Merci jennaly et Mytsuu pour vos commentaires. C'est très TRÈS apprécié et m'encourage beaucoup ! J'espère que ce chapitre vous plaira ! Bonne lecture :)

7

- Et ensuite, il lui a enlevé ses lunettes ! raconta Link à sa petite soeur.

Il se souvenait du visage de la princesse qui s'était fermé devant les mauvaises moqueries de l'un de ses prétendants. Il n'avait jamais autant détesté son rôle de chaperon qu'à ce moment-là. Zelda avait déjà fait allusion à cet homme, le comte Charles, avec dédain, mais Link avait pensé sur le coup qu'elle exagérait.

- Tu imagines ? dit-il encore stupéfait même si plusieurs jours s'étaient écoulés depuis l'évènement. J'étais certain qu'elle allait le frapper ! Par les déesses, je l'aurais frappé ! Et c'est censé être un comte !

- Link, mets cette caisse dans le coin et va me chercher les tissus empilés dans la pièce tout au fond, dit Uli en s'approchant avec une liste dans les mains.

Il déposa son fardeau tout en continuant son histoire :

- Elle est restée polie tout le long, en écoutant les propos de cet homme comme si c'était la chose la plus intéressante au monde !

- Maman, j'ai compté seulement cent cinquante napperons ! s'écria Arielle en direction de la matriarche.

- J'en avais commandé deux cents, répliqua la concernée. Il doit y avoir une caisse dans le magasin...

- Là, dit Link en pointant le coin de la pièce.

Il continua son chemin dans l'arrière de la boutique et trouva les rouleaux de tissu. Il les prit dans ses bras sans effort et retourna à l'avant, à côté d'Arielle qui s'était installée derrière le comptoir d'accueil.

- Où dois-je mettre ça ? questionna Link.

- Avec la caisse, répondit distraitement Uli.

- Apporte-moi celle de napperons Link, ajouta Arielle.

Il fit ce qu'on lui avait demandé et revint aux côtés de sa petite soeur.

- J'ai hâte que l'anniversaire de la princesse soit passé, soupira Link. Je ne me souvenais pas qu'il y ait eu autant d'effervescence au château l'an dernier.

- Probablement parce que tu étais logé en dessous, se moqua Arielle en faisant référence à l'endroit où il dormait à son arrivée dans la citadelle.

- Selon votre père, commença Uli, c'est pire cette année. Plusieurs pensent qu'il y aura l'annonce des fiançailles de la princesse tandis que d'autres prétendent que cela sera retardé malgré son âge significatif.

Elle se tourna en direction de son fils et demanda curieuse :

- Est-ce que tu sais quelque chose ?

- Arrête ça, soupira Link. Je n'ai pas le droit d'en parler.

- Son anniversaire est dans deux jours, protesta gentiment la matriarche. Je ne peux pas avoir une petite nouvelle croustillante ?

- Non, répliqua Link un sourire en coin.

- Regardez-moi ça ! débita Arielle dans sa direction. Monsieur fait partie de la haute à présent ! Il est invité à la fête de la princesse et va même manger à sa table ! Incroyable les privilèges que peuvent permettre la possession d'une simple épée !

Link, avec un regard scandalisé en direction de sa petite soeur, prit l'épée de légende dans son dos et l'amena sur sa poitrine. Il l'enlaça avec une tendresse feinte tout en narrant d'une voix douce vers de l'arme :

- Ne l'écoute pas. Elle est juste jalouse que tu ne l'aies pas choisie. Tu es la meilleure de toutes les épées.

- Link, arrête de faire le stupide avant qu'il n'arrive un client et qu'il t'aperçoive, maugréa Uli plus loin.

Arielle roula des yeux, mais un sourire était apparu sur ses lèvres.

- Laisse-le faire, dit sa petite soeur pour sa défense. Il doit se balader dans le château toute la semaine et prétendre être intelligent. Ça doit être épuisant, surtout pour lui !

- Très gentil, dit Link impassible.

- Honnêtement grand frère, continua Arielle, je souhaiterais vraiment qu'au lieu de raconter tes mésaventures, tu nous parles de ses fameuses créatures divines !

- Créatures divines ? questionna le jeune homme perplexe.

- C'est ainsi que les a appelées le zora qui nous a livré de la marchandise, expliqua Uli. Un robot immense est en construction près de leur domaine.

Link comprit le sujet et répliqua :

- C'est la première fois que j'entends ce nom. Par contre, ce sont les robots dessinés par les sheikahs et la princesse cet hiver. Ils ont commencé la construction des quatre. Est-ce que le zora a parlé de l'avancement ?

- Pour le moment, ça ressemblerait juste à un tas énorme de pièces détachées, dit Arielle.

- Je ne pensais pas que ça irait aussi vite, dit Link surpris.

Uli s'approcha de ses deux enfants et dit tout bas à l'intention de son aîné :

- Il y a beaucoup de remue-ménage dans le royaume. Ton père m'a expliqué que plusieurs petits groupes de bokoblins, lézalfos et moblins s'étaient rassemblés en plusieurs endroits. Des centaléos auraient été aperçus dans la région d'Hébra ce printemps.

- Le roi a conseillé à tous les habitants qui vivent hors des villages de se relocaliser si possible plus près des communautés, ajouta Arielle.

- Il n'est pas bon d'être isolé en ces temps incertains, continua Uli. Plusieurs rumeurs courent, parlant de signes annonciateurs du retour de la Calamité dans un avenir très proche.

- Avec la déclaration du roi expliquant le début de la construction de ses fameuses créatures divines, tout le monde est sur le qui-vive, poursuivit Arielle.

Link observa sa mère et sa soeur qui le dévisageaient avec expectation.

- Je ne suis pas au fait de tout, dit-il en soupirant.

- Mais tu sais quelque chose, énonça la cadette.

Link croisa les bras sur sa poitrine et demanda :

- Vous ne lâcherez pas le morceau n'est-ce pas ?

- C'est mon fils qui porte le fardeau d'affronter la Calamité, dit Uli en plantant son regard dans les yeux du héros. Je ne peux peut-être pas me battre à tes côtés, mais peut-être puis-je être utile d'une autre manière ? En sachant ce qui t'attend, c'est déjà un début.

- Je ne sais pas quoi dire, soupira Link en appuyant ses coudes sur le comptoir.

