Un nouveau chapitre pour la fin du mois, bonne lecture :)
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Zelda avait sous-estimé les réactions que le dévoilement de ses pouvoirs provoquerait. Et pourtant, elle n'avait obéi qu'à l'ordre du roi et de la reine et avait suivi les procédures qu'on lui avait énumérées. C'était une chance qu'elle eût pris la décision de raccourcir la cérémonie de bénédiction de Link. Sir Link, devrait-elle dire maintenant. Elle devait en remercier ses parents qui avaient eu l'idée de faire cela une journée où la température était en dessous du point de congélation. Personne n'avait prévu la présence d'autant de témoins et probablement leur nombre aurait augmenté si elle avait respecté la durée de la cérémonie. Il semblerait que tous les soldats disponibles aient participé aux épreuves du héros et par la suite assisté de loin à sa bénédiction. Son pouvoir étant de briller, il est normal qu'au moment où elle s'en était servie, elle eût été visible même du château ! Maintenant, tous les soldats ne manquaient jamais de se prosterner à outrance lors de son passage et des gens, qui habituellement se contentaient d'un léger hochement de tête, la regardaient avec adoration. Chaque fois, elle avait envie de leur préciser qu'elle était humaine. Ils n'avaient qu'à demander à la servante qui nettoyait sa chambre au château. Elle soupira, de la buée s'échappant de sa bouche, et se tourna vers Link, son chevalier personnel depuis trois jours. Elle constata par le fait même qu'il avait toujours gardé sa bonne humeur, et ce, depuis l'obtention de son nouveau grade.
- Arrêtez de sourire, maugréa-t-elle dans sa direction.
Malgré le foulard qu'il portait, elle vit facilement son sourire qui s'agrandit davantage. Autour d'eux, sur une route de neige tapée, un convoi d'une trentaine de soldats à cheval, un serviteur et un charriot contenant leurs vivres, suivait un chemin qui les mènerait vers le village de Cocorico. Si le nombre de soldats pour sa protection était trop élevé selon son point de vue, la plupart retourneraient au château dès le lendemain de leur arrivée, ne lui laissant qu'une petite garde et le serviteur pour s'occuper de tout ce monde.
- On dit que le sourire est l'arme des sots, énonça Impa d'une voix neutre.
- Hé ! répliqua Link en perdant ledit sourire.
- Par contre, je suis étonnée de vous voir déprimée, princesse, continua la sheikah en approchant son cheval de celui que chevauchait Zelda. Depuis notre départ, vous étiez…
La sheikah chercha le terme à utiliser pendant que Link dont le sourire avait réapparu chuchota assez fort pour être entendu :
- Excitée ? Exaltée ?
- Exaspérée maintenant, coupa Zelda. Vous n'étiez pas aussi bavard, il me semble.
Link pointa son foulard qui était offert à tous les nouveaux chevaliers et expliqua :
- Je suis plutôt content.
Impa haussa un sourcil et dit :
- Tu ne le seras plus lorsque tu devras combattre la Calamité.
- Tu ne me laisseras pas profiter de ce moment n'est-ce pas ? rétorqua Link.
Zelda remua sur son cheval, souhaitant atténuer la douleur qui était apparue dans le bas de son dos, en écoutant silencieusement l'échange entre la sheikah et le héros. Elle ne comprenait pas pourquoi, mais elle avait l'impression qu'Impa cherchait, d'une certaine manière, à rabaisser Link. Pour quelle raison, elle n'en savait rien. Elle les avait présentés il y avait à peine deux jours. Cependant, déjà les deux jeunes adultes se tutoyaient et elle n'avait aucune honte à admettre qu'elle était jalouse. Les interactions devenaient tellement plus personnelles ainsi ! Déjà, tout le monde s'adressait à elle avec politesse, ajouter à cela les soldats qui la vénéraient depuis la cérémonie de la bénédiction, elle avait l'impression de faire partie d'une catégorie à part. Elle devait toutefois avouer qu'elle n'avait pas voyagé depuis très longtemps. Elle n'était pas sortie des murailles entourant le château depuis presque sept ans. Elle ne connaissait pratiquement rien aux mœurs des habitants et à leur façon de se comporter, n'ayant majoritairement vécu que dans le château. Elle espérait qu'au bout d'un certain temps, loin des murailles qui rappelaient son statut, Link la tutoie comme il le faisait avec Impa. Même si ce n'était qu'en privé, la bienséance ne permettant pas cela. Et par Hylia, elle avait hâte d'arriver au village ! Elle n'avait jamais aimé faire du cheval et être obligé d'en chevaucher un toute une journée était en train de détruire ses reins.
- Avez-vous besoin d'une pause princesse ? dit soudainement Link.
Elle se tourna dans sa direction pour voir son regard concerné.
- Je vais bien, dit-elle en forçant un sourire.
Elle était prête à endurer cette douleur si cela lui permettait d'arriver le plus vite possible au village. Car le but de ce voyage était de concevoir les plans pour les futurs robots que la reine avait vus en vision. Et pour cela, Impa et Link avaient raison. Depuis l'annonce de la décision du roi et de la reine de la laisser travailler de concert avec les sheikahs pour déterminer s'il était possible de créer de tels monstres, elle ne tenait plus en place. Que pouvait-elle rêver de mieux ? Elle voyageait et allait en apprendre davantage sur la technologie sheikah, entourée des meilleurs scientifiques.
- Et voilà, elle pense à ces robots, se moqua Link. Nous devrions l'arrêter avant qu'elle ne se mette à briller.
- J'aurais dû vous bénir avec un seau d'eau froide, répliqua la princesse en réponse à sa moquerie.
Link éclata de rire alors qu'un léger sourire apparaissait sur la sheikah.
- Je m'excuse, dit Link tout bas. Je ne devrais pas m'amuser à vos dépens.
Zelda ne s'autoriserait pas à l'admettre, mais elle adorait répondre aux pointes de Link. Ces petits commentaires dérisoires qu'il laissait échapper de plus en plus en sa présence lui donnaient l'impression qu'il appréciait enfin sa compagnie.
- Laisser le temps faire les choses, continua Impa. La dévotion que vous portent les soldats devrait diminuer au bout d'un moment.
- Ce n'est pas juste eux, avoua la princesse penaude. Les rumeurs vont vite et j'ai l'impression que le peuple me regarde comme si j'arrivais tout droit du royaume sacré.
- Encore une fois, répéta la sheikah, avec le temps tout devrait reprendre sa place.
La princesse en doutait. Quelque chose lui donnait espoir cependant, et c'était les monstres mécaniques qu'ils avaient l'intention de créer. Ces machines seront beaucoup plus impressionnantes que son pouvoir et comme Impa venait de le dire, aiderait à diminuer la dévotion exagérée que l'on portait à son égard. Elle espérait que l'aide qu'offrait le peuple des sheikahs au royaume permettrait de remonter l'estime des hyliens à leur égard.
