J'avais très hâte d'écrire ce chapitre, car je fais finalement référence au titre de cette histoire et...il était temps ! Bonne lecture :)

5

Link était à deux doigts de tout foutre en l'air. Il y avait plusieurs raisons à cela. Peut-être même avait-il une certaine part de responsabilité dans quelques-unes de ces raisons. Cependant, après sa visite à l'infirmerie, il s'était promis qu'il ne laisserait pas son devoir le séparer de sa famille. D'où son désarroi. Car encore une fois, il n'avait pas reçu de nouvelles depuis presque un mois. Soit, la neige était finalement là pour de bon partout dans le royaume et cela risquait de provoquer des retards dans la distribution du courrier. Ce n'était toutefois pas une raison suffisante. Il avait rencontré quelques piafs alors qu'il apportait ses lettres à la poste. Ces hommes et femmes, à l'apparence de grands oiseaux, étaient bien conçus pour affronter le froid ambiant. D'ailleurs, pour eux ce n'était rien. Leurs corps étaient recouverts de la tête aux pieds d'un épais duvet, en plus de leurs plumes colorées, les protégeant du climat glacial. Ces créatures pouvaient voler de longues distances en une journée. S'ils aimaient porter des vêtements, ce n'était pas pour les parer contre les extrêmes de température, mais seulement comme fantaisie. Alors, pas de réponse pendant un mois, ce n'était pas logique. Link s'imaginait le pire et malgré les paroles encourageantes de Sir Talon, le héros savait que sa patience s'effritait.

De plus, dans toute cette mauvaise expérience, la princesse était pratiquement introuvable. Il s'en voulait, car il se sentait responsable de cette situation. C'était lui qui l'avait rebutée en l'évitant suivant son retour de sa première et unique mission. Maintenant, il en subissait les conséquences, car s'il souhaitait être en sa compagnie lors des repas, soit elle était avec cette sheikah, soit à la chapelle où - il avait la désagréable impression - elle passait la majorité de son temps depuis quelques semaines, ou soit dans sa chambre avec cette foutue porte toujours fermée. Il aurait dû lui donner la raison de son comportement maussade quand elle le lui avait demandé. Elle avait le droit de savoir ce qui le tourmentait. Car, par les déesses, les quelques fois qu'il l'avait croisée, elle semblait tourmenter elle aussi et il aurait voulu apporter son aide. Nom d'un goron ! C'était son rôle d'être son protecteur !

- Link, si tu perds encore une minute de ton temps à dévisager ce pantin, je vais chercher Hergo et annonce que tu lui as lancé un défi.

L'interpelé se tourna vers Ashei et Kafei qui s'avançait vers lui dans la cour de la garde royale. De la buée apparaissait à chacune de leur expiration et le bruit de leur pas était parfaitement détectable grâce à la fine couche de neige au sol. Si Ashei ne semblait pas incommodée le moins du monde par le froid ambiant de cette belle journée, Kafei avait posé une épaisse fourrure sur ses épaules.

- Fait cela, dit le soldat qui arrivait avec la femme, et tu te débrouilles pour consoler l'égo d'Hergo lorsque Link l'aura battu une nouvelle fois.

La soldate eut un frisson de dégoût et un sourire apparu sur les lèvres du héros.

- Ah, c'est mieux, dit-elle en voyant le visage de Link. C'est une trop belle journée de congé, ce qui signifie - soit dit en passant - sans obligation d'entraînement.

Et elle dévisagea l'épée que le héros tenait entre ces mains.

- Pourquoi êtes-vous ici alors ? répliqua Link en haussant un sourcil.

- Ma femme est enceinte, se plaignit Kafei. Je suis forcée de quitter notre maison quand elle fait la sieste, car je l'empêche de dormir.

- Pauvre petit, gémit Ashei sarcastiquement. Ce n'est pas parce qu'elle se couche à l'horizontale que tu dois nécessairement la rejoindre.

- Bon sang, Ashei, grommela Kafei en roulant des yeux. Langage !

Link avait rougi en comprenant le sous-entendu et détourna le visage sous les rires d'Ashei.

- Veuillez excuser ces propos scandaleux, se moqua la soldate. Nous savons tous que les enfants nous sont apportés par les piafs le moment venu.

- Transmet ton message Ashei, soupira le soldat.

Link se tourna vers la femme alors qu'elle disait avec un sourire :

- Sir Talon t'attend dans quinze minutes aux portes principales.

- Avec le temps qu'on vient de perdre, je pense plutôt dans cinq minutes.

Link rengaina son épée et après une salutation rapide aux deux soldats, se dirigea sans hésitation à l'entrée principale avec espoir d'avoir des nouvelles de sa famille. Il n'avait pas parlé de l'interdiction de franchir les murailles du château au chevalier qui lui servait d'entraîneur. Il avait toutefois discuté de l'ordre du chancelier avec la princesse il y avait déjà un moment de cela, et si celle-ci ne lui avait rien promis, il avait quand même souhaité qu'elle puisse parler en sa faveur. Il savait que les visites étaient pratiquement impossibles l'hiver. Ses parents ne se risqueraient jamais à voyager pendant cette saison, mais il ne pouvait s'empêcher d'espérer. Il voulait tellement les revoir avant que l'année ne se termine.

Il atteint finalement les portes ouvertes où circulaient quelques personnes - beaucoup moins que lorsqu'il était arrivé au début de l'été - et trouva rapidement du regard Sir Talon qui l'attendait. Link jogga pour le rejoindre et le chevalier hocha la tête.

- J'ai un message du chancelier Léonard, dit-il.

Il tendit un petit parchemin que Link prit.

- C'est l'autorisation qui te permet d'aller à l'extérieur des murailles, expliqua Sir Talon. Il va de soi que tu dois continuer ton entraînement et que ta présence est requise au château tous les jours. Pour une absence prolongée, tu devras demander une autre autorisation.

Le chevalier regarda derrière Link et sourit en disant :

- Mais je ne crois pas que tu en aies besoin avant un moment.

Link se tourna et sursauta en voyant son père qui éclata de rire devant sa mine stupéfaite. Celui-ci avait mis ses plus beaux habits de soldat et Link se retint de ne pas l'enlacer tellement sa joie de le revoir était grande. Rusl s'approcha et serra amicalement l'épaule de son fils qui sourit de plus belle.

- On a beaucoup à parler fiston, dit-il. Avant tout chose, allons voir ta mère, ton frère et ta sœur.

- Ils sont ici ? s'exclama Link heureux.

- Oui, dit simplement son père.

- Alors, je vous laisse le soin d'informer votre fils des derniers détails, dit son entraîneur à côté.

- Merci Sir Talon, dit Rusl avec une légère courbette.

Le chevalier s'éloigna après un salut et Link regarda son père marcher en direction de la ville.

- J'étais inquiet, dit le jeune homme en le suivant. Pourquoi ne pas avoir donné de nouvelles ?

- On a été très occupé dernièrement, expliqua Rusl avec un air mystérieux.

Ils traversèrent la place principale qui en été, était toujours remplie de kiosque provenant de tout le royaume. Le climat actuel toutefois, ne permettait pas cela et seuls les vendeurs qui possédaient une bâtisse et y restaient pendant toute l'année proposaient encore de la marchandise. Ils s'engagèrent dans une ruelle où Link croisa quelques soldats habillés en civil et qui profitait de ce jour de congé pour passer du temps avec leur famille.

- C'est celle-ci, dit Rusl en s'arrêtant devant une petite maison de pierres de deux étages coincés entre deux bâtisses semblables.

- Qu'est-ce que tu veux dire…commença le jeune homme perplexe.

- Link ! cria Colin en sortant de l'habitation.

Il se précipita sur son grand frère et sauta dans ses bras ouverts.

- C'est notre nouvelle maison ! dit rapidement Colin à côté de son visage. Maman a vendu le magasin et la maison et on a dû tout empaqueter et ensuite des soldats sont arrivés et on a tout chargé et on a fait le voyage pour venir ici avec eux et…

- Du calme Colin, ria Rusl à côté.

- Vous habitez vraiment ici ? demanda Link hébété.

Il posa son petit frère sur le sol alors que son père répondait :

- Nous sommes arrivés ce matin. Le roi m'a offert un poste de sous-commandant dans le quatrième régiment du château.