Il réfléchit quelques instants, pesant le pour ou le contre quant à révéler le peu qu'il connaissait à sa famille. Jamais il n'avait eu à taire quoique ce soit ce qui l'aida à prendre une décision.

- La seule information que j'ai, dit-il tout bas, c'est que la Calamité va revenir pendant l'automne. Quel automne exactement, je n'ai pas idée. Selon la princesse Zelda, dans la vision de la reine, nous étions sensiblement du même âge.

- Tu nous avais dit que la reine pouvait voir l'avenir n'est-ce pas ? demanda Uli songeuse.

- Oui, répondit le jeune homme.

- Et ses prédictions semblent correctes ? continua la matriarche.

- Ce que je sais n'est que ce que la princesse veut bien me dire, dit Link en haussant les épaules. Mais si le roi a enclenché le processus de construction de ces gigantesques robots, il doit avoir une grande confiance envers les capacités de la reine.

- Tu n'as aucune information concernant ces robots ? demanda Arielle avec curiosité.

- J'ai vu les maquettes, expliqua Link en direction de sa petite soeur. Pour les zoras ce sera une créature en forme d'éléphant. Les gorons ce sera un lézard. Pour ce qui est des piafs, c'est un oiseau. C'est selon moi le plus impressionnant, car il est supposé voler. Et un chameau pour les gérudos.

Arielle se tourna vers la matriarche un sourire aux lèvres.

- Je suis incapable d'imaginer cela, dit Uli. Et c'est censé t'aider à vaincre la Calamité ?

Link hocha positivement la tête et dit :

- Ces robots seront équipés d'une sorte d'arme que les sheikahs appellent un laser. Cela va permettre d'envoyer un rayon d'énergie très puissant de très loin. C'est dur à expliquer, mais ce genre de rayon, surtout à une telle puissance, pourrait trouer une montagne. Si la Calamité est frappée par cette arme, il est probable qu'elle ne s'en sorte pas indemne.

- C'est encore plus fou, dit Uli incrédule.

- Je veux voir ça ! répliqua Arielle excitée.

La cloche du magasin sonna pendant qu'un client entrait par la porte qu'il venait d'ouvrir. La propriétaire se dirigea vers le nouveau venu, lui proposant son aide.

- Tu es chanceux dans ta malchance, dit la cadette tout bas. Ta vie semble si palpitante depuis un an !

Link tourna son visage vers Arielle et les sourcils relevés, il répliqua :

- Cela te paraît peut-être passionnant, mais laisse-moi te dire qu'environ un pour cent de cette dernière année a été palpitante. J'enchaîne les entraînements et le reste du temps, mon travail consiste à suivre la princesse en tant que gardien.

Après y avoir réfléchi quelques secondes, il ajouta :

- J'admets que si j'additionne tous les bons repas auxquels j'ai eu droit, on peut dire deux pour cent.

- Ça se plaint le ventre plein, soupira Arielle. Maintenant, tu te tais que je puisse enfin compter ces napperons.

- Tu es celle qui me pose des questions ! s'insurgea Link.

Link fit la moue en voyant Arielle se remettre à son ouvrage tout en l'ignorant. Distraitement, il regarda Uli servir le client en lui proposant une étoffe. Sa mère travaillait dans le commerce au détail depuis si longtemps, que peu importe ce qu'elle avait à vendre, elle arriverait à s'en sortir haut la main. Si au village d'Elimith, elle possédait le magasin général, dans la citadelle d'Hyrule, elle avait trouvé une boutique de tissus et avait simplement pris la relève d'un vieux couple qui était rendu à leur retraite. Jusqu'à maintenant, avec l'aide d'Arielle, tout semblait bien aller. Il souhaitait sincèrement que sa famille se fasse à cette nouvelle vie et l'apprécie. Étant donné que leur présence dans la principale ville d'Hyrule était en grande majorité de sa faute.

OoOoO

Link était revenu au château en fin de journée, après avoir passé quelques heures dans la nouvelle boutique de sa mère. Dû à une matinée d'entraînement, il avait faim et l'attente tout l'après-midi n'avait pas arrangé les choses. Il entra dans la salle à manger avec les pensées remplies d'aliments à dévorer et salua les deux gardes de chaque côté de la porte sans s'arrêter. Cependant, en franchissant le cadre de l'ouverture il se stoppa. À deux jours de l'anniversaire de la princesse, la citadelle était pleine à craquer d'invité. Des heures de repas avaient été fixées et une grande pièce sélectionnée pour nourrir tous ces gens avant le début des festivités. C'était si différent du calme habituel du château. Plusieurs longues tables avaient été placées et déjà la plupart étaient occupés. Link reconnut dans un groupe de piafs le chef Scaff et la guerrière Médolie qui dégustaient un plateau de nourriture tout en discutant avec entrain. Plus loin, un couple de zoras avec leurs enfants - Link en compta sept dans la mêlée - étaient entourés par deux imposants gorons drapés chacun d'une toge d'un rouge ardent. Signe de leur haut statut sans aucun doute. Les deux gorons semblaient prendre plaisir à jouer avec les petits zoras qui s'agrippaient à leurs bras énormes pendant que les créatures de pierres s'amusaient à les soulever dans les airs sans effort. Tout près, des hyliens de rang élevé qu'il n'avait jamais rencontrés le dévisagèrent avec curiosité. Il s'empressa de se diriger vers le buffet à gauche de la pièce et remplit une assiette de victuailles. Il se tourna vers la foule hétérogène et chercha du regard la princesse sans succès. Il se plaça à une table vide juste à côté et se concentra sur sa nourriture, profitant de ce privilège d'un accès presque illimité. Le jour où le royaume ne sera plus menacé par la Calamité, il se promettait d'apprendre à concocter des repas tout aussi délectables que ceux préparer au château par les cuisiniers et cuisinières.

- Farore ! Attends-nous !

Link leva la tête pour découvrir une brunette tenant un bambin dans ses bras, qui s'arrêta à l'entrée de la pièce. Une moue sur le visage, elle se tourna vers le couloir au même moment où une fille rousse qui sortait à peine de l'adolescence la rattrapait. La plus âgée donna l'enfant à la plus jeune et se dirigea rapidement vers le buffet. Link retourna à son assiette sans plus attendre. Il entendit d'une oreille distraite plusieurs groupes faire leur entrée dans la salle.

- Bonjour Link.

Le chevalier se redressa surpris et se leva d'un bond en se prosternant légèrement :

- Princesse, dit-il simplement.