Le convoi continua plusieurs heures sans s'arrêter. Sir Talon, qui ouvrait la marche et veillait à l'ordre de cette expédition, avait pris la décision de faire le voyage d'une traite. Ce fut au crépuscule, alors qu'ils étaient entourés de monts escarpés de toute part, qu'ils arrivèrent au village de Cocorico, village du peuple sheikahs. Caché au milieu d'une chaine de montagnes, peu de routes permettaient l'accès. Si un grand pourcentage des habitants maitrisaient la technologie, à première vue, l'agglomération apparaissait très traditionnelle. Les bâtiments de bois possédaient des toitures à quatre versants, dont les coins recourbés démontraient un style complètement différent du reste du royaume. Les ruelles de terre battue étaient recouvertes d'une couche de neige tapée. Les arbres, très présents, étaient pour la plupart centenaires. Chaque habitation avait son carré de jardins à proximité. Zelda put même constater alors qu'elle traversait le village avec le convoi, une plantation de petits arbustes qui avaient été protégés pour l'hiver. Ils s'arrêtèrent en face d'un plus grand bâtiment, celui-ci possédant trois étages. Il était construit en hauteur, tout près de la falaise qui le surplombait. Au bas des marches menant à l'entrée, le chef Reynald, dont la vieillesse avait fait recourber le dos, ainsi que sa fille Louda, une femme d'âge mûr qui ne portait pas la moindre ride, les attendait. Link était déjà descendu de son cheval et tendait son bras à la princesse pour qu'elle en fasse de même. Elle s'agrippa au jeune homme et avec une certaine maladresse, glissa de sa monture. Heureusement, le héros la stabilisa au sol et elle lui murmura un merci du bout des lèvres. Elle s'empressa de se diriger vers ses hôtes qui s'approchaient et les regarda se prosterner une fois qu'elle fut en face d'eux.
- J'espère que vous avez fait un bon voyage, Votre Altesse, s'enquit Reynald en se redressant difficilement.
Zelda pencha légèrement la tête en signe de déférence et répondit avec un sourire poli :
- Oui, la température a été clémente. Quoique de gros nuages se trouvant en Akkala semblent présager une tempête d'ici les prochains jours.
- Ne discutons pas météo ainsi à l'extérieur, dit Louda en empoignant le bras de la princesse. Je suis sûre que Votre Altesse souhaiterait se réchauffer à l'intérieur après une telle route.
- Ce ne sera pas de refus, dit-elle.
- Je vous laisse en compagnie de ma fille alors, répliqua Reynald en se tourna vers Sir Talon qui s'était approché entre-temps.
Le chevalier salua le chef du village qui déclara :
- Nous avons préparé l'auberge pour loger ceux qui resteront parmi nous cet hiver…
Faisant signe à Sir Talon de le suivre ainsi que le convoi, tous se dirigèrent vers ladite auberge un peu plus loin.
- Allons-y princesse, dit Louda en la tirant légèrement.
Zelda monta les marches en compagnie de la fille du chef qui reprit :
- Pru'ha ne tient plus en place depuis l'annonce de votre visite. Elle est subjuguée par votre invention et affirme à tous ceux qui veulent l'entendre que vous avez un ancêtre sheikah dans votre lignée sans l'ombre d'un doute.
Une fois devant l'entrée, à l'aide d'une main, elle glissa la porte qui s'ouvrit presque sans bruit. Elle lâcha le bras de la princesse et enleva ses chaussures prestement. Zelda imita son hôte et plaça ses bottes à côté des autres se demandant si c'était ce qu'elle devait faire.
- Je m'excuse d'avance pour les erreurs que je risque de commettre, dit-elle. Il y a fort longtemps que je n'ai pas voyagé et j'ai oublié les règles de bienséance de votre village.
- Je ne m'en ferai pas trop pour cela, dit Louda en balayant l'air de sa main. Si cela peut vous rassurer, je vous les rappellerai.
La princesse s'avança de quelques pas pour laisser la place à Link qui semblait ne pas trop savoir où se mettre. Pour qu'il soit à son aise, surtout dans ce nouveau rôle qui était le sien, elle dit en direction de l'autre femme :
- Je suis certaine que vous le connaissez déjà ou tout du moins en avez entendu parler, mais je voudrais vous présenter Sir Link officiellement.
Se tournant vers le chevalier en question, elle précisa :
- Nous sommes dans la demeure du chef Reynald et voici sa fille Louda.
- Enchanté, dit la sheikah amicalement.
Link se prosterna légèrement sans un mot et Zelda enchaîna :
- Sir Link est désormais mon gardien et son rôle est d'assurer ma protection. Sa présence à mes côtés sera donc à prévoir.
Louda approuva de la tête et un sourire se dessina sur ses lèvres.
- Nous avons entendu certaines rumeurs concernant un certain prodige hylien, maniant l'épée de légende comme s'il était né avec.
Zelda retint un rire en voyant les joues du héros s'empourprer. Si celui-ci avait perdu de sa gêne en sa présence, elle constata qu'entouré d'inconnu, il était beaucoup moins bavard. Étant son chevalier personnel, elle aurait amplement le temps de vérifier cette théorie. Des pas se firent entendre à l'entrée et la porte s'ouvrit sur Pru'ha dont le sourire s'élargit lorsqu'elle découvrit la princesse.
- Ah ! Ma chère Zelda, dit-elle en s'avançant vers la jeune femme pour prendre ses deux mains dans les siennes. Je ne pouvais attendre une minute de plus pour vous dire que votre invention est un pur chef-d'œuvre !
Les lèvres de la future souveraine s'étirèrent de joie en direction de la sheikah. Si la mère d'Impa avait sensiblement le même physique que sa fille, sa personnalité était tout autre. De nature bavarde, cette savante reconnue auprès des siens était un dictionnaire de connaissance dans le domaine. Recevoir un compliment de sa personne signifiait beaucoup.
- Pru'ha, soupira la fille du chef de Cocorico. Elle vient à peine d'arriver.
- Je sais, répliqua la sheikah en direction de son homologue. Il n'y a pas d'heure pour avoir une discussion scientifique.
Elle se tourna vers la princesse et poursuivit :
- J'ai eu vent de certains plans concernant la création de différents robots et j'ai déjà fait appel à quelques génies pour…
- Pru'ha, menaça Louda en fixant celle qui accaparait la princesse.
- Étudier le tout lorsque vous serez prête, bien évidemment, termina la scientifique.
- Ma foi, dit Zelda avec un regard penaud en direction de la prochaine chef du village. J'aimerais commencer le plus tôt possible.
