Le plan (plutôt brouillon) de cette histoire m'indique que nous sommes arrivés à la moitié, yeah ! Par contre, cette information est bonne jusqu'à ce que j'aie une autre idée...MAIS, ça ne devrait pas être le cas ! Donc, bonne lecture :)
8
Zelda termina la lecture du texte, son front plissé de concentration, et baissa le parchemin sur ses genoux.
- En tant qu'élue de la déesse Hylia et en son nom, énonça-t-elle en fixant la vue extérieure que lui prodiguait la fenêtre juste en face, j'offre ma bénédiction à tous les habitants de ce domaine. Que la paix remplisse ces murs, que sous ce toit rayonne la joie et que cette eau qui coule en vous et autour de vous, vous...euh...
La princesse releva son parchemin et relut rapidement la fin de la phrase.
- Vous apporte richesse et bonheur, compléta-t-elle.
Pour faire bonne mesure, elle répéta plusieurs fois, s'assurant avoir bien appris le paragraphe par coeur et soupira quand elle fut satisfaite. Elle laissa tomber le rouleau sur la table et se leva pour faire quelques pas dans le petit salon. Lorsqu'elle se retourna pour faire face à la porte d'entrée qu'elle avait gardée ouverte, elle découvrit le chancelier qui l'observait. Immédiatement sur la défensive, Zelda s'immobilisa et dévisagea l'homme devant elle.
- Le roi demande à vous voir dans la grande salle, dit-il simplement.
Même si le timbre qu'il avait utilisé était neutre, Zelda ne pouvait s'empêcher d'entendre une note de condescendance. Le chancelier Léonard se déplaça quand elle vint le rejoindre et la regarda de haut alors qu'elle passait à côté de lui pour se rendre dans le couloir. Elle grimaça intérieurement lorsqu'il la suivit.
- Sa jeune majesté a reçu un nombre élevé de louanges sur sa performance lors de son anniversaire, la complimenta-t-il sur un ton de conversation. Vous méritez tous ses éloges.
- C'est gentil à vous, dit-elle avec un sourire forcé.
Elle accéléra légèrement le pas, souhaitant arriver au plus vite à la grande salle.
- Vous n'avez aucune inquiétude à vous faire quant à votre avenir, continua-t-il tout en la suivant de près. Votre voix est et restera votre meilleur atout pour trouver un bon parti.
Zelda serra les dents. Même après tant d'années, il ne cessait de la tourmenter avec ses commentaires désobligeants. Elle haïssait cet homme. Par Hylia, elle le détestait depuis le jour où étant enfant, il avait été nommé son tuteur. Elle se souvenait des nombreuses fois où elle avait pleuré en sa présence, incapable d'apprendre quoi que ce soit. Des tâches aussi simples qu'identifier des formes s'apparentaient à une montagne insurmontable pour elle. Toute petite, elle l'avait entendu lorsqu'il avait annoncé au roi et à la reine qu'elle était arriérée. Qu'elle ne pourrait jamais diriger le royaume avec si peu d'intelligence. Le pire dans tout ça, c'est qu'elle l'avait cru. Et qu'encore aujourd'hui, il lui arrivait d'y croire à nouveau dans les moments de doute. Impa avait raison. Ces mauvais souvenirs qu'elle tentait de garder enfouis tout au fond d'elle, cette douleur qui ne cherchait qu'à remonter à la surface, elle devait trouver un moyen de l'accepter. De la changer en quelque chose de positif. Cependant, la seule chose encourageante qui lui traversa l'esprit fut d'imaginer son poing s'écrasant sur le visage du chancelier. Lorsqu'elle entra dans la grande salle, elle croisa le regard de Link et elle se sentit un peu mieux. Car l'image du héros écrasant son poing sur le visage du chancelier était encore mieux que la précédente.
- Votre Altesse, dit le commandant Lafrel au côté de Link.
Les deux chevaliers se prosternèrent légèrement quand elle se plaça tout près d'eux et elle leur sourit poliment. Son père, installé sur son trône, la regarda alors qu'elle courbait l'échine dans sa direction en signe de déférence.
- Vous n'êtes pas sans savoir, ma fille, que vous avez été invité au domaine des zoras, commença le monarque en soulevant le parchemin sur ses genoux.
- Le roi zora m'a fait part de son souhait de me recevoir pour offrir la bénédiction de la déesse, répondit Zelda d'une voix posée. Rauru a aidé à la conception d'une cérémonie s'il advenait que vous acceptiez sa demande.
- J'ai eu ouï-dire de cela, dit simplement le patriarche.
Il se tourna vers le commandant Lafrel qui prit la relève sous son ordre silencieux.
- Votre Altesse, dit-il en direction de la princesse. Nous avons convenu qu'en ces temps incertains, nous ne pouvions vous escorter aussi loin sans porter atteinte à votre sécurité.
