Dans ma dernière fanfiction de Zelda (Link et Tetra) je m'étais pas mal amusée en changeant de point de vue de chapitre en chapitre. Et j'ai décidé de refaire la même chose avec cette histoire. Donc pour le deuxième chapitre, je raconte avec le point de vue de Zelda. Bonne lecture :)

2

Elle n'était pas en train de penser à lui. En aucun cas, elle ne perdrait son temps à y penser. Qui devait se préparer à combattre la Calamité qui s'abattrait bientôt sur le royaume ? Elle ? Pas vraiment. Son rôle était de rester les bras croisés pendant qu'il se démènerait à croiser le fer avec la réincarnation du Mal. Ensuite, s'il était victorieux, elle n'aurait qu'à sceller la bestiole. S'il n'était pas le vainqueur par contre…

- Princesse Zelda ?

Les yeux de la jeune femme quittèrent le petit robot immobile sur sa table de travail et se dirigèrent vers le messager au pas de la porte de son laboratoire.

- La reine requiert votre présence dans les jardins, dit-il.

Il se prosterna et disparut dans le couloir. Elle retint son grognement de mécontentement. Posant ses outils sur la table, elle replaça ses lunettes sur son visage, resserra le chignon qui retenait ses longs cheveux châtains et marcha vers l'unique grande fenêtre de la pièce. Elle prit le temps de regarder à l'extérieur et d'admirer la vue. C'était un bel après-midi d'automne et les feuilles colorées des arbres commençaient à tomber. Il ne manquait qu'une bonne brise et les végétaux seraient complètement dénudés pour l'arrivée de l'hiver. Bientôt, on fermerait des sections du château, y compris le petit laboratoire dans lequel elle se trouvait. Il est certain qu'elle se trouverait une pièce temporaire pour la saison froide, mais son emplacement actuel était dans une des nombreuses tours du château. Il était assez éloigné des pièces importantes pour avoir un semblant de tranquillité et surtout, empêchait la plupart des êtres opportunistes qui habitaient le bâtiment royal de pouvoir l'importuner. Elle était peut-être la réincarnation de la déesse et pouvait « briller » sur demande, cela n'empêchait pas qu'elle préférait une compagnie réduite. Très réduite. Ne voulant pas faire attendre la reine plus longtemps, elle quitta la pièce, ferma la porte sous clé et se dirigea sans trop y réfléchir vers les jardins. Elle descendit les escaliers de pierre circulaire, emprunta le couloir principal qui permettait de relier chacune des parties importantes du château et lorsqu'elle passa devant les fenêtres donnant sur la cour de la garde royale, chercha une tête blonde. C'était peine perdue, car ne connaissant pas d'autre trait distinctif de l'homme qui avait retiré l'épée de légende, elle ne pouvait éliminer qu'une partie des soldats qui s'entraînait en ce moment même. De plus, rien ne lui disait qu'il était dans ce groupe. Avec un soupir, elle tourna dans l'autre direction et mit le pied à l'extérieur. La température fut soudainement plus froide et elle frotta ses avant-bras dans le but de se réchauffer. Elle suivit un petit sentier de pierre qui contournait le château et quelques mètres plus loin, elle passa sous une arche où deux soldats montaient la garde. Maintenant située entre le château et les murailles entourant celui-ci, elle se retrouva dans un grand jardin de fleurs et d'arbres. La saison avait fait son œuvre ici aussi et les carrés de terre habituellement fertile étaient pratiquement dénudés. Sans hésitation, elle se dirigea à l'autre bout et trouva la reine Delia à quatre pattes sur le sol en train de nettoyer une plate-bande.

- C'est froid pour jouer dans la terre, se moqua la princesse. Je ne crois pas que le roi approuverait vous voir dans cette position.

- Nous savons que votre père a une idée très arrêtée sur notre rôle dans ce château, répliqua la reine.

- Et bien, la dernière fois que vous vous êtes amusée dans vos fleurs, vous en avez eu pour des semaines à vous plaindre de maux aux genoux. Il a raison de vouloir vous interdire vos exercices de jardinage.

Delia se tourna vers sa fille et allongea son bras dans sa direction :

- Dans ce cas, aidez votre pauvre vieille mère à se remettre debout.

La princesse roula des yeux et agrippa la poigne ferme de la reine. Celle-ci se retrouva facilement sur ses deux pieds et elle baissa les yeux sur sa fille.

- Contente ?

- Très.

La reine secoua les pans de sa longue robe, enlevant les résidus de terre qui s'y étaient accrochés, et suivit de la princesse, elles se dirigèrent vers un banc pour y prendre place silencieusement. La pierre était froide sous Zelda et elle regretta sa robe sobre qui, si elle était adaptée pour ses activités dans son laboratoire, ne l'était pas pour le climat froid qui caractérisait la saison qui allait bientôt débuter.

- Je sais que vous aimez cet endroit, commença la jeune fille, mais il fait plutôt froid. Vous m'avez fait venir pour une raison n'est-ce pas ?

- Avez-vous fait vos prières ce matin ? demanda la reine sans autre introduction.

- Bien sûr, répliqua la princesse.

- En combien de temps ?

La princesse se tourna vers la souveraine et haussa un sourcil. Elle commençait à comprendre la raison de cette rencontre. Elle assura :

- Je vous promets avoir récité tous les mots de chacune des prières. Et regardez.

Elle prit une des mains de la reine dans les siennes et un halo doré les entoura.

- Je le maîtrise, dit-elle certaine. J'ai juste à penser vous et vos genoux défectueux pour appeler ce pouvoir. Ce ne sont pas les prières qui permettent cela.

Delia regarda sa fille avec un sourire paisible.

- J'ai une totale confiance en vous, ma chère.

Elle fronça les sourcils un instant avant de poursuivre :

- Malheureusement, le prêtre Rauru trouve que quatre minutes de prière n'est pas suffisant.

- Je ne savais pas que mon temps de dévotion était compté, s'offusqua la princesse.

Même si intérieurement, une vague de remords l'envahit. Elle avait si hâte de retourner à son laboratoire chaque matin, car bientôt, y travailler ne serait plus possible.

- Quinze minutes Zelda. C'est tout ce que je vous demande. Pensez à vos robots pour tuer le temps, ça ne me dérange pas.

- Je dois faire semblant de prier ? douta la jeune femme même si un sourire se dessina sur ses lèvres.

- Si cela apaise Rauru et en même temps tous ceux qui l'écoutent, alors oui.

- Bien, maugréa-t-elle.

Elle retrouva le sourire et continua :

- Et dans trente ans, mes genoux seront en aussi mauvais état que les vôtres.

La reine eut un éclat de rire et pinça le nez de sa fille avec sa main libre.

- Ma parfaite princesse.

Elle grimaça en continuant :

- Sauf ces lunettes, il est dommage que vous deviez les porter tout le temps. Cela dévie l'attention de vos jolis yeux.

- Mère…

- Et nous ne parlerons même pas de cette robe qui est tachée.

- J'étais dans mon laboratoire, expliqua-t-elle sur la défensive.

La reine soupira et inversant les rôles, elle prit les mains de sa fille dans les siennes. Elle ferma les yeux quelques instants dans le silence ambiant. Quelques secondes s'écoulèrent à peine, mais elle savait ce que Delia cherchait à faire. Lorsqu'elle rouvrit les yeux, Zelda demanda :

- Et puis ?

La souveraine hocha négativement la tête. Ce qui voulait dire qu'elle était incapable de voir l'avenir de sa fille. La princesse ne put s'empêcher de laisser échapper :

- Quand vais-je pouvoir le rencontrer ?

La reine avait compris l'allusion au détenteur de l'épée légendaire et répondit :

- Votre père affirme qu'il n'est pas prêt.

- Qu'est-ce que cela est censé vouloir dire ? protesta la princesse impatiente. Il est ici depuis plus d'une saison et je ne lui ai jamais adressé la parole !