- Il va de soi que la princesse devra s'installer avant toute chose, dit Louda. Alors Pru'ha, laissons cette soirée de repos à nos invités et revient demain d'accord ?
- À la première heure, dit la scientifique avec un salut de la main.
Elle quitta la bâtisse aussi vite qu'elle y était entrée sous le regard presque déçue de Zelda. Elle aurait adoré discuter des robots.
- Je suis vraiment désolée pour cette…démonstration d'enthousiasme, soupira l'unique sheikah dans la pièce.
- Ce n'est rien, dit la princesse avec un sourire poli.
Louda pointa le coin du salon où quelques coussins étaient répartis autour d'une table basse, le feu dans le foyer juste à côté réchauffant la salle.
- Installez-vous pendant que je vais chercher le thé, annonça la sheikah. Ensuite, je vous expliquerai ce qui a été prévu pour votre séjour et je vous montrerai vos chambres respectives.
Elle disparut dans un couloir et la princesse se dirigea vers un des coussins pour s'y asseoir. Link enleva ses bottes dans l'entrée et vint rapidement la rejoindre. Elle l'observa distraitement retirer l'épée dans son dos pour se débarrasser de sa veste. Il replaça immédiatement l'arme sur lui une fois ceci fait. Elle tapa ses doigts en rythme sur ses genoux, tout en se demandant si elle avait bien apporté toutes ses notes. Elle avait tellement hâte de débuter le projet !
- Je sais à quoi vous pensez, chantonna Link tout bas.
Zelda eut un sourire en coin sans le regarder alors que Louda apparaissait avec un plateau de service à thé dans les mains. Une nuit de repos, se dit-elle. Et ensuite, elle sautait les pieds joints dans son nouveau travail.
OoOoO
Si la masse calculée était supérieure à la valeur "y" multipliée par le volume, le tout divisé par la diagonale, il serait possible de soutenir le matériau, pensa Zelda.
- Princesse.
Et dans le cas contraire songea-t-elle en ignorant la voix, peut-être une subdivision pourrait être faite ? Répartir le poids autrement ou envoyer l'excédent à l'arrière.
- Je ne le dirai pas une seconde fois.
Si les moteurs d'énergie sont à la base, là où seront figurés les pieds, il ne devrait pas y avoir de problèmes. De plus, pour éviter de déstabiliser le robot...
- Par Hylia ! s'écria Zelda en sautant d'un bond tout en se contorsionnant pour attraper le morceau de glace qu'on avait glissé dans son cou.
La princesse agrippa l'intrus et se tourna vers Impa qui la fixait de ses yeux rouges, les bras croisés sur sa poitrine.
- Pourquoi avoir fait ça ? demanda Zelda vexée.
- Même si j'admets que votre réaction a été divertissante à observer, je ne suis pas coupable de cet acte.
Zelda dirigea son regard vers l'autre personne présente qui maintenait sa posture avec un sérieux camouflant mal le sourire qui avait envie d'apparaître sur ses lèvres.
- J'aurais dû m'en douter, dit la princesse en direction de Link.
C'était une belle journée d'hiver où le soleil brillait de plein feu. Si celui-ci n'était pas encore assez fort pour faire fondre la neige, on pouvait sentir sa faible chaleur sur la peau découverte. Ils étaient arrivés depuis quelques semaines au village et pour la première fois, Zelda n'avait pas assisté à la fête de la citadelle en l'honneur du jour le plus court de l'année. Elle avait passé ses festivités entourées des sheikahs avec qui elle travaillait, s'était occupée à faire des calculs, des plans et s'était aussi rempli l'esprit de problèmes à résoudre et de solutions à vérifier. Les seules choses qui faisaient partie de sa routine au château et qu'elle avait continué d'accomplir même une fois au village de Cocorico étaient ses prières - et là, elle devait admettre que ses moments de dévotion avaient raccourcis énormément - et ses entraînements avec Impa. La seconde était une habitude qu'elle aurait bien voulu abandonner. Surtout aujourd'hui. Presque toujours accompagné de Link, le trio s'était rendu sur un petit terrain vague à l'écart du village où ils seraient peu ou pas dérangé. Elle n'avait cependant pas la tête à un exercice physique quelconque, son cerveau étant obnubilé par les travaux qu'elle souhaitait reprendre au plus vite sur les plans des robots. Elle s'obligea toutefois à se concentrer sur son amie Impa. Elle constata avec inquiétude que le regard qu'elle lui lançait ne présageait rien de bon.
- Votre distraction empêche votre progression, dénonça Impa. Lorsque vous êtes ici avec moi, vous devez l'être à cent pour cent.
- J'ai beaucoup à penser, s'excusa la princesse en réponse.
Une moue toujours présente sur son visage, la sheikah décroisa ses bras et dit en haussant un sourcil.
- Faisons un marché. Si vous réussissez à garder votre don actif dix secondes, je vous permets de diminuer nos séances tout en continuant d'entraîner Link.
- Dix secondes, répéta Zelda perplexe.
Impa approuva de la tête.
- Quel est le piège ? demanda la princesse.
- Il est certain que je vais faire mon possible pour vous en empêcher, dit simplement Impa. Mais qu'avez-vous à perdre ?
Qu'avait-elle à perdre ? s'encouragea la future souveraine. Dix secondes, ce n'était rien. Toutefois, elle était suffisamment intelligente pour savoir que peu importe ce que prévoyait la sheikah, cela serait loin d'être simple.
- D'accord, dit-elle malgré son hésitation.
Zelda resta sur ses gardes sa vision concentrée sur la sheikah qui lui faisait face immobile. Après quelques secondes ainsi, ses paupières s'abaissèrent sur son regard et elle tenta de réveiller son pouvoir quand soudainement, elle fut plaquée au sol où elle sentit le froid de la neige même à travers son épaisse veste.
- Vous avez fermé les yeux, critiqua Impa au-dessus d'elle.
La guerrière leva son pied pour le descendre sur la princesse qui roula sur le côté évitant le coup. Zelda se releva rapidement et recula de plusieurs pas, sa garde levée devant elle pour la protéger d'une attaque qui ne vint pas. Elle tenta alors de se calmer. Elle avait déjà pratiqué plusieurs fois son don en situation de stress. Impa avait répété encore et encore que lorsqu'arriverait le moment où la Calamité s'abattrait sur le royaume, elle n'aurait peut-être pas la chance de disposer du temps nécessaire pour activer son pouvoir dans un endroit paisible. Elle devait être apte à réagir promptement. Cette fois-ci, sans modifier sa posture, elle chercha de nouveau l'énergie en elle, se concentrant sur les sensations positives qui l'entouraient pour rester concentrer sur son environnement. L'air pur extérieur, le vent sifflant dans les branches dénudées des arbres, le ciel bleu au-dessus de sa tête. Ses mains s'illuminèrent, ce qui donna le signal à Impa pour attaquer. Celle-ci, en deux bonds, se retrouva face à la princesse qui, si elle para le premier coup destiné à sa joue, ne put que recevoir le second au niveau de son estomac. Elle se plia en deux sous la douleur et fixa avec ahurissement la sheikah impassible devant elle.
