Dernièrement, j'ai lu beaucoup de fanfics sur l'univers de Zelda BOTW et bon...j'ai CRAQUÉ. Je n'ai pas pu m'empêcher de me lancer et d'en écrire une à mon tour. Alors, je me sers de l'univers du jeu BOTW, mais l'histoire ne se passe absolument pas à la même époque. J'ai donc une trèèèès grande liberté pour les personnages et les lieux qui ne correspondent pas nécessairement au jeu. Et je ne crois pas avoir besoin d'en dire plus donc, bonne lecture :)

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- Sir Link.

Cette femme se trompait. Il n'était pas chevalier. Pas encore. Il lui restait encore plusieurs années - si tout allait bien - pour atteindre ce titre. Il s'apprêtait d'ailleurs à le dire quand il se tourna pour lui faire face. Et les mots s'étouffèrent dans sa gorge à sa vue. Les descriptions qu'il avait lues, les représentations que d'innombrables artistes avaient faites tout au long de l'histoire d'Hyrule, rien n'aurait pu le préparer à une telle rencontre. Et pourtant, il savait. En son for intérieur, c'était une certitude. La déesse Hylia était en face de lui et souriait. Il se laissa tomber immédiatement sur un genou et le visage penché, fixa la robe blanche de la déesse qui frôlait le sol. Une lumière émanait tout autour de la femme et l'entourait aussi, l'englobant dans un cocon de chaleur et de paix. Le manche d'une épée traversa son champ de vision et il leva les yeux pour voir que la déesse même lui tendait l'arme, toujours avec le même sourire paisible. L'épée de légende.

- Debout Link !

Les yeux ouverts, il fixait le plafond de la chambre stupéfait. C'était un rêve, pensa-t-il à la fois surpris et soulagé.

- Link ! se fâcha sa sœur à l'entrée de pièce. Maman a dit qu'on partait dans quinze minutes !

- Je suis réveillé, maugréa-t-il en se redressant sur le minuscule lit.

Ces muscles encore douloureux du dernier entraînement qu'il avait eu avec son régiment se rebellèrent. Il entendit un livre tombé sur le sol et grogna en se dépêchant de le ramasser pour insérer le signet à l'endroit de sa lecture. Il n'avait jamais été fort sur l'histoire de son pays, mais pour devenir soldat, il fallait un minimum de connaissance dans ce domaine. Il reconnut le pas caractéristique de son jeune frère qui entra dans la chambre en sautant sur le lit qu'il venait tout juste de quitter. Son petit frère était débordant d'énergie depuis le début de leur voyage et avec raison. C'était la première fois qu'il venait chez leur oncle qui habitait au village natal de leur père. Endroit où se situe le temple du Temps, là où repose l'épée de légende.

- Colin, dit-il à l'intention du petit garçon. Ne saute pas sur le lit. Sinon, notre oncle ne nous invitera plus à passer des vacances ici.

Link doutait que ce soit le cas, mais son frère devint immobile immédiatement. Il essaya de se souvenir s'il était aussi influençable à cet âge.

- On va voir l'épée de légende ! dit Colin d'une voix excitée.

L'aîné s'empêcha de rouler des yeux, car oui, depuis le début du voyage, son petit frère ne faisait que répéter cela. Il se souvint que lui et Arielle avaient réagi de la même façon lorsque leur oncle avait invité toute la famille pour la première fois, il y a plus de sept ans. Colin n'était encore qu'un bambin à l'époque et jamais leur mère ne les aurait laissés toucher l'épée exposée dans le temple. Aujourd'hui, il comprenait mieux pourquoi elle avait agi ainsi. Quel parent voudrait que son enfant retire une épée qui oui, l'élèverait à un statut presque royal, mais au prix d'une malédiction sur le royaume ? Ce qui lui fit penser à son rêve. Mais après réflexion, il se convainquit que la fatigue du voyage était en cause et non un destin qu'il n'était de toute façon pas prêt à affronter.

- Penses-tu que notre oncle va nous laisser la toucher ? débita Colin.

Link enfila une chemise et poussa Colin vers la porte.

- Ce n'est pas notre oncle qui va décider, dit-il. C'est maman.

- Vas-tu essayer de la retirer ? demanda Colin en le suivant.

Il haussa les épaules et ils arrivèrent dans la cuisine où ses parents emplissaient un panier de nourriture. Il remarqua immédiatement la pile de gâteaux.

- C'est pourquoi tout ça, dit-il curieux en s'avançant tout près pour voler un petit encas.

- Un piquenique à la tour du Grand Plateau, expliqua sa mère en lui frappant doucement la main pour l'empêcher de prendre les petits gâteaux. Ton oncle va nous accueillir au temple à la fin de son horaire de travail et ensuite nous allons aller chercher ta mamie.

- Étant donné que c'est la journée d'anniversaire de la princesse, ajouta son père, il va y avoir des feux d'artifice au château. On devrait très bien les voir de notre position sur le Grand Plateau.

Pour une des rares fois, son père était habillé en vêtement de tous les jours et Link remarqua qu'il n'avait que son épée autour de sa taille pour rappeler son haut statut de chevalier.

- Papa, j'ai juste trouvé ça !

Link se tourna vers Arielle qui entrait dans la pièce en tendant une vieille couverture.

- On va devoir penser à amener quelques draps la prochaine fois, soupira sa mère. Votre oncle n'est pas équipé pour recevoir autant de monde.

- Ça va être parfait Uli, dit le patriarche. De toute façon, s'il manque quelque chose, ma mère n'est pas loin.

Il ferma le panier et prit le drap qu'Arielle lui tendait.

- Tout le monde est prêt ? s'écria-t-il.

- Colin, va chercher la tablette de maman dans la chambre.

Link avait faim et il demanda en ouvrant légèrement le panier :

- Je peux avoir quelque chose à grignoter ?

- Est-ce que je dois apporter une veste pour ce soir ? questionna Arielle en même temps.

- Link prend une pomme au lieu de manger notre souper, répliqua Uli en le voyant une main sous le couvercle.

- La température va descendre ce soir, indiqua son père. Apportez-vous quelque chose de plus chaud. Link prend le panier et apporte le dehors.

Il fit la moue en direction de sa mère et vit Colin revenir avec ce qu'on appelait une tablette Sheikah. C'était un petit engin technologique rectangulaire d'environ une vingtaine de centimètres de large avec un écran lumineux. Si certaines de ces tablettes avaient de nombreuses fonctions, allant d'une représentation de la carte d'Hyrule, à la création de bombes explosives ou bien encore permettant la téléportation, celle de leur famille n'avait qu'un contrôle magnétique. Ce qui n'était pas rien. Leur père avait dépensé une fortune - et s'était même endetté - pour ce petit jouet de technologie. Tout cela dans le but d'aider leur mère qui était propriétaire du magasin général au village d'Elimith. Car ce bijou de technologie était très utile pour déplacer des caisses - tant qu'elles étaient en métal bien entendu. De plus, cet objet avait pu accompagner leurs voisins dans leurs tâches de plusieurs façons différentes. Il était probable que les villageois étaient en peine de ne plus avoir cette tablette accessible pour les deux prochaines semaines. Mais sa mère n'aurait pas pu se délester de son appareil, car la deuxième fonction de celui-ci était de prendre des photos. Beaucoup, beaucoup de photos. Indispensable pendant les vacances familiales.

- Tiens m'man, dit Colin en déposant la tablette sur la table.

- Chéri, tu veux vraiment l'apporter ? risqua son père.

- Je veux des photos de vacances donc oui, assura-t-elle.

- Maman, il doit y avoir dix mille photos sur ce truc, soupira Arielle en revenant avec une veste autour de sa taille.

- Ne l'oublie pas, bougonna le patriarche en direction de sa femme. Ça vaut une petite fortune…

Sans plus tarder, Link prit le panier et sortit dehors. Il était dans un petit quartier de maisons à l'est du gigantesque temple qui bloquait déjà le soleil qui descendait dans le ciel. Discrètement, il prit un petit gâteau et s'empressa d'enlever la serviette autour pour l'avaler d'une bouchée.

- Sérieusement Link ? dit Arielle en s'arrêtant à sa hauteur.

- Mais j'ai faim ! répliqua-t-il la bouche pleine.