- Zelda.

L'interpellé croisa les bras sur sa poitrine et soupira.

- N'agissez pas comme une enfant, pria la reine.

- Mère, commença-t-elle doucement. J'ai obéi à vos ordres ainsi qu'à ceux de père et je n'ai pas cherché à le voir. Cependant…

Elle hésita, souhaitant trouver les bons mots pour convaincre Delia de la nécessité de présenter les deux élus du royaume.

- Je vais devoir placer ma confiance en lui un jour. Et l'inverse aussi. Si je me fie aux écrits sur la Calamité, ce n'est pas une épreuve que nous devons prendre à la légère. Il doit s'entraîner, je sais. Mais moi aussi. Je dois le connaître pour…pour être capable de prendre les bonnes décisions et ne pas me retrouver à le nuire au combat final.

- Vous n'avez pas à vous inquiéter pour cela, répliqua la reine.

- Contrairement à une certaine personne, commença la princesse en hochant la tête en direction de la souveraine, je suis incapable de voir l'avenir. Alors oui, je m'inquiète. Je m'inquiète depuis que j'ai appris la nouvelle que l'épée avait choisi un maître. Le jour de mon anniversaire en plus !

Et elle ajouta d'une voix suppliante :

- S'il vous plaît, je veux le rencontrer.

Delia la dévisagea un instant, réfléchissant au dilemme. Finalement, elle concéda :

- Je vais parler à votre père…

- Vous savez, comme moi, que si le chancelier ne donne pas son approbation, père ne le fera pas, coupa la jeune femme en fronçant les sourcils derrière ses lunettes.

- Que dois-je faire alors ? répliqua la reine légèrement exaspérée.

- Vous pourriez me donner votre autorisation.

- Vous ne pouvez pas me demander cela, princesse. Même si j'en ai le droit, le roi verrait cela comme un affront de ma part.

- Alors, nous nous retrouvons au point de départ, se découragea Zelda

. Et tout ce que je sais, c'est qu'il a les cheveux blonds. Donc, si le Fléau attaque maintenant, il ne me reste qu'à chercher une tête blonde qui se bat avec l'épée de légende…

Les yeux de la princesse se levèrent vers le ciel qu'elle contempla tristement.

- Je dirais que ces cheveux sont d'un blond cendré, commença Delia.

Le regard de la princesse se tourna vers sa mère qui plaça une main à son épaule et ajouta :

- À peu près cette longueur. Et il les porte attaché à la nuque.

Elle réfléchit quelques secondes sous l'attention de sa fille et poursuivit avec un sourire :

- Il a les oreilles percées et porte un petit anneau d'argent dans chacune d'elle. Il a des yeux bleus incroyables. La couleur même du ciel lors des journées très froides de l'hiver. Très perçant comme regard.

Elle hocha la tête en pensant à cela et Zelda eut une moue, sachant qu'elle ne pouvait qu'imaginer la couleur.

- Il a un visage délicat pour un homme. Je ne pense pas qu'il soit plus grand que vous. Il n'a pas une carrure si évidente, plutôt svelte comme silhouette, un peu comme la majorité des sheikah.

- Et à part son physique ? questionna avec impatience la princesse.

- N'est-ce pas ce à quoi les jeunes femmes de votre âge occupent leur temps à discuter ? se moqua la reine.

- Je ne sais pas, répliqua-t-elle. J'essaie d'éviter ce genre de conversation.

- Oh, je sais, réprimanda la plus vieille. J'en entends parler par les membres de la cour qui se demande chaque jour où se cache leur princesse. Ce n'est pas de cette manière que vous allez trouver un mari…

- Mère, vous évitez le sujet, coupa Zelda.

La reine regarda sa fille de haut, mais reprit tout de même :

- Il est plus jeune que vous, de quelques mois. Sa famille réside au village d'Elimith. Son père est chevalier là-bas, il est commandant adjoint sur un des cinq navires du royaume. Sa mère est propriétaire du magasin général du village. Il est l'aîné de la famille, mais a une sœur jumelle et un petit frère.

- Vraiment ? s'étonna la princesse. Dans les légendes, le héros semble toujours sortir de nulle part. Et il est dépeint comme étant quelqu'un de solitaire, un orphelin et…

- Pas celui-là, coupa la reine. Les légendes sont si vieilles que ces détails n'ont probablement pas été transmis de génération en génération.

- C'est bien, murmura la princesse.

Delia haussa un sourcil interrogateur.

- Il n'est pas seul, précisa-t-elle.

Et elle se reprit en faisant la moue :

- Il le serait encore moins si vous m'autorisiez à le voir.

- Zelda…

- Autre chose à me révéler dans ce cas ? demanda-t-elle pour ne pas perdre le fil de la conversation.

- Il s'appelle Link et c'est un cadet dans le régiment de son village. Je n'ai pas pu lui demander, mais je présume qu'il suit les traces de son père. Il était en vacances chez son oncle sur le Grand Plateau lorsqu'il a retiré l'épée de légende. Son oncle est chevalier et c'est un des gardes du temple du Temps. Sinon, je n'en sais pas plus.

- C'est quelque chose au moins, remercia la princesse avec un sourire.

- Si vous voulez plus d'informations, vous pouvez demander au chancelier Léonard.

La jeune femme fit une grimace et répliqua :

- Non. Vous savez que cet homme ne me plaît pas.

- Personne ne vous a demandé de l'épouser, ironisa la reine.

Zelda ne fit que rouler des yeux sans rien ajouter. Une brise s'était levée dans le jardin et elle imita Delia lorsque celle-ci se mit debout.

- J'ai une bonne nouvelle, annonça la reine soudainement. Un petit groupe de sheikahs vont venir passer quelques semaines au château et Impa va faire partie du lot.

- Oh ! Est-ce que ça veut dire que l'enquête est terminée ?

La reine hocha négativement la tête et expliqua :

- On ne sait pas ce qui a provoqué une défectuosité dans la tour d'Akkala, mais votre père sait bien que ce n'est pas en se mettant les sheikahs à dos qu'il résoudra le problème.

- Les sheikahs ne se retourneraient jamais contre Hyrule, rétorqua la princesse sûre d'elle.

- Impa ne se retournerait jamais contre vous, corrigea la souveraine. Vous avez une amie dévouée et je serais prête à parier qu'elle se sacrifierait sans hésitation pour vous.

- Et bien, dit Zelda pensive, nous nous sommes fait la promesse de toujours être là l'une pour l'autre, il y a des années de cela. Le roi nous rend la tâche très difficile par contre.

Delia se mit à marcher vers la sortie et sa fille suivit derrière.

- Ouvrez l'œil, ma chère, dit simplement la femme d'âge mûr. Si la grande majorité des personnes sont fidèles à la couronne, d'autres n'en ont que faire.

Elle regarda la princesse du coin de l'œil et poursuivit :

- D'autres encore, se sont dévoués à faire revenir la Calamité. Restez toujours sur vos gardes.

Et plus joyeusement, elle ajouta :

- Pour le moment, allons nous préparer pour le souper. Laissez moi aussi m'occuper de votre visage. Qu'on ait une chance de voir le vert de vos jolis yeux.

La princesse grogna alors que la reine disait :

- J'ai entendu dire que le comte Charles du lac Hylia était en visite et souhaitait vous voir...

- S'il vous plaît, promettez-moi de chaperonner jusqu'à la fin, supplia la jeune femme.

La reine eut un rire discret et poussa sa fille hors du jardin.