- Pourquoi faites-vous cela ? s'écria Zelda en se redressant avec une grimace. Vous savez que ne suis pas de taille contre vous !
- J'aurais eu au moins dix occasions de vous tuer depuis le début de ce duel, répliqua Impa. Rappelez-vous que le Fléau n'hésitera pas à vous détruire s'il en a la moindre opportunité. Continuons.
- Continuer ? répéta la princesse abasourdie. Mais...
Impa était de nouveau sur elle et Zelda se recula pour éviter le coup de pied, para le coup de poing avec ses bras, mais tomba lorsque la sheikah la poussa violemment. Assis sur le sol, elle regarda courroucer la femme qu'elle avait toujours considérée comme son amie, ne sachant que faire. Leurs entraînements se déroulaient habituellement pacifiquement. Impa lui avait montré une base de mouvements utiles, servant à augmenter son endurance et sa force. Elle lui avait expliqué comment se libérer de différentes prises, comment analyser son environnement pour déterminer le mieux à faire dans une situation. Impa n'avait pas insisté sur le combat au corps à corps - la princesse étant incapable de rendre des coups - et avait préféré s'attarder sur les moyens d'assurer sa survie, comme développer sa discrétion ou fuir rapidement pour éviter un danger. Ses yeux s'agrandirent en comprenant soudainement ce qu'elle devait faire. Impa était son ennemie. Si elle souhaitait gagner ce soi-disant marché, elle devait à tout prix se débrouiller pour que son amie soit dans l'impossibité de l'attaquer au moins dix secondes. Zelda se savait incapable d'affronter la sheikah donc, il ne lui restait plus que la fuite pour réussir à activer son don assez longtemps. Elle se redressa d'un bond et se préparait à courir quand on lui attrapa le poignet pour la tirer vers l'arrière. Elle leva son autre bras pour bloquer la main de son adversaire qui venait dans sa direction. Cependant, celle-ci avait autre chose en tête et habilement, elle lui retira les lunettes de son visage. Zelda lâcha un cri de surprise alors que le monde devenait flou tout autour d'elle. Impa la libéra de sa poigne et la princesse fronça les sourcils en observant la vague silhouette tourner lentement autour de sa personne. Faire tant d'effort pour simplement tenter de voir ce qui l'entourait lui donnait déjà un mal de tête. Elle fit un pas dans la direction d'Impa, mais celle-ci se déplaça si rapidement que Zelda n'arriva pas à suivre ses mouvements. Ses yeux brulèrent et tout en restant immobile, elle cligna des paupières pour faire disparaître les larmes qu'elle sentait venir. Elle détestait ne plus être capable de distinguer son environnement. Par Hylia, elle méprisait Impa en ce moment. Ses épaules s'affaissèrent et son visage se pencha vers le sol. Blanc. C'était tout ce qu'elle voyait. Elle reconnaissait ses bottes, mais celles-ci n'avaient qu'une forme arrondie à ses pieds. Les motifs qui s'y trouvaient étaient invisibles pour ses yeux. Son sens de l'ouïe, maintenant exacerber à cause de sa vision défaillante lui permit d'entendre les pas qui tournait toujours autour d'elle. Impa attendait quelque chose. Si elle avait cru deviner un peu plus tôt ce que c'était, elle s'était fourvoyée. Elle n'avait aucune chance. Aucune chance contre la sheikah et donc aucune chance de vaincre la Calamité ? Était-ce le message que son amie tentait de lui faire comprendre ? Pourtant, elle travaillait dur pour se préparer à l'arrivée prochaine du Fléau !
- Qu'est-ce que tu espères de moi ? murmura la princesse.
- Dix secondes, répondit Impa tout près. Peu importe les circonstances.
Zelda tourna son regard vers la voix.
- Je suis incapable de me défendre ainsi, continua la jeune altesse. Je peux à peine vous voir !
Et avec dérision, elle ajouta :
- Souhaitons que la Calamité soit assez imposante pour que je puisse la voir sans mes verres sinon s'en est fini d'Hyrule.
Des pas se firent entendre tout près d'elle et une main se posa sur son épaule. Elle se tourna vers le nouveau venu et approcha son visage du sien en plissant le front. Elle reconnut le bleu caractéristique des yeux de Link au même moment où il prit la parole :
- Je ne suis pas sûre d'avoir compris les critères de ce marché, mais est-ce que je peux aider ?
Zelda apposa ses mains sur celle de Link toujours sur son épaule et chercha la silhouette d'Impa. Elle la trouva immobilisée un peu plus loin. Elle fut surprise de constater combien le contact avec Link lui apporta du réconfort. Cela lui rappelait qu'elle n'était pas seule.
- Aurais-tu oublié ton rôle héros ? se moqua la sheikah.
- Je pense que c'est une réponse positive, murmura Link. Veux-tu que je lui botte son derrière ?
- Oui, répliqua-t-elle tout bas. Plusieurs fois oui.
Il serra son épaule un court instant pour ensuite la libérer de sa prise.
- Ne sois pas si arrogant héros, tu crois pouvoir la protéger aussi facilement ? énonça la sheikah.
Link ne prononça pas un autre mot, car elle entendit sa respiration se couper ainsi qu'un bruit mat. Immédiatement après on la fit trébucher sur le sol et elle jura tout bas. Son visage dans la neige, elle entendit le grognement de Link. Se tournant vers la source du bruit, elle put deviner deux formes un peu plus loin.
- Quelque chose de positif, murmura-t-elle pour elle-même en s'assoyant.
C'était difficile. Impa avait réussi à briser son moral simplement en retirant les verres sur ses yeux. Le combat continuait à quelques mètres et se concentrant de plus belle, elle fixa la neige autour, cherchant à faire abstraction de toute chose. Si elle voulait activer son pouvoir, elle n'avait pas le choix d'avoir une confiance absolue en Link. Son nez perçut l'arôme des conifères même si elle était sûre que ce genre d'arbre ne se trouvait pas à Cocorico. Elle laissa le souvenir faire son chemin jusqu'à ses poumons qui s'ouvrirent pour accueillir d'autres odeurs connues, comme l'herbe fraîchement coupée, l'humidité du matin ou encore les fleurs tout juste écloses au début du printemps. Elle se leva tout en soupirant de soulagement en constatant la lumière qui entourait ses mains. Elle aurait eu envie de permettre à cette énergie de grossir et créer ainsi un énorme cocon protecteur autour d'elle. Seule la présence des habitants du village un peu plus loin l'arrêta. Un coup de vent passa juste à côté, mais elle resta immobile, comptant intérieurement les dix secondes.