Ils furent rejoints par le reste de la famille et se dirigèrent vers le temple en empruntant les ruelles. Son père, étant natif de cette petite ville, reconnaissait beaucoup d'habitants qui le saluaient et prenaient de ses nouvelles. Link vit sa mère s'impatienter alors qu'à côté Colin commentait sur tout et n'importe quoi. Le temple, tout près, était immense. Étant en plein apprentissage de l'histoire de son pays, Link savait que c'était le premier temple à avoir été construit à Hyrule, et qu'à cette époque, le château était juste à côté. Aujourd'hui, ce temple était le lieu de pèlerinage ainsi que l'endroit où l'épée de légende reposait depuis plusieurs siècles.

- Je pense que m'man va bientôt perdre patience, murmura Arielle à sa droite.

Link retint un rire. Leur père avait toujours été remarquable pour sa capacité à parler longuement de n'importe quoi avec n'importe qui.

- J'ai faim, dit soudainement Colin.

- Ça commence, répliqua Arielle en roulant des yeux.

Elle passa une main dans ses cheveux blonds - trait physique dont ils avaient tous hérité dans la famille - et il croisa les yeux bleus de la jeune femme. Une moue apparut sur son visage et elle soupira.

- J'm'ennuie de l'air marin.

Link pouffa et répliqua :

- On commence nos vacances et tu t'ennuies déjà ?

- Rusl ! maugréa leur mère derrière eux à l'intention de son mari qui les rejoignait en joggant. Nous sommes en retard !

- Mais non, mais non, répondit-il une fois à leur hauteur.

- Et bien, je ne m'ennuie pas, dit Link à sa sœur. Le commandant Ingo m'a fait faire le triple d'exercices habituels avant de partir. Et en plus, j'ai dû nettoyer la cale du navire avec Mido qui n'arrêtait pas de pester contre sa moppe.

- Ah les joies des exercices militaires, commenta Rusl. Tu ne regrettes toujours pas de marcher dans les traces de ton paternel ?

- S'il vous plaît, s'exclama Uli. Vous ne vous plaignez que pour avoir plus de portions au repas. Je vous jure, j'ai l'impression que vous mangez la moitié de la nourriture que je commande pour le magasin !

- À quelle heure on mange ? demanda Colin.

- Oh par la déesse, soupira leur mère.

Link remarqua son oncle descendre les escaliers de pierres qui menaient à l'entrée du temple et il leva la main en réponse à la salutation de l'homme. Colin courait déjà dans sa direction, tout excité et toute envie de manger relégués aux oubliettes. L'oncle tapota la tête de Colin et rejoignit son frère au bas des marches.

- Hey Rusl ! dit-il une fois en face pour lui faire une accolade. Vous êtes bien installés ?

Il se tourna vers sa belle-sœur pour faire de même alors que le père de Link expliquait :

- On a bien mis le bordel dans ta maison et on t'a laissé une petite place pour dormir dans le poulailler.

Et il ajouta en riant :

- C'est moi où ta moustache est de plus en plus imposante ?

- S'il te plaît, Rusl, dit sa femme exaspérée.

Et en direction de son beau-frère, elle demanda :

- Comment ça va toi ?

- Bien, bien, répondit leur oncle. Avec ce petit travail de gardien, je ne manque de rien.

Link se laissa faire lorsque son oncle lui ébouriffa les cheveux et regarda par la suite Arielle rire en esquivant la main de son oncle qui voulait faire de même sur la tête de la jeune fille.

- Est-ce qu'on va voir l'épée maintenant ? dit Colin tout excité.

- Habituellement, Colin a plus de manières, expliqua Uli à l'intention de leur oncle.

- Deux jours de voyage pour venir ici ont épuisé son stock de patience, ajouta Rusl.

- Alors, n'attendons plus, dit joyeusement l'homme moustachu. Je suis bien content de pouvoir vous recevoir ici après tant d'années.

Ils montèrent tous les escaliers en discutant des nouvelles, Colin les devançant de plusieurs mètres. Les portes étaient encore ouvertes pour accueillir les visiteurs, mais la place était vide. Link remarqua un soldat faisant une ronde autour du temple. Celui-ci les salua de la main et disparut derrière un des murets entourant la bâtisse.

- Nous n'avons pas vraiment de touristes à ce temps-ci de l'année, expliqua leur oncle alors qu'ils entraient à l'intérieur.

- Et bien, avec la fête de la princesse qui a lieu en ce moment au château d'Hyrule, répliqua Rusl, ça explique pourquoi.

- Je t'ai amené tes gâteaux préférés pour le repas, dit Uli à leur oncle.

- Parce qu'elle sait que tu nous aurais tous mis dehors si ça n'avait pas été le cas ! répliqua Rusl en riant.

Le regard de Link se détourna de la conversation pour admirer le temple autour de lui. Sa première impression était toujours l'immensité de la construction. Des murs de plus de quinze mètres de haut en pierre, des fenêtres à carreaux de chaque côté de la bâtisse et un toit cathédral où l'on pouvait voir les gigantesques poutres de bois qui soutenaient la structure. Tout était impeccable et ouvert, ce qui faisait que Link, à l'entrée du temple, pouvait voir l'immense statue représentant la déesse sur un hôtel à l'autre bout. Elle n'était pas comme dans son rêve, pensa-t-il. Son portrait était vague, son visage peu détaillé, si ce n'est que l'on pouvait reconnaître des yeux fermés et un sourire paisible. Une robe recouvrait son corps et des ailes étaient figurées sur son dos. L'épée de légende reposait dans un socle de pierre, au pied de la statue, sans aucune barrière de sécurité. Personne n'avait été capable de la retirer depuis une éternité - certains estimaient cela à dix mille ans - et donc, si le temple était gardé vingt-quatre heures sur vingt-quatre, aucun autre moyen n'avait été pris pour empêcher les gens de tenter leur chance. Il faut préciser que la prophétie racontait que le jour où le Mal tenterait de revenir sur Hyrule, un élu retirerait l'épée de son socle pour le combattre, affrontant le Fléau - la Calamité - qui était généralement représenté par un monstre gigantesque dans les livres d'histoire. Bloquer l'accès serait alors contre-productif, tandis que la responsabilité venant avec la gloire d'être choisi par l'épée devait étouffer les ardeurs de pas mal de gens. Link vit son petit frère courir en direction de l'arme en question sous les réprimandes de leur mère et le rire d'Arielle qui suivit derrière. Il leur emboîta le pas et déposa le panier qu'il tenait avant d'embarquer sur la levée qui entourait l'épée. Il se plaça à côté de son petit frère qui s'était figé devant l'épée.

- Est-ce que je peux essayer de la retirer, murmura Colin.

Link croisa le regard d'Arielle et celle-ci se mit à sourire. Elle se plaça de l'autre côté de leur petit frère et dit d'une voix solennelle :

- Colin, es-tu prêt à protéger le royaume et tous ses habitants contre la réincarnation du Mal, la Calamité ?

- Es-tu prêt à servir la famille royale et jurer fidélité à la princesse, réincarnation de la déesse Hylia ? poursuivit Link sur le même ton.

- Es-tu préparé à mourir pour que règne la paix dans le royaume ? ajouta Arielle sérieusement.

Colin, les regarda à tour de rôle et il dit incertain :

- Oui ?

Arielle éclata de rire et Link répliqua :

- Alors demande à m'man.

Ce que fit le petit garçon. Les adultes s'étaient rapprochés et Uli répondit :

- Mon chou, tu n'as pas compris ce que viennent de dire ton frère et ta sœur ?

- Vas-y fils, ria Rusl. Si jamais tu la retires, je ferai croire que c'est moi le temps que tu sois assez vieux pour protéger le royaume.

Toute la famille regarda l'enfant agripper le pommeau de l'épée et tirer de toutes ses forces sans que celle-ci bouge d'un millimètre.

- Je dois prendre une photo de ça ! s'exclama Uli en sortant sa tablette de son sac en bandoulière.

- Oh maman, soupira Arielle.

Link regardait en riant son petit frère dont le visage rougissait à vue d'œil.

- Petit ! s'écria son oncle joyeusement. Ce n'est pas une question de force ! L'épée doit te choisir !

- Mais…bougonna Colin en se tournant vers son père.

- Ne t'inquiète pas, dit Rusl en ébouriffant les cheveux du cadet. Peut-être es-tu encore trop jeune ? Tu essaieras de nouveau dans quelques années.

- Aller Arielle, dit Uli avec la tablette toujours dans les mains. C'est ton tour.

- Pour que tu me prennes encore en photo ? répliqua-t-elle en haussant les sourcils. Pas question.

- Est-ce qu'on va voir les feux d'artifice maintenant ? demanda Colin.