Tout bas, il ajouta :

- Le roi m'a informé de la…

Il hésita et fit une grimace comme s'il s'excusait d'employer un terme si faible :

- …mésaventure lors de ta première mission. Avec ce poste qui m'a été offert, nous avons décidé de venir vivre ici.

Sa mère sortit de la maison, suivit d'Arielle et toutes deux s'avancèrent vers eux. Uli enlaça son fils qui répondit à son étreinte avec soulagement. Sa sœur par contre le salua d'un petit sourire triste. Link devina qu'elle n'était pas la plus emballée à ce nouvel arrangement. Si quelqu'un aimait l'océan, c'était bien Arielle. De la ville d'Hyrule, le plus proche se trouvait à au moins quatre jours à cheval.

- Est-ce que ton entretien avec le roi s'est bien déroulé ? demanda la matriarche en se tournant vers son mari.

- Tout est en ordre, dit-il satisfait. Je commence demain et il est probable que je passe l'hiver au château, donc je vais être là tous les soirs.

- C'est bien, soupira-t-elle soulagée.

Et tremblant sous le froid ambiant, elle ajouta rapidement :

- Ce froid ! Allons tous à l'intérieur avant d'attraper du mal.

Elle se dirigea vers la maison et annonça en même temps :

- Si vous me donnez tous un coup de pouce pour placer la cuisine, je vous prépare un gâteau de fruits. Qu'en dites-vous ?

Ils approuvèrent sans hésitation et Link se laissa porter dans la routine familiale dont il avait tant de besoins.

OoOoO

Un peu plus tard dans la journée, alors que tous avaient mangé un énorme souper préparé par Uli qui avait voulu ainsi fêter leur nouvelle vie qui commençait, Link s'était installé dans le petit salon. Il s'était assis tranquillement à même le sol, pendant que ses parents plaçaient leur chambre et celle de Colin à l'étage. Sa sœur l'avait rejoint et tous deux parlaient des nouvelles d'Elimith depuis un moment quand Arielle changea le sujet de conversation.

- J'ai vu ta réaction quand papa a proposé que tu viennes vivre ici avec nous, dit celle-ci. Tu n'as pas l'intention d'accepter.

Link remit une mèche de ses cheveux derrière son oreille et expliqua :

- Je n'aurai pas tant de temps et…je ne sais pas. J'ai le sentiment de devoir rester au château. Mais je compte bien venir vous voir le plus possible.

Si sa petite sœur était déçue de sa décision, elle ne le montra pas.

- C'est vrai pour le massacre d'une famille au village d'Huko ? questionna-t-elle soudainement.

Link fronça les sourcils et elle poursuivit :

- J'ai entendu papa et maman en discuter. Tu étais là, n'est-ce pas ? Tu as vu le massacre ?

Devant son silence, elle soupira et continua :

- C'est la raison de notre déménagement. Nous avons été escortés par des soldats de la garde royale, tu t'en rends compte !

Un sourire s'était dessiné sur les lèvres de la jeune femme à ce souvenir.

- Je suis désolé, dit-il soudain.

Elle le regarda perplexe et il expliqua :

- C'est à cause de moi que tu as dû quitter Elimith. Je m'excuse.

Arielle se pencha vers lui et lui donna une tape amicale sur la joue.

- Ne le sois pas. Je suis peut-être triste d'être partie, mais je sais qu'un jour je vais y retourner. Que ce soit en visite ou bien pour y habiter. D'ici là, je vais m'adapter à cette ville et gaspiller du papier à envoyer des lettres à mes amis. Maman parle déjà d'acheter un petit commerce alors je ne risque pas de m'ennuyer très longtemps.

Elle le fixa un moment dans les yeux et dit lentement :

- Et toi ? Ça va ?

- Oui, dit-il avec un sourire sincère. Surtout en sachant que vous allez être tout près. J'ai été tellement inquiet dernièrement.

- Je ne te parlerai pas de maman lorsqu'elle attendait ta première lettre du château. Tomtom, qui fait encore la livraison du courrier au village, s'envolait dès que maman l'approchait.

- C'est le piaf avec les plumes bleues dressées sur sa tête, n'est-ce pas ? pensa Link tout haut. Je l'ai croisé une fois ici, mais j'avais l'impression qu'il m'évitait. Mais ce n'est pas comme si nous étions les meilleurs amis du monde alors je n'ai pas porté plus attention.

- Avec toutes les bêtises que maman lui a dites, je ne crois pas qu'il veuille être ton ami, soupira Arielle. Mais je voulais surtout savoir si ça allait bien au château. Tu as été malade, non ? En plus, tu as expliqué dans tes lettres que ton courrier avait été détourné ?

Link approuva de la tête avant de raconter à voix basse :

- Semble que mon premier entraîneur, Sir Thomas, cherchait à se débarrasser de moi. Mais aucune preuve pour démontrer cette théorie.

- Qu'a-t-il fait ? demanda la jeune femme tout ouïe.

- Il m'a laissé seul dans les sous-sols du château qui sont inhabitables pendant la saison froide, et ce, jusqu'à ce que j'en tombe malade. Ensuite, il m'a donné de l'eau comme remède et a foutu le camp, ragea Link. Disparu depuis.

Comment avait-il pu faire confiance à cet individu ? se disait-il encore aujourd'hui. Le pire, c'est que si Link n'avait pas surpris une conversation entre le maître soigneur et la princesse, il n'aurait jamais su que le remède de Sir Thomas n'était que de l'eau. Ce qui selon lui, condamnait l'homme.

- Oh, ajouta Link. Il aurait aussi bloqué le courrier, donc je n'ai jamais reçu mes vêtements d'hiver que vous m'avez envoyés.

- C'est une blague, répliqua Arielle les yeux grands ouverts.

Devant le sérieux de Link, elle s'exclama :

- Est-ce que le roi s'est rendu compte de cela ? Ce n'est pas comme si tu pouvais défier l'autorité d'un chevalier.

- Ne le dit pas à maman et papa, mais selon le soigneur du château, deux ou trois journées de plus dans les sous-sols et j'étais mort. Heureusement que j'ai été trouvé à temps sinon…

- Hé ! Attends une minute, le stoppa Arielle. Absolument personne ne savait que tu étais là ?

- Et bien, je n'étais pas seul pendant l'été. Les travailleurs pour le chantier maritime étaient logés à cet endroit. Mais lorsqu'ils sont partis, il n'y avait que Sir Thomas qui était au courant. Et le chancelier Léonard.

Link eut un rire sans humour et ajouta :

- Selon la princesse, il aurait confié toute responsabilité de ma personne à Sir Thomas.

Arielle le regarda comme si une seconde tête venait de lui pousser sur les épaules.

- Et tu veux quand même habiter dans le château ? nargua-t-elle. Je crois que tes chances de survie vont augmenter drastiquement si tu reviens vivre ici avec nous.

- J'ai été relogé depuis.

Il prit un air hautain et ajouta :

- Si vous voulez tout savoir mademoiselle, j'ai une chambre dans le quartier royal ! Rien de moins !

- Oh ! Petit mardeux ! ria Arielle utilisant un mot de leur village natal signifiant qu'il était chanceux. Maintenant je comprends pourquoi tu veux rester là !

- Et accès illimité à la cuisine en plus.

- Ok, là franchement tu m'énerves, dit la jeune femme en le poussant.

Link se laissa tomber sur le sol en riant et observa sa petite sœur croiser les bras sur sa poitrine, une moue forcée sur son visage.

- Mais…hésita-t-elle en le dévisageant. J'ai l'impression que quelque chose te tracasse.

- À part mon combat imminent contre la Calamité qui risque de s'abattre sur Hyrule, je dirais que ça va.

Arielle fit une grimace devant sa désinvolture.

- Tu as rencontré la princesse ?

Link hocha la tête et détourna le regard vers une boite encore remplie de vaisselle que ses parents avaient laissé au milieu de la pièce.

- Oh, oh. C'est la princesse alors, se moqua Arielle un sourire en coin.

- Je t'arrête maintenant, dit Link en plantant ses yeux dans ceux de sa petite sœur. Ce n'est absolument pas ce que tu penses.

- Ne dit-on pas que sa beauté n'a d'égal que la déesse Hylia ? avança la jeune femme.