OoOoO

Le soleil descendait au loin dans le ciel et la princesse savait que les sheikahs ne tarderaient pas à arriver. Un soldat était venu lui annoncer que le groupe était en ville et se faisait escorter au château. Zelda avait quitté la bibliothèque en hâte pour aller à sa chambre. Portant une robe d'un rose très pâle ce jour-là, couleur que la reine préférait, surtout sur sa fille, elle décida d'enfiler par-dessus un manteau au tissu délicat d'un gris presque noir qui lui retombait jusqu'au pied. Essentiel pour la protéger du froid ambiant qui s'abattait de plus en plus sur le royaume. Elle avait laissé tomber la capuche dans son dos et ses cheveux tressés impeccablement dégringolaient jusqu'à sa taille. Ses mains, cachées sous les longues manches, étaient croisées devant elle alors qu'elle se dirigeait vers les portes du château dans le couloir principal. Elle pensa à son amie qu'elle n'avait pas revue depuis plusieurs mois.

Impa, malgré son jeune âge, était un exemple parfait du peuple sheikahs. De taille moyenne, possédant une silhouette svelte toute en musculature, elle arborait les traits typiques des siens, c'est-à-dire une chevelure blanche ainsi que des yeux dont les iris étaient rouges. Son visage était plutôt carré et ses lèvres fines souvent pincées lui donnaient un air sévère au naturel. Maîtrisant les arts de combats ancestraux de son peuple, elle pouvait se battre à mains nues ou bien avec n'importe quelles armes à porter. La princesse Zelda avait déjà eu la chance de pouvoir l'observer se défendre - et immobiliser - un des siens avec seulement un foulard. Ce qui avait été tout un spectacle. Rien n'avait prédestiné la sheikah à devenir la meilleure amie de la princesse. Il y a quelques années, leur rencontre au château n'avait été qu'un pur hasard. Pru'ha, la mère de Impa, avait été engagée pour réparer la tablette de la reine que la princesse avait accidentellement échappée dans l'eau. De son bain. Elle avait douze ans à cette époque, et pouvait passer des heures à étudier la carte d'Hyrule et tenter d'apprendre par cœur tous les lieux affichés sur celle-ci. Lorsque Pru'ha était arrivé au château avec sa fille du même âge que la princesse, les deux enfants s'étaient immédiatement liés d'amitié. Zelda se souvenait encore aujourd'hui de cette période passée avec la jeune sheikah et en gardait les plus beaux souvenirs. Impa, plutôt téméraire à l'époque, l'avait convaincue d'explorer le château de fond en comble pour trouver les meilleures cachettes. Elle lui avait appris à marcher sans faire de bruit et ne pas se faire remarquer - chose qu'elle n'avait jamais vraiment bien maîtrisée - et le plus important, comment casser facilement le nez d'un importun. Zelda, elle, lui avait enseigné le chant, que son amie ne maîtrisait pas du tout, l'histoire et le vieux langage hylien qu'elle commençait tout juste à apprendre elle-même. Ce dernier avait toujours eu un effet sédatif sur la jeune sheikah à l'époque. C'était à la fin de l'automne que les deux jeunes filles, cachées dans les solives du toit au-dessus de la bibliothèque, s'étaient promis de toujours être là l'une pour l'autre. Impa avait solennellement juré fidélité à la princesse, tout comme les chevaliers qu'elle avait pu observer faire de même au roi, et Zelda avait béni Impa avec son tout nouveau pouvoir, promettant de la protéger elle et son peuple au nom de la déesse.

Ce que la princesse n'avait pas remarqué à l'époque, c'était la méfiance que les hyliens avaient envers les sheikahs. Posséder une telle technologie et un tel savoir faisait peur au peuple. Si les sheikahs, en général, partageaient leur connaissance sans arrière-pensées, d'autres profitaient de la naïveté des gens pour les escroquer. Le roi devait gérer plusieurs mésaventures de ce genre ce qui avait convaincu le dirigeant de limiter l'accès à cette technologie. Malheureusement, seuls les plus nantis pouvaient profiter du savoir sheikah, et les gens maîtrisant cette technologie, déjà isolé à la base, avaient dû encore plus se retrancher ces dernières années. Malgré cela et à cause de tout cela, Zelda n'avait jamais regretté sa promesse faite à Impa. Elle avait toujours aussi confiance en la sheikah et ses semblables. Pour s'assurer de conserver ce lien, elle avait fait durer une correspondance depuis des années, bien que les rencontres furent de plus en plus espacées avec son amie d'enfance.

Lorsque le groupe arriva finalement aux portes du château, elle accueillit Impa avec un sourire à la fois surpris et radieux sur ses lèvres. Elle s'avança pour enlacer son amie qui resta rigide malgré le sourire qui était apparu sur son visage.

- Toujours aussi petite, se moqua la sheikah une fois l'étreinte terminée.

- Et moi, j'ai l'impression que vous avez encore grandie, répliqua la princesse amusée.

Elle se tourna vers le petit convoi de sheikah qui suivait et les salua poliment. Elle expliqua par la suite :

- Le roi et la reine vous recevront une fois que vous serez installés. Je vais vous guider vers vos appartements, si vous voulez bien me suivre.

S'assurant que tous avaient compris son message, la princesse prit la direction opposée dans le couloir suivi du groupe.

- Vous ne devriez pas vous occuper de notre accueil, exposa tout bas Impa en marchant près de la princesse. Certains pourraient prendre cela pour un traitement de faveur.

Zelda hocha négativement la tête tout en prenant la direction de l'emplacement des appartements réservé aux visiteurs.

- Tant que je suis princesse, cela ne pose pas de problème, expliqua la jeune femme. Accueillir les visiteurs est considéré comme un de mes rôles. D'ailleurs, mère souhaiterait que je le prenne plus à cœur.

Impa eut un sourire en coin en demandant :

- Elle essaie toujours de vous trouver un mari ?

- Je ne me souviens pas d'une époque où ce n'était pas dans ses projets.

Après avoir traversé une partie du château, ils arrivèrent à destination et la princesse pointa les pièces leur étant destinées. Elle les laissa s'installer convenablement et attendit patiemment Impa qui comme d'habitude prit le minimum de temps pour placer ses affaires dans la chambre qui lui avait été réservée. Celle-ci la rejoignit dans le couloir.

- Est-ce que vous devez assister à la séance avec le roi ? demanda Zelda.

- Non, répliqua Impa. Reynald forme actuellement sa fille Louda pour prendre sa place. C'est elle qui le représente pour ce voyage.

- Vraiment ? s'enquit la princesse. Elle semble si jeune…

Impa claqua sa langue et dit :

- Elle a presque cinquante ans. Je précise que les sheikahs vieillissent plus lentement que les hyliens.

Zelda roula des yeux en ajoutant :

- J'adore quand vous me rappelez que je vais être ridée des années avant vous.

Et se tournant vers les autres sheikahs qui sortaient un à un de leur chambre, elle demanda à la ronde :

- Avez-vous besoin d'un guide pour vous rendre à la grande salle ?

Louda, que Zelda reconnut pour avoir croisé plusieurs fois la sheikah, sortait au même moment et sourit à la princesse en répondant :

- Nous nous débrouillerons à partir de maintenant. Profitez du temps que vous avez avec mademoiselle Impa.

Zelda remercia la dame poliment. Sans attendre, elle fit signe à Impa de la suivre tout en disant avec enthousiasme :

- Je dois absolument vous montrer les améliorations que j'ai faites à mon robot. J'ai réussi à calibrer ses mouvements pour qu'il puisse grimper des petits obstacles et…

- Une minute princesse, coupa la sheikah qui marchait dans les couloirs à sa droite. Le robot peut attendre. Avant toute chose, vous devez me parler de celui qui a retiré l'épée de légende.

Les épaules de la princesse s'affaissèrent discrètement tout comme sa ferveur qui se fana. Zelda ne répondit pas immédiatement et les deux femmes marchèrent en silence jusqu'à se rendre à la tour où se trouvait son laboratoire. Une fois qu'elles furent dans la pièce et que la porte fut fermée derrière elles, Zelda expliqua une moue sur le visage :

- Le roi et la reine refusent que je le rencontre.