Celle-ci, avec un sourire aux lèvres, déposa son repas à la place libre en face de lui et pointa la brune à ses côtés, celle qui était arrivée avec le bambin un peu plus tôt. L'enfant était de retour dans ses bras.

- Sir Link, je voudrais vous présenter ma cousine Farore.

- Ravie de faire votre connaissance Sir Link, répondit la femme avec calme. Voici Shad.

Tout en caressant la tête du petit garçon, elle s'installa sur la chaise à côté de l'endroit qu'avait choisi Zelda et poursuivit :

- Si ça ne vous gêne pas, je vais nourrir ce monstre avant qu'il ne décide de se servir de ses cordes vocales.

- Il n'est pas si horrible, dit la rousse qui était arrivée juste à côté du chevalier sans qu'il s'en rende compte.

Elle posa deux assiettes sur la table et poussa l'une d'entre elles en direction de Farore. L'autre resta à côté de Link montrant ainsi l'intention de la nouvelle venue à se placer près du jeune homme. Zelda reprit :

- Voici Din, une des soeurs de Farore. Et il y a Nayru qui est...

- Encore en train d'hésiter entre le veau ou le poulet, déclara la rousse en s'assoyant sur sa chaise.

- Oh, dit la princesse pensive. N'attendons pas, cela peut être long.

Alors que Din hochait la tête pour confirmer ces dires Zelda s'installa à son tour. Link prit cela comme signal pour reprendre place et continuer son repas. Il observa discrètement Farore tout en avalant une bouchée. C'était une jeune femme, un peu plus grande que la future souveraine, mais dont la ressemblance était frappante. Les mêmes cheveux châtains et la même forme de visage. Elle était peut-être légèrement plus ronde que Zelda, mais il fallait dire que la princesse était plutôt maigre. Din, l'adolescente assise à côté de lui était particulière. Si sa taille laissait présager qu'elle ne dépasserait pas sa soeur aînée en hauteur, le reste serait différent. À commencer par sa chevelure rousse qui n'avait rien à envier aux couleurs flamboyantes de celles des gérudos. Son visage, légèrement carré, était constellé de taches de rousseur tout comme ses mains visibles. Ses yeux noisette se levèrent lorsqu'une nouvelle personne se joignit à eux.

- Comment fais-tu Zelda pour garder une si petite taille ? J'ai compté au moins dix repas différents ! Excluant la nourriture des gorons !

La nouvelle venue se plaça à côté de la princesse qui sembla ne pas être outrée de l'absence de protocole. Plus grande et plus ronde que les autres femmes présentes, l'inconnue avait comme trait caractéristique des cheveux longs - tout comme ses soeurs - d'un blond très clair. Le soleil bas dans le ciel, qui entrait par les hautes fenêtres de la salle, faisait apparaître des reflets presque blancs dans ceux-ci.

- Voici Nayru, dit Zelda en direction de Link. Nayru, je te présente Sir Link.

- Enchantée ! dit-elle avec enthousiasme en plantant ses yeux gris dans ceux du jeune homme.

- Il n'a pas posé la question, dit soudainement Din à côté.

- Il est poli, dit Nayru.

- Timide, dit Farore même si son attention était tournée vers l'enfant qui gazouillait en mangeant la nourriture qu'elle lui donnait.

- Quelle question ? demanda Link.

- Elles font référence à leurs noms, dit Zelda.

- Et tu sais à quoi nos noms font référence ? s'insurgea Din à ses côtés.

Link s'empressa de répondre :

- Les trois déesses.

- Ne les laisse pas t'impressionner, chuchota la princesse en se penchant dans sa direction. Elles n'ont des déesses que leurs noms.

- Et ça, dit Din en claquant ses doigts.

Link sursauta lorsqu'une petite flamme apparut dans le creux de la main de l'adolescente.

- Din, maugréa Farore en fronçant ses sourcils.

- Personne n'a vu, répliqua la rousse en soufflant sur le minuscule feu.

Et en se tournant de nouveau vers Link, elle ajouta un sourire aux lèvres :

- Es-tu impressionnée ?

- Un peu ? dit-il hésitant.

Nom d'un goron, pensa Link silencieux devant les quatre femmes discutant joyeusement autour de lui. Zelda ne lui avait jamais parlé des autres membres de sa famille. Est-ce que tous ceux de sang royal possédaient des pouvoirs ? Il avait depuis longtemps constaté l'existence de la magie dans le royaume. Que ce soit dans la nature où les minuscules fées se cachaient et pouvaient apporter leurs aides aux personnes blessées ou malades les découvrant. Ou encore dans les potions des gérudos ou des sheikahs, efficaces pour tant de raisons, que ce soit les problèmes physiques ou les problèmes de l'âme. Et aussi dans les vieux temples, là où le chant des anciens pouvait parfois se faire entendre par les oreilles des Hyliens pieux. Il écouta la conversation d'une oreille attentive, voulant en apprendre un peu plus sur cette famille. Les quatre jeunes femmes discutaient de chansons et il comprit qu'elles se disputaient sans méchanceté pour décider laquelle serait interprétée à l'anniversaire de la princesse. Du coin de l'oeil, il vit Sir Hergo entrer dans la salle, s'arrêter pour chercher quelqu'un ou quelque chose du regard et finalement le poser sur sa personne. Il se dirigea sans hésitation vers sa table et Link l'observa sur le qui-vive. Sa taille imposante fit rapidement de l'ombre sur les jeunes femmes lorsque celui-ci arriva à leurs hauteurs. Ayant l'attention du petit groupe, il se prosterna avec une certaine raideur et il dit d'une voix contrite :

- Votre Altesse, mesdemoiselles...

- C'est madame pour elle, se moqua Din en pointant Farore qui la fusilla du regard.

Link eut envie de rire lorsqu'il vit la panique dans les yeux d'Hergo.

- Ne l'écoutez pas, dit la princesse dans la direction du nouveau venu. Ma cousine aime beaucoup trop les taquineries. Quelle est la raison de votre présence ?

Le grand roux sembla reprendre courage et dit d'une voix ferme :

- Sir Link est demandé aux quartiers généraux, Votre Altesse.

Link s'était déjà levé et après une légère courbette vers les femmes qui le saluèrent, il ramassa son assiette et contourna la table pour la déposer sur un charriot dans un coin de la pièce. Cela fait, il se dirigea vers la sortie où Sir Hergo l'attendait. Une fois côte à côte dans le couloir le géant s'énerva en essayant de contenir sa voix :

- J'y crois pas ! Tu prends tes repas avec la princesse ? Pas juste elle, non ! Ses cousines aussi !