- Tu parles de la reine, répliqua Link.

Il ajouta le regard lointain :

- Et je confirme cette rumeur.

- Link ! C'est la reine !

Il fit une grimace à sa petite sœur qui s'empressa de demander :

- Donc la princesse n'a pas hérité de la beauté de la reine ?

Link haussa les épaules et réfléchit un moment avant de répondre :

- Je ne sais pas. Elle n'est pas laide, mais…dans la moyenne ?

- Ce n'est pas très gentil ça, critiqua Arielle.

- Et bien, tu es dans la moyenne, ajouta Link.

- J'ai soudainement envie de te donner une tape.

- Hé ! Je suis ton frère. Je peux te dire ce que je veux.

- J'ai le même privilège ? demanda la jeune femme. Car mon opinion c'est que côté beauté masculine, t'es dans la moyenne. Juste un peu en dessous avec ce que tu viens de m'avouer.

Link, plaça une main sur son cœur et prenant une attitude scandalisée s'écria :

- Non ! Comment osez-vous insinuer une telle chose ! Ne voyez-vous pas ce corps de dieu sous ses habits achetés avec l'argent de vos taxes !

- Ne te vante pas trop fort sinon je crois bien que certains vont vouloir un remboursement. Et arrête d'éviter le sujet. Qu'est-ce qui ne va pas avec la princesse ?

Cherchant à gagner du temps, il fit semblant de réfléchir. Toutefois, sous le regard insistant d'Arielle il expliqua :

- Je crois que quelque chose ne va pas. Je pense que c'est peut-être de ma faute, car après ma mission au village d'Huko…et bien, j'étais maussade si j'emploie le terme qu'utilisait la princesse. Et depuis ce temps, je suis sûre qu'elle m'évite.

- Passiez-vous tant de temps tous les deux ? demanda Arielle curieuse.

- Nous prenions le repas du soir ensemble en général.

- Avec les chandelles et la bouteille de vin ? se moqua la cadette.

Link la dévisagea en roulant des yeux.

- Ok, et bien, je ne sais pas vraiment comment ça fonctionne dans ce château…

- Facile, coupa Link. Tu vouvoies tout le monde, même le soldat que tu dois réveiller sur son chiffre de garde la nuit pour lui épargner de s'empaler sur sa propre lance. Tu cognes à chaque porte sans exception, y compris celle de ta chambre, car s'il y a un servant en train de faire le ménage et que tu lui fais la peur de sa vie, tes repas risquent d'être trop épicés par la suite. Et le plus important, en présence du roi ou de la reine, tu poses un genou à terre. S'ils sont présents les deux, c'est les deux genoux.

- Tu m'as fait oublier ce que je voulais te dire, crétin.

Ils entendirent des pas dans l'escalier et Arielle dit précipitamment :

- On continuera cette conversation lors de ta prochaine visite.

Link eut un sourire penaud en direction de sa sœur alors que toute la famille s'installait dans le salon pour terminer la soirée.

OoOoO

Link aurait supposé qu'après sa mésaventure dans les sous-sols du château, il aurait été plus apte à supporter le froid. C'était plutôt l'inverse qui se produisait. Plusieurs ailes du palace avaient été fermées pour l'hiver, dont celle où il se trouvait actuellement. Si en cette fin d'après-midi, il cherchait simplement à occuper son temps libre en visitant une nouvelle fois le vaste palais, il y avait pris un malin plaisir et n'avait pas pensé que certaines parties auraient été si froides. Heureusement, il n'avait plus besoin de la carte que la princesse lui avait offerte depuis des semaines déjà. Si la température continuait de chuter, il n'aurait qu'à rebrousser chemin. De toute façon, l'heure du souper allait sonner dans un moment. Son objectif des derniers jours étant de croiser la princesse pour tenter d'accomplir son rôle et d'être un bon gardien, il savait que ses chances de la rencontrer dans la salle à manger étaient plus hautes. Toutefois, pour une raison qui lui échappait, son instinct le poussait à continuer sa ballade improvisée dans le château. Et ce, malgré la température froide qui se faisait de plus en plus sentir. Il était situé dans une des tours et la vue qu'il avait à chacune des fenêtres qu'il passait en montant les escaliers circulaires était inimitable. La ville en contrebas dont les toitures de maisons étaient recouvertes d'un drap de neige blanche. Les montagnes entourant celle de la Mort, reconnaissable par la lave qui s'écoulait durant toute l'année. Et dire que les gorons avaient leur village juste en bas de cette montagne. On disait que la chaleur y était infernale, peu importe la saison, et qu'un hylien ne pouvait survivre sans un équipement adéquat dans ses conditions. Un peu plus haut, il eut une vue sur le ranch Lon Lon situé à deux ou trois kilomètres du château et il put même deviner la silhouette de plusieurs chevaux encore dans les champs. Le couloir déboucha finalement sur une porte ouverte et Link ralentit son pas pour entrer doucement dans la pièce. Dans son souvenir, cette salle avait toujours été fermée à clé. Qu'elle soit actuellement accessible et sans surveillance le fit froncer ses sourcils. S'arrêtant, il observa l'endroit pratiquement vide. Il y avait bien une table et une chaise. Sinon, deux caisses de bois se trouvaient au centre. Il percevait à peine une odeur de métal brulée. Regardant dans le couloir, il s'assura être seul et s'approcha d'une des deux caisses qu'il ouvrit de quelques centimètres. À l'intérieur, des outils empilés l'un par-dessus l'autre, ainsi que des bouts de matériaux solides de différentes grosseurs. Cela lui rappela le bureau que possédait la princesse dans sa chambre. Celui-ci était toujours envahi par ces morceaux qu'il aurait pensés sans utilité s'il n'avait pas vu le petit robot que la jeune femme avait créé. Cependant, il n'avait pas eu l'occasion de revoir ni l'intérieur de la chambre de la princesse ni la porte ouverte, et ce, depuis quelques semaines. Sans pouvoir s'arrêter, il regarda dans l'autre caisse pour constater sensiblement le même contenu si ce n'est qu'en plus, il vit de grandes feuilles roulées et attachées avec un fil sur le dessus. Était-ce le laboratoire qu'utilisait la princesse pendant la saison chaude ? Rangeait-elle chaque fois son matériel ainsi ? Son ventre émit un gargouillement le faisant oublier ses questions et il leva les yeux sur l'unique fenêtre de la pièce. Le soleil était bas dans le ciel. Il ne devait pas se trouver dans cette section du château lorsque la nuit tomberait sur Hyrule. Surtout sans un lampion pour le guider dans les couloirs qui ne seraient pas éclairés.

Le silence de l'endroit fut brisé par un murmure provenant du corridor. Link se tourna tranquillement vers la porte en devinant une voix féminine qui s'approchait. Le jeune homme reconnut rapidement les paroles d'un chant populaire avant de voir la silhouette de la princesse apparaitre au tournant des escaliers. Il ne l'avait jamais entendu chanter, et pourtant, avec la voix juste et mélodieuse qu'elle possédait, c'était surprenant. La musique était quelque chose de très prisé en Hyrule et quand quelqu'un avait une belle voix ou savait se servir d'un instrument, il était certain qu'il serait encouragé à en faire profiter les autres. Combien de fois avait-il dû jouer de la flute, accompagné de sa petite sœur - qui pouvait se débrouiller avec n'importe quelle percussion - lors des fêtes de son village ? Cependant, les coutumes étaient probablement différentes dans les murs du château. Il n'en savait rien. Quand la princesse fut dans l'angle de vision de Link, celle-ci se stoppa net, soudainement muette et surtout, surprise de le voir à cet endroit. Il se prosterna légèrement en se demandant s'il avait outrepassé ses droits en venant ici. La jeune femme bredouilla :

- Je suis désolée…j'étais certaine d'être seule. Je…

Link se redressa alors qu'elle replaçait nerveusement ses lunettes sur son nez. Contrairement à lui, elle avait mis une grande veste chaude par-dessus sa robe et avait même un lampion dans sa main gauche. Avait-elle l'intention de rester ici un long moment ?