- Dix secondes ! annonça Link d'une voix crispée.
Zelda fronça ses sourcils en entendant le héros prendre soudainement une grande inspiration.
- La chance du débutant, dit Impa en claquant sa langue.
- C'est ce que je me dis chaque fois que je me fais étrangler, ironisa Link en toussotant. Quelle chance !
La princesse, après quelques instants, devina Link qui s'approchait d'elle. Il posa les lunettes maladroitement sur son nez et avec un soupir, elle les replaça et regarda le visage souriant du héros.
- C'est mieux non ?
Elle hocha la tête, mais se détourna aussitôt pour se diriger vers le bâtiment du chef. L'énergie dans ses mains avait disparu, tout comme le bien-être qui l'avait entouré ce court moment. Sa colère était revenue et pour la première fois de sa vie, elle ne voulait plus voir Impa. Elle n'était pas si loin de l'énorme maison et arrivée devant celle-ci, elle monta rapidement les escaliers et se retrouva à l'intérieur. Retirant ses bottes, elle ne prit pas le temps de les ranger et se précipita dans le couloir pour grimper à l'étage. De là, elle se rendit à la chambre qu'on lui avait assignée pour l'hiver et une fois dans celle-ci ferma la porte coulissante derrière elle. Elle se laissa glisser sur le sol et se retrouva accroupie sur ses genoux, les mains sur son visage. Elle enleva ses lunettes et les posa délicatement sur les lattes de bois un peu plus loin. Et finalement, elle permit aux larmes qu'elle avait retenues jusque-là de couler sur ses joues. Elle avait oublié la sensation d'inaptitude qui était restée avec elle toute son enfance. Elle avait oublié comment c'était de se sentir incapable. Le souvenir du chancelier Léonard revint à sa mémoire et elle serra les poings. Elle pouvait encore visualiser ses enseignements ou plutôt, son incapacité à apprendre ses enseignements. Et ses remarques désobligeantes à son égard. Elle n'avait jamais osé en parler à qui que ce soit. Il lui avait toujours fait peur. Même aujourd'hui, sa présence la rendait mal à l'aise. Le prêtre Rauru était un ange comparé au chancelier. Elle ne savait pas si Impa avait touché une corde sensible sans le vouloir ou si elle avait fait cela en toute connaissance de cause, mais le fait est qu'elle avait réussi à la déstabiliser. Elle avait honte de ne pas avoir réussi l'épreuve la tête haute, honte de s'être enfuie pour se cacher dans une pièce et pleurer son désarroi. Elle sursauta lorsqu'on toqua doucement à sa porte.
- Princesse, dit Impa de l'autre côté.
Zelda se redressa et s'empressa d'essuyer les larmes sur ses joues.
- Je ne me sens pas bien, répliqua-t-elle avec une voix rauque.
Elle fit la grimace en entendant le tremblement dans les mots qu'elle venait de prononcer. Elle trouva ses lunettes du bout des doigts et les replaça sur son visage.
- J'ai besoin de vous parler, ajouta Impa.
La princesse tenta de prendre une inspiration pour se calmer, mais il n'y avait rien à faire. Les larmes coulaient sur ses joues sans qu'elle puisse les arrêter.
- Pas maintenant, se força-t-elle à répondre.
Il y eut soudainement du grabuge de l'autre côté et Zelda fronça ses sourcils en tendant l'oreille. Elle entendit la voix de Link qui répétait ce qu'elle venait de dire à la sheikah. Il y eut un échange de coups et, à la fois surprise et exaspérée, la princesse se mit debout et ouvrit la porte sur Link coincé par une prise de la guerrière. Celle-ci leva les yeux vers la nouvelle venue et le héros en profita pour se libérer. Il allait attaquer de nouveau, imité par la sheikah, quand Zelda s'écria impatiente :
- Allez vous arrêter à la fin !
Les deux s'immobilisèrent et Impa prit immédiatement la parole :
- Je veux expliquer une chose et ensuite je vous laisse tranquille.
La princesse soupira et essuya ses joues. Link avait le regard baissé au sol et semblait prêt à assaillir l'autre femme à tout moment.
- Dites-le alors.
La sheikah ne perdit pas de temps et répondit :
- Aujourd'hui, je vous ai fait prendre conscience de cette douleur qui vous habite. Je ne peux pas prétendre connaître la raison et je doute que personne ne sache exactement ce qui se passe dans votre coeur, mais…
Impa s'approcha de la princesse et prit ses mains dans les siennes. Elle planta ses yeux rouges qui, pour une rare fois, affichèrent l'émotion que la sheikah ressentait dans ceux de Zelda.
- Tu dois transformer cette douleur, murmura Impa. En faire une force et non une faiblesse. Car si moi, qui suis ton amie, réussis aussi facilement à te faire du mal…
Elle laissa sa phrase en suspend et la princesse devina la suite, car elle l'avait déjà compris. La Calamité ne ferait qu'une bouchée d'elle.
- Je suis vraiment, vraiment désolée, termina Impa.
Elle lâcha les mains de la future souveraine et d'un geste sec, se détourna et quitta les lieux. Zelda ferma doucement la porte sur Link qui avait pris le départ de la sheikah comme signal pour se retirer à son tour. Elle enleva lentement son manteau, l'accrocha au mur et se dirigea vers son lit où elle s'étendit sur les draps. Fixant les lattes de bois du plafond, elle repensa à ce qu'Impa lui avait dit. Il lui était impossible pour le moment de ressasser les souvenirs de son enfance sans se retrouver avec une boule au fond de la gorge. Pourtant, ce n'était pas si horrible, tenta-t-elle de se convaincre silencieusement. Elle n'avait jamais reçu de coups, elle n'avait jamais eu faim, ni froid. Pourquoi pleurait-elle alors ?
Elle se tourna sur le côté et se recroquevilla en position du fœtus, laissant les larmes coulées sur ses avant-bras.