Hergo passa une main dans ses cheveux roux, détruisant un peu la coiffure impeccable qu'il portait la majorité du temps. Tout en continuant de marcher d'un bon pas, il se tourna soudainement vers Link, le dévisageant avec un air surpris :

- Tu ne manges pratiquement jamais avec les soldats. Par Hylia, je sais que tu es logé dans les appartements royaux, mais je ne pensais pas que tu étais si proche de la princesse. Il y a quelque chose entre vous ?

- Je suis son gardien, dit Link d'une voix neutre en regardant toujours devant lui.

- Je n'en reviens pas de la chance que tu as...

- Redis-moi ça lorsque je devrai combattre la Calamité, ne pût s'empêcher de répliquer Link.

Hergo renifla en le dévisageant de haut sans commenter. Ils se retrouvèrent à l'extérieur et se dirigèrent vers la première bâtisse où était localisé le premier régiment ainsi que les quartiers militaires. Hergo se pencha tout d'un coup à son oreille et chuchota :

- Est-ce que ce serait possible de me présenter à la blonde ? J'ai toujours eu un faible pour les blondes.

- Non, coupa Link d'une voix sèche en accélérant son pas.

- Bien ! cracha Hergo. Tu peux le garder ton harem !

Link se retint de rouler ses yeux et ils franchirent le portail du bâtiment. Sir Talon l'attendait et après un hochement de tête, fit signe aux deux jeunes hommes de le suivre.

- Je sais que je t'avais donné le reste de la journée de congé, mais cette réunion n'était pas prévue, expliqua l'entraîneur de Link. Quelques changements ont eu lieu à l'horaire des festivités. Les derniers invités arriveront demain ce qui risque d'accaparer tous les soldats disponibles.

Ils entrèrent dans une salle et découvrirent tous les commandants des régiments, ainsi que leurs seconds, assis ou debout autour d'une grande table. Link retourna la salutation silencieuse de son père du regard, celui-ci étant à côté du commandant du quatrième régiment. Si le héros avait croisé la plupart des soldats présents à cette réunion, il devait avouer qu'il ne les connaissait pas tant. Après un hiver passé en dehors du château, il avait commencé à oublier le statut de certains. Link se tourna vers le commandant en chef de toute la garnison, Sir Lafrel. C'était plutôt un vieil homme, le crâne légèrement dégarni et les cheveux restants d'un gris terne. Son teint était basané et son visage figé dans une moue perpétuelle. Sa carrure évidente montrait une force certaine et ses yeux vifs une grande intelligence. Il leva le bras et le silence se fit immédiatement dans la salle.

- Avec les circonstances actuelles, dit-il d'une voix puissante, j'ai jugé nécessaire de faire cette réunion. Étant donné la présence croissante de monstres sur les terres d'Hyrule et la construction des quatre robots, cette année pour l'anniversaire de la princesse nous devrons nous passer de la moitié de nos effectifs, ceux-ci se trouvant en mission à l'extérieur.

Link se renfrogna. Depuis son retour à la ville d'Hyrule, il avait été mis au fait de la multiplication des bokoblins. Et pas que. Il y avait les lézalfos, créatures ayant l'apparence générale de lézards et presque aussi grandes qu'un homme, capable de se déplacer sur ses deux pattes arrière et très rapide dans l'eau. Des moblins, possédant un physique un peu semblable aux bokoblins, mais étant pratiquement des géants - rivalisant avec la taille des gorons. Ils étaient peut-être moins vifs que les petits bokoblins, mais beaucoup plus forts. Sans oublier les centaléos. Ces monstres avaient le corps d'un cheval, un torse et des bras puissants de forme humanoïde et une tête faisant penser à celle d'un lion. Ils étaient à éviter et la consigne à suivre si l'on en rencontrait un, c'était de fuir ou se cacher.

- Première chose, continua Sir Lafrel.

Il se tourna vers le héros qui se redressa inconsciemment.

- Sir Link, vous allez être le soldat le plus près de la famille royale tout au long de cette fête. Vous ne laissez pas la princesse s'éloigner de plus de trois mètres de vous. Au moindre signe suspect, je veux que vous soyez apte à réagir instantanément. Vous avez bien appris les consignes pour chaque situation ?

- Oui commandant, dit Link sans hésitation.

- Bien, répliqua le chevalier satisfait.

Il se tourna ensuite vers le responsable du premier régiment et donna ses explications, faisant un résumé de toutes les tâches à venir. Chaque soldat présent reçut les instructions et devrait transmettre ses informations à leur garnison. Link n'aurait jamais deviné la gestion que cela nécessitait s'il n'avait pas participé aux préparatifs depuis les derniers jours. Chaque invité devait passer sous l'inspection de la garde, et cela, en respectant le statut de chacun. Ce qui n'était pas toujours facile.

- Avant de terminer, dit Sir Lafrel au bout de presque une heure d'explication, le roi m'a demandé de porter une attention particulière aux gérudos.

- Leur groupe n'a pas été aperçu, dit un chevalier en s'avançant. J'ai un garde posté toutes les heures de la journée dans la tour à l'Est pour surveiller leur arrivée dans la plaine. À moins qu'elles aient fait le détour par le nord, j'ai l'impression qu'elles ne viendront pas.

Sir Lafrel resta silencieux quelques secondes sans laisser transparaître ses émotions.

- Tenez-moi personnellement informer de l'avancement de cette situation, dit-il enfin au chevalier. Sir Talon, pouvez-vous libérer un groupe de votre troupe ?

- Le tiers de mes hommes assurent la surveillance de la construction du robot destiné aux gérudos. Et si ça n'était que de moi, j'enverrais le régiment au complet. Ces femmes n'ont pas bougé le petit doigt depuis le début des travaux et mes soldats peinent à garantir leur propre protection contre les bokoblins de la région. Ajouter à cela tous les ouvriers. Par contre, si je permets à d'autres membres de ma garnison d'aller là-bas, j'affaiblis la défense au château.

Les lèvres de Sir Lafrel se pincèrent que pour ne former qu'une mince ligne.

- Nous devons connaître l'intention de ces guerrières, dit le commandant du premier régiment. Le roi ne doit pas sous-estimer leurs forces. Il ne doit surtout pas leur donner l'accès à une technologie qui pourrait se retourner contre nous.