- Je m'excuse ! s'exclama-t-il un peu trop fort en la voyant se détourner. Ne partez pas ! Je me…je me promenais dans le château. La porte était ouverte et je ne savais pas si j'avais l'autorisation d'entrer. Je peux m'en aller…

Son discours maladroit arrêta la princesse dans sa presque fuite et après une hésitation, elle sembla prendre une décision. D'un pas un peu plus assuré, elle entra dans la pièce.

- Vous pouvez rester, dit-elle avec un sourire qui n'atteint pas ses yeux. Je voulais simplement faire mes prières ici ce soir, au lieu d'aller à la chapelle.

- Je ne vais pas vous déranger ? dit Link incertain.

La princesse Zelda posa le lampion sur l'unique table de l'endroit et s'installa sur la seule chaise.

- Non, répondit-elle. Il ne faudrait pas, car nous allons combattre le Fléau ensemble un jour.

Au ton de sa voix, Link eut l'impression que ce fardeau qui pesait sur leurs épaules l'avait déjà vaincu. Les yeux verts de la princesse fixèrent un point invisible près de la porte et Link lut dans son regard une tristesse ainsi qu'une peur qu'il n'avait pas constatée lors de leur dernière rencontre. S'il devinait depuis un moment que quelque chose n'allait pas chez la jeune femme, ce regard ne fit qu'affirmer ses doutes.

- Ma famille habite dans la citadelle, laissa échapper Link pour remplir le silence.

Il grimaça intérieurement lorsque Zelda sursauta dans sa direction.

- Depuis deux semaines, continua-t-il. Mon père est sous-commandant dans le quatrième régiment.

La princesse l'observa sans émettre le moindre son et Link se demanda comment elle avait pu l'endurer lui et son mutisme lors de leurs premières conversations. Il n'avait pas tant d'anecdotes à raconter pour permettre une discussion et si la princesse ne se décidait pas à venir à son secours rapidement, il ne lui restait qu'à bredouiller du non-sens.

- Je suis heureux qu'ils soient tout près, enchaina Link nerveux. Tu…euh désolé.

N'avait-il pas dit à Arielle, il y a quelques jours, que le vouvoiement était la règle numéro un de politesse dans l'enceinte du château ? se morigéna le héros.

- Vous saviez que j'étais maussade depuis la mission, tenta Link. Mais maintenant ça va mieux et…

Il dansa sur ses deux jambes en constatant que l'attention discrète de Zelda était toujours sur lui.

- …et ça va ?

Par la déesse ! Avait-il droit d'utiliser l'épée légendaire sur lui-même pour mettre fin à ce supplice ? Et par enchantement, un léger sourire se dessina sur les lèvres de la princesse qui répondit :

- Bien, et d'après ce que vous venez de dire, vous allez bien vous aussi.

Link hocha la tête lentement en la fixant perplexe. Elle détourna les yeux vers la fenêtre et son regard se perdit de nouveau au lointain. Elle l'avait invité à rester non ? Pourtant, elle donnait l'impression de vouloir être seule. Que fallait-il faire dans de telles circonstances ? Il aurait dû, au tout début, lui parler de ses craintes. Il aurait dû lui raconter sa première mission, malgré l'horreur de ce qu'il avait vu. Il n'y avait rien de bon à se replier sur soi-même et il l'avait bien compris depuis l'arrivée de toute sa famille. Savoir que des êtres chers étaient là tout près pour le supporter valait tout l'or du monde. Et ce sentiment lui permettait d'accomplir de grandes choses. Comme de gagner rapidement le moindre duel proposé par Hergo. Cependant, est-ce que la princesse avait ce privilège ? Elle semblait n'être que très rarement avec le roi et la reine. Il avait observé la routine du château et avait à peine vu la famille royale ensemble. S'il voulait avoir la confiance de la jeune femme et devenir son gardien, il devait en premier lieu lui accorder la sienne.

- Je peux vous le dire, dit-il soudain. Ma mission.

Les yeux de la princesse glissèrent tranquillement vers lui.

- Vous n'avez pas besoin, répondit-elle doucement.

- Je veux vous le dire, assura le héros. J'aurais dû vous le dire quand vous me l'aviez demandé. Mais j'étais trop inquiet, trop triste et effrayé. Comme vous êtes en ce moment.

La princesse se recula sur sa chaise et croisa les bras sur sa poitrine, étant soudainement sur la défensive.

- Je ne veux pas être impoli, dit-il en levant ses mains devant lui comme pour s'excuser. Je sais que quelque chose ne va pas et je veux aider. Dites-moi ce que je dois faire et je vais le faire. Même si c'est de sauter par la fenêtre.

Devant le froncement de sourcil de la femme, il précisa :

- Peut-être choisir quelque chose de moins létal.

Et il ajouta d'une petite voix :

- S'il vous plaît.

C'était probablement mieux pour l'humanité qu'il mette fin à ses jours maintenant, songea le jeune homme en grimaçant intérieurement. Les secondes s'écoulèrent et Link s'apprêtait à quitter la pièce quand Zelda prit la parole :

- Qu'est-il arrivé pendant votre mission ?

Prenant une inspiration Link se lança :

- Notre groupe a été attaqué par des bokoblins en dehors du village d'Hoko. Il y avait trois familles habitant tout près et…

Il serra les poings tout en fixant le mur de pierre de la tour.

- Nous avons repoussé les bokoblins, mais pendant le combat, je me suis retrouvée à l'entrée d'une des maisons et à l'intérieur la famille était…ces montres les avaient tous…

- Ils ont massacré cette famille, devina la princesse. Pourquoi ont-ils fait une telle chose ?

- Pour me transmettre un message, cracha Link avec ce souvenir imprimer à tout jamais dans son esprit. Ils ont choisi cette famille, car elle ressemblait à la mienne. Pour me faire peur.

D'une voix presque inaudible, il dit :

- Et ça a fonctionné.

Il sursauta quand il sentit les mains de la princesse prendre les siennes. Immédiatement, une sensation de paix fit un chemin dans ses entrailles, avant même qu'il ne remarque la lueur qui entourait ses doigts prisonniers. Il fixa la jeune femme qui s'était levée et approchée, sans qu'il s'en rende compte. Elle murmura :

- Je suis désolé. Pour vous. Pour cette famille.

- Moi aussi, répondit Link avec un sourire triste.

Il se laissa emporter par l'énergie qui se faisait un chemin jusqu'à chacune de ses cellules. Était-ce possible de mettre cette lumière dans une bouteille ? Il se trimballerait bien un peu de ce bien-être partout avec lui.

- La reine, commença doucement Zelda, a eu une vision de la Calamité.

C'était l'énergie qui l'habitait qui l'empêcha de s'empresser de demander ce qu'elle avait vu.

- Nous n'allons pas réussir, dit-elle d'une voix neutre.

Elle lui lâcha la main et son calme disparu instantanément, la nouvelle de la vision prenant toute la place.

- Qu'a-t-elle vu ? questionna-t-il à la femme qui lui tourna le dos.

- Elle nous a vus ici même, répondit-elle sans émotion. Nous étions morts. Et la Calamité, selon ses dires, seraient assez immense pour piétiner la ville.

- Oh, dit-il.

Il allait devoir se battre contre un monstre aussi imposant ? Cela semblait impossible. Il imagina une sombre créature qui d'un seul doigt l'écrasait sans effort. Une boule se forma au fond de sa gorge. Il s'avança vers la chaise que la princesse avait quittée un peu plus tôt et s'y laissa tomber. Zelda se plaça en face de lui, un regard concerné dans sa direction, et passa une main devant son visage.

- Vous êtes très livide en ce moment, dit-elle désoler.

Et d'une voix qu'elle essaya de rendre encourageante, elle précisa :

- Nous savons que la Calamité fera son apparition pendant l'automne. Au moment où les feuilles seront colorées. Cela nous donne un peu de temps.

- Est-ce qu'il y a une stratégie ? demanda Link avec inquiétude.

Bon sang, il devait y avoir un plan. Lui qui s'était attendu à un combat contre quelqu'un de sa taille. Un monstre qui pouvait piétiner la plus grande ville du pays ! Rien de moins ! Ce n'était pas d'une épée dont il avait besoin. Mais d'un miracle.

- Pour l'instant, c'est de rester en vie assez longtemps pour l'affronter, répondit Zelda.

- Je ne suis pas certain de pouvoir faire quoique ce soit contre un monstre de cette taille, avoua Link.

