─ Leóntios! Gronda Kyriakê.

Non. Mais son esprit est empli de tant de savoirs passionnants!

Daédalos éprouvait de plus en plus d'inquiétude face au changement du comportement de son fils : il parlait avec une calme assurance qui n'était pas celle d'un enfant de sept ans.
─ Qu'as-tu appris?

Les enseignements d'un Grand philosophe nommé Surak, le père spirituel de la Nation Vuhlkansu. Et aussi ceux que les Bénévolents leur ont transmis.

─ Leurs enseignements? Demanda T'Partha

L'enfant se rengorgea de fierté :
Toustes les humanoïdes naissent libres et égauxles, en dignité et en droit, quelles que soient leur apparence physique... Je me souviens de chaque mot!

Tout fit soudain sens pour Daédalos, il murmura avec un frisson de respect mystique
─ Cela fait de toi leur messager!

McCoy réagit aussitôt avec véhémence :
NON! C'est avant tout un gamin! Spohkh est un enfant ! Ne lui mettez pas un tel poids sur les épaule! Il est un enfant comme tous les autres! Un enfant qui doit jouer avec les autres gamins de son âge et aller à l'école!

─ Et courir, rire, chanter, s'amuser et faire des bêtises. Précisa Kyriakê d'un ton complice à l'adresse de l'enfant. Et aussi grimper dans les arbres, c'est très important.

Spokhk ouvrit de grand yeux perplexes :
─ Dans les arbres ?

─ Enfant j'aimais beaucoup grimper dans les arbres ! Il y a beaucoup d'arbres avec des branches bien solides ici, qui ne demandent qu'à être escaladées!

Spohkh reconnut pour lui-même que l'idée était d'autant plus séduisante que bon nombre de ces arbres portaient de délicieux fruits dans leurs frondaisons

Spock reprit de sa voix calme :
─ Les propos de Leóntios et Kyriakê, bien que d'apparence très émotionnels, sont parfaitement rationnels. Il n'est pas sain de mettre un tel poids sur les épaules d'un enfant. Laissez-le vivre une enfance normale et nourrissez son besoin d'apprendre. Un fois adulte, il fera de lui-même ses propres choix.

─ Mais s'il est un Messager ?

Jim croisa les yeux de ce père tiraillé entre son amour pour son fils et la profondeur de sa foi :
─ Vos Bénévolents guideront ses pas au moment voulu, comme illes l'ont fait pour nous.

T'Partha hocha la tête, elle avait la sensation de percevoir l'approbation silencieuse de Ny'One.
─ Oui, il ne sera ainsi.

Petit frère. Surak le sage a eu une enfance. Il a commis des erreurs comme chacun et chacune d'entre nous, il a observé le monde. Il a extrait sa sagesse des expériences de sa vie. Si tu souhaites réellement suivre ses pas, tu te dois de prendre toi aussi le temps de grandir, de découvrir le monde par toi-même, et de faire tes propres erreurs pour apprendre d'elles.

Spohkh échangea un long regard avec ce grand frère, il percevait la sagesse de ces mots.
Son père se rapprocha de lui, posa la main sur son épaule, comme une invitation. Pour la première fois depuis longtemps, il ne tenta pas de l'éviter. Alors, Daédalos s'agenouilla devant lui et l'entoura lentement de ses bras, pour lui laisser le temps de refuser ce contact.
Spohkh se rendit soudain compte à quel point cela lui avait manqué, à quel point il avait finalement envie et besoin d'être encore un enfant. Les bras et le torse de son papa étaient forts, chauds et protecteurs. Il n'avait plus accès à ses pensées, mais il percevait à travers ce toucher tout son amour de père. C'était si agréable, si doux.
Spohkh songea à toutes les activités qu'il avait peu à peu abandonnées dans son besoin de fuir les pensées des autres. Il se blottit tout contre son père et entoura son cou de son papa.

Daédalos se releva, en soulevant l'enfant dans ses bras, éperdu de bonheur. Il semblait ne plus vouloir le lâcher, comme s'il voulait rattraper le temps perdu. Et l'enfant ne le repoussait pas, bien au contraire. Il avait la sensation d'avoir retrouvé son fils. Spohkh tourna son visage vers Spock.

Grand frère, je ferai comme tu as dit. Je vais mettre tout ce que j'ai lu dans ton esprit dans un coin de ma mémoire, pour m'en souvenir lorsque je serai grand.

─ De mon coté, je peux vous transmettre les enseignements de Athénâ et Ny'One. Je me souviens de chacun des mots tels qu'illes me les ont fait écrire sur le parchemin.

Du papier fut apporté et Kyriakê y inscrivit les volontés des Bénévolents. Il sentit à nouveau en lui leur présence légère et les laissa guider sa main. En son esprit, les mots se traduisirent d'eux-mêmes en un T'Kasien parfait, comme si Ny'One les lui avait dicté. Le fragile support se transforma en une feuille comparable à du plasticier.