- Fais attention avec ses propos, dit un chevalier dans la pièce.

- Il a raison, dit un autre homme. Pourquoi permettre à toutes les espèces de posséder de telles machines de guerre, mais pas nous ? Si la Calamité frappe, nous serons tout autant touchés !

Il y eut des murmures dans la petite salle et Link fronça les sourcils en voyant la tournure que prenaient les évènements. Si les Hyliens commençaient à jalouser les biens des autres habitants, cela n'augurait rien de bon.

- Silence, ordonna Sir Lafrel. Ceci est de la politique. Nous ne sommes pas concernés dans ces décisions. Vous devrez vous adresser au chancelier et aux conseillers du roi si certains des décrets vous déplaisent. Pour le moment, nous devons nous assurer de la sécurité de chacun des invités pour l'anniversaire de la princesse, y compris les gérudos. Sir Hergo.

À côté de Link, le géant remua sur place et fixa silencieusement le commandant en chef.

- Choississez quatre soldats et dirigez-vous vers la ville des gérudos. Essayez d'en apprendre le plus sur leur retard ou leur absence.

- Je dois prendre Ashei avec moi, dit Hergo. C'est la seule qui puisse entrer dans la ville advenant cette nécessité.

- Les soldates se font rares, répliqua Lafrel avec une moue. J'ai besoin d'elle ici si jamais les représentantes gérudos venaient à arriver. Vous avez de la famille là-bas, non ?

Link cacha sa surprise et se força à rester immobile pour ne pas se retourner vers le chevalier qu'il reconnaissait comme son plus féroce rival. Celui-ci répondit :

- Je suis un homme. Je ne peux pas entrer dans la ville. Je n'ai jamais pu sauf lorsque j'étais dans le ventre de ma mère.

- Ce qui est déjà plus que tous ceux réunis ici, déclara le commandant. Je ne peux toutefois pas accéder à cette requête. Si jamais ces femmes n'ont pas prévu de se rendre à la fête de la princesse, atteindre cette destination vous prendra plusieurs jours. Le chantier du robot sera sur votre route. Vous vérifierez si eux n'auraient pas de plus amples informations.

- Bien mon commandant, dit Hergo.

- Cela clôt cette rencontre, termina Sir Lafrel. Il n'y en aura pas d'autres dans les prochains jours. Vous êtes libérés.

Le commandant en chef quitta prestement les lieux. Certains des soldats l'imitèrent tandis que d'autres se retrouvèrent en petit groupe pour discuter entre eux. Link fut rejoint par son père.

- Ta mère m'a dit que tu es allé la voir cet après-midi ? dit-il en souriant.

- Oui, répliqua le héros content. Elle semble déjà avoir une bonne clientèle.

- Le chiffre d'affaire des commerces de la ville se fait en grande majorité à cette période-ci de l'année. Colin était déçu de ne pas t'avoir croisé. Il aura terminé l'école dans quelques jours, si tu veux passer une fois cette fête finie, il serait heureux.

- Je vais faire de mon mieux, dit Link mal à l'aise de ne pas avoir pensé à laisser quelque chose pour son benjamin.

Rusl regarda derrière son épaule et Link tourna la tête pour voir ce qui avait attiré son attention. Sir Hergo avait une discussion difficile avec un des chevaliers présents pendant la réunion et semblait sur le point de frapper son interlocuteur.

- Qu'est-ce qui se passe ? demanda Link en observant Hergo quitter la pièce les poings serrés.

Son père expliqua d'une voix neutre :

- Le soldat avec lequel ton ami conversait...

Link s'interrogea à savoir s'il pouvait considérer Hergo comme son ami, mais garda cette réflexion pour lui-même.

- ...il semblerait que le frère de cet homme ait été tué par une gérudo, il y a quelques années. Cette femme se cacherait dans sa ville et la requête du roi pour un jugement équitable aurait été refusée. Depuis ce temps, il a une haine profonde pour les guerrières. Hergo étant le fils d'une d'entre elles...

- Comment as-tu eu toutes ses informations ? demanda Link surpris en se tournant vers le patriarche.

- J'écoute, dit simplement son père avec un sourire.

Le jeune homme remarqua :

- Je croyais que les femmes gérudos n'avaient que des filles.

Rusl haussa les épaules et dit :

- Moi aussi.

Après quelques secondes de silence, Rusl ajouta :

- Je retourne à la maison. Je ne pense pas que l'on se croise dans les jours qui vont suivre. Mon régiment est chargé de la surveillance de la partie ouest.

- À partir de demain, je dois rester avec la princesse en tout temps, précisa Link même s'il savait que son père avait été mis au fait de tout cela.

Avec un hochement de tête Rusl dit :

- Alors d'ici notre prochaine rencontre, que la déesse Hylia soit avec toi fils.

Link répliqua avec un sérieux feint :

- Elle n'aurait pas le choix, je dois escorter sa réincarnation pratiquement jusqu'aux toilettes.

Rusl roula des yeux en retenant un sourire et gronda :

- Tâche de bien te conduire.

- Je sais, dit le jeune homme cette fois-ci raisonnable. Je vais faire de mon mieux.

Rusl lui tapa affectueusement l'épaule et quitta les lieux.

OoOoO

Rien n'aurait pu préparer Link à l'anniversaire de Zelda. Si la veille, un nombre incroyable de visiteurs avaient envahi le peu d'espace vide encore disponible du château, en ce jour de fête, même la ville de l'autre côté des murailles était pleine à craquer de touristes provenant des quatre coins du royaume. La princesse avait passé la majorité de la matinée et de l'après-midi à circuler entre tous les invités autorisés dans la cour royale. Des salutations suivies de présentations et de voeux s'enchaînaient et se mélangeaient dans la tête du héros. Zelda avait toujours été accompagnée de l'un de ses prétendants qui chacun à leur tour, s'accrochaient à elle dès qu'elle réussissait à se débarrasser poliment du précédent. Lui, il restait à quelques pas, accomplissant son rôle avec un masque d'impassibilité et un silence exemplaire. Il en profitait pour observer son environnement, remarquant tous les soldats présents qui, dans leur armure fraîchement polie, étaient immobiles tout en gardant leur poste. Il avait détaillé le seigneur qui aurait pu être le mari de la princesse si celle-ci n'était pas parvenue à retarder l'évènement. Il ne savait pas ce qu'elle avait déclaré au roi et à la reine pour les empêcher de suivre la tradition, mais il se souvenait de son soulagement - qu'elle avait tenté de cacher sans succès - lorsqu'elle lui avait annoncé qu'elle ne se fiancerait pas cette année. Il comprenait les propos choquants qu'Impa avait eus avec la princesse au village de Cocorico, il y avait déjà quelques semaines. Lord Ernest semblait être un homme très bien. Toutefois, il avait l'air aussi vieux que le monarque. Cela avait été étrange de voir la princesse au côté d'un tel homme, même un court moment dans la journée. Songer qu'elle aurait pu être sa femme d'ici moins d'un an l'était bien plus. Mais, au grand jamais, il exposerait ses pensées à quiconque et encore moins à Zelda avec qui il s'entendait si bien maintenant.