Si Zelda fût déçue par cette annonce, elle s'efforça de garder un visage impassible. Elle ne pouvait décemment pas accaparer les soldats pour son unique protection alors que le royaume était de plus en plus envahi par des monstres. De toute façon, elle ne pouvait pas se plaindre. Elle avait passé les derniers mois hors du château, chose qu'elle n'avait pas pu faire depuis l'année où elle avait réveillé ses pouvoirs.
- Mais, continua le monarque vers la princesse qui suivit la conversation du regard, les zoras sont nos plus précieux alliés et ont ma totale confiance. Il a donc été décidé que vous voyagerez avec la technologie sheikah. Le roi Mikau possède un portail à même sa cité supprimant mes craintes à votre égard.
Zelda n'osait pas y croire.
- Vous resterez au domaine une semaine, ajouta le souverain.
De nouveau, il observa son commandant et celui-ci enchaîna :
- Il n'y aura aucune annonce de votre départ qui a été prévu demain en fin d'après-midi. Comme à son habitude, Sir Link sera votre gardien. Il partira un peu plus tôt pour s'assurer du bon fonctionnement du processus…
La princesse pinça les lèvres devant le doute évident du soldat le plus haut gradé concernant la technologie des sheikahs. Depuis l'incident dans la tour d'Akkala, il y a de cela presque deux ans, le roi avait restreint l'utilisation des portails et Sir Lafrel avait été l'un des premiers à approuver cette décision.
- …et après avoir reçu sa confirmation, vous pourrez partir à votre tour, conclut Sir Lafrel.
Elle pouvait cependant passer outre le dédain du commandant sur la méthode de transport, car elle avait maintenant la certitude de faire un voyage hors des enceintes du château. Reste calme, se concentra la princesse. Pas de trépidation devant le roi qui pourrait prendre cela comme un manque de contrôle de sa personne.
- Princesse Zelda, Sir Link, énuméra le monarque. Vous pouvez disposer et faire vos préparatifs pour ce séjour. Soyez au portail demain à quatorze heures.
La princesse hocha doucement la tête pendant que Link se prosternait. Les deux jeunes gens se détournèrent et Zelda ignora le sourire amical du chancelier lorsqu'elle passa à côté. Une fois dans le couloir, elle ralentit le pas pour que Link se place à ses côtés :
- Prêt pour une autre sortie ? dit-elle tout bas.
Link approuva immédiatement et indiqua en laissant déborder un peu de son enthousiasme :
- J'espère voir la créature divine ! On dit que sa tête fait dix fois la hauteur d'un humain !
- La quoi ? demanda Zelda même si elle se doutait de la réponse.
- Le robot des zoras, expliqua le chevalier. En fait, les quatre robots sont appelés ainsi. Je ne sais pas qui a décidé d'utiliser ce terme, mais en ville, c'est ainsi qu'on les nomme.
- Je ne crois pas que ce soit approprié, énonça Zelda pensive. Ces robots n'ont rien de divin.
- Vous avez participé à leur conception, contredit Link.
- Je ne suis pas…
La princesse se tut et fit la moue devant son regard insistant.
- Te souviens-tu de la légende de la relique de la Triforce ? demanda-t-elle soudain.
- Bien sûr, répondit Link sûr de lui. On raconte que celui qui trouverait la relique sacrée aurait droit à n'importe quel vœu. Mais c'est juste un conte pour…
Zelda haussa un sourcil faisant taire le chevalier.
- On raconte qu'il y a fort longtemps, cette relique était bien réelle et qu'un homme tenta de se l'approprier avec comme souhait de gouverner le monde. La princesse…
Zelda garda le silence un instant lorsqu'un garde croisa leur route et les salua.
- Je connais cette légende, dit Link une fois qu'ils furent de nouveau seuls dans le couloir.
- Tu sais donc que la princesse ainsi que le héros essayèrent de l'arrêter en s'appropriant la relique avant lui, poursuivit l'héritière du trône.
- La légende du héros du temps, approuva le jeune homme. Plusieurs voulant la prendre, la Triforce se divisa en trois, une partie allant à chacun d'eux. Pourquoi me parler de cette histoire ?
- Et bien, le héros de l'époque se retrouva avec la portion représentant le courage, expliqua Zelda un sourire en coin.
Et elle ajouta alors qu'ils arrivaient aux appartements royaux.
- Peut-être même la possède-t-il encore. Devrions-nous l'appeler Link le divin ?
Le concerné s'était arrêté avec la princesse devant la chambre de celle-ci.
- Ce n'est pas la même chose, contredit Link. Ne me compare pas avec tes robots. Le nom « créatures divines » est approprié pour eux.
Et son visage montrant de l'aversion, il ajouta :
- Link le divin…j'ai l'impression d'être une sorte de diseur de bonne aventure.