Impa s'était assise sur un tabouret à côté de la table de travail et la fixa sans expression.

- Ont-ils donné une raison ?

- Leur explication est qu'il n'est pas prêt.

- Et par prêt, ils entendent ?

Zelda haussa les épaules penaudes :

- Le chancelier Léonard s'occupe de son entraînement et bref, je préfère ne pas me mêler de ça. Tu sais combien je n'estime pas le chancelier de notre royaume.

- Et sinon, pas de dates pour les présentations ?

- S'il y en a une, je n'ai pas été informé.

Impa resta silencieuse un moment. Après quelques secondes, elle se leva de son tabouret et dit soudainement :

- Dans ce cas, pourquoi ne pas me montrer ce robot ? Je dois surveiller vos avancements dans notre technologie pour m'assurer que vous ne nous devancez pas !

- Par Hylia, je crois que j'ai du chemin à faire !

OoOoO

Zelda ouvrit les yeux, se redressa tranquillement dans son lit et écouta attentivement. On cogna de nouveau à la porte de sa chambre et elle chercha rapidement ses lunettes sur la table de chevet. Une fois trouvée, elle les plaça sur son nez, se leva et se dirigea vers la porte. Dans le foyer, il ne restait que des braises ne permettant pas d'éclairer la chambre suffisamment pour faire disparaître les coins d'ombre.

- Princesse ? dit-on de l'autre côté.

L'interpelée reconnut la voix d'Impa et grogna en ouvrant :

- C'est une blague ? Il ne doit même pas être cinq heures !

- Habillez-vous chaudement, répliqua la sheikah avec un sourire sérieux. La reine m'a convoqué hier soir pour me parler d'une de ses préoccupations.

- Si c'est encore cette histoire de prière, maugréa la princesse.

- C'est bien cela, confirma Impa qui fermait la porte derrière elle. Allez Votre Altesse, enfiler vos vêtements les plus chauds, il y a une légère couche de neige à l'extérieur.

Zelda s'était retournée et se dirigeait vers sa penderie cachée derrière un paravent quand elle s'arrêta pour répliquer :

- Dehors en plus ? C'est bientôt l'hiver et je vais devoir prier dehors ?

Impa eut un sourire et Zelda jura dans sa tête. Pourquoi insistaient-ils tous sur ces prières ? N'avaient-ils pas compris que ce pouvoir qui résidait en elle n'était que le fruit de son amour qu'elle avait envers son royaume, mais surtout, pour les êtres chers qui étaient là pour elle ? Cependant, pour satisfaire les exigences de sa mère, Zelda ne rechigna pas plus longtemps et s'habilla promptement d'une robe simple et d'un long pardessus en fourrure. Une fois ceci fait, elle suivit Impa dans les couloirs et celle-ci la guida à l'extérieur du château trop rapidement à son goût. Elles étaient sur une passerelle qui entourait en partie l'énorme bâtisse et qui donnait sur une impressionnante vue de l'est de la région. Zelda eut le temps de distinguer les lueurs à l'horizon au-dessus des montagnes avant que l'air froid lui frappe le visage et embue ses lunettes. La lune, haute dans le ciel, permettait de voir plutôt bien les alentours, mais l'atmosphère était tout de même glacée. Elle regretta de ne pas être restée au chaud dans son lit.

- Attendez, dit-elle en essuyant les verres tant bien que mal sur la manche de son manteau.

Elle les remit sur son nez et regarda Impa devant elle qui la fixa.

- J'irais boire quelque chose avant de commencer ces prières…

- J'y ai pensé, répliqua la sheikah en voyant son amie faire un pas en direction du château. J'ai apporté quelque chose pour vous. Ne vous inquiétez pas, ce ne sera pas long et en plus, le soleil ne tardera pas à se lever.

La princesse rejoignit la sheikah en remontant la capuche de son pardessus sur sa tête pour ensuite cacher ses mains dans les larges poches qui avaient gardé la chaleur de sa chambre. Une fine couche de neige craqua sous leurs pieds et Zelda suivit son guide sans un mot. La sheikah l'amena un peu plus loin sur la passerelle pour, elle le comprit, faire face le plus possible au soleil levant. Elles croisèrent un soldat qui faisait sa ronde et qui les salua prestement sans arrêter sa marche. Elles s'arrêtèrent à côté d'une tour et la sheikah grimpa sur la bordure de pierre sans crainte. Elle tendit sa main à la princesse qui la regarda avec de gros yeux.

- Vous savez que je n'ai pas d'équilibre, répliqua-t-elle.

- Votre Altesse, argua la sheikah en insistant. Je veux juste aller sur cette plate-forme.

Elle pointa juste en avant de la tour un petit espace qui n'avait pas vraiment d'utilité si ce n'est les fleurs en pot que la reine plaçait partout pendant la saison chaude.

- Vous n'aurez même pas deux pas à faire.

Tout en gardant une moue sur son visage, la princesse agrippa la poigne ferme de la sheikah qui la tira sans effort jusqu'à la plate-forme. Une fois sur celle-ci, Impa plaça une couverture sur la surface de pierre et poussa Zelda doucement en direction de celle-ci.

- Veuillez vous asseoir, dicta-t-elle.

- Vous êtes tout aussi bien de dire à la reine que j'ai fait cela parfaitement. C'est qu'il fait froid !

Impa lui tendit une petite gourde que Zelda prit sans poser de questions. Elle avala une gorgée, mais s'arrêta en goutant le liquide qui lui était inconnu.

- Qu'est-ce que c'est ? demanda-t-elle méfiante.

- C'est moi ou j'entends une certaine appréhension ? se moqua la sheikah. C'est simplement un mélange de plantes qui vont réchauffer votre organisme et le détendre. Buvez maintenant.

- Je suis toujours impressionnée de l'aisance que vous avez à ordonner à tout un chacun. Même à votre princesse.

Elle but le liquide tiède et tendit la gourde à Impa qui énonça sérieusement :

- Je veux que vous regardiez l'horizon.

- Je préfère faire mes prières les yeux fermés, répliqua Zelda du tact au tact.

- Pas de prière, assura Impa. Vous regardez le lever du soleil et profitez de la beauté de la chose en ne pensant à rien.

- Ne penser à rien…maugréa la princesse. Vous ne pouviez demander à pire personne.

- Taisez-vous maintenant, soupira la sheikah. Et je promets de dire à la reine que vous êtes un modèle exemplaire de dévotion.

Zelda eut un sourire et se concentra sur l'horizon qui pâlissait à vue d'œil. Leur royaume était si vaste, qu'elle avait souvent perdu des heures à le contempler, que ce soit sur une carte ou bien de la plus haute tour. Son rôle la contraignait à rester au château pour sa sécurité, mais combien de fois avait-elle rêvassé en contemplant la vie qui se déroulait à l'extérieur des murailles ? Elle prit une bonne inspiration et se concentra sur les couleurs changeantes du ciel. Les laissant s'imprimer sur sa rétine et prendre toute la place dans son cerveau pour empêcher que celui-ci n'analyse la situation. Le noir se transforma en bleu, pâlissant rapidement. Le rose apparut tout comme l'orange et soudainement, elle n'observait plus ce lever de soleil. Elle en voyait d'autres, une quantité incroyable, qui se superposait les uns sur les autres comme une collection de photos qu'on tournerait rapidement. Et tout d'un coup, la silhouette d'une petite femme flotta devant elle, tout près.

Dame Zelda, vous devez sauver mon maître.

La princesse sursauta à l'entente de la voix inconnue et cligna des yeux plusieurs fois. Stupéfaite, elle ne put que constater que la petite femme flottait toujours devant elle. Ces lèvres n'avaient toutefois pas remué. Au loin, le soleil apparut, se reflétant sur la cape de l'apparition qui ballotait sur une brise invisible.

- Hum…Impa, dit Zelda tout bas.