- Vous ne tentez pas votre chance ? dit Rusl surpris en s'adressant à Arielle et Link. Dire que la dernière fois que nous sommes venus, j'ai dû vous attacher pour ne pas que vous vous approchiez de l'épée !

- Bon d'accord, soupira Arielle en s'avançant en face du socle.

Link pouvait sentir l'excitation de sa sœur même si celle-ci souhaitait le cacher. Contrairement à Colin, elle attrapa le pommeau d'une main et tira sans trop y mettre d'effort.

- Non plus, ria Uli en prenant une photo.

- Est-ce que l'épée a déjà choisi une femme ? demanda Rusl pensif.

- Chéri, garde tes commentaires machistes pour toi, répliqua son épouse.

- J'ai l'impression qu'elle bouge, dit la jeune femme en dévisageant l'épée.

Link s'approcha tout près et mit un genou à terre pour regarder la partie de la lame qui sortait de la pierre.

- Je crois que je le vois, dit Link surpris. Essaie de tirer plus fort.

Arielle prit le pommeau à deux mains et cette fois-ci tira de toutes ces forces. Link éclata de rire avant de s'écrier :

- Non, du tout, ria-t-il.

- Hé ! Tu te moquais depuis le début ! S'insurgea Arielle en stoppant ses efforts.

Link se leva en évitant la tape que sa sœur voulait lui mettre sur le front.

- Ton tour alors ! dit-elle. Que je puisse me moquer moi aussi !

Link fixa l'épée, sentant les fourmillements dans le bout de ses doigts. Il repensa à son rêve et fixa la statue de la déesse tout près. Le doute s'infiltra en lui. Et si. Et si son rêve était simplement dû à la fatigue du voyage ? Et s'il rebroussait son chemin sans rien faire ? Et s'il touchait l'épée et rien ne se produisait ? Et si…et si, au contraire, l'épée le choisissait pour maître ?

- Link ? dit Arielle en passant sa main devant ses yeux ce qui le ramena au moment présent.

Un sourire se dessina sur son visage et elle ajouta tout bas :

- Est-ce que monsieur serait effrayé ?

Link fit la moue dans sa direction et haussa les épaules. Il entendait son père et son oncle discuter derrière, tandis que Colin se plaignait d'avoir faim avec de plus en plus d'insistance. N'ayant pas de réponses à toutes ses questions, il se décida et plaça sa main autour du pommeau sans plus réfléchir. Il tira sans effort et l'épée glissa de son socle sans difficulté. Ce fut qu'une fois debout, l'épée dans sa main gauche, le silence l'entourant qu'il comprit la gravité de l'acte qu'il venait de commettre.

- Oh mon bébé, murmura Uli les yeux brillants en s'approchant pour prendre sa main libre dans les siennes.

Link s'aperçut qu'elle tremblait et il se tourna vers son père qui le regardait avec inquiétude.

- Je…je m'excuse, bégaya-t-il.

C'était la première chose qui lui vint à l'esprit. Demander pardon. Car il était la preuve qu'une malédiction s'abattrait bientôt sur Hyrule.

- Fils, dit-il soudain avec sérieux. Ne t'excuse jamais d'avoir été choisi par la déesse.

- Maman, dit Colin tristement. Tu pleures.

Link se tourna vers sa mère qui agrippait de plus en plus fort sa main.

- Je dois suivre une procédure, dit leur oncle toute trace d'humour disparu. Il doit se rendre au château immédiatement.

- Peut-on attendre demain ? Les chevaux ont eu une longue route, expliqua Rusl à son frère.

Mais Link savait que c'était pour gagner du temps. Son père suivait toujours les procédures.

- Vous oui, mais Link va devoir prendre le téléporteur, expliqua son oncle en lissant sa moustache nerveusement. Nous devons nous rendre à la tour immédiatement.

Link le vit se diriger promptement vers les portes du temple toujours ouvertes et il cria à l'encontre du soldat qui patrouillait. Il donna des explications tout bas et Link sentit le regard surpris du soldat se poser sur sa personne lorsque son oncle se tût. L'inconnu hocha rapidement la tête et disparu à l'extérieur.

- Suivez-moi, cria leur oncle qui sortit du temple.

- C'est vrai ? dit soudainement Arielle. Link doit aller au château ? En se téléportant ? Je croyais qu'il n'y avait que les sheikahs qui pouvaient utiliser cette technologie !

- Link s'en va ? dit Colin inquiet. Il ne peut pas rester avec nous ?

- Arielle, va chercher le panier, ordonna Rusl.

Il décrocha le fourreau de l'épée qu'il portait à la taille et en sortit son arme. Il le tendit ensuite à Link.

- Mets l'épée à l'intérieur, dit-il à Link qui s'empressa d'obéir en se libérant de la prise de sa mère.

Il attacha la ceinture à sa taille et Link comprit que son père avait tenté de camoufler l'épée le plus possible. Toutefois, l'arme était tellement connue qu'il devinait qu'on la reconnaîtrait à vue d'œil. Rusl prit le panier de nourriture des mains de sa fille.

- Dépêchons-nous, dit le patriarche.

Toute la famille rejoignit l'oncle qui attendait à l'extérieur. Une fois à sa hauteur, ils marchèrent tous d'un pas pressé vers la tour qui était facilement visible en face d'eux. Elle dépassait et de loin, la hauteur même du plus haut des pignons du temple du Temps. En se dirigeant vers celle-ci, Link vit que des signaux lumineux étaient envoyés du haut de la tour en direction du château au loin. Une quinzaine de minutes s'était écoulée tout au plus quand ils durent s'arrêter au milieu de la route. Le soldat, qui était au temple plus tôt, avait stoppé son cheval leur coupant ainsi la route. Il descendit rapidement et s'avança vers Link en tendant une tablette un peu plus grande que celle que sa mère possédait.

- Ils sont prêts, dit-il simplement. Tu n'as qu'à appuyer sur cette touche.

Il pointa l'écran où un cercle bleu clignotait sur ce que Link devina être le château sur la carte d'Hyrule.

- Attendez un instant, s'écria Uli. Je ne suis pas d'accord ! Vous ne pouvez pas nous séparer…

Rusl s'était approché de sa femme pour la prendre dans ses bras et Link se sentit mal devant le désarroi de sa mère.

- Fils, dit-il, nous allons partir dès demain pour te rejoindre à la citadelle le plus vite possible.

Son père avait souri et Link répondit faiblement. Sa mère s'approcha et l'enlaça en disant tout bas :

- Prends-soin de toi mon bébé, j'ai toujours su que tu…

Link se recula et la fixa dans les yeux, mais il ne put deviner ce que sa mère taisait. Il s'approcha de Colin et lui fit un câlin que son frère rendit avec hésitation. Arielle s'était approchée entre-temps et dit tristement :

- Je me sens mal de m'être moquée au temple.

Mais un sourire franc apparu sur ses traits et elle ajouta :

- Je sais que tu vas faire honneur à notre village. Alors, fais de ton mieux !

Link bougea les lèvres en un merci silencieux.

- Une chose, dit soudainement son oncle.

Link se tourna vers celui-ci qui continua :

- L'épée t'a choisi. Ne laisse personne te l'enlever et garde-la toujours avec toi. Compris ?

- Oui mon oncle, répondit-il en hochant la tête.

L'aîné le fixa longuement et Link comprit que le conseil était très important et il se promit de respecter cette consigne au pied et à la lettre.

- Il doit y aller, rappela le soldat à la ronde.

- Vas-y fils, dit Rusl entouré de sa famille.

Link appuya sur la tablette et leva les yeux vers sa famille qui le saluait alors qu'il disparaissait sous leurs yeux.

OoOoO

Lorsque Link se matérialisa de nouveau, un soldat au garde-à-vous lui faisait face. Maladroitement, il l'imita, mais intérieurement il ne souhaitait qu'une chose. Se recroqueviller dans un coin et attendre que le mal de cœur qui lui étreignait la poitrine passe. C'était la première fois qu'il se téléportait d'un endroit à l'autre et il pouvait comprendre la réticence que plusieurs avaient en lien avec cette technologie. Il n'y avait rien de plaisant à vivre le démantèlement de son propre corps, et ce, même s'il n'avait pas ressenti de douleur à proprement parler. Il n'eut pas le temps d'étudier la pièce où il se trouvait que le soldat avait pris la parole d'une voix ferme :

- S'il vous plaît, citez votre nom et votre titre.

- C…cadet Link, fils de Sir Rusl du village d'Elimith, répondit-il en espérant que sa voix ne laissa pas passer son incertitude.