À présent, il est temps pour nous de repartir chez nous. Dit Kyriakê en tendant le précieux document à T'Partha

Je vous prie de différer votre départ. J'ai transmis au Gouvernement central des informations concernant votre présence en notre monde. Je pense que la Gouverneure T'Mirek souhaitera faire votre connaissance.

Kirk ne put se retenir de soupirer :
Notre mission est d'établir des relations de bonne entente et de coopération avec les peuples que nous rencontrons...

─ Certes, cependant, cela s'applique aux civilisations disposant de la technologie lui permettant de voyager dans les étoiles. Intervint Spêlios

On peut dire cela. De toute façon, au point où nous en sommes, nous avons déjà bafoué la Prime directive dans les grandes largeurs. Rétorqua Leóntios.

Qu'est-ce que la prime directive ? Demanda Daédalus

Il nous est interdit d'interférer avec le développement normal d'une société, afin d'éviter toute contamination culturelle. Expliqua Spêlios.

Même quand cette civilisation est injuste? S'étonna Spohkh

Oui. Nous ne devons pas jouer aux Dieux. Répondit Kyriakê. Un remède inadapté peut se révéler encore pire que le mal lui-même.

Là ce n'est pas pareil. Raisonna l'enfant. Vous ne nous avez jamais dit comment nous devons vivre ou penser! Et ces mots sont ceux de Ny'One !

─ Je ne me sens pas contaminé! S'indigna Daédalos, choqué. Vos usages ne sont pas en contradiction avec les nôtres.

─ C'est une loi sage. Rétorqua T'Partha. Cependant, vous êtes ici par la volonté des Bénévolents, les créateurs de ces mondes, vous n'avez donc pas bafoué cette directive.

─ Nous élaborerons le rapport de cette mission en ce sens. Répondit Spêlios. Tout dépendra ensuite de l'interprétation qui en sera faite par nos supérieurs.

─ Je vais demander au Gouvernement central d'établir un document officiel afin de vous disculper de toute accusation. Rétorqua T'Partha. Il serait injuste que vous soyez punis alors que vous n'avez fait qu'accomplir la volonté des Bénévolents !

─ Nous vous en remercions. Répondit Kyriakê.

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La gouverneure T'Mirek arriva en début d'après-midi, accompagnée de quelques conseillés, dont des Humain·es de Elládha. Celleux-là étaient arrivé·es un an après Astérios.
Toutes les personnes qui avaient franchi le portail après lui avaient été de jeunes adultes. En neuf années, illes avaient eu le temps d'acquérir la culture T'Khasienne et de se l'approprier.

T'Mirek était partie la veille, dans les heures qui avaient suivi la missive apportée par le messager de T'Partha. Les deux femmes et les conseillers se retirèrent afin de discuter, puis la gouverneure fit part à Jim, Spock et McCoy de ce qu'illes avaient décidé. Elle prit la parole en T'Khasien :

Nous avons demandé à Aléxios et Veroníki de se retourner sur Elládha, afin d'évaluer la possibilité d'une alliance entre nos deux peuples. Déclara-t-elle. Lorsque cela sera le cas, nous enverrons des T'Khasien. Par ailleurs, je vais immédiatement rédiger une attestation destinée à vos supérieurs, afin que nulle accusation d'ingérence ne puisse être retenue contre vous.

─ Nous vous en remercions, Gouverneure. Répondit Kyriakê.

J'aurai aimé visiter votre vaisseau d'argent. Ajouta-t-elle avec un sourire. Et vous accompagner sur la planète jumelle, mais je ne puis me permettre d'entrer en terre Elládhienne sans l'accord de son peuple, ou de son gouvernement légitime.

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Les adieux furent étonnement joyeux : Pasipháê, Mános, et Astérios étaient rayonnant·es de bonheur. T'Partha, Daédalos et Spohkh étaient enchanté·es d'avoir fait la connaissance de ces hors mondes. Le gouverneure T'Mirak était honorée d'avoir fait la connaissance des messagers divins.

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À suivre


Christine
oui... il y a un quelque-chose en préparation pour Spohkh et Djim... Quant à Minoas, on verra sa réaction au prochain chapitre

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Vocabulaire
En fait pi-matya n'est pas répertorié dans le Vulcan langage dictionary Le-Matya est un tigre à dent de sabre.
Mais il n'y a aucune traduction pour matya.
Je propose que cela signifie félin. Le préfixe Pi signifie petit. Pi-Matya est un joli nom pour un chat

Si le destin de Spohkh et Djim vous intéresse, je publierai aussi leur histoire, à la fin de cette fiction. Celle-ci se nommera «trois vies, un destin», car notre cher Bones s'est lui-aussi réincarné un peu avant Spokhk

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