- Vraiment princesse ? Ça ne fait même pas cinq minutes. Un petit effort.

- Il y a une…femme qui…plane devant moi, hésita la future souveraine.

- Une femme plane devant vous, répéta Impa sceptique.

La princesse, inquiète, laissa tomber le vouvoiement et s'écria :

- Dis-moi que tu la vois. Ou je t'accuse d'avoir drogué un membre de la famille royale.

- Calme-toi, dit doucement Impa. Pourquoi ne pas me décrire cette femme ?

Zelda, qui avait les yeux fixés avec appréhension sur celle-ci, tenta d'expliquer ce qu'elle voyait.

- Elle n'est pas hylienne, commença-t-elle. Elle est de petite taille. Son visage et ses cheveux, c'est comme s'ils étaient…hum…en métal ? Elle porte une cape de deux couleurs, mauve d'un côté et argent comme sa tête de l'autre. Je ne distingue pas de bras, comme si elle les cachait. Elle porte une robe courte du même mauve que sa cape et un énorme rubis à la poitrine…

S'il vous plait, dame Zelda.

- Impa, s'écria Zelda apeurée en se retrouvant sur ses jambes d'un coup. Elle me parle !

- Et que dit-elle ? s'enquit placidement la sheikah qui se redressa à son tour.

Zelda se tourna vers son amie soudainement énervée :

- Est-ce que tu te moques de moi ? Ne l'entends-tu pas ?

Mais devant le regard calme de la sheikah, Zelda comprit qu'elle était la seule à voir l'être qui se trouvait devant elle. Désemparée, elle se demanda si elle était en train de devenir folle. Elle se tourna vers la femme qui s'approcha doucement. Zelda se recula jusqu'à ce que son dos soit appuyé sur les pierres de la tour.

Dame Zelda, mon maître a besoin de votre aide.

- Elle dit que son maître a besoin de mon aide, répéta-t-elle à Impa.

- Son maître est-il ici ? demanda-t-elle à Zelda.

Oui. Suivez-moi, dame Zelda.

La femme flotta jusqu'à la passerelle et se tourna vers la princesse, attendant que celle-ci la rejoigne. Zelda la pointa et dit à l'intention de la sheikah :

- Elle est là et elle veut que je la suive.

Impa sauta sur la bordure de pierre et tendit sa main à la princesse qui l'attrapa sans hésitation. Celle-ci la tira sur la passerelle et Zelda remarqua que l'être s'était éloigné un peu plus loin. Cette fois-ci, la princesse jogga jusqu'à sa hauteur et dû continuer sa course lorsque l'apparition s'éloigna de nouveau. Suivi d'Impa, elles entrèrent dans le château encore endormi. Elles traversèrent plusieurs couloirs et descendirent plusieurs escaliers pour finir devant l'entrée des sous-sols.

- Nous avons besoin de flambeaux, dit Impa.

Mais Zelda constata que la femme s'éloignait toujours en planant et avant de la perdre de vue, appela son pouvoir dans sa main qui s'illumina instantanément, créant assez de lumière pour éclairer leur chemin. Sans un mot, elle suivit l'être dans les couloirs frigorifiés. Elle se retrouva à un embranchement menant à trois directions différentes et dut chercher du regard la femme. Celle-ci attendait à sa droite, à l'entrée d'une pièce dont la porte était fermée. Zelda courut à sa hauteur alors que l'être disparaissait à travers le bois de l'ouverture sous ses yeux ébahis. Elle prit la poignée glacée et la tourna. Tout en poussant doucement la porte, seule la lueur dorée dégagée par sa main lui permit de voir l'étendue de la petite pièce. Un coffre posé dans un coin, un lit où elle reconnut la silhouette d'un jeune homme sous la couverture trop fine, un lampion éteint juste à côté et sur le sol, à porter de main, l'épée de légende dans un vieux fourreau. La respiration sifflante de l'homme alité se fit entendre et Zelda agrandit ses yeux d'horreur.

- Oh non, murmura-t-elle alors que la situation devenait claire.

Elle courut au pied de la couche et s'agenouilla pour prendre le visage glacé de l'homme entre ses deux mains. Elle le tourna dans sa direction et croisa le regard bleu perçant que la reine lui avait décrit.

- Je suis désolé, murmura-t-il tellement bas que Zelda eut de la difficulté à entendre.

Ses yeux se perdirent derrière elle avant de se fermer complètement. La princesse paniquée cria :

- Impa !

- Oui, Votre Altesse, répondit promptement la sheikah qui se trouvait derrière elle.

- Nous…nous devons le transporter à l'infirmerie. Trouve-moi des soldats avec un brancard…envoie-les ici. Et le soigneur. Il faut envoyer quelqu'un chercher Maître Mikael.

Elle remarqua du sang sur le drap près du visage de l'homme. Elle tourna ses yeux inquiets vers la sheikah immobile et dit :

- Il a besoin des meilleurs soins.

Et par cela, elle faisait allusion aux connaissances des sheikahs dans le domaine.

- Vas-y, dit-elle, et ensuite va réveiller ses majestés. Fais vite.

Dans un nuage de fumée, Impa avait disparu de la pièce et l'attention de Zelda revint sur le jeune homme. Sa main, toujours sur la joue du malade, dégageait une faible chaleur et se sentant inapte dans une telle situation, elle se mit à prier. Croisant ses mains sur la poitrine du héros, elle pria les déesses et envoya tout son pouvoir dans le bout de ses doigts dans l'espoir de partager cette chaleur avec celui qui en avait tant besoin.

OoOoO

Encore une fois, on avait interdit à Zelda de rester avec le héros. Link était logé dans l'infirmerie où on lui prodiguait les soins pour un rhume qui avait tellement dégénéré qu'on se demandait comment il avait pu survivre dans ces conditions. Et par ces conditions, on sous-entendait le lieu où il avait été logé et qui, ces derniers jours, avait dû être d'un froid glacial durant la nuit. Pour éviter la contagion de ce mal, toutes les visites dans la petite infirmerie royale avaient été interdites. On avait aussi défendu à la princesse de se rendre dans la salle d'audience, là où le chancelier Léonard se confrontait à l'interrogatoire du roi et de la reine. Ne sachant comment se rendre utile, elle avait pris la décision de trouver une pièce au héros pour y déménager ses quelques possessions. Elle avait sélectionné une des chambres mieux situées dans le quartier royal. Une qui possédait une fenêtre à l'est, un foyer de pierre au nord, une commode vide qui avait à peine servi et un grand lit. Elle s'était assurée que la quantité de couvertures soit suffisante pour que le futur occupant soit au chaud, même si le feu dans le foyer venait à s'éteindre. Ses mains tremblaient encore au souvenir du contact glacé avec le visage du jeune homme. Un soldat avait déposé le coffre contenant toutes les possessions de Link dans un coin de la pièce et il avait posé le lampion au centre de la commode avant de s'éclipser promptement. Zelda avait l'épée de légende dans ses mains et était assise sur le cadre de la fenêtre de la chambre qui serait destinée à être celle de Link. Elle portait toujours ses habits chauds qu'elle avait mis ce matin à la demande d'Impa. La princesse n'avait pas revu la sheikah depuis les ordres qu'elle lui avait donnés lorsqu'elles avaient trouvé le héros agonisant dans les sous-sols du château. Dehors, le soleil s'était levé depuis quelques heures déjà et la journée s'annonçait radieuse.

- Votre Altesse.

Zelda se tourna vers le soldat qui se tenait à la porte. Elle le reconnut comme étant le principal garde du roi et de la reine. Et comme pour approuver ces pensées, il annonça :

- La reine requiert votre présence dans la chambre royale.