Link remarqua le soldat dont les yeux glissèrent vers l'épée à sa taille. Leurs regards se croisèrent, mais il n'arriva pas à deviner les pensées de son interlocuteur. Celui-ci se tourna et dit :

- Suivez-moi.

Link était venu à la capitale quelques fois déjà et avait vu le château en ces occasions. L'énorme citadelle était imposante et visible de très loin dans le pays. Par contre, il n'avait jamais circulé à l'intérieur de l'énorme bâtisse. Il n'avait aucun repère, ne sachant pas s'il était plusieurs étages au-dessus ou au contraire, en-dessous. Lorsque dans un des couloirs où ils circulaient, il vit une fenêtre, il ralentit quelques instants pour admirer la vue de la ville plus bas. Sa bouche s'ouvrit d'ébahissement. Dehors, des flambeaux apparaissaient tandis que le soleil disparaissait derrière la montagne plus loin. Il revint à la réalité et remarqua que le soldat l'attendait patiemment un peu plus loin. Il le rejoint avec un léger sourire penaud et ils poursuivirent leur route jusqu'à s'arrêter à l'entrée d'une pièce où s'entendait une grande cacophonie de voix et de vaisselles qui s'entrechoquaient. La porte ouverte était gardée par deux soldats qui le fixèrent impassible.

- Restez ici, dit son guide en entrant dans la pièce.

C'est ce que fit Link, une tablette qui n'était pas à lui dans les mains, une épée qui l'avait choisi à la taille et le cœur dans les talons. Il se demandait ce qu'il allait lui arriver à partir de maintenant. Il se plaça droit, en position de repos, et fixa une peinture accrochée au mur de corridor tout en étant alerte à son environnement. Il se souvint que son père lui avait un jour dit que pour être un bon soldat, il fallait d'un, avoir une bonne posture et de deux, avoir la patience de la tenir. Il regretta de ne pas avoir porté plus attention à tous les conseils qu'il lui avait prodigués tout au long des années. Un homme somptueusement habillé sortit de la pièce et s'arrêta devant le cadet en claquant la langue. Les cheveux grisonnants bien coiffés, il dépassait Link d'au moins une tête et le regarda de haut pendant de longues secondes. Link avait souvent entendu parler de la condescendance des gens fréquentant la famille royale, mais jamais il n'avait eu à subir ce mépris directement. Il se sentit inapte dans ses habits simples avec ses cheveux probablement défaits et l'épée de légende camouflée dans un étui ayant affronté mille intempéries. Soudainement, il avait même honte de n'être qu'un petit cadet d'un village éloigné d'Hyrule avec aucun titre autre que celui de son père à débiter à toute cette royauté.

- Je suis le chancelier Léonard, dit soudain l'homme d'une voix indolente. Le roi va vous rencontrer dans quelques instants. Suivez-moi.

Un moment de panique traversa l'esprit de Link en se demandant si les présentations se faisaient devant tous. Heureusement, le chancelier passa à côté des portes doubles sans retourner à l'intérieur. Link eut droit à un coup d'œil de la salle à manger où plusieurs longues tables étaient occupées par des gens de toutes les espèces fastueusement habillés et coiffés. Au bout de la salle, une table était installée sur une scène où, Link le devina, la famille royale était attablée et prenait son repas entouré de, tout au plus, une dizaine de hauts dignitaires. Il eut le temps de reconnaître le roi, avec sa forme imposante, et sa femme assise à ses côtés. Le chancelier marchait avec une bonne cadence et Link s'empressa de le suivre. Il perdit son sens de l'orientation rapidement, abandonnant l'idée de se trouver des repères et suivit dans le silence l'homme qui n'engagea la conversation qu'une fois qu'ils entrèrent dans une pièce vide.

- Montrez-moi l'épée, dit-il d'une voix ennuyée.

Link ne s'était pas attendu à un accueil en particulier, mais il aurait pensé que sa présence au château aurait incité autre chose que du mépris et de l'ennui. Prenant la tablette dans sa main droite, il sortit l'épée de son fourreau pour la positionner devant lui. Il ne savait pas si le chancelier s'attendait à ce qu'il lui donne l'arme, mais Link avait bien l'intention d'obéir à l'ordre fraîchement donné par son oncle. L'homme haussa un sourcil et observa :

- Je suppose que cette tablette ne vous appartient pas.

- Non, répondit Link.

- Il serait bon que vous me la rendiez pour ne pas être accusé de vol, sourit faiblement le chancelier.

Link savait reconnaître une insulte et il dut se retenir de ne pas fracasser le nez de son interlocuteur avec ladite tablette. Il tendit simplement l'objet que le chancelier prit sans hésitation.

- Attendez ici, ordonna-t-il avant de se diriger vers la porte qu'il ferma derrière lui.

Link se retrouva seul dans une pièce pas plus grande que sa maison - ce qui devait être une petite pièce selon le standard du château - et il en profita pour se rendre à la fenêtre. Le soleil n'était plus visible dans le ciel, mais il y avait encore assez de lumière pour éclairer à la fois la pièce où il se trouvait et le paysage qui s'offrait à sa vue à l'extérieur. Sauf que l'épée dans sa main gauche était soudainement plus importante. Maintenant qu'il en avait le temps, il observa l'arme attentivement, appuyant la pointe sur le cadre de pierre de la fenêtre. L'épée semblait neuve, aucune égratignure n'était visible sur la lame grise. Elle était d'une longueur standard et la poignée d'un mauve plutôt foncé était parfaitement adaptée à sa main. Les décorations de la garde de même couleur étaient sobres tandis que le symbole de la Triforce se trouvait sous la chappe, là où le métal s'élargissait. Il leva l'épée dans les airs et la tourna lentement pour se faire à son poids. Il se savait bon dans le maniement de l'épée, son père avait veillé très tôt à l'éducation de ses enfants dans ce domaine. Il espérait que ses connaissances lui servent à apprendre à se servir de l'épée de légende le plus rapidement possible. Si la réception qu'il avait eue jusqu'à maintenant n'était pas de bon augure, il souhaita que sa maîtrise de l'épée lui permette de faire ses preuves rapidement au château. Il rangea l'épée, malgré le fourmillement de ses doigts et l'impatience de ses membres en général, et se força à observer calmement l'extérieur par la fenêtre. La soirée battait probablement son plein en ce jour de fête et s'il forçait son ouïe, il pouvait même entendre de la musique provenant de la ville. Ce fut lorsque le ciel fut complètement noir et que son ventre se mit à gargouiller qu'il comprit qu'on l'avait laissé dans cette pièce un long moment. Il se promenait de long en large lorsqu'un qu'un déclic se fit enfin et que la porte s'ouvrit sur ses majestés, le roi et la reine. Link posa immédiatement un genou sur le sol et fixa la moquette en signe de déférence.

- Relevez-vous, jeune homme, dit la reine sereinement.

Link hésita, mais finit par obéir lentement. La souveraine s'était approchée et le détaillait sans jugement. C'était une grande femme, plus grande que Link. Sa silhouette, tout comme son visage étaient fins. Ses longs cheveux blonds vénitiens lui arrivaient à la taille et étaient tressés laborieusement dans son dos. Elle portait sur sa tête une couronne délicate qui brillait à la lumière du chandelier de la pièce. Mais pas autant que ces yeux bleus perçants qui semblèrent deviner la moindre de ses pensées. Les rumeurs disaient que la beauté de la reine n'avait d'égal que celle de la déesse Hylia. Link put constater que ces ouï-dire étaient fondés.

- Je suis la reine Delia, dit-elle en souriant.

Et Link, ne sachant que faire, resta silencieux en fixant toujours la moquette.

- Vous l'intimidez ma chère, dit soudainement le roi.

Du coin de l'œil, Link sentit l'imposante présence du roi. Si la reine était grande, ce n'était rien à comparer le roi qui dépassait de quelques centimètres le chancelier qui attendait silencieusement derrière. Il remarqua surtout les cheveux blancs lisses, attachés en une couette basse à la hauteur des épaules, ainsi qu'une longue barbe blanche tout aussi impeccable.

- Et je suis sûr qu'il nous connaît déjà, continua-t-il d'une voix profonde.

- Mon roi, il est normal que ce soit le cas, sinon j'aurais des doutes quant à l'efficacité de notre gouvernement, se moqua la reine en direction de son époux. Je voulais simplement détendre l'atmosphère.

Elle se tourna vers le jeune homme en question et dit :

- Alors, vous êtes Link, fils de Sir Rusl du village d'Elimith, c'est bien cela ?