OoOoO
Le printemps avait finalement fait son retour sur le pays d'Hyrule. La neige fondait, créant des rigoles un peu partout dans le village de Cocorico. Les oiseaux revenaient en masse et les bourgeons des végétaux éclataient. Zelda n'avait pas eu le temps de remarquer le changement de saison et avait à peine profité de l'hiver depuis le début de son séjour. Elle s'était dévouée corps et âme à la conception des plans des machines et ceux-ci, après presque quatre mois de labeur, étaient terminés. Si elle avait poursuivi son entraînement avec Impa et continué ses prières chaque jour, elle avait mis chaque once d'énergie restante dans son travail. Malgré les inquiétudes de Link, qui sans le dire à voix haute, la trouvait trop maigre et lui apportait toujours de petites collations, elle avait poursuivi sans relâche avec Pru'ha et son équipe. Aujourd'hui, elle avait finalement le résultat devant elle. Avoir participé à un tel projet d'envergure l'emplissait de fierté. Jamais elle n'aurait pensé avoir la chance de collaborer à quelque chose d'aussi important. Bientôt, les représentants des piafs arriveraient à Cocorico. Avec l'achèvement des plans, le roi avait annoncé l'idée des quatre robots aux différents peuples d'Hyrule. Le village des sheikahs avait reçu la visite des zoras qui démontraient un fort intérêt à cette entreprise et déjà les discussions avaient commencé. À savoir comment seraient construites de telles choses et qui aurait l'honneur de les contrôler. Car le roi avait pour cela bien respecté les visions de la reine. Un conducteur parmi chacune des quatre espèces serait choisi pour diriger les monstres mécaniques. Cet élu devrait être quelqu'un d'intègre capable de porter la responsabilité du royaume sur ses épaules. Si le roi avait décidé de mettre en branle tout le processus, il allait de soi que chacun des peuples allait devoir faire leur part et participer à la construction des quatre gigantesques machines.
La princesse était penchée au-dessus des plans du robot numéro trois, celui destiné au piaf, quand la délégation de ceux-ci entra dans le laboratoire du village de Cocorico. Immédiatement, Zelda et Pru'ha, qui était plus loin dans la pièce, se levèrent de leur chaise pour accueillir les visiteurs qui étaient au nombre de cinq.
Même si ses connaissances n'étaient plus à prouver dans le domaine, Zelda avait décidé de nommer Pru'ha comme responsable des discussions. Celle-ci se dirigea vers les nouveaux venus suivis de la princesse qui resta en retrait. Les hommes et femmes oiseaux se prosternèrent gracieusement et Zelda observa leurs plumes colorées avec admiration. Elle ne put s'empêcher de sourire à une des piafs qui avait un duvet d'un jaune tellement vif qu'elle donnait l'impression de briller de plein feu dans le laboratoire plutôt sombre.
- Bienvenue à vous tous, dit la sheikah à côté de la princesse d'une voix assurée. Je suis Pru'ha et c'est moi vous expliquerez les détails techniques de ce qui pourrait devenir le robot de votre race.
- Merci de nous recevoir, dit un piaf blanc de la tête aux pieds en s'avançant.
Habillé d'une toge d'un bleu royal, Zelda put deviner son importance.
- Je suis Scaff, chef du village Piaf.
Les plumes au bout de son aile pointèrent une piaf blanche ainsi qu'un autre complètement bourgogne et continua :
- Médolie et Taf sont les deux guerriers du village et me servent de protecteur lors de mes voyages. Et pour finir Taya…
La piaf d'un jaune éclatant leva la main avec énergie.
- …et Tael…
Son voisin, d'un mauve pratiquement noir, imita sa consoeur avec beaucoup plus de calme.
- …sont nos deux meilleures têtes et ont été autorisés à rester ici pour en apprendre davantage sur le projet.
Scaff avait souri en terminant les présentations et se tourna vers Pru'ha.
- Mais je souhaite que vous m'en expliquiez le plus possible avant mon départ, dit le chef. Il faut dire que le roi a piqué notre curiosité avec ce projet de grande envergure. Si un moyen d'apporter une sécurité supplémentaire à mon village existe, surtout face à la menace de la Calamité, je suis prêt à l'entendre.
La princesse eut un sourire quand Pru'ha invita les créatures à moitié humaines et oiseaux à la suivre. Des plans avaient été disposés un peu partout sur les tables et la sheikah prit le temps d'expliquer en détail en quoi consisterait le robot, ce que seraient ses capacités, ses armes et ses défenses. Il était toujours amusant de regarder les visages surpris des nouveaux venus, ceux-ci observant tantôt avec ahurissement ou plus tard avec perplexité. Elle devait avouer que la machine conçu pour les piafs était unique. Elle posséderait une forme d'oiseau et pourrait voler dans le ciel. De plus, sa grosseur ferait en sorte qu'elle serait vue de très loin dans le royaume.
Après une bonne heure de présentation, les piafs, probablement subjugués par toute l'information, quittèrent les lieux en échangeant des paroles à voix basse. Zelda avait au bout d'un moment pris place sur une chaise et avait assisté comme témoin à la scène sans s'interposer. Pru'ha vint la rejoindre et s'appuya sur la table à ses côtés.
- Et un autre de fait, soupira la femme d'âge mûr.
- Ne reste plus que les gorons et les gérudos, ajouta la princesse.
Pru'ha roula des épaules et plissa le front avant de continuer :
- Je ne m'inquiète pas vraiment des gorons. Je suis sûr qu'ils seront enthousiasme à l'idée. Leur force démesurée sera même un atout à ce projet. Par contre, les gérudos elles, je ne sais pas.
- Vous pensez qu'elles ne voudront pas prendre part à cela ? demanda la princesse curieuse.
La sheikah hocha négativement de la tête.
- La politique jeune princesse, expliqua-t-elle en soupirant. Excusez mes propos, mais le roi va indéniablement profiter de ce projet pour démontrer son autorité sur le royaume. Et avec raison. Toutefois, les gérudos sont des femmes guerrières fières de leur indépendance. Elles ne se laisseront pas dicter des lois sur leurs propres terres. Alors, je crois que oui, elles voudront leur part du gâteau. Reste à voir si elles accepteront les termes de votre père.
La princesse n'osa pas ajouter quoique ce soit sans réfléchir. Rares étaient ceux qui donnaient leur position sur ce sujet, surtout en sa présence. Si les propos de Pru'ha ne l'avait pas dérangé le moins du monde, c'était un sujet délicat. Le roi avait commencé son éducation à la politique et elle comprenait le fonctionnement de son gouvernement. Pour ce qui est d'avoir une opinion quant à la justesse de celui-ci, elle se trouvait inadéquate. Comme beaucoup de sujets liés à cela d'ailleurs.
- Je dois avouer que les idées du roi concernant ce projet me sont en grande partie inconnues, dit lentement Zelda. Par contre, je lui fais confiance pour ce qui est de choisir un arrangement des plus équitables avec chacun des peuples.
Pruh'ra la dévisagea un instant et soudainement, elle pointa du doigt la tête de la princesse avant de continuer :
- Je sais qu'il y a tout un cerveau derrière ce joli front.
Et avec un sourire ajouta :
- Ne gaspillez pas tout ce potentiel.
Pru'ha se redressa lorsqu'Impa entra dans la pièce.
- Oh, votre moment préféré de la journée, chuchota moqueusement la plus vieille à l'intention de Zelda.