Il se prosterna et disparut dans le couloir. La princesse resta immobile et regarda l'épée dans ses mains. Elle ne pouvait se résoudre à abandonner l'arme dans cette pièce et elle ne savait pas à qui la confier. En ce moment, elle ne faisait plus confiance aux décisions de ses parents. La seule personne qui, jusqu'à maintenant, ne lui avait jamais fait faux bond n'était pas présente. De toute façon, Impa ne pourrait garder l'épée éternellement, d'autant plus qu'elle devrait quitter le château éventuellement.

- Je m'excuse de ne pouvoir te ramener à ton maître, murmura-t-elle. Dès qu'il se portera mieux…

Elle ne termina pas sa phrase, sentant une chaleur se dégager de l'épée. Le souvenir de la femme mystérieuse qui lui était apparue ce matin lui revint à l'esprit. Cependant, la reine l'attendait et elle se leva. Elle plaça l'épée dans son dos, la courroie sur son épaule et sa poitrine, et s'élança dans le couloir en direction de la chambre royale. En un rien temps, elle fut à destination et cogna sur la porte. Sa mère l'autorisa à entrer ce qu'elle fit en refermant derrière elle. Si Delia, assise sur un fauteuil au centre de la pièce, était bien habillée, la princesse put déterminer que sa coiffure avait été faite rapidement ce matin. Elle n'était probablement pas mieux elle-même. La reine lui pointa un petit siège et Zelda prit place en prenant soin de ne pas heurter l'épée, chose que sa mère remarqua, mais ne commenta pas.

- Impa m'a expliqué brièvement les évènements de ce matin, débuta Delia avec son attention rivée sur la princesse. Je souhaiterais que vous me racontiez à votre tour.

Zelda soupira et narra :

- Ce matin, sous votre demande, Impa m'a réveillé tôt pour accomplir une méditation. Nous nous trouvions sur la plate-forme de la tour la plus à l'est du château lorsqu'une femme m'est apparue.

La princesse s'arrêta, tentant de trouver comment décrire la vision, mais ne put qu'expliquer :

- Je ne peux pas dire avec certitude ce que c'était, mais elle m'a parlé de son maître et m'a guidé jusqu'au sous-sol où nous avons trouvé le héros…dans cet état.

Ses yeux se froncèrent et elle enchaîna :

- Je mettrais ma main au feu que l'apparition était une forme que peut prendre l'épée pour communiquer. Elle savait que son maître était en danger.

Zelda observa la reine qui resta silencieuse et elle termina simplement :

- Ensuite, j'ai envoyé Impa chercher de l'aide et vous prévenir.

La princesse croisa ses mains sur ses cuisses et imita la reine, en la fixant sans dire un mot de plus. Elle n'avait rien de plus à ajouter à cette conversation et était de toute façon encore trop vexée d'être mise à l'écart de tout ce qui concernait le héros.

- Vous êtes fâchée, dit la souveraine.

La princesse haussa un sourcil. Oui, elle l'était. Depuis le jour où l'épée de légende avait été retirée, elle avait l'impression d'avoir perdu le peu de contrôle qu'elle avait sur son destin. On décidait pour elle ce qu'elle devait ou ne devait pas faire sans accorder d'importance à son opinion. Elle avait respecté les ordres qu'on lui avait donnés, mais aujourd'hui, se rendait compte qu'elle aurait dû insister davantage. Depuis tout ce temps, elle le sentait. Cet étrange malaise qui toujours lui rappelait que le héros se trouvait tout près et qu'elle devait le rejoindre sans plus attendre. Elle se sentait tellement stupide d'avoir ignoré cet appel. Mais maintenant, elle se promettait de prendre sa place. Et à cet instant précis, elle attendait des réponses. Comment se faisait-il que quelqu'un d'aussi important ait été logé dans un endroit si inadéquat ? Pourquoi personne n'avait remarqué que la santé du héros se dégradait ? Mère et fille se dévisagèrent un moment, quand finalement la plus vieille prit parole :

- Le chancelier Léonard se décharge de toutes responsabilités concernant l'état actuel de Link. Il aurait donné l'ordre à Sir Thomas de veiller sur le héros, et par là, il entendait l'entraînement et le bien-être de celui-ci. À partir de ce moment, il ne se fiait qu'au rapport que lui transmettait Sir Thomas sans chercher à confirmer leur véracité.

- Et Sir Thomas, qu'a-t-il à dire pour sa défense ? demanda la princesse.

- Il est introuvable pour le moment. La dernière fois que les gardes l'ont aperçu, c'était il y a trois jours, alors qu'il quittait la ville.

La princesse eut un rire amer et répliqua :

- Comme c'est pratique. Le héros n'avait qu'à mourir silencieusement dans un coin perdu du château.

- Zelda, soupira la reine.

- Et encore maintenant, vous m'interdisez de le voir.

- Nous devons vous protéger, vous êtes essentielle pour vaincre la Calamité…

- Vous savez bien que s'il n'y a pas de héros, je pourrais bien briller aussi fort que le soleil, ça n'empêcherait pas le Mal de revenir sur Hyrule !

- Je vous demande juste d'attendre que son état se stabilise et que je parle au roi, dit la reine calmement.

- Non.

Delia ne cacha pas sa surprise devant le refus catégorique de sa fille.

- Link est un visiteur au château et il revient donc à la princesse de veiller à ce qu'il soit bien installé et ne manque de rien.

- Zelda, avertit la reine.

La jeune femme savait que si son rôle était de recevoir les visiteurs, rien ne lui dictait de s'occuper d'eux au-delà de l'accueil. Elle souhaitait tout de même que pour ce cas-ci, la souveraine lui permette de prendre en charge le héros.

- Je souhaite être mise au fait des décisions qui le concernent pour éviter qu'une telle situation se reproduise, ajouta-t-elle d'une voix ferme.

Et pour bien démontrer son point, la princesse se leva et se dirigea vers la sortie. La reine agrippa le poignet de sa fille subitement, la stoppant net dans son élan. Elle s'apprêtait à répliquer quand Delia se raidit. Elle avait une vision. Il y avait déjà un moment que ça n'avait pas été le cas et Zelda s'inquiéta.

- Qu'avez-vous vu ? demanda la princesse lorsque la reine cligna des paupières.

Delia lâcha le poignet de sa fille et se frotta le visage à deux mains.

- Dites-moi que vous ne l'avez pas vu mourir…supplia Zelda tout bas en songeant au héros dans l'infirmerie.

- J'ai vu un gigantesque éléphant, aussi énorme que le château, dit la reine d'une voix étonnée.

La princesse regarda sa mère abasourdie pendant que celle-ci continuait :

- Et il y avait un zora qui se tenait debout sur le bout de sa trompe dressée.

Zelda ne put s'empêcher de demander :

- Un vrai éléphant ?

- Je ne pense pas, répondit la reine. De cette taille, c'est impossible. Mais ça en avait indéniablement la forme.

Un silence tomba et Zelda se souvint de son but premier.

- Je ne crois pas que cette vision me concerne pour l'instant, commença-t-elle perplexe. Je vais aller voir le héros et surveiller son état. Je vous serai très redevable de convaincre le roi du bien-fondé de ma décision…

Elle laissa sa phrase en suspend et attendit poliment la réponse de la reine. Même si elle ne souhaitait que de quitter la pièce avant que la souveraine ne lui interdise une nouvelle fois de ne pas s'approcher du héros. La reine resta silencieuse un moment tout en fixant son unique fille. Et soudainement, elle se décida en balayant l'air de sa main :

- Va. Je m'occupe du roi.

La princesse, un sourire reconnaissant sur le visage, murmura :

- Merci mère.