- Oui, répondit-il en étant surpris d'entendre son nom de la bouche de la reine même.

La souveraine s'approcha doucement et prit la main de Link qui la fixa, hébété et paralysé. Le contact ne dura que quelques secondes, mais ce fut assez long pour que le rouge lui monte aux joues tandis qu'elle lui souriait paisiblement. Lorsqu'elle se recula, ce fut pour s'adresser au roi.

- C'est lui, dit-elle simplement.

Link observa le roi, et vit les épaules du monarque s'affaisser légèrement. Ce ne fut que temporaire, car il se redressa et s'adressant à tous ceux présents dans la pièce dit :

- Alors, nous devons nous préparer au retour de la Calamité.

Il se tourna en direction du chancelier et ajouta :

- Je vous laisse le soin de vous occuper de ce jeune homme.

Le roi se dirigea vers son épouse et lui prit délicatement le bras en disant :

- Nous devons retourner à nos invités.

Elle hésita quelques secondes, mais finalement, adressant un dernier sourire à Link, qui sentit avec gêne ses joues s'enflammer, elle prit la direction de la sortie et disparut dans le corridor en compagnie du roi. Link se retrouva avec le chancelier qui, si lors de la présence des monarques avaient été discrets, reprit un peu de son arrogance sans leur présence.

- Pour le moment, nous allons simplement vous trouver un endroit pour vous installer pour la nuit, dit-il en se détournant. Suivez-moi.

De nouveau, Link suivit le chancelier qui lui fit prendre plusieurs couloirs avant de finalement descendre des escaliers. Ils refirent le manège deux fois, au point où il n'y eut plus de fenêtres et où le couloir semblait avoir été construit à même la montagne. Des flambeaux éclairaient l'endroit et Link croisa quelques gardes, faisant probablement leurs rondes, qui le dévisagèrent. Sinon, ils étaient descendus assez bas pour qu'il ressente l'humidité froide de la terre jusque dans ses os. Ils s'arrêtèrent finalement dans un couloir donnant sur plusieurs petites pièces. Link pouvait entendre un ronflement d'une des portes ouvertes et le chancelier expliqua :

- Avec la fête de la princesse en cours, il ne reste plus de chambres libres aux étages supérieurs.

Il pointa une pièce contenant une couche à même le sol et dit d'une voix fatiguée:

- Vous dormirez ici le temps que nous puissions vous trouver un meilleur endroit.

Link hocha la tête pour montrer qu'il avait compris.

- Cette section est réservée aux travailleurs extérieurs, continua le chancelier. Un repas est servi au lever du soleil et un autre au coucher. Vous commencerez votre entraînement demain matin après le repas dans la cour de la garde royale. Des questions ?

Oui ! pensa Link paniqué. Mais la situation le dépassait tellement qu'il ne savait pas par où commencer. Le chancelier prit son silence comme réponse négative et se détourna pour quitter les lieux. Link entra dans sa chambre temporaire et se sentit soudainement démuni. Il n'avait pas mangé, n'avait pas de vêtements de rechange, n'avait pas d'argent et portait une épée qui signifiait la fin du monde. Il tomba sur sa couche tout habillé et fixa les ombres qui bougeaient sur le plafond de pierre grise à la lueur du flambeau qui brûlait juste à l'extérieur de sa porte. Il aurait besoin de quelques bougies. L'idée de se réveiller en pleine noirceur dans un tel endroit lui donna des frissons. Seul le ronflement constant un peu plus loin le rassurait. D'ici, il n'entendait plus la musique provenant de la ville. Ni même la fête qui devait se dérouler plus haut. Il allait manquer les feux d'artifice et pensa à sa famille qu'il avait quittée, il y avait à peine quelques heures. Ses yeux se remplirent d'eau et il prit une grande inspiration pour ravaler sa tristesse et sa solitude. Il tenta de changer le cours de ses pensées pour finalement se souvenir de la reine. À sa présence qui même si elle avait été courte, l'avait en quelque sorte réconforté. Il pensa à la princesse qu'il n'avait pas vue et essaya de se souvenir des histoires à son sujet. Mais rien ne vint sur le coup et ses pensées se tournèrent vers le chancelier Léonard. Une moue apparut sur son visage et Link souhaita que le comportement de l'homme ne fût que temporaire. Qu'une fois qu'ils se connaîtraient mieux, celui-ci ne le regarderait pas comme s'il n'était qu'un insecte. Ces yeux se fermèrent d'eux-mêmes après quelque temps et il finit par s'endormir d'un sommeil agité, l'épée appuyée sur sa cuisse.

OoOoO

- Oh, p'tit gars !

Link ouvrit les yeux de surprise et se redressa sur son lit. À sa porte un goron attendait et le salua en voyant qu'il avait son attention. Les gorons étaient des êtres humanoïdes massifs, dépassant généralement les hyliens en hauteur et en largeur. Leur peau, aussi dure que le roc des montagnes où ils habitaient, pouvait être de la couleur du sable jusqu'à la couleur de la terre noire. S'ils se déplaçaient sur deux petites jambes, leurs torses ainsi que leur bras étaient énormes. C'était des êtres amicaux et simples qui ne cherchaient jamais querelle. De toute façon, un hylien comme Link n'aurait pu défier un goron à un combat de force. Ceux-ci n'étaient pas rapides sur leurs deux jambes, mais ils pouvaient se mettre en boule et rouler sur de longues distances à une vitesse stupéfiante. Si un coup de poing de goron aurait déjà assommé un hylien pour de bon, entrer en collision avec un membre de cette race pouvait facilement être fatal.

- J'te connais pas, alors tu dois être nouveau ici, ajouta le goron.

La créature se pointa et continua :

- Moi c'est Darni.

Il resta silencieux et le jeune homme s'empressa de se mettre debout pour répondre :

- Je m'appelle Link, fils de…

- Oh, j'ai de la difficulté à retenir tous les titres, s'exclama le goron. Juste Link c'est bien. J'étais venu te prévenir qu'ils servent le petit-déjeuner pour l'équipe à cette heure-ci.

Le goron lui fit un autre salut de la main et disparut dans le couloir. Link, qui avait faim et soif, s'empressa de le suivre. Une fois derrière, il demanda inquiet :

- Est-ce que j'ai droit à un repas ? Je ne pense pas faire partie de votre équipe…

Le goron dénommé Darni se déplaça sur le côté permettant à Link de marcher à la même hauteur.

- Tu n'es pas venu travailler sur le chantier naval ? demanda-t-il curieux.

- Non, répondit Link.

Après réflexion, il ajouta :

- Je suis soldat, et il n'y avait plus de place aux étages supérieurs pour me loger.

- Oh, dit le goron pensif.

Il haussa les épaules et comme réponse donna :

- Si tu veux manger avec nous en attendant, il n'y a pas de problème. Mon vieux disait toujours de commencer la journée avec l'estomac plein. Et de finir la journée de la même manière.

Link poussa un soupir de soulagement et ils entrèrent dans une petite salle commune. Une grande table au centre était occupée par une vingtaine de gens, dont des hyliens, des gorons et même une zora. Au centre de la table étaient étalés des vivres et Link s'empressa de prendre place à côté de Darni. Autour de lui, la conversation partait en tous sens. Certains semblaient être encore endormis au-dessus de leurs assiettes - la fête de la veille avait laissé des traces - tandis que d'autres bouillonnaient d'énergie en mangeant. Link imita le goron en se servant une assiette, il évita toutefois le plat de cailloux assaisonnés, joyeusement proposé par Darni, et put enfin manger à sa faim. La femme d'âge mûr assise devant lui adressa la parole lorsqu'il croisa son regard :

- Nouveau ici ? dit-elle avec un sourire.

Il hocha la tête la bouche pleine et elle en profita pour se présenter :

- Lyne, je dirige les opérations avec…

Elle pointa un homme qui s'était avachi sur son siège et semblait dormir.

- Simon, termina-t-elle. Il est habituellement plus…présent.

Elle soupira en entendant le ronflement du dénommé Simon.

- Alors, reprit-elle, es-tu le remplaçant qu'on attendait ? On a quelque peu pris du retard dans le couloir Sud et…

- Nah Lyne, c'est un soldat, la coupa Darni entre deux bouchées. Manquait de place pour le petit aux étages.

La femme haussa un sourcil de scepticisme. Elle observa Link en replaçant une mèche grise qui était tombée de son chignon derrière son oreille et dit :

- C'est…étrange.