Il se tourna vers la princesse et s'exclama scandaliser :

- Comment peux-tu être si calme ?

Elle éclata de rire avant de s'excuser tout bas devant sa mine déconfite.

- Tout comme « toi », dit-elle en accentuant le dernier mot, je ne le suis pas.

Elle se redressa alors et cligna des paupières. Au bout d'un moment, elle retira ses lunettes et frotta ses yeux humides en soupirant. Les replaçant sur son nez, elle s'approcha de la deuxième caisse et l'ouvrit. Elle en sortit un rouleau de feuilles et le déposant sur la table, enleva l'élastique qui le retenait.

- J'ai reçu comme ordre d'abandonner ce loisir, dit-elle en pointant les parchemins.

Link se leva sur ses jambes - plus faibles qu'il n'aurait pensées - et regarda d'un œil distrait les dessins affichés sur les plans.

- Le roi et la reine attendent de moi que je passe le plus de temps possible à la prière et à la dévotion des déesses.

Elle glissa une main affectueuse sur un croquis d'une étrange créature qui, si elle avait l'apparence générale d'un chameau, n'en était certainement pas un. Devant ses yeux interrogateurs, la princesse expliqua avec un sourire :

- Avant de concevoir mon petit gardien, j'ai fait différents dessins.

Elle sortit plusieurs autres feuilles et les étendit sur la table devant le héros qui observa les images avec un regard curieux. Où prenait-elle ces idées ? pensa-t-il. La main de la princesse se ferma en un poing et elle maugréa :

- Je dois me débarrasser de tout cela.

Elle laissa retomber son bras à côté de son corps.

- C'est pourquoi, je m'en excuse, j'évitais nos rencontres. Toutes les rencontres en fait. C'est à mon tour d'être…maussade.

Ils fixèrent en silence les dessins en face d'eux.

- Vous aimez cela ? demanda Link. Construire des…trucs ?

- Oui, j'aime cela, répondit-elle d'une voix un peu plus légère. J'aime énormément cela.

En détaillant les images en face de lui, Link pensa tout haut :

- Imaginez construire ces créatures, mais comme votre petit robot ?

Et il se les figura dans son esprit en regardant les esquisses. Cet immense oiseau-monstre mécanique dans le ciel, volant - et seules les déesses savaient comment une telle chose pouvait être possible - au-dessus de leurs têtes.

- Mais vraiment gigantesque, précisa-t-il. Et quand la Calamité se pointe…

Si le petit gardien de la princesse pouvait lancer des rayons, quelle pourrait être la puissance d'un robot beaucoup plus gros ?

- Vous prenez votre tablette et BAM ! continua Link. Vous lui tirez dessus !

Il laissa échapper un léger rire et se tourna vers la future souveraine.

- Et je balaie les restes avec l'épée légendaire…ça va ?

Elle le dévisageait comme s'il venait de sortir la pire absurdité au monde. Ce qui était, d'un point de vue, le cas.

- Euh…tenta-t-il alors que les yeux de la femme se dirigeaient vers les croquis sur la table, les fixant comme si elle les voyait pour la première fois.

- Par Hylia, dit-elle au bout d'un moment.

- C'était stupide, s'excusa le héros.

- Non, répliqua-t-elle surprise. C'est peut-être fou, mais…

La princesse contemplait toujours ses dessins et soudainement, les replaça l'un par-dessus l'autre pour les rouler et les attacher de nouveau.

- Suivez-moi, dit-elle en quittant la pièce précipitamment.

Link lui emboita immédiatement le pas et ils descendirent les escaliers de la tour à une vitesse que le jeune homme jugea non sécuritaire. La princesse les dirigea vers les appartements royaux sous les regards curieux des quelques gardes faisant leurs rondes et s'arrêta devant la chambre réservée au roi et à la reine. Derrière elle, il la regarda lever le bras et cogner sur la porte sans hésitation.

- Mère ! dit-elle avec impatience. Je dois vous parler.

Après quelques secondes de silence, Link murmura incertain :

- Est-ce qu'elle est là ?

Zelda approuva rapidement de la tête en précisant d'une traite :

- S'il n'y a pas d'invité, elle fait apporter ses repas dans son salon.

La porte s'ouvrit tranquillement sur le regard perplexe de la reine qui si elle prit le temps de dévisager sa fille, ne laissa pas le héros en reste. Il se retrouva immédiatement sur un genou à fixer le plancher les joues rouges.

- Je souhaiterais vous montrer quelque chose, dit précipitamment la jeune femme.

Il releva la tête suffisamment pour voir la souveraine arquer élégamment un sourcil. Elle se recula après un moment et dit :

- Vous pouvez entrer.

La princesse lui tapa sur l'épaule en constatant son immobilité et Link se redressa pour la suivre le plus près possible, inquiet de commettre une bévue. Elle se rendit en quelques pas à une table basse au centre de la pièce. Comme elle en avait fait l'allusion plus tôt, c'était une sorte de salon avec quelques fauteuils, un bureau dans un coin et une bibliothèque débordante de livre située juste à côté d'une grande fenêtre donnant sur le soleil couchant. Une autre porte légèrement ouverte permettait de voir une partie du lit. Zelda choisit quatre dessins qu'elle plaça en évidence sur la table - après avoir déplacé le plateau de nourriture qui s'y trouvait un peu plus loin - et se tourna vers la reine qui s'approcha. Link devina sa surprise facilement lorsqu'elle regarda les croquis.

- Comment est-ce possible ? dit la reine perplexe. Les avez-vous aperçus ?

- Ce sont ces robots que vous avez vus en vision n'est-ce pas ? demanda la princesse d'une voix où s'échappait de l'excitation.

La souveraine hocha lentement la tête tout en dévisageant sa fille qui s'empressa d'expliquer :

- Ce sont des croquis que j'ai faits il y a un an et même plus. C'était avant de choisir la forme que prendrait mon petit robot.

- Vous avez dessiné cela il y a plus d'un an ? répéta la reine.

La princesse Zelda approuva et continua :

- Je n'avais pas fait le lien avec vos visions, mais Link…

Il regarda l'échange discrètement, la tête penchée vers le sol, ne sachant comment réagir sous l'analyse silencieuse de la souveraine.

- …m'a fait penser à cela en disant un commentaire sur combien il serait pratique d'avoir ces créatures pour combattre la Calamité.

- C'est impossible, murmura la reine.

- Vous les avez vues, répéta la princesse avec insistance.

- Zelda, hésita la reine. Même avec l'aide des sheikahs…il est vrai que ces croquis ressemblent à ce que j'ai vu dans mes visions. Mais je ne peux pas croire qu'il soit possible de réaliser de telles choses. C'est inconcevable.

- Mais, enchaîna la jeune femme désespérée, vous les avez vus ! Si nous pouvons construire un barrage pour les zoras, pourquoi pas cela ?

- Ce n'est pas la même chose.

- Je suis certaine que…

- Zelda, coupa la reine en fronçant ses sourcils.

La princesse se tut immédiatement, mais Link constata au pincement de ses lèvres que cela lui coûtait.

- Vous allez obéir aux ordres de votre père et dévouer votre temps à la prière entendue ?

C'était palpable. La résignation de la princesse. Pourquoi ne se défendait-elle pas plus ? songea Link en voyant les épaules de la jeune femme s'affaisser. Il était totalement pour l'idée des gigantesques créatures ! Comment pourrait-il vaincre la Calamité sinon ? En lui piquant la peau à coup d'épée légendaire ? Silencieux, il regarda Zelda rouler les croquis avec beaucoup moins d'entrain. Lorsqu'elle se redressa, il agrippa fermement sa main sous sa surprise et leva le bras qui la tenait en direction de la reine.

- Je vous supplie de lire notre avenir. De voir si ces croquis ont une raison d'être.

- Jeune homme, s'insurgea la souveraine. Ce ne sont pas des manières…

- S'il-vous plaît mère, insista la princesse dont les doigts se resserrèrent autour de ceux de Link. Juste cette fois. Et si vous ne voyez rien, je promets d'obéir à tous vos ordres sans contester.

Un regard triste apparut sur le visage de la reine qui soupira longuement en fixant sa fille.

- D'accord, accepta-t-elle après un moment à la surprise de Link.