Impa arriva à leur hauteur et Pru'ha donna une petite tape affective sur la joue de sa fille qui garda un visage impassible.
- Tellement d'austérité, plaisanta la scientifique. Exactement comme ton père.
Impa grogna et regarda silencieusement sa génitrice sortir du laboratoire.
- Je viens de rencontrer la délégation de piafs, annonça Impa en croisant les bras sur sa poitrine. L'idée semble faire son chemin.
Son amie avait conclu avec un sourire sur les lèvres qu'imita la princesse.
- J'ai aussi cette impression, répondit Zelda. Reste à voir si nous aurons le temps de tout construire avant le retour de la Calamité.
- Ne nous inquiétons pas pour cela dans l'immédiat, répliqua Impa. Étant donné votre départ imminent dans les prochains jours, j'ai décidé de terminer votre entraînement sur une bonne note.
Zelda eut une moue.
- Vous ne reviendrez pas au château avec moi, dit-elle déçue.
- Non, répondit la sheikah compatissante. Nous avons chacune nos responsabilités et je crois que nos horaires seront trop chargés avec l'été qui est à nos portes.
La princesse regarda le plafond de la pièce, un air découragé sur le visage. L'arrivée de la saison chaude annonçait toujours le retour des visiteurs au château, les fêtes estivales et malheureusement, l'apparition des aspirants à la couronne. Et donc, les prétendants voulant ravir le cœur de la princesse du royaume.
- J'ai eu droit à des vacances ces derniers mois, soupira Zelda.
Avec un sourire en coin, elle ajouta :
- Malgré vos exercices.
- J'aurais aimé en faire plus, dit Impa pensive. Malheureusement, le reste du travail ne peut être accompli que par vous.
Le sourire de la princesse devint un peu triste. Elle savait à quoi la sheikah faisait allusion. Si Impa l'avait poussée à bout lors d'un entraînement au milieu de l'hiver, jamais elle n'était revenue sur le sujet. Elle n'avait pas besoin. Zelda avait bien compris le message. Elle était encore humiliée de cette journée, d'avoir laissé transparaître ses émotions. Elle se rappelait de Link qui par la suite avait été presque un peu trop envahissant dans sa sollicitude. Peu de ses souvenirs d'enfance concernant sa vue déficiente étaient positifs. Avec le recul, elle avait déterminé qu'il y avait eu un manque. Quelqu'un aurait dû s'apercevoir de ce problème bien avant. Mais ça n'avait pas été le cas. Et personne n'y pouvait rien maintenant. C'était la raison qui expliquait pourquoi elle avait pris la décision de ne pas discuter de son passé avec son amie. Tout simplement, elle ne voulait pas la mêler aux histoires de la famille royale, car cela ne changerait rien. Désireuse de dévier le sujet Zelda dit :
- Je suis curieuse de voir comment Link va s'adapter à la vie estivale au château.
Impa roula des yeux et enchaîna d'une voix railleuse :
- Je ne m'inquièterais pas pour ce garçon à votre place.
- Ne me dites pas que vous avez encore votre défaite sur le cœur, ria Zelda.
- J'aurais dû gagner, répliqua la sheikah les lèvres pincées.
- Je ne vous savais pas aussi mauvaise perdante.
Impa haussa un sourcil dans sa direction. Au même moment, le sujet de la conversation entra dans le laboratoire avec dans sa main levée, une lettre portant le sceau royal.
- Livraison de courrier, dit Link une fois à la hauteur de la princesse.
Il lui tendit l'enveloppe qu'elle prit.
- Tu ne veux toujours pas de revanche ? se moqua Link en direction de la sheikah.
Celle-ci claqua sa langue impatiente pendant que Zelda ouvrait la lettre et débuta sa lecture. Insensible au propos des deux autres personnes dans la pièce, elle fronça les sourcils en découvrant le contenu.
- Un problème ? questionna Impa lorsque la princesse leva les yeux sur le duo qui la fixait.
Zelda haussa les épaules ne sachant comment réagir.
- Non, dit-elle finalement après un moment de réflexion. Ce sont plutôt de bonnes nouvelles. J'ai reçu trois demandes en mariage.
Link poussa une exclamation de surprise et s'étouffa en essayant de la camoufler.
- Je vais avoir vingt et un ans, expliqua la princesse en direction du chevalier. C'est considéré comme un âge symbolique pour le mariage.
Et elle ajouta plus pour elle-même :
- C'est surtout une tradition dans la famille royale.
- Ne peuvent-ils pas retarder la cérémonie ? interrogea la sheikah pensive. Étant donné les circonstances ?
- Peut-être, répliqua Zelda. J'ai réussi à reporter mes fiançailles jusqu'à maintenant. J'espère pouvoir gagner une autre année, mais la tradition...
Impa soupira devant le sourire penaud de la princesse qui ne termina pas sa phrase.
- Vous connaissant, ajouta la sheikah en haussant un sourcil, je suis certaine que vous avez déjà fait votre choix.
- Bien sûr, dit Zelda en croisant ses bras sur sa poitrine. Le roi est au fait de ce choix et l'approuve. Advenant l'impossibilité de retarder davantage, Lord Ernest fera un bon dirigeant.
Impa l'observa un long moment, essayant probablement de découvrir les pensées profondes de son interlocutrice et Zelda baissa le regard d'inconfort. Il était certain qu'elle ne souhaitait pas se marier maintenant. Si cela avait été possible, elle aurait refusé tout bonnement de s'unir à qui que ce soit. Mais elle n'avait pas ce choix.
- Tu vas devoir coucher avec, annonça la sheikah à la surprise de la princesse.
Zelda avait relevé ses yeux outrés sur Impa et s'exclama d'une voix aigüe en décroisant ses bras :
- Impa ! Link est juste là !
Elle put voir les joues rouges du chevalier qui tout comme elle semblait vouloir disparaître.
- Et bien, je ne soulevais qu'un point, expliqua-t-elle calmement. Tu vas devoir porter l'héritier du royaume. Je te rappelle que les bébés ne sont pas amenés par les piafs sur demande.
- Par les déesses ! s'écria la princesse exaspérée. Tu as une étrange façon d'exprimer ton inquiétude ! Tu sais que je n'ai pas le choix. Tu veux peut-être me voir épouser le comte Charles parce qu'il est agréable à regarder ?
Son amie haussa un sourcil, mais ne contesta pas ce choix.
- Il n'a aucune manière et possède un cerveau de la taille d'une noix ! répliqua Zelda indignée.
- Vous n'avez besoin de lui que pour avoir un héritier, répondit Impa.
- Et je mettrais ma main au feu qu'il a une panoplie d'enfants illégitimes dans tout le royaume, maugréa la princesse.
- Une bonne raison de se débarrasser de lui une fois l'héritier au monde.