OoOoO

Après la discussion que Zelda avait eue avec la reine, elle était retournée à sa chambre changer de pardessus pour un plus léger. En plus des foyers présents un peu partout dans la section habitable du château, le soleil entrait par les nombreuses fenêtres et réussissait à réchauffer les pièces avec ses rayons. Ses cheveux étaient toujours retenus dans une longue tresse et elle prit le temps de nettoyer ses lunettes avec un linge. Ensuite, elle ramassa le livre sur les légendes des gérudos qui trainait sur sa table de chevet. Son autre main attrapa l'épée légendaire qu'elle avait déposée sur son lit avant de se changer. Prenant une inspiration, elle quitta la pièce et marcha dans les couloirs jusqu'à l'infirmerie. Elle entra dans la petite salle avec assurance, même si intérieurement, elle craignait qu'on l'oblige à rebrousser chemin. Immédiatement, elle remarqua que l'effervescence que le héros avait provoquée à son arrivée avait déjà disparu. Celui-ci était installé dans un des trois lits au bout de la pièce - les deux autres étaient vides - et semblait dormir d'un sommeil agité. Le vieux soigneur, Maître Mikael, que la princesse connaissait depuis sa plus tendre enfance, préparait des remèdes et était installé à la table appuyée sur le mur près de la fenêtre. Il leva les yeux dans sa direction en entendant ses pas et fronça les sourcils en la voyant. En se prosternant légèrement, il s'enquit :

- Je suppose que vous avez eu l'autorisation du roi pour être ici ?

- Ça ne saurait tarder, dit-elle en souriant avec certitude.

Et elle pria intérieurement qu'il ne se serve pas de son autorité pour lui exiger de partir d'ici là. Elle se dirigea vers le mur du fond à côté du lit du malade où une chaise avait été placée. Elle prit place sur celle-ci et appuya l'épée sur le mur.

- Hum…hésita le soigneur. Vous êtes consciente qu'il est peut-être contagieux…

Il laissa sa phrase en suspens, mais Zelda, le livre sur ses genoux, ne bougea pas, le défiant sans menace du regard. Il soupira et continua ses mélanges silencieusement. La princesse ouvrit son livre à la page de son signet, mais ne reprit pas sa lecture immédiatement. Si en premier lieu, elle porta attention à ce qu'il se passait dans la pièce, au bout d'un moment, son regard se tourna vers le jeune homme qui dormait à ses côtés. Cependant, l'observer à son insu lui donna l'impression de s'immiscer dans sa vie privée et ses yeux glissèrent vers son livre où elle se concentra sur sa lecture. Elle eut le temps de tourner quelques pages quand Maître Mikael vint lui porter un remède et lui exigea de le prendre tout en expliquant :

- Pour éviter que vous attrapiez le mal de ce jeune homme.

La princesse but le liquide amer dans la petite fiole et la redonna ensuite au soigneur qui lui répondit d'un sourire.

- Est-ce que je peux faire quelque chose ? demanda-t-elle soudainement.

Le maître avait repris sa place à sa table et répondit :

- Tout ce que nous pouvions faire a déjà été fait. Je ne peux que soulager les symptômes. Le travail qui reste à accomplir ne peut l'être que par ce jeune homme.

Zelda regarda le héros tristement.

- J'ai toutefois autorisé cette jeune sheikah, Impa, à aller chercher des remèdes à son village. Elle devrait être retour demain au plus tard.

La princesse eut un sourire reconnaissant au soigneur qui ajouta :

- C'est un fort jeune homme que nous avons là. De plus, il a la bénédiction de la déesse. Mon inquiétude de ce matin venait de ses poumons, mais déjà, je peux voir une amélioration à l'écoute de sa respiration. Vous l'avez trouvé au bon moment, Votre Altesse.

Zelda ne répondit pas et se concentra sur le son du souffle du malade. Elle entendait encore ce sifflement et était incapable de dire s'il y avait une différence avec ce matin. Le soigneur avait repris son travail et elle recommença sa lecture tout en portant attention au jeune homme à ses côtés. Le silence de la pièce était entrecoupé des quintes de toux de Link qui ne se réveilla pas malgré l'inconfort qu'il semblait éprouver. Le Maître Mikael avait, au bout d'un moment, disparu dans la pièce d'à côté, lui précisant qu'il entendait très bien et viendrait vérifier au moindre bruit suspect. Et lisant son livre, elle attendit que le patient se réveille. Elle pensa à la famille de celui-ci qui se trouvait au loin et ne savait probablement rien de la situation. Est-ce que le roi ou la reine avait pris la décision de les prévenir que leur fils était malade ? Et surtout, avaient-ils été prévenus des circonstances qui avaient provoqué cette maladie ? Elle espérait sincèrement que le héros se réveille au plus vite. Cette attente pesait sur ses épaules. Il y avait toujours le risque que la maladie dégénère et emporte le malade. Il n'était pas rare que cela se produisît, surtout pendant la saison froide.

Ce fut lorsque le soleil eut disparu du ciel et qu'un jeune serviteur allumait les lampions situés un peu partout dans les couloirs et les pièces que Zelda décida qu'elle ne pouvait plus imposer sa présence. Il était certain qu'elle reviendrait le lendemain, mais le roi et la reine verraient d'un très mauvais œil si elle passait la nuit à l'infirmerie. Elle se leva et se tourna vers le malade lorsque sa respiration changea soudainement. Elle le vit cligner des paupières avant d'ouvrir les yeux pour fixer le plafond. Une émotion qu'elle n'avait pas ressentie depuis un moment lui noua les entrailles. Elle était intimidée. Le héros était à côté d'elle et même s'il était loin d'être au meilleur de sa forme, elle allait enfin pouvoir lui parler.

- Bonjour, dit-elle tout bas.

Il se tourna tranquillement dans sa direction et eut un faible sourire.

- Je vois que notre patient s'est réveillé, dit le soigneur en revenant dans la pièce.

Il s'avança de l'autre côté du lit et avec un sourire demanda en apposant ses mains sur la poitrine du malade :

- Comment vous sentez-vous jeune homme ?

- Soif, dit-il d'une voix rauque.

- Je m'en occupe, répliqua immédiatement Zelda à l'intention du Maître Mikael qui la remercia et continua son examen.

Elle se dirigea vers l'abreuvoir où l'on avait placé une cruche remplie d'eau et en versa dans un verre. De retour au lit, le soigneur avait redressé Link et celui-ci prit la boisson que Zelda lui tendait d'une main tremblante. Avec un merci à peine discernable, il engloutit le liquide les yeux fermés. La princesse eut un pincement au cœur en voyant les cernes sous ses yeux et ainsi que ses joues creuses. Il lui redonna le verre vide et elle s'empressa d'aller le lui remplir de nouveau. Elle revenait quand le soigneur demanda au patient :

- As-tu faim, petit ? Une soupe chaude te serait très profitable dans ton état.

Zelda lui avait donné le verre lorsqu'il répondit après s'être raclé la gorge :

- J'aime bien la soupe.

- Je vais vous chercher cela, répondit le soigneur.

Et se tournant vers la princesse, il demanda :

- Si vous pouviez rester un moment, je n'en ai pas pour longtemps.

Zelda approuva de la tête et s'approcha du jeune homme qui lui redonna le verre vide une nouvelle fois. Il ferma les yeux et prit une grande inspiration qui se bloqua dans sa gorge, provoquant une nouvelle quinte de toux. Cherchant à soulager son inconfort, la princesse retourna chercher de l'eau et cette fois-ci apporta la cruche qu'elle déposa sur la chaise qu'elle avait utilisée toute la journée.

- Désolé, dit-il une fois calmé.

- Ce n'est rien, répondit-elle.

Il prit le verre tendu, mais cette fois-ci, ne le but pas en entier. Zelda le lui reprit des mains devant son hésitation et elle le déposa à côté de la cruche. Elle se recula ensuite pour s'asseoir sur le lit opposé en attendant le retour du vieil homme. Link avait de nouveau fermé les yeux et elle se détourna pour observer le ciel noir par la fenêtre.

- Je dois voir Sir Thomas, dit soudainement le jeune homme.

Il se redressa davantage sur le lit et déposa ses pieds nus sur le sol froid. Zelda était debout en une seconde et l'arrêta dans son mouvement en posant sa main sur son épaule.