Elle leva ses deux mains et entoura celles des deux élus qui lui faisaient face. Elle ferma ses paupières et Link sentit son tressaillement. Il croisa les yeux de Zelda à ses côtés qui hocha silencieusement de la tête. Cela ne dura que quelques secondes. La reine les libéra d'un geste sec et les regarda à tour de rôle. Link relâcha la princesse lorsque celle-ci bougea.

- Qu'avez-vous vu ? demanda la jeune femme avec un espoir mal camouflé.

La souveraine se recula lentement pour atteindre un fauteuil et s'asseoir machinalement sur celui-ci. Une main sur son menton, elle les fixait sans pourtant leur accorder son attention, perdue dans ses pensées.

- Mère ? tenta Zelda après une minute de ce silence.

- Vous pouvez disposer, dit-elle distraitement.

Link observa la princesse qui cacha son désarroi. Après avec une légère courbette, elle dit doucement :

- Bonne soirée ma reine.

Link se prosterna rapidement et suivit Zelda, après qu'elle eut repris ses plans, à l'extérieur de la pièce. Celle-ci referma la porte derrière elle et haussa les épaules devant son regard interrogateur.

- Elle a vu quelque chose, il n'y a aucun doute, dit la jeune femme. Il ne reste qu'à attendre.

Le ventre de Link émit soudainement un gargouillis. Maintenant que sa nervosité était retombée, il ressentit le malaise que provoquait un estomac vide après une journée d'entraînement.

- Je crois bien que l'heure du repas a sonné pour moi, dit-il.

- Allons-y alors, répliqua la princesse. Si vous me permettez de vous accompagner…

- Pas besoin de demander, sourit le héros.

Elle prit le temps d'aller déposer les croquis dans sa chambre avant de revenir à sa hauteur. Après un coup d'œil vers la porte fermée de la pièce royale, la jeune femme dit sur le ton de conversation :

- L'entraînement d'Impa me donne toujours faim. Saviez-vous qu'il existe une recette à base de chuchu qui permettrait une régénérescence physique complète instantanément ?

Link la suivit alors qu'elle marchait dans les couloirs en direction de la salle à manger tout en se réjouissant de l'anecdote qu'elle venait de raconter. Elle l'avait habituée, dès leurs premières rencontres, à ces faits souvent anodins discutés de manière spontanée. De les entendre de nouveau l'encourageait. Toutefois, manger un chuchu ? pensa-t-il avec une grimace intérieure. Il n'y avait rien d'appétissant dans ces petites créatures gélatineuses.

- Vous suivez un entraînement ? demanda Link intéressé. Avec la sheikah ?

Elle hocha la tête en souriant.

- Allons parler de nos exercices autour d'un bon repas, dit-elle avec un air moqueur. Et déterminons qui souffre le plus !

Savoir qu'il avait enfin brisé la glace avec la princesse le fit rire. Le coeur léger, il la suivit tout en reléguant le souvenir du Fléau dans un coin éloigné de son esprit.

OoOoO

Quelques jours s'étaient écoulés depuis sa réconciliation - même si techniquement il n'y avait pas eu de chicane - avec la princesse. Et ces dernières journées avaient été différentes. Par là, il insinuait étranges. Link profitait maintenant de la compagnie de la princesse presque tous les soirs. Toujours aucune nouvelle de la reine concernant la vision qu'elle aurait eue. Rien n'avait bougé dans le laboratoire de la future souveraine. Le roi restait discret, refusant de répondre aux questions de sa fille. Zelda prétendait qu'il se préparait quelque chose. Elle ignorait quoi. Impossible de savoir si c'était bon ou mauvais. Il était du même avis qu'elle. Cependant, il penchait plus pour quelque chose de mauvais. Sir Talon lui laissait de plus en plus de temps libre, et surtout, Sir Hergo souriait à chaque fois qu'ils se croisaient. Il n'y avait rien de plus inquiétant que le sourire de son rival. Surtout lorsque ce sourire lui était destiné.

- Link, as-tu encore faim ?

Sortant de ses pensées, il se tourna nerveusement vers sa mère qui le fixait, concernée, alors qu'elle était assise au bout de la table de leur nouvelle maison. Les yeux du jeune homme glissèrent sur son assiette à moitié pleine. Tandis que sa sœur et son frère mangeaient silencieusement autour de lui.

- Plus vraiment, dit-il surpris de son manque d'appétit.

Même sa famille se comportait étrangement ce soir et pour la première fois depuis leur arrivée en ville, il regrettait d'avoir accepté l'invitation de son père. Sa seule envie du moment était de prendre les jambes à son coup et de déguerpir le plus vite possible.

- Est-ce que ça va ? demanda Uli inquiète.

Il approuva de la tête et se força à avaler une bouchée. Mais les regards en coin d'Arielle, qui était installée à côté de lui, le déconcentraient. Il en mettrait sa main au feu, elle préparait quelque chose.

- Rusl, dit soudainement Uli avec un regard perçant en direction de son mari. Il ne se sent pas bien.

- Uli, grogna l'homme en question.

- Je vous aurai prévenu ! maugréa tout bas en réponse sa mère.

Link la dévisagea.

- Est-ce qu'on peut passer au dessert maintenant ? dit Arielle d'une voix impatiente en se levant.

- Oui ! s'écria Colin enthousiaste.

Uli balaya l'air de sa main et Rusl alla tranquillement chercher le gâteau qui reposait dans le compartiment en haut du four.

- Je pense que je vais devoir sauter mon tour, dit Link qui n'avait pas d'appétit en regardant son assiette encore pleine.

- Et bien, je crois alors que c'est l'heure, annonça Arielle derrière lui.

- L'heure pour quoi ? dit-il en se redressant sur sa chaise.

Un chiffon s'écrasa sur son visage alors que sa sœur répondait :

- Pour dormir.

Il tomba dans les vapes instantanément.

Quand Link ouvrit de nouveau les yeux, ce fut sur un plafond de pierre dans une minuscule pièce qu'il ne reconnut pas. Celle-ci était éclairée par une chandelle qui brûlait tranquillement sur un petit bureau dans le coin. Il était étendu sur une mince paillasse à même le sol et se redressa doucement. S'il portait ses habits chauds, son épée avait disparu. Il se retrouva rapidement sur ses jambes et chercha l'arme du regard sans succès. Une feuille traînait sur le pupitre et il s'avança pour y lire trois mots :

« Trouve l'épée ».

Que se passait-il ? se demanda le héros en fixant le message hébété. Il observa autour de lui à la recherche d'une réponse. Après avoir écouté le silence un moment, il s'approcha de la porte fermée et l'ouvrit doucement. Un couloir éclairé par des torches se trouvait à l'extérieur et il fit un pas hésitant dans celui-ci.

- Oh ! Tu es réveillé !

Le cœur de Link bondit dans sa poitrine et il se tourna vers Kafei qui sourit en marchant dans sa direction.

- Je ne voudrais pas être à ta place ! dit-il en sortant un grand sablier d'un sac qu'il tenait à sa main.

Il le tourna et le sable s'écoula dans la partie vide.

- L'épreuve est commencée, dit simplement le soldat.

- Qu'est-ce qui se passe ? demanda Link abasourdi.

Kafei haussa les sourcils et répliqua :

- Tu as pris le temps de lire le message sur ton bureau n'est-ce pas ?

- Eh bien oui, mais…

- Alors, vas-y ! le coupa Kafei. Ton temps est compté !

- Ok ? dit Link hésitant.

Trouve l'épée, se répéta-t-il. Son regard tomba sur le fourreau accroché à la ceinture de Kafei.

- Peux-tu me prêter ton épée ? questionna Link poliment.

Kafei eut un rire et dit :

- Non.

- Je n'ai pas l'intention de le redemander, ajouta le héros en fronçant ses sourcils.

- Hé ! répliqua le soldat inquiet. Je ne suis là que pour compter ton temps !

- Alors tu n'as pas besoin de ton épée. Moi oui.

Kafei resta immobile, sur la défensive. Link fit un pas dans sa direction et il leva les bras en un geste de reddition.

- D'accord ! s'écria-t-il.

Il prit son arme et la tendit à Link qui accepta l'échange avec un sourire.

- Dis-leur que j'ai combattu au moins, maugréa Kafei.