Le repas approchait à grands pas. De retour dans les appartements royaux, Link attendait patiemment dans le couloir que Zelda finisse sa préparation dans sa chambre. Presque tous les invités logés dans les quartiers royaux étaient descendus pour le souper, y compris le roi et la reine d'Hyrule. Il sourit en voyant les sept petits zoras qui sortirent d'une des pièces et s'amusèrent dans le corridor un peu plus loin. Leur père, que Link savait maintenant être le roi des zoras, était à l'entrée et leur demanda d'arrêter leurs enfantillages sans succès. C'était un homme-poisson de grande taille possédant une silhouette gracieuse et des épaules larges qui étaient recouvertes d'une toge de soie d'un noir de jais descendant jusqu'à ses genoux. Si les écailles de son torse et de son visage étaient blanches, le reste de son corps était d'un bleu éclatant. Au lieu d'une chevelure au niveau de la tête, celle-ci se terminait en forme d'une queue de poisson, caractéristique commune à tous les membres appartenant à ce peuple. Le roi des zoras croisa les bras sur sa poitrine, laissant voir les branchies ornant les deux côtés de son corps au niveau de ses poumons et dit en direction de Link :

- Je n'ai besoin que d'un regard pour que mes sujets obéissent aux moindres de mes ordres.

Il soupira et pointa vaguement les enfants qui avaient débuté un concours improvisé de pirouette dans le couloir.

- Et je n'ai aucune autorité sur eux.

Link tenta de garder son sérieux même si un sourire apparut sur son visage. Une zora ayant une tête de moins que le roi et possédant des écailles d'un violet tirant sur le cyan sortit de la pièce en contournant l'homme-poisson et tapa dans ses mains. Les jeunes arrêtèrent immédiatement leurs jeux et accoururent joyeusement la rejoindre.

- Vous allez obéir à votre père lors du souper les enfants ? demanda-t-elle.

Ceux-ci rirent en se regardant un air espiègle sur le visage.

- Ou bien vous préférez rester ici faire une sieste avec maman ? continua la femme-poisson pensive. Quel dommage, j'ai entendu dire que le gâteau de ce soir serait énorme...

- On va obéir ! répliquèrent les petits zoras en coeur.

- À qui ?

- À maman ! dirent-ils rapidement.

- Et ?

- Papa aussi, ajoutèrent-ils avec une moue comique.

- C'est une soirée importante qui nous attend, dit le roi en s'avançant vers ses enfants. Vous devez bien vous comporter pour l'honneur de tous les zoras.

Ils approuvèrent solennellement de la tête.

- Bien, dit-il satisfait. Maintenant, allons nous placer pour le souper...

Les enfants ne patientèrent pas pour entendre la suite et s'écrièrent de joie, courant dans le couloir en direction de la salle à manger.

- Bien essayer chéri, dit la zora en les suivant tranquillement.

Marchant devant Link, elle sourit et salua :

- Sir Link.

- Reine Lulu, répondit Link en courbant l'échine.

Elle se tourna vers son époux et dit :

- Tu viens Mikau ?

Le zora passa une main sur son visage et s'avança vers sa femme sans discuter. Link se retrouva rapidement seul dans le couloir et la nervosité qu'il avait ressentie face au souper qui l'attendait revint à la charge. S'il connaissait la place qu'il devait occuper lors de l'évènement, il n'avait jamais été entouré par autant de gens importants. Faite qu'il ne fasse rien de stupide, pensa-t-il inquiet. Après quelques minutes, une autre porte s'ouvrit et cette fois, Din et Nayru sortirent de la pièce, somptueusement habillées et coiffées.

- Oh oh, dit Din en se tournant vers Link. Zelda est encore dans sa chambre.

- J'étais sûre que nous étions les dernières ici, enchaîna Nayru en s'approchant du chevalier.

Une fois arrivée à l'entrée, elle toqua et dit :

- Zelda, tu es prête ?

Link était étonné lorsqu'il entendait les cousines parler entre elles. Cette familiarité qu'elles avaient avec les trois femmes semblait inexistante avec la majorité des personnes. La princesse avait toujours vouvoyé quiconque lui adressait la parole, y compris ses propres parents. Si Link et Zelda laissaient tomber cette formalité la plupart du temps, c'était la première fois, mise à part avec Impa, qu'il la voyait faire de même avec d'autres.

- Encore quelques minutes, dit la princesse d'une voix rauque de l'autre côté de la porte.

Link se tourna surpris vers Nayru. Quelque chose ne tournait pas rond avec la voix de la future souveraine. Ce qui n'était pas bon, car elle et ses trois cousines allaient chanter pour tous les invités avant le début du repas.

- Elle est malade, dit Din en croisant les bras sur sa poitrine. Encore.

- Je vais entrer, annonça Nayru en tournant la poignée pour pousser la porte.

Link regarda dans la pièce pour voir la princesse face à la fenêtre, les mains appuyées sur le cadre de celle-ci, le dos vouté et les épaules suivant sa respiration profonde. Nayru l'avait rejointe et lui caressa les omoplates doucement.

- Combien de fois ?

- Juste une, répondit Zelda.

Link se tourna avec un visage interrogateur pour faire face à Din, qui s'était avancée à sa hauteur. Celle-ci mima quelqu'un qui vomissait silencieusement en réponse à sa question muette. Il fit la grimace et souhaita pouvoir faire quelque chose pour Zelda. Il était bien placé pour savoir ce que la nervosité pouvait provoquer comme réaction physique. Même si cela ne lui était pas arrivé depuis longtemps.