Elle continua de le dévisager un moment. Link savait qu'il était l'intrus ici et que sa situation était délicate. Pouvait-il expliquer la raison de sa présence ? Le chancelier ne lui avait rien précisé, si ce n'est que son entraînement commencerait bientôt et qu'il devait se rendre dans la cour de la garde royale. Il espérait que cette cour ne soit pas trop loin.

- Tu ne t'es pas présenté, dit-elle sa phrase en suspens.

- Je m'appelle Link, s'empressa-t-il de répondre. Fils de Sir Rusl du village d'Elimith.

Il rajouta ensuite :

- Je suis cadet dans le régiment du village depuis presque deux ans madame.

- Comment t'es-tu retrouvé ici ? questionna Lyne toujours avec un air dubitatif. Il est surprenant que tu ne sois pas logé avec les autres soldats.

L'attention de la plupart des autres travailleurs était maintenant sur sa personne et Link, intimidé, répondit à la question avec beaucoup d'hésitation :

- J'ai…je suis arrivée au château hier soir et le chancelier Léonard m'a logé ici pour…pour le moment.

S'il y avait eu une mouche, Link était certain qu'il l'aurait entendu voler.

- De mon point de vue, dit soudainement le dénommé Simon, tu as l'air d'un imposteur qui a réussi à avoir un repas au frais de la famille royale.

Link ouvrit la bouche de stupeur au travers des éclats de rire et des soupirs de ses voisins. Et tant pis s'il n'avait pas le droit ou si c'était impertinent de sa part, mais il sortit l'épée de son fourreau et la déposa sur la table sous les regards incrédules de ceux qui avait reconnu l'arme.

- J'ai retiré l'épée de légende hier, alors que j'étais en vacances avec ma famille, expliqua-t-il le plus calmement possible. J'ai été téléporté en urgence ici d'où la raison du manque de préparation.

Le silence perdura quelques secondes, jusqu'à ce que Lyne s'exclame en fixant l'arme légendaire :

- Je suis désolée de m'être méprise sur la raison de votre présence ici. Si nous pouvons faire quoique ce soit pour vous venir en aide, n'hésitez pas à demander.

- Et mange tout ce que tu veux, dit un homme plus loin. Tu vas en avoir besoin.

- C'est vraiment l'épée de légende ! s'exclama un autre qui s'était levé et approché plus près. Ça alors, j'ai déjà essayé de la retirer et cette chose n'a pas bougé d'un millimètre !

- C'est parce que l'épée savait que tu n'étais qu'un couard ! s'exclama la zora. Je peux reconnaître tes cris de frayeur dans tout le royaume !

Il y eut des rires autour et Link se sentit de nouveau à l'aise pour manger. Les conversations tournaient autour de l'épée et les travailleurs se comptaient des anecdotes sans heureusement parler de la signification plus tragique de celle-ci. Ils évitèrent de le déranger sans raison, ce qui soulagea le jeune homme, et une fois son repas terminé, il s'adressa à Lyne :

- Est-ce qu'il serait possible de m'expliquer comment me rendre à la cour de la garde royale ?

- Oh, dit Lyne en réfléchissant.

Elle se tourna vers Darni et lui dit :

- Peux-tu guider Link jusque-là ? Et en profiter pour lui montrer les emplacements importants ?

- Oui madame, répondit le goron en se levant.

Link en fit de même, ramassa son épée et les deux quittèrent la pièce. Il se retourna pour voir que certains s'étaient levés et amassaient les assiettes de tout le monde.

- Est-ce qu'il y a un horaire pour les tâches ? dit-il soudain penaud de ne pas participer au nettoyage.

- Oui, répondit le goron.

Voyant l'air piteux du jeune homme, il reprit :

- Ne t'inquiète pas pour ça. Les horaires sont divisés par semaine. Madame Lyne va tout t'expliquer si tu dois y prendre part.

Le goron tapa dans ses mains une fois qu'ils arrivèrent dans un couloir qui se divisait en quatre.

- Retiens les quatre points cardinaux, expliqua-t-il.

Il pointa le couloir par où ils étaient venus.

- Salle commune, dortoirs et douches, c'est le couloir Est. À l'Ouest, c'est le chantier naval. Le couloir du Sud mène à l'étage et de là, tu vas pouvoir te rendre dans la cour de la garde royale qui est dans le troisième quartier.

Quand il pointa le Nord, il expliqua :

- Cet endroit est en construction. Les couloirs sont encore instables donc évite. Ça va ?

Link hocha la tête en se répétant les instructions jusqu'à ce qu'elles soient bien inscrites dans son cerveau.

- Tous ces couloirs sauf le Sud débouchent sur la rivière entourant le château. Maintenant, je vais te montrer le troisième quartier.

Dans le silence, ils prirent le couloir Sud et comme le goron l'avait dit, ils montèrent une rangée d'escaliers. Immédiatement plus haut, la lumière du jour pénétrait à l'intérieur grâce aux fenêtres présentes dans le couloir. Heureusement pour Link, c'était en ligne droite et Darni s'exclama en pointant une bâtisse à l'extérieur :

- Troisième quartier.

Le couloir se termina sur une grande arche et le goron pointa un terrain plat ou quelques soldats s'entraînaient.

- Cour de la garde royale, dit-il finalement. Souviens-toi de cette arche pour revenir et tu ne devrais pas avoir de problème.

Il se pencha pour chuchoter à Link :

- Je vais devoir te laisser, je ne suis pas autorisé à venir jusqu'ici.

Et Link le regarda partir après l'avoir remercié chaleureusement. Ne sachant pas quoi faire pour le moment, il s'approcha de la cour et observa les quelques soldats s'entraînant. Il commençait à détester le fait d'être dans l'inconnu. Ne pas savoir ce qui allait se passer ni ce qu'il devait faire exactement. Il commençait à douter de l'emplacement quand un soldat d'âge mûr, habillé tout en armure malgré la température clémente, s'approcha de lui.

- Bonjour jeune homme, dit-il un sourire amical sur les lèvres. Je suis Sir Thomas, ancien commandant de la deuxième division d'Akkala. Et si j'en juge par la belle épée que tu portes, tu es Link n'est-ce pas ?

Link approuva de la tête, soudainement soulagé d'être pris en charge.

- J'ai eu l'honneur hier soir d'être appelé pour m'occuper de l'entraînement de celui choisi par l'épée de légende. Je n'ai pas eu le temps de réfléchir encore à la manière de transmettre mes connaissances, mais je crois qu'aujourd'hui on va simplement vérifier ton niveau.

Link approuva de la tête, content de la tournure des évènements.

- Alors suis-moi, dit le soldat.

Son nouvel entraîneur s'élança dans la cour et ils suivirent une des murailles qui entourait le château. Ils passèrent sous deux arches de pierre, toutes deux menant à de hautes tours et d'autres murailles, pour se retrouver quelques minutes plus tard sur un espace plat où quelques arbres fragiles poussaient, mais où l'herbe était quasiment absente. D'un côté se trouvait la rivière entourant le château et de l'autre, un mur de la falaise qui supportait ledit château. Car oui, le château avait été construit à même une montagne entourée d'un large cours d'eau sauf au sud. D'année en année, on avait ajouté des nouvelles parties au bâtiment et creusé à même la montagne pour finalement donner l'allure impressionnante qu'il arborait aujourd'hui. Link comprit qu'il se trouvait à un endroit difficilement accessible, sauf d'où il venait, et que d'après l'allure des lieux, peu de gens venaient ici.

- Le chancelier m'a dit que tu es un cadet dans ton village, c'est bien ça ?

- Oui, mon commandant, répondit Link qui avait retenu le titre de l'homme.

- Bien ! répondit celui-ci satisfait.

Il tapa dans ses mains avant de poursuivre :

- Donc, aujourd'hui, je vais te demander de faire plusieurs exercices. Et je veux que tu donnes ton meilleur, d'accord ?

Link hocha la tête, enthousiasme à l'idée de faire quelque chose de productif.