Link se tourna vers le long couloir d'environ une cinquantaine de mètres lui faisant face et compta une dizaine de portes. Sans plus hésiter, il courut vers la première. Se sachant maintenant dans une épreuve, il fit attention au moindre bruit et mouvement et poussa l'ouverture du pied doucement. Comme il le supposait, un soldat l'attendait dans la pièce et leva son arme, qui n'était qu'un bâton, dans sa direction. Link para facilement et provoqua la chute de son adversaire sur le sol, pointant son épée empruntée sur la gorge de celui-ci.

- Hé ! Tu n'es pas censé avoir d'épée ! s'écria l'homme courroucé.

Link le reconnut, l'ayant déjà croisé dans le premier régiment. Il l'ignora et parcourut rapidement la pièce du regard. Aucune arme, pensa-t-il. Il se recula et ferma la porte.

- Hé ! cria le soldat qu'il venait de vaincre de l'autre côté.

Il l'entendit sortir et se plaindre à Kafei qui rit de la mine déconfite de l'homme. Voyant qu'il n'avait pas l'intention de l'attaquer de nouveau, Link se dirigea vers la prochaine ouverture. Il répéta son manège à chacune des pièces et comprit rapidement que l'épreuve du moment consistait à parer les attaques des soldats du royaume qui tentaient de le mettre hors d'état de continuer. Au bout d'un certain temps, le cœur battant après s'être défendu contre un homme qui s'était particulièrement bien caché dans la huitième pièce qu'il visitait, il se tourna vers Kafei - et les cinq soldats qu'il avait vaincus qui suivait un peu plus loin - et demanda :

- Est-ce que tous les soldats doivent subir ce genre d'épreuve ?

Kafei prit le temps de réfléchir avant de répondre :

- Oui et non. Étant donné ta situation, tu as hérité à la fois de l'initiation et de l'épreuve.

- Et en partie, expliqua un soldat plus loin. Car habituellement l'initiation débute toujours avec les recrues qui sautent à poils dans la rivière.

- Oh ! Vous vous souvenez de celle d'Ashei ? demanda un autre d'une voix enthousiaste.

- Par Hylia, elle a presque tué Erik quand il a dit qu'elle devait enlever tous ses vêtements.

- Hé messieurs, intervint Kafei. Du sérieux.

- Pourquoi une épreuve ? questionna Link perplexe lorsque le silence fut revenu.

Tous les soldats eurent un sourire sans ajouter un mot. Lorsque Kafei cogna sur le sablier, Link décida de ne pas insister. Son temps était compté. Il ne restait que trois portes, y compris celle au bout du couloir, et avec un soupir, il s'empressa de continuer. Les deux dernières pièces étant vides, il se dirigea vers celle au fond et l'ouvrit. En face de lui se trouvaient des escaliers montants qu'il emprunta pour se rendre à l'étage supérieur. Cette fois-ci, il se retrouva dans une grande salle. De hautes fenêtres laissaient voir le noir de la nuit tandis que des flambeaux éclairaient l'endroit. Sur le plancher, des lignes blanches avaient été tracées formant un gigantesque quadrillé parfait. Link compta vingt-cinq cases dont quelques-unes avaient été barrées d'un « x ». Deux étaient occupés par des personnes habillées en armure de la tête aux pieds et équipées d'une lance. Au bout de la pièce, il reconnut bien en évidence sur une petite estrade l'épée de légende. Il avança pour se retrouver sur la case du centre de la première rangée et immédiatement les deux soldats plus loin empoignèrent leurs longues armes pour donner un puissant coup sur le sol.

- Un rappel, expliqua Kafei toujours derrière lui. Tu peux avancer, reculer, te déplacer vers la droite ou la gauche. Mais pas de déplacement à la diagonale.

- Je déteste ce genre d'épreuve, confia un des hommes qui étaient derrière.

On lui obligea de se taire et Link fit un pas dans la case suivante sans porter attention aux murmures autour. Les deux soldats armés de leurs lances l'imitèrent et avancèrent dans sa direction. Tous deux étaient décalés d'une case par rapport au héros et Link se dit qu'en allant tout droit, rien ne l'arrêterait. Il s'apprêtait à faire un pas en avant quand un des hommes en face de lui claqua de la langue. Il pointa sa lance sur la case où Link se dirigeait.

- Garçon, tu ne peux pas te servir des cases marquées d'un « x ».

Link soupira de soulagement en reconnaissant la voix de Sir Talon. Il se retint de demander des détails. Si un chevalier surveillait cette épreuve, cela voulait dire que c'était sérieux. Ces sourcils se froncèrent et il se tourna vers la droite sans se déplacer. Il vit Sir Talon ainsi que son acolyte changé de direction à leur tour. L'un prit la même que lui, tandis que l'autre regardait vers la gauche. Il pivota vers l'arrière et observa derrière son épaule pour constater que les soldats se tournaient à l'opposé. Étudiant le quadrillage, trouvant l'emplacement des « x » et analysant dans sa tête le mouvement des deux obstacles humain, il détermina rapidement la route à emprunter. Il recula d'une case, alla à droite, continua vers l'épée deux cases, dut changer de direction pour éviter une collision avec le soldat inconnu et eut finalement le champ libre pour se retrouver de l'autre côté. Il s'élança alors vers l'épée de légende et redonnant celle emprunter à Kafei qui était à sa hauteur, prit la sienne avec un sourire. La porte en face de lui était ouverte et il marcha d'un pas assuré vers la pièce sombre. Il sursauta quand on la referma derrière lui et qu'il se retrouva dans le noir. Aucune torche n'éclairait l'endroit et ce qu'il arrivait à voir n'était que ce que lui permettait la faible lueur de la lune qui entrait par les fenêtres sensiblement pareilles à la pièce d'avant. Sa prise sur son épée se resserra lorsqu'un bruit de tambour se réverbéra sur les murs de la pièce. Suivant un rythme lent et régulier, celui-ci s'accéléra légèrement quand Link fit un pas en avant. Les battements de son cœur tout comme ceux du tambour augmentèrent en intensité et le héros sentit une sueur froide se former derrière sa nuque. Ses yeux cherchaient le moindre mouvement dans la noirceur ambiante tandis que ses oreilles tentaient de faire fi du rythme qui - Link n'en doutait pas une minute - n'était là que pour le déstabiliser. Des bruits de pas se firent entendre tout autour, suivant la cadence de l'unique percussion plus le jeune homme avançait vers ce qu'il jugea être le centre de la pièce. Son coeur manqua un battement lorsque tout se tût d'un coup. Un grincement se résonna tout près et en réponse, sa poigne se crispa tellement sur son arme qu'il sentit la raideur dans ses épaules. Soudainement, des torches s'allumèrent. Ses yeux s'agrandirent de surprise au moment où il constata un géant en armure à quelques pas de lui, équipé d'une gigantesque épée levée dans les airs et prête à lui tomber sur la tête. D'une pirouette, il évita le coup et se retrouva sur ses deux jambes, en position défensive. Tout autour, des soldats tenant les torches se mirent à envoyer des cris d'encouragements alors que le géant se tournait lentement dans sa direction. Cependant, ses mouvements s'accélèrent sans préavis et il était à la hauteur de Link qui para l'épée qui descendait sur lui avec la sienne. S'en suivit un échange de coups où le héros put rapidement analyser son opposant. Si celui-ci lui était apparu imposant, ça n'avait été que l'effet de l'environnement qui l'avait entouré à son arrivée. Il reprit confiance, et malgré son absence d'armure, s'approcha à portée de l'épée de son adversaire. D'un coup de pointe de l'épée de légende où le joint d'armure du poignet du géant, Link fit tomber l'impressionnante arme de son adversaire qui claqua en fracassant le sol. Il évita le poing envoyé dans sa direction, asséna un coup de manche de son épée sur le casque de son opposant qui le perdit et pointa la lame sur la gorge d'Hergo qui roula des yeux en levant les mains.

- Foutu prodige, maugréa le chevalier vaincu.

Link constata le silence de la pièce quand une cacophonie de voix et d'applaudissement explosa dans la salle.

- Bien joué fils ! dit Rusl en s'approchant.

Link laissa retomber son épée avec un sourire en direction de son père.

- Je ne sais vraiment pas ce qui se passe, dit le héros. Pourquoi tout ça ?