- C'est la même histoire chaque année, murmura la rousse. Malgré cela, elle réussit à chanter mieux que moi et mes soeurs réunies.

Chaque année ? pensa le jeune héros en fronçant ses sourcils. Pourtant la princesse ne lui avait pas semblé éprouver une quelconque gêne. Ou peut-être le cachait-elle très bien ? Il est vrai que cette fois-ci, elle allait devoir se donner en spectacle devant les hauts dignitaires de tout le royaume. Lui n'avait qu'à faire le piquet à ses côtés et il sentait poindre la panique en songeant à ce qu'il arriverait s'il faisait un faux pas. Avec Din tout près, il attendit patiemment les deux femmes qui après quelques minutes, les rejoignirent dans le couloir. Si Zelda avait un visage un peu plus pâle que d'habitude, elle lui sourit, faisant ainsi taire son inquiétude. Din sortit un petit sac d'un pli de sa robe et dénoua la lanière qui le retenait fermé. Ensuite, elle tendit à la princesse.

- Oh par les déesses, j'en ai de besoin, affirma celle-ci en prenant un des bonbons.

Link put sentir l'odeur de menthe quand Din lui proposa une friandise. Avec hésitation, il se servit à son tour et remercia la jeune femme en déposant la gâterie sur sa langue. Le goût, sucré et mentholé, envahit son palais. Il avait déjà hâte de dire à Arielle qu'il avait eu droit à ses petits bonbons si rares.

- Et moi ? dit Nayru en regardant sa soeur ranger les sucreries.

- Tu en as mangé cinq ! répliqua Din.

- Petite ingrate, maugréa la blonde.

- Allons-y, dit la princesse en replaçant ses lunettes nerveusement. Nous devons être installées avant le discours du roi.

Nayru et Din prirent les devants en se querellant tout bas. Avant de suivre le duo, Zelda lui fit face.

- J'aimerais que tu ne parles pas de cet incident, murmura-t-elle.

- Pas besoin de demander, dit Link doucement.

Et avec plus d'entrain, il raconta en se tenant aux côtés de la jeune femme qui se dirigeait vers ses cousines :

- À la fête de mon village natal, je devais toujours jouer quelques chansons à la flute.

- Tu joues de la flute ? dit la princesse en tournant son visage surpris vers le héros.

- Oui, ma grand-mère maternelle me l'a enseignée à moi et les percussions à Arielle.

- Je ne savais pas, murmura-t-elle. Je sais peu de choses sur toi et ta famille.

Elle fit la moue et pour l'égayer Link balaya l'air de sa main en disant :

- Il n'y a pas grand-chose à savoir. Je pourrais résumer ça avant que nous arrivions à la salle de réception.

- Je me réserve le droit d'entendre ce résumé, sourit la princesse. Mais avant, ton histoire ?

- Oui...bref, continua Link. L'année de mes douze ans, je ne me souviens plus de la raison, mais c'était une fête un peu plus spéciale au village. Il y avait vraiment beaucoup de monde. Je me rappelle m'être demandé si tout le royaume n'était pas débarqué à Elimith. Pendant que j'attendais mon tour avec Arielle derrière l'estrade, et que nous nous effrayions mutuellement en discutant des pires scénarios qui pourraient nous arriver pendant notre prestation...

- Oh non, ria Zelda. Très mauvaise idée.

- Je sais, dit Link. Et bref, à angoisser ainsi, j'ai été malade juste avant mon tour. Et pas avec grâce, non. J'avais sali ma veste neuve au complet. J'ai dû mettre celle d'Arielle qui heureusement portait une robe en dessous. Lorsque j'ai commencé à jouer, j'avais tellement la bouche pâteuse que j'ai manqué ma première suite de notes. Arielle était derrière moi à improviser un solo de percussion pour que cela ne s'entende pas...

Link eut un petit rire à ce souvenir.

- Tout ça pour dire que tu n'es pas la seule, termina le héros.

Zelda tripotait la monture de ses lunettes, signe de sa nervosité, en surveillant de loin Din et Nayru. Elle déclara plus bas, alors qu'ils approchaient de l'entrée de la salle :

- J'avais espéré que cette...faiblesse disparaisse avec le temps.

- Ma grand-mère, chuchota Link, me disait toujours de jouer pour une personne seulement. De choisir quelqu'un qui t'apprécie toi et ce que tu fais sans jugement. Et juste penser à bien jouer pour cet individu.

Zelda s'arrêta dans le couloir, laissa retomber son bras, et fit face à Link qui était légèrement en retrait derrière elle.

- Alors Sir Link, dit-elle à voix basse. Je vais chanter pour vous. Car je sais que vous ne fuiriez pas vos responsabilités même s'il advenait que je chante avec autant d'élégance que le corbeau qui a élu domicile juste sous ma fenêtre.

- Et je serai le premier à applaudir votre performance Votre Altesse, répliqua-t-il en gardant son sérieux.

Zelda sourit, dévoilant ses dents, et Link sentit une chaleur se former dans son ventre. Il répondit à sa bonne humeur et reprit sa marche lorsque d'un pas assuré, elle se dirigea vers la salle. Elle passa l'entrée où son nom fut annoncé par un serviteur à la ronde, suivie du sien. Link avait retrouvé son masque sérieux et restait légèrement en retrait de la princesse. Elle s'arrêtait à pratiquement chaque groupe pour recevoir de nouveau les voeux pour son anniversaire de toute la haute société. La salle était très grande, somptueusement décorée. D'un côté se trouvait une estrade où les musiciens jouaient une douce mélodie tandis que de l'autre, de longues tables avaient été installées et sur elles, de la vaisselle étincelante de propreté avait été posée en préparation au souper. Tout s'enchaîna rapidement et avec l'impression que quelques minutes seulement s'étaient écoulées depuis leurs arrivés, la princesse et ses trois cousines étaient déjà sur l'estrade. Link s'était placé tout près à l'avant-scène pour être prompt à réagir en cas d'incident et écoutait d'une oreille distraite le discours du roi. Farore s'installa sur un tabouret derrière une harpe tandis que Zelda était à la droite de Din et Nayru qui étaient un peu plus avancées. La harpiste tapait silencieusement le tempo sur le bois de son instrument et les trois jeunes femmes attendaient posément leur tour. Les sept petits zoras s'étaient approchés eux aussi et sautillaient sur place sous la surveillance étroite de leurs parents. Si le pourcentage d'hyliens dans la salle était plus élevé que les autres races réunis, Link pouvait noter la présence d'au moins une dizaine de zoras excluant la famille royale, tout autant de piafs et cinq gorons. Aucune gérudo ne s'était présentée cette année et si personne ne faisait allusion à cela pour le moment, même Link savait que ce manquement ne serait pas sans conséquence. Il pensa à son père qui passerait la soirée à faire des rondes de surveillance. Il songea à sa mère, Arielle et Colin qui devait être en train de profiter de la fête dehors dans la ville, où des spectacles en tout genre ainsi que des stands avaient envahi les rues.