- Tu es folle, murmura la future souveraine ses yeux agrandit de surprise.
Mais une petite pensée s'était formée sans le vouloir dans son esprit. Est-ce que cela pourrait fonctionner ?
- Je viens de t'offrir le poste de reine sur un plateau d'argent, sourit Impa satisfaite.
Non, non, non, se répéta en boucle Zelda. Impa avait le don de la troubler et elle ne devait pas se laisser dérouter par les propos de la sheikah. Les habitants du royaume méritaient d'avoir des dirigeants intègres et vertueux.
- C'est complètement insensé et nous ne devrions pas avoir cette conversation, dit la princesse avec une voix soudainement autoritaire.
La sheikah haussa les mains en signe de reddition et se recula vers la sortie.
- Je ne cherche qu'à vous présenter d'autres options, dit-elle. Lord Ernest sera peut-être bon pour le royaume, mais il doit l'être aussi pour vous.
Elle ajouta doucement :
- Entre nous Zelda, tu n'as pas besoin de quelqu'un pour diriger à ta place. Un prince consort serait suffisant. Et cela te permettrait d'élargir tes options de mariage.
Elle connaissait cette tactique, se dit la princesse étonnée. Proposer une idée aberrante pour ensuite présenter ce que l'on voulait vraiment. Impa avait cherché à la choquer pour facilement l'amener à reconsidérer le fait de prendre époux pour en faire un roi. C'était cependant une décision que ses parents avaient fait pour elle il y avait si longtemps qu'elle ne pensait pas leur faire changer d'opinion. Jusqu'à maintenant. L'idée d'un consort était loin d'être mauvaise. Toutefois, cela ne concernait en rien son amie et elle gronda dans sa direction :
- Impa.
- Je ne dirai pas un mot de plus sur ce sujet, Votre Altesse. Je vous attends pour votre entraînement dans dix minutes.
Et elle quitta le laboratoire promptement sous le soupir de la princesse. Celle-ci se tourna en direction de Link qui était toujours silencieux et dit :
- Désolée pour ça.
Mais celui-ci était concentré sur un point invisible derrière elle. Soudainement, il prit la parole d'une voix douce :
- Je sais que tu as un rôle important et des responsabilités qui viennent avec, mais...
Après quelques secondes d'hésitation, il ajouta enfin :
- Tu ne peux pas tomber enceinte.
Il y avait beaucoup d'inquiétude sur son visage et la princesse se demanda d'où elle provenait. Elle dit simplement en réponse :
- Pourquoi ?
Link planta ses yeux bleus dans ceux de Zelda et expliqua :
- Si la Calamité revient pendant que tu portes ce bébé ?
Il tourna la tête de gauche à droite, les sourcils froncés.
- Il y a beaucoup trop de risques, continua-t-il. Si quelque chose venait à finir mal…
- Ne te torture pas avec cela, dit-elle en posant sa main sur l'épaule de Link. C'est ma responsabilité, pas la tienne.
- C'est trop dangereux, répéta Link.
- Tout va bien aller.
Son chevalier pinça ses lèvres et chuchota soudainement en trébuchant sur quelques mots :
- Si jamais vous deviez vous marier et...euh...faire votre devoir d'épouse. Les gérudos, elles savent comment prévenir les grossesses. Ma mère vendait la recette aux femmes du village.
Zelda laissa tomber sa main et regarda Link avec étonnement.
- Je sais, c'est mal vu selon la loi, continua le jeune homme avec une grimace. Mais il y a tellement de circonstances atténuantes. Certaines familles ne peuvent se permettre d'avoir une dizaine d'enfants faute d'argent. Ou encore, chez certaines personnes de santé fragile, il est préférable d'empêcher une grossesse que d'avoir un enfant qui sera sans mère.
Il ajouta en pesant bien ses mots :
- Quand on sait qu'un affrontement avec la Calamité est notre destin, on ne peut pas mêler un bébé à ça…
La princesse se souvint des propos de la reine concernant ses deux grossesses. Difficile, c'était le terme employé pour décrire ce qu'elle avait vécu. Sa mère lui avait parlé de l'inconfort qui l'avait accompagné les neuf mois que Zelda avait été en son sein. Suivi de l'accouchement où elle était passée à deux doigts de la mort. À sa seconde grossesse, Zelda avait quatre ans. Elle ne se souvenait pas tant de cette époque, si ce n'est qu'elle pouvait voir sa mère que rarement. Malheureusement, la reine avait fait une fausse couche à six mois, perdant ainsi le prince que son père souhaitait tant. Delia avait alors dit au roi que s'ils tentaient de nouveau l'expérience, elle mourrait et emporterait l'enfant avec elle. Le souverain n'avait jamais insisté par la suite. Est-ce qu'un destin similaire l'attendait ? pensa la princesse en faisant la moue. Link était dans son droit de s'inquiéter sur ce point. Elle ne pouvait se permettre de combattre la Calamité, surtout si elle portait un enfant. Si la raison du héros pour retarder le mariage était différente de celle d'Impa, elle était tout aussi valable. Si ce n'est plus.
- Tu m'as convaincu, dit-elle à voix haute. Je vais parler à la reine et voir son opinion sur ce…problème.
- Et si tu as besoin de ce remède, ajouta Link, n'hésite pas à demander.
- Maître Mikael doit posséder un équivalent, dit Zelda pensive.
- Il reste sous les ordres du roi.
La princesse croisa les bras sous sa poitrine et haussa un sourcil dans la direction du chevalier :
- Surveillez vos propos, Sir.
- Désolé Votre Altesse, s'empressa de répondre Link en se prosternant.
Un sourire se dessina sur le visage de Zelda, adoucissant ses traits.
- Hé Link.
Il releva la tête.
- Merci à toi et de ton aide. Je ne l'oublierai pas.
- De rien, princesse, dit-il en se redressant et en imitant son sourire.
Et avec une hésitation, il ajouta :
- Est-ce que ça veut dire qu'on peut se tutoyer maintenant ?
Elle fit semblant de réfléchir et finit par répondre :
- Juste en privé. Tu sais, le protocole…
- Argh…le protocole, répéta le chevalier avec mécontentement.
Elle le poussa tout doucement vers la sortie et dit :
- Allons, Impa m'attend. Par la suite, nous devrons préparer nos bagages. Notre escorte arrive ce soir et nous partirons demain à la première heure.
- Ça me donne amplement le temps d'ennuyer Impa en lui rappelant ma victoire, dit Link tout joyeux.
- Tu es la seule personne capable de l'énerver à ce point sans finir avec le nez cassé, avoua avec une certaine surprise la princesse.
- J'adore ce pouvoir, dit joyeusement Link sous le rire léger de la jeune femme.
Chapitre mis en ligne le 27 janvier 2019.