- Sir Thomas est à l'extérieur de la ville.

Les épaules de Link s'affaissèrent et sous le regard soulagé de la princesse, il retourna sous les couvertures.

- J'avais oublié, murmura-t-il.

- Vous le saviez ? demanda-t-elle curieuse.

Il hocha simplement la tête, mais ne précisa pas sa pensée. Elle pouvait voir la fatigue dans les mouvements lourds du jeune homme.

- Vous êtes très malade, commença-t-elle doucement. Nous vous avons amené ici, dans l'infirmerie du château, d'urgence ce matin. Est-ce que vous vous en souvenez ?

Il hocha la tête positivement quoiqu'avec hésitation et elle continua :

- N'attendez pas aussi longtemps la prochaine fois avant de demander des soins. Vous nous avez fait très peur.

- Je prends déjà le remède que Sir Thomas m'avait donné, expliqua-t-il. La fiole est dans mon coffre…

Il regarda autour, mais Zelda lui dit :

- Vos affaires sont dans votre nouvelle chambre. Pour le moment, prenez ce que les soigneurs vous donnent. Ils sont plus aptes à anticiper vos besoins.

Il approuva de la tête et laissa tomber ses paupières. Ce fut le Maître Mikael qui arriva quelques minutes plus tard avec une table sur roulette adaptée pour manger au lit. Il la plaça en face du malade qui avait de nouveau ouvert les yeux. Un servant suivait derrière, avec un bol de soupe fumant posé sur un plateau qu'il plaça sur la table. Les joues du jeune homme devinrent rouges et en entendant son faible merci, la princesse se demanda s'il était fiévreux ou gêné face à la situation. Mais quelque chose de plus urgent s'était présenté et elle devait impérativement s'attaquer à ce mystère. Cette fiole. Quelque chose lui disait de vérifier son contenu. Elle attrapa l'épée appuyée sur le mur et se tournant vers le soigneur elle dit :

- Je vais revenir en début de matinée demain. Je veux être avisé s'il y a le moindre problème.

Le vieil homme hocha la tête dans sa direction et elle fit un pas vers la sortie quand le malade s'exclama :

- Attend !

Surprise, elle se tourna dans la direction du jeune homme qui continua :

- Tu ne peux pas partir avec cette épée !

La princesse, insultée d'avoir été adressée ainsi, car il fallait toujours s'exprimer à un membre de la famille royale avec déférence, allait répondre quand le soigneur dit précipitamment au patient en lui tapotant le bras :

- Jeune homme, c'est la princesse voyons, réincarnation de la déesse même. Elle peut très bien veiller sur cette épée le temps que tu te remettes sur pieds.

En voyant le visage du héros soudainement blanchir, Zelda éprouva du remords d'avoir pensé qu'il lui manquait respect. Il ne l'avait simplement pas reconnu. Le serveur sortit de la pièce sur ses entrefaites et la princesse grimaça intérieurement sachant que cette histoire allait se répandre comme une traînée de poudre.

- Je suis désolé, Votre Altesse, dit le héros en fixant son bol de soupe.

- Ne vous inquiétez pas pour cela, dit-elle avec un sourire.

Et pour faire bonne mesure, elle ajouta :

- Pour le moment, reposez-vous. S'il y a quoique ce soit, vous n'avez qu'à demander à moi ou Maître Mikael.

Sans plus attendre, elle quitta la pièce.

OoOoO

- Qu'est-ce que vous en pensez ? demanda Zelda.

- Je ne sais pas, répondit Impa.

Toutes deux s'étaient réfugiées dans le laboratoire de la princesse où le froid avait finalement pris le dessus. La sheikah était de retour en ce début d'après-midi, le lendemain de la journée suivant la découverte de Link dans les sous-sols du château. Elle avait livré les remèdes au soigneur qui - sous le soulagement de la princesse - s'était empressé de les donner au héros. Il semblait un peu mieux aujourd'hui, malgré le fait qu'il ait évité son regard toute la matinée, probablement à cause de son incartade de la veille. Impa, qui était assise le dos droit sur la chaise du bureau de travail de la princesse, croisa les bras sur sa poitrine et soupira.

- C'est impossible de prouver quoique ce soit, dit-elle. Si cette fiole avait contenu un poison, peut-être. Mais elle ne contenait que de l'eau. Ce Sir Thomas n'aurait qu'à plaider un manque d'inattention.

La princesse se passa une main sur le visage et debout au milieu de la pièce, elle fronça les sourcils.

- Lorsque Link, commença-t-elle, a demandé à Maître Mikael s'il avait du courrier ce matin, celui-ci a découvert qu'il n'avait jamais rien reçu, alors que sa famille devait lui envoyer des vêtements d'hiver il y a des semaines de ça.

- Je prédis que vous avez fait vos recherches ? demanda la sheikah.

- Eh bien, oui ! s'exclama la princesse. Le postier m'a affirmé que toutes les lettres ainsi qu'un coffre avaient bien été distribués. Pas à Link, mais au chancelier Léonard.

Impa haussa un sourcil de surprise alors que la princesse se mit à marcher de long en large.

- Je me suis donc enquis auprès du chancelier et vous savez combien j'aime discuter avec cet homme, continua la princesse avec une moue sur le visage. Il m'a répondu que Sir Thomas devait s'occuper de faire parvenir le courrier du héros et qu'il n'avait rien en sa possession. Point final.

La princesse s'arrêta au bout d'un moment et se tourna vers la sheikah qui la fixait silencieusement.

- Je ne connais pas la vérité, mais ce que je sais, c'est qu'un de ses deux hommes a tenté de compromettre le héros.

- Ou les deux, répliqua Impa passivement.

- Ou les deux, répéta Zelda démoralisée. L'un est le chancelier du royaume, placé juste sous le roi. L'autre est à l'extérieur de la ville et introuvable jusqu'à présent. À cause de cela, il ne peut pas se défendre contre les accusations du chancelier.

- Et le roi ?

La princesse haussa les épaules.

- Je lui ai expliqué la situation, mais pour le moment, il ne doute pas des allégations du chancelier. Il avait déjà donné l'ordre de ramener Sir Thomas et il s'en tient à cela.

- Vous devriez faire de même, dit Impa.

- Ignorer tout cela ? répliqua la princesse étonnée.

- Vous ne pouvez rien faire de plus. Maintenant, vous devez placer votre énergie là où c'est important.

- Vous parlez de Link.

La sheikah hocha la tête positivement.

- Il ne faut pas oublier que la Calamité peut arriver d'un moment à l'autre et que le héros n'est pas prêt à l'affronter.

- J'en ai discuté avec le roi et nous avons convenu d'un chevalier pour l'entraîner. Et…

Elle sourit à la sheikah qui répondit immédiatement :

- Non.

- Vous ne pouvez pas me refuser cela.

- Je viens de le faire, répliqua-t-elle.

- Je ne demande pas beaucoup de votre temps, supplia la princesse. Toutefois, l'entraînement sheikah est réputé pour son efficacité.

- Techniquement, je ne suis pas un maître.

- S'il te plaît, Impa.

La sheikah soupira et décroisa les bras pour passer une main dans ses cheveux blancs. Après quelques secondes sous le regard suppliant de la princesse, elle déclara avec une moue sur le visage :

- À une condition.

Sur le visage de Zelda apparut un sourire et elle répondit sans hésitation :

- J'accepte.

- Ce n'est pas une manière de négocier princesse, se moqua la sheikah. Ma condition est que vous suiviez un entraînement vous aussi.

La future souveraine perdit son sourire et fronça les sourcils.

- Je ne suis pas sûre que…

- Vous avez déjà accepté, coupa la sheikah.

- Je sens que je vais le regretter, maugréa la princesse en réponse.

- Moi aussi Votre Altesse, soupira Impa. Moi aussi.


Chapitre mis en ligne le 16 décembre 2018