- Et pour entamer cette belle soirée, voici les voix de la princesse et les comtesses du lac Hylia, termina le roi puissamment.

Le silence se fit et même les petits zoras s'étaient immobilisés complètement. Farore fit délicatement glisser ses doigts sur les cordes de la harpe, faisant résonner un accord précis. Elle laissa mourir les notes et soudainement la voix de Zelda s'éleva seule dans la salle. Link sentit un frisson lui traverser l'échine en l'écoutant. Cette voix lui rappelait le pouvoir que sa propriétaire possédait. Elle était lumineuse tout en étant chaleureuse, le tout soutenu avec une puissance malgré la douceur de la mélodie. La harpe se fit entendre et Din rejoignit Zelda, mais une quinte plus basse. Son chant était interprété avec autant de chaleur que celui de la princesse, mais avec un peu moins de volume. Ce fut lorsque Nayru mélangea sa voix aux deux autres, celle-ci étant plus cristalline, que Link ne put s'empêcher d'ouvrir la bouche de stupeur. Il regretta de ne pas comprendre les paroles chantées en vieux hyliens. Il y avait tant d'émotion. Si au début, il y avait de la tristesse dans les paroles, l'espoir se glissa lentement dans les notes jusqu'à ce que le tout prenne une allure presque joyeuse. À ce moment précis, il croisa le regard de la princesse et devina le sourire sur ses lèvres. Il s'empressa de refermer sa bouche et se redressa en retrouvant son visage impassible. La chanson se termina dans un crescendo de voix et il fut un des premiers à applaudir. Il rit légèrement en entendant les cris de joie des petits zoras qui sautillaient sur place. Il rejoignit la princesse lorsqu'elle s'apprêtait à descendre les trois marches de l'estrade et il tendit son bras qu'elle prit avec un sourire poli. Mais il pouvait voir ses yeux brillants et il s'efforça de garder un masque sérieux malgré l'envie de la féliciter pour une telle performance. Les petits zoras encerclèrent la jeune femme d'un seul mouvement et débitèrent leurs appréciations de manière désordonnée.

- Votre Altesse, dit le roi Mikau en s'approchant pour arrêter l'assaut de ses enfants. Votre voix ainsi que celles des comtesses sont un vrai cadeau des déesses.

Link ne put qu'approuver intérieurement.

- Merci, répondit Zelda avec un sourire. Venant d'un musicien tel que vous, ce compliment a beaucoup de valeur.

La princesse fit face à la reine des zoras, qui avait suivi son mari.

- Je crois bien que vous avez surpassé tous mes enseignements, dit la femme-zora avec fierté.

- Je ne sais pas, répliqua Zelda perplexe.

- Vous voulez entendre les gammes que je pratique maintenant ? continua Lulu en haussant un sourcil.

Elle pointa l'un de ses enfants et dit :

- Sidon ! Arrête d'énerver Ladomi ! Dorefah ! Replace ton châle ! Mipha ! Si tu dois aller aux petit coin, demande-le !

- Je dois aller au petit coin, dit tout bas la menue zora rouge sous le rire des adultes.

- Bref, déclara Lulu avec un clin d'oeil. Sans conteste, vous avez dépassé le maître. Peut-être un de ces enfants pourra vous faire compétition un jour. En attendant...

Elle se pencha pour attraper Mipha dans ses bras et s'écria :

- Mes poissons, allons tous faire un tour avant le souper !

Les autres petits zoras se précipitèrent dans le couloir précédant leur mère. Link observa le regard attendri de la princesse en direction de la famille. Celle-ci fit de nouveau face au roi avant de prendre la parole :

- J'ai entendu dire que vous aviez déjà trouvé un pilote au robot ?

- Votre Altesse, dit-il avec un sourire en coin dévoilant ses crocs. Ce choix a été fait le jour où j'ai vu la maquette. Je vais être le pilote et je me battrai à vos côtés contre le Fléau.

Link remarqua la surprise de Zelda qui tenta de la cacher.

- Je...hésita-t-elle. Je suis honorée.

En souriant davantage, le roi se pencha vers la jeune femme et ajouta plus bas :

- Nous avons entendu certaines rumeurs concernant les pouvoirs de la princesse d'Hyrule.

Son regard glissa vers Link un court instant et il continua :

- Nous sommes un peuple très spirituel et nous souhaiterions la bénédiction de la princesse, bénédiction que l'on dit venant tout droit de la déesse Hylia. Avec ce qui prend forme dans le royaume, une sécurité de plus, pour notre paix d'esprit, ne fera pas de mal. J'en ai déjà fait la demande à votre père et si cela est possible, j'espèrerais recevoir votre visite bientôt.

Link remarqua les joues rouges de Zelda et celle-ci chercha ses mots avant de finalement prendre la parole :

- Je ne sais pas quoi dire. Encore une fois, je serais honorée de faire cela pour vous et votre peuple.

Le roi Mikau se redressa et hocha la tête avec satisfaction alors que la reine Delia approchait de sa fille.

- D'ici là, dit-il, je vous souhaite encore un bon anniversaire.

Le zora se prosterna légèrement lorsque la souveraine arriva à leur hauteur et partit rejoindre un autre groupe.

- C'était une prestation parfaite, dit Delia en prenant les mains de Zelda.

Link observa attentivement lorsque la reine ferma lentement les yeux. Elle les ouvrit quelques secondes après.

- Ce sera une belle soirée, dit-elle.

- Vous auriez pu me dire cela avant le spectacle, maugréa Zelda.

La reine eut un sourire et agrippa le bras de sa fille en enchaînant :

- Votre père nous attend pour débuter le repas.

Link suivit les deux femmes tout en pensant au propos du roi Mikau. Se demandant si bientôt, il aurait la chance de visiter le fameux domaine des zoras.


Chapitre mis en ligne le 6 février 2019.