- Bien ! répéta le commandant. Alors, commençons…

OoOoO

Link était épuisé. Sir Thomas, lui avait fait faire une panoplie d'exercices, allant du jogging à l'escrime, de l'escalade au combat à main nue, ou bien encore de la nage au saut en longueur. Il s'était blessé au coude, déchirant au passage sa veste en tombant de la falaise, alors qu'il tentait de l'escalader. Il avait reçu un coup de poing à l'estomac au moment de l'exercice au combat corps à corps. Et il s'était pratiquement foulé la cheville lorsqu'il était tombé sur son épée, qui heureusement était toujours dans son fourreau à sa taille. Au moins, si Link n'avait pas été satisfait de ses performances, le commandant avait toujours été encourageant en lui promettant une amélioration rapide s'il faisait tout ce qu'on lui demandait. Le commandant l'avait abandonné lorsque les rondes des soldats avaient été changées, ce qui annonçait l'heure du repas du soir. Il était retourné dans la cour de la garde royale et avait constaté que Darni l'attendait sous l'arche qui servait d'entrée au couloir du château menant au quartier des travailleurs. Il marcha rapidement vers le goron qui le salua en souriant.

- On ne savait pas si tu avais été relogé, expliqua Darni une fois Link à sa hauteur. Madame Lyne voulait s'assurer que tu étais correct et m'a demandé de venir attendre un petit moment, au cas où.

- Merci, répondit simplement Link qui malgré ses courbatures et ses blessures, trouva que la journée se déroulait bien jusqu'à maintenant.

- Madame Lyne a aussi constaté que tu n'avais pas beaucoup de possessions…

Link trouva que c'était un euphémisme étant donné qu'il n'avait rien pour le moment. Cela lui fit penser que peut-être sa famille était arrivée en ville et il se demanda s'il y avait un moyen qu'il puisse le rejoindre.

- …et vouloir savoir si tu voulais aller en ville pour acheter quelques biens, continua le goron.

Link s'empressa de demander :

- Ma famille doit me rendre visite, mais je ne sais pas comment cela fonctionne...

Darni, la main au menton, réfléchit quelques instants avant de répondre :

- Pour qu'il te laisse entrer entre les murailles, il te faut une invitation. Si ta famille n'en a pas eu, elle doit t'attendre à la place des Fleurs. C'est l'endroit le plus proche de l'entrée. Tu veux y aller ?

Link hocha la tête avec beaucoup trop d'énergie et le goron éclata de rire. Il se mit en marche dans le couloir, cette fois-ci se dirigeant plein sud, tout en expliquant le travail qu'il avait accompli aujourd'hui sur le chantier maritime. Si Link avait bien compris, les travailleurs construisaient un port pour recevoir de la marchandise, ainsi qu'un ascenseur pour monter ladite marchandise aux étages supérieurs. Pour cela, il fallait creuser à même la montagne et Darni disait qu'il n'aurait pas le temps de finir cela avant les grands froids de l'hiver. Même si ce n'était encore que le début de l'été. Link reconnut l'entrée principale, pour l'avoir vu quelques fois pendant ces visites, et se sentit de nouveau inapte dans ses vêtements sales et déchirés. Des gens de la cour, bien habillés, circulaient librement, tandis que des soldats vérifiaient les autres pour la raison de leur présence ici. Un soldat s'approcha d'eux et salua le goron. Il se tourna vers Link et haussa un sourcil en prenant la parole :

- Tu vas devoir te nommer et dire la raison de ta présence ici.

S'il n'avait pas utilisé de ton grossier, et qu'on pouvait deviner la curiosité dans son regard, il n'empêche que le soldat était méfiant. Link remercia la présence de Darni à ses côtés.

- Link, dit-il. Fils de Sir Rusl du village d'Elimith. Je suis ici pour…

Il hésita quelques secondes ce qui causa un froncement de sourcil chez le soldat.

- Pour entraînement, compléta-t-il.

- Pour entraînement, répéta le soldat loin d'être persuadé.

Encore une fois, c'est Darni qui lui sauva la mise en disant sérieusement :

- Entraînement pour sauver le monde. Il a l'épée légendaire.

Le regard du soldat tomba immédiatement sur l'arme à sa taille et ses yeux s'agrandirent de surprise.

- Par Hylia ! s'exclama-t-il. Je croyais que le général se foutait de moi.

Il dévisagea Link de haut en bas pour ensuite regarder autour de lui, comme s'il cherchait d'autres témoins. Toutefois, il se tourna de nouveau vers Link pour expliquer :

- Je vais entrer ton nom dans le registre. Étant donné que personne ne m'a vraiment donné d'information à ton sujet, on va dire que tu peux entrer et sortir quand tu veux. Je te préviens quand même que les portes se ferment à huit le soir et s'ouvrent à la même heure le lendemain matin, sauf certains jours de fête. C'est plus facile pour nous si tu es déjà entre les murailles du château lorsque les portes se ferment.

Il haussa les épaules en souriant et ajouta :

- De toute façon, si quelqu'un t'empêche d'entrer ou de sortir, tu n'as qu'à montrer cette épée.

Et il s'éloigna rapidement pour rejoindre et parler vivement à un de ces collègues. Link sentit leur regard dans son dos un long moment.

- Allons-y, dit Darni qui avait déjà pris les devants. Ce n'est pas loin.

Link suivit docilement et comme le goron l'avait précisé, ils se retrouvèrent dans une place publique où des étalages remplis de marchandises avaient été montés et où plusieurs vendeurs proposaient leurs produits à une clientèle tout autant diversifiée. Un peu plus loin, des tentes étaient montées avec des petits espaces pour faire des feux. Des gens en groupe, et même des familles discutaient autour d'un repas.

- C'est ici que les visiteurs se rassemblent pour vendre leurs produits et se rapprocher du château, expliqua Darni. Si on ne trouve pas ta famille, il y a aussi quelques auberges que je pourrais te montrer…

- Link !

Le jeune homme se tourna à temps pour recevoir son petit frère dans ses bras.

- Hé toi !

Link remarqua ses parents ainsi que sa soeur qui se dirigeaient vers lui et plus loin, leurs deux chevaux avec l'attelage.

- Je suis content que vous soyez là, dit-il en souriant à son petit frère.

Lorsque sa famille arriva enfin à sa hauteur, sa mère le prit dans ses bras et son père lui serra l'épaule. Link retint une grimace sous le regard soupçonneux de sa petite sœur. Il remarqua aussi Darni qui dansait sur ses deux jambes à côté et s'empressa de faire les présentations. Une fois cela fait et ainsi que les remerciements que Link fit au goron qui les balaya d'un revers de main en souriant, la créature des montagnes les quitta par la suite sous prétexte de ne pas vouloir manquer le repas du soir. Et Arielle dit subitement :

- Qu'est-ce qui t'est arrivé ? On dirait qu'un goron t'a passé sur le corps…

- Hé, gronda Link. Darni ne m'a rien fait. Il m'a aidé énormément aujourd'hui.

- Fils, dit Rusl calmement, ta sœur utilisait simplement une expression.

- Qui est très approprié, renchérit sa mère. As-tu mangé ? Nous venons d'arriver et on nous a dit qu'on pouvait nous installer ici. Je peux faire un repas ?

Le ventre de Link gargouilla en réponse et sous l'ordre de la matriarche, ils allèrent à l'attelage pour trouver un bon emplacement pour installer toute la famille. Link en profita pour raconter sa journée, parlant de Sir Thomas et des entraînements qu'il avait faits jusqu'à maintenant.

- J'aurais besoin d'une ceinture au dos pour porter l'épée autrement qu'à la taille, expliqua Link après avoir parlé de sa bévue qui lui avait presque foulé la cheville.

Il était maintenant assis autour d'un feu et dégustait le repas pendant que le soleil s'approchait de l'horizon au loin.

- Ton entraînement semble…excessif, dit Rusl en se grattant le menton. Promets-moi que tu vas faire attention à respecter tes limites.

Link hocha la tête en se servant une deuxième portion du repas. Son père poursuivit :

- J'ai amené ma ceinture dorsale. Nous ferons l'échange avant que tu ne retournes dans la citadelle.

- Merci, p'pa, dit Link la bouche pleine.

- Et as-tu besoin d'autre chose ? demanda sa mère inquiète. Tu es logé et nourri, n'est-ce pas ? Est-ce qu'ils te fournissent des vêtements aussi ?

- Ils m'ont logé temporairement avec les travailleurs et oui je suis nourri, dit Link. Pour les vêtements, ils n'ont rien précisé.

- Ont-ils parlé si tu pouvais revenir à la maison pendant les fêtes ? s'enquit sa petite sœur.

- Non plus, soupira Link.

Il n'ajouta rien en voyant l'inquiétude passer dans les yeux de ses parents.

- Et bien, dit tout de même sa mère en tapant dans ses mains. Nous avons tes vêtements de voyage et nous allons te laisser le petit coffre pour que tu puisses les ranger avec tes effets personnels.