- Et bien, expliqua Rusl en faisant signe à son fils de le suivre, c'était l'épreuve que tu devais subir pour devenir chevalier.

Devant le regard surpris du plus jeune, il ajouta :

- Je dois admettre qu'habituellement, c'est l'expérience d'un soldat qui détermine la remise ou non de ce titre. Mais dans ton cas, par manque de temps, il a été décidé de simplement tester tes capacités. Sir Hergo a été responsable de la mise en scène de cette épreuve et je dois avouer qu'il a le sens du spectacle.

Ils s'approchèrent de Sir Talon qui attendait à la sortie de la salle. Débarrassé de l'armure qu'il portait un peu plus tôt, il était facilement reconnaissable.

- Prêt mon garçon ? annonça le chevalier.

- Pour quoi ? dit-il ses yeux se promenant d'un homme à l'autre.

Rusl le poussa en direction de son entraîneur qui était à l'extérieur et Link suivit docilement avec un regard en arrière sur son père immobile. Une lueur était apparue dans le ciel et il put enfin déterminer où il se trouvait en voyant les tours du château, dont les sommets étaient recouverts de neige. Avec surprise, il constata qu'il n'était plus entre les murailles du palais, ni même de la citadelle. Ils s'éloignèrent de la bâtisse où s'étaient déroulées ses précédentes épreuves, suivant une route de terre déserte. Les bruits de leur pas étaient pratiquement assourdissants dans le silence ambiant. Après quelques minutes, Link reconnut la place sacrée qui se situait dans les plaines au sud de l'entrée de la citadelle. C'était un endroit de prières et d'offrandes, caché dans un petit boisé, où se trouvait une estrade de pierre circulaire entourée d'un ruisseau glacé. Sir Talon le guida jusqu'au plateau où quelqu'un attendait immobile. Il monta les quelques marches quand le chevalier l'y encouragea et Link l'entendit s'éloigner par la suite. Il s'arrêta à quelques pas de la personne et le silence envahit les lieux.

- Il est encore tôt, dit la princesse enveloppée dans un long manteau en se tournant dans sa direction.

Il se prosterna légèrement, l'épée dans ses mains. Il fut à la fois soulagé et nerveux de se retrouver seul avec la future souveraine. Il devinait toutefois que l'endroit devait être bourré de soldat. Depuis qu'il était au château, il n'avait jamais vu Zelda traverser les murailles pour, ne serait-ce que se rendre à la citadelle.

- Ça va ? demanda-t-elle après un moment de silence.

Link s'empressa de hocher la tête tout en répondant :

- Oui. Un peu dérouté par les évènements, mais ça va.

La princesse eut un léger rire et expliqua tout bas :

- Hier matin, le roi et la reine m'ont annoncé que vous accéderiez au rang de chevalier aujourd'hui.

Elle dut sentir sa surprise, car elle enchaîna :

- Ne vous inquiétez pas, on vous donnera la procédure une fois de retour au château. Pour l'instant, à la demande de la reine, je dois vous bénir. Et encore là, ne vous en faites pas, je me débrouille avec le discours. Vous n'avez qu'à écouter.

Le visage de la princesse se détourna vers la forêt et Link devina ce qu'elle regardait un peu plus tôt.

- Nous devons attendre que le soleil apparaisse, dit-elle en écho à ses pensées.

Link remua doucement ses jambes qui étaient de plus en plus incommodées par le froid de l'hiver.

- Avez-vous finalement découvert ce que la reine avait vu ? demanda-t-il tout bas.

- Non, répondit-elle. Nous devrons patienter jusqu'à la fin de la journée avant d'avoir de plus amples informations. Je sais que le roi et la reine ont plusieurs annonces à nous faire.

Ils attendirent en silence un long moment. Des bruits de pas dans la neige se firent entendre tout autour.

- Je crois bien que nous avons un auditoire, soupira la princesse.

Il l'observa quelques instants. Son visage impassible était de plus en plus discernable avec la lueur dans le ciel qui précédait le prochain lever de soleil.

- D'accord, dit-elle soudainement.

Elle se plaça au centre de l'estrade et fit signe à Link de la rejoindre en pointant l'espace devant elle.

- En tant que représentante de la déesse Hylia pour cette cérémonie, dit-elle précipitamment, je prends la décision de faire la version courte, car je ne sens déjà plus mes orteils.

- Et...euh...ça ne dérange pas ? dit Link incertain.

Il vit le sourire que la princesse lui fit tout comme les premiers rayons de soleil qui apparurent au travers des branches dénudées des arbres. Elle ignora sa question et d'une voix soudainement plus ferme ordonna :

- Posez un genou au sol.

Il obéit sans hésitation et son genou se retrouva dans la neige qui traversa rapidement son pantalon. Il ne laissa rien paraître de son inconfort.

- Tenez votre épée à deux mains, la pointe sur le sol, continua-t-elle.

Et tout bas, alors qu'il se plaçait convenablement, elle dit :

- Je suis supposé être la déesse, alors ne me regardez pas dans les yeux.

- Pardon, dit Link en abaissant son visage.

- Ce n'est rien, murmura-t-elle.

Elle prit une grande inspiration et soudainement, une lumière beaucoup plus puissante que le soleil qui se levait au loin, apparue autour de la future souveraine. N'osant pas relever la tête, il ne put la voir en entier, mais eut quand même la chance d'observer la lueur qui entoura son corps et qui éclaira les quatre piliers à chaque coin de l'estrade. Ce n'était pas comme les fois précédentes. Si habituellement, le rayonnement qu'elle dégageait se concentrait sur mains uniquement, cette fois-ci toute sa personne était illuminée. Elle leva ses doigts près du visage du jeune homme et sans qu'elle le touche, Link put ressentir l'énergie qui brillait autour d'elle. D'une voix assurée, elle commença :

- Héros d'Hyrule, élu de la lame de purificatrice, vous qui avez prouvé votre habileté au combat et votre volonté infaillible, recevez la bénédiction de la déesse Hylia.

Si Link fut étonné de la soudaine puissance dans la voix de Zelda qui parlait normalement de manière contenue, il le fut encore plus lorsque dans ses mains, l'épée devint chaude. Il pouvait presque sentir les pulsations provenant de l'arme, comme si celle-ci souhaitait rayonner avec la princesse.

- À travers les contrées célestes par-delà les limbes du temps et les ténèbres du crépuscule, continua Zelda, l'âme du héros et l'épée de la destinée ne font qu'un.

Entouré ainsi de cette énergie qui lui semblait aussi vieille que le monde, Link en oublia son inconfort. C'était un privilège d'être au service de la princesse qui d'un côté, était une personne de ce monde et de l'autre, la réincarnation de la déesse. Aucun doute ne traversait son esprit quant à sa place. Il le savait, et chacune de ses cellules également, qu'aussi longtemps qu'il vivrait, il serait le gardien de la future souveraine et la protégerait jusqu'à sa mort.

- En ce jour et pour toujours, que nos prières galvanisent sa lame et soutiennent votre bras, termina la jeune femme.

Elle abaissa sa main et l'énergie se dissipa doucement autour d'eux, disparaissant comme un souvenir que l'on oublierait tranquillement. Il resta immobile, profitant du calme ambiant que rien ne sembla vouloir briser.

- Vous pouvez vous relever, dit-elle à son intention.

Il redressa son visage dans sa direction et la regarda dans les yeux. Il aurait souhaité savoir comment lui déclarer sa loyauté, comme un chevalier envers son roi. Elle lui sourit et replaça machinalement ses lunettes sur le bout de son nez.

- Allez, ria-t-elle en lui faisant signe de sa main. Je suis impatiente de voir ce que nous réservent le roi et la reine. Et une vraie cérémonie vous attend.

Intérieurement, pendant que Sir Talon marchait dans leur direction, Link songea que ce qu'il venait de vivre ici, même si cela n'avait duré que quelques minutes, était ce qu'il y avait de plus près d'une vraie cérémonie. Lorsque Sir Talon, arrivé à leur hauteur, se prosterna plus qu'à l'accoutumée devant la princesse qui sembla un peu déroutée, il se dit qu'il n'était pas le seul à penser ainsi.


Chapitre mis en ligne le 17 janvier 2019.