Link songea intérieurement qu'il n'avait pas tant d'objets sur lui en ce moment, mais avoir le coffre le rassura sur le fait que ces vêtements ne seraient pas à la merci des petites bestioles qui courraient dans le sous-sol du château.

- Est-ce que vous pourriez m'avancer un peu d'argent ? demanda Link. J'aimerais m'acheter quelques bougies pour ma chambre.

- Tu as dit que tu dormais dans les sous-sols, réfléchit Rusl.

- Moi j'aurais peur, s'exclama Colin qui grugeait un os de poulet.

- Je crois que Link a autre chose à faire qu'à s'inquiéter d'un sous-sol sombre, commenta Arielle.

Link envoya un regard d'avertissement à sa petite sœur. Si quelqu'un pouvait deviner ce qu'il pensait, c'était bien elle. La dernière chose qu'il voulait que ses parents sachent était le fait qu'il se sentait complètement démuni en songeant à ce qui l'attendait dans le futur. Il ne voulait pas les inquiéter et Arielle comprit. Elle soupira et dit en souriant :

- Je peux te prêter mon lampion. J'ai même apporté une réserve d'huile pour le voyage.

- Tu es sûre ? répliqua Link surprit.

Ce lampion avait été offert à sa petite sœur par leur grand-mère du côté maternel lorsque celle-ci était encore en vie. Link savait que plus que tout autre chose, ce lampion avait une grande valeur sentimentale aux yeux de toute la famille.

- Oui, répondit sans hésitation Arielle.

Elle se pencha vers Link pour dire tout bas :

- Je…j'ai toujours pensé que grand-mère veillait sur moi à travers ce lampion et, je sais que c'est ridicule, mais c'est la raison pourquoi je le traîne partout.

Elle haussa les épaules, penaude et continua :

- Ça me rassurerait de savoir qu'elle veille maintenant sur toi, surtout alors que tu es ici.

- Par la déesse, dit soudainement sa mère d'une petite voix, moi aussi ça me rassurait.

Link sourit en disant :

- Merci.

Ils mangèrent dans le silence quelques minutes jusqu'à ce que Rusl dit :

- Mamie t'envoie ses salutations et s'excuse de ne pas avoir fait la route.

- Elle vieillit, répondit Uli en serrant la main de son époux.

Le patriarche approuva silencieusement. Link déposa son bol qu'il avait terminé et soupira de contentement.

- Nous allons rester ici encore deux jours et ensuite retourner au Grand Plateau, dit Rusl.

- Vous transmettrez mes salutations à mamie, dit Link. Dites-lui aussi qu'à ma prochaine visite, j'ai bien l'intention de me reprendre et vider son garde-manger.

- Elle va être heureuse de l'apprendre, ria son père.

- Le soleil est couché, dit soudainement Uli.

Elle se leva et prit la main de Link pour qu'il en fasse de même en expliquant :

- Vient avec moi Link, qu'on prépare tes effets à apporter au château. Je refuse que tu déambules à la vue de tous avec le même gilet et pantalon pendant un mois.

- Hé ! s'écria Arielle. Je ne veux pas faire la vaisselle seule !

- Je vais t'aider, consola Rusl. Et Colin aussi n'est-ce pas ?

Link entendit son jeune frère répliquer négativement sous les rires du patriarche et se retrouva devant l'attelage. Lui et Uli grimpèrent sur le chariot et après avoir sorti le petit coffre de sous une caisse, le vidèrent. Sa mère s'empressa de rassembler tous ses vêtements et de les placer soigneusement à l'intérieur d'un des deux compartiments du coffre. Elle trouva le lampion prêté par Arielle ainsi que le flacon d'huile et les rangea dans l'autre section. Deux pierres de silex s'ajoutèrent, un petit poignard, deux savons, un bol, une gourde, quelques feuilles blanches, une plume et de l'encre.

- Pour que tu nous écrives le plus souvent possible, averti Uli en lui donnant une légère tape sur le front.

- M'man, soupira Link qui n'avait assisté que comme témoin à toute cette préparation.

Elle sortit une petite bourse d'argent et lui tendit.

- Il n'y a pas grand-chose à l'intérieur, expliqua-t-elle un peu déçue. Ton père et moi voulons toutefois que tu la gardes. Avoir un peu d'argent sur soi est toujours utile.

- Je ne peux pas accepter…hésita-t-il.

- Tu n'as pas le choix, dit Rusl qui s'était approché. Et avant de l'oublier…

Il sortit sa ceinture dorsale de ses bagages et la donna à Link qui fit l'échange avec celle à sa taille. L'épée dans son dos, il se sentit soudainement un peu plus libre de ses mouvements.

- Est-ce que tu dois retourner au château maintenant ? dit Colin.

Son petit frère grimpa sur une des grandes roues de l'attelage et le regarda avec une moue sur le visage.

- C'est préférable avant huit heures, dit Link. Ils ferment les portes par la suite.

- Faisons un bout de chemin ensemble, décida Rusl. Ta mère, ta sœur et ton frère vont se préparer pour la nuit pendant que je vais t'aider à apporter le coffre.

Colin et même Arielle se plaignirent de vouloir voir le château, mais le patriarche fronça les sourcils ce qui tût la conversation.

Link souhaita une bonne nuit à sa mère, se moqua de la moue de Colin et remercia une nouvelle fois sa sœur pour le lampion.

Les deux hommes prirent facilement le coffre. Link se dit qu'à lui seul, il aurait pu l'apporter sans trop de difficulté, mais comprenait la curiosité de son père. La situation aurait été inversée qu'il aurait tout fait pour pouvoir visiter le château. Même si c'était juste une partie.

- Je me souviens être venu ici pour recevoir mon grade de chevalier, conta son père d'une voix rêveuse. J'avais été impressionné, c'est le moins qu'on puisse dire. Ont-ils l'intention de t'envoyer avec les autres soldats ?

Link haussa les épaules et expliqua :

- Pour le moment, tout ce que je sais, c'est que le commandant Sir Thomas me sert d'entraîneur.

Le patriarche resta silencieux et ils arrivèrent à l'arche qui menait à la cour du château. Le soldat qui lui avait parlé plus tôt accourut vers lui aussitôt dès qu'il le vit et dit sérieusement :

- Sous ordre du chancelier Léonard, il vous est désormais interdit de sortir de la cour du château sans autorisation.

- Que…quoi ? Pourquoi ? répliqua Link surpris.

- Pour votre sécurité monsieur, ajouta le garde le regard emplit d'excuse.

- Je suis Sir Rusl du village d'Elimith. Moi et ma famille sommes en ville pour visiter Link qui est mon fils, dit calmement l'homme. Peut-on demander une autorisation ?

- Oui Sir, répliqua le soldat. Je peux remplir un formulaire et d'ici quatre à sept jours vous aurez votre réponse.

Le cœur de Link se retrouva dans les talons. Sa famille ne restait que deux jours.

- Y a-t-il possibilité d'accélérer le processus, argumenta Rusl. Je dois partir dans deux jours.

- S'il n'y a pas d'urgence, je ne pense pas, sir. C'est le pire moment de l'année pour les visites.

Rusl s'approcha du soldat et gronda :

- Mon fils est en possession de l'arme de la déesse Hylia. N'est-ce pas une urgence selon vous.

Link remarqua que des soldats s'approchaient d'eux et il prit peur en songeant à ce qu'il en coûterait à son père d'être aussi désobéissant. Ce n'était pas dans sa nature et il ne mériterait pas les réprimandes qu'il subirait si cela venait à dégénérer.

- Ce n'est pas grave, père, dit Link pour couper court aux négociations. Mes journées sont chargées et je n'aurai de toute façon pas beaucoup de temps à passer avec vous.

Le patriarche le fixa droit dans les yeux pour finalement soupirer.

- Ta mère ne sera pas contente d'apprendre cela.

- Je sais, dit Link en souriant faiblement.

Rusl lâcha le coffre que Link prit à deux mains. Plusieurs personnes les observaient et les deux hommes mal à l'aise dans une telle situation, se firent un hochement de tête, transmettant leurs adieux silencieusement. Link se détourna en serrant les mâchoires et passa sous l'arche. S'efforçant de ne pas se retourner, il fila droit vers ses « appartements » au sous-sol à la lueur des torches qui s'allumaient un peu partout.


Petite demande à toi qui a lu jusqu'ici : Je cherche un(e) bêta-lecteur(trice). Si tu es intéressé(e), envoie-moi un message privé, merci :)

Chapitre mis en ligne le 8 décembre 2018.