- Mais tu es beaucoup plus divin que ces robots que j'ai aidés à dessiner.
- Et bien, si je suis Link le divin, comment devrions-nous t'appeler ?
Il réfléchit quelques secondes avant d'enchaîner :
- La divine princesse des déesses, réincarnation d'Hylia, protectrice du royaume d'Hyrule, détentrice du pouvoir de…
- Briller, se moqua Zelda en passant une main sur son visage exaspérée.
- …et de la compréhension de l'algèbre, bien entendu.
- Arrête, le coupa-t-elle avec un sourire aux lèvres. Nous sommes totalement hors propos.
- Je te suggère de t'habituer au nom « créatures divines », répliqua Link. La plupart des gens l'utilisent.
- Bien, dit-elle en se détournant.
Et tout en ouvrant la porte de sa chambre, elle ajouta :
- J'espère que j'aurai l'occasion d'aller voir la « créature divine », comme tu l'appelles, et je veux être prête si j'ai une telle opportunité.
- Bien divine princesse des déesses, se moqua Link, réincarnation d'Hy…
La jeune femme grogna en se retournant :
- Va te préparer Link !
- Je suis toujours prêt, annonça le chevalier d'une voix assurée.
Zelda soupira en regardant vers le plafond et elle ferma la porte sur le visage souriant du jeune homme. Seule dans la pièce, elle accourut vers sa tablette sheikah et l'ouvrit. Elle afficha la carte d'Hyrule et trouva le domaine des zoras facilement. Le portail à cet endroit n'était pas encore activé, mais elle était certaine de perdre plusieurs minutes de son temps demain à espionner l'heure de son ouverture. Ses yeux glissèrent sur le petit robot immobile sur son bureau et l'excitation noua ses entrailles. Elle envoya une pensée à la déesse, souhaitant avoir l'occasion de visiter le chantier de construction du robot des zoras.
OoOoO
Zelda était au domaine des zoras depuis maintenant un jour. Le roi Mikau, son épouse, la reine Lulu, et leurs sept enfants l'avaient chaleureusement accueilli la veille alors qu'elle se rematérialisait sur le portail sheikah situé sous la salle du trône. Link, qui avait dû se téléporter en tout trois fois, avait eu l'air d'en subir les inconforts, mais sans se plaindre. Elle avait été éblouie par l'architecture du domaine. Elle était déjà venue en ces lieux, mais c'était avant qu'on ne découvre le problème de avec ses yeux. De voir que ce qui leur servait de bâtiment était en fait un gigantesque poisson sculpté dans la pierre était impressionnant. Les arches et même le plancher, tout avait été méticuleusement taillé et l'était encore pour l'entretien, ce qui était un travail fastidieux s'étendant sur de nombreuses années. Cependant, ce genre de défi n'effrayait pas les zoras qui étaient les créatures d'Hyrule vivant le plus longtemps, certains atteignant presque quatre cents ans de vie. Le plus merveilleux dans ce travail avait été de constater les jeux de lumière que la pierre, qui était ici de la gemme, provoquait à partir du moment où le soleil se couchait. Elle avait de la difficulté à trouver les mots pour décrire une telle beauté. Link, qui avait assisté à ce phénomène la veille en même temps qu'elle, pour la première fois, avait lui aussi été bouche bée. C'était comme si la ville s'illuminait toute entière alors qu'autour, la nuit prenait sa place.
- Princesse ? dit Link de l'autre côté de la porte.
La jeune femme fit la moue, debout devant le miroir, dans la petite chambre qu'on lui avait généreusement fournie pour son séjour. La cérémonie pour la bénédiction aurait lieu dans quatre jours, lui donnant suffisamment de temps pour se préparer adéquatement. De plus, sa première demande, qui avait été de visiter le chantier de construction de la créature divine, avait été acceptée. Un problème s'était toutefois rapidement présenté. Pour l'atteindre, elle devrait "chevaucher" un zora sur l'eau qui l'y amènerait à la nage. Impossible d'utiliser la voie de terre, s'était-elle fait dire. Si le domaine, bâti sur un lac entouré de montagnes, était sécuritaire, ces mêmes montagnes, qui servaient de barrières naturelles, étaient aussi une opportunité de cachette pour les monstres qui rôdaient à Hyrule. D'où la nécessité de voyager par l'eau, là où les zoras avaient l'avantage, et de loin, sur pratiquement toutes les autres espèces.
- Tu vas devoir sortir un jour, ajouta Link toujours à l'extérieur.
- J'ai besoin d'un peu de temps, répondit-elle.
Le fameux problème dans tout ça était qu'elle ne savait pas nager. Elle avait été gênée de l'admettre au roi lorsque celui-ci lui avait permis de voir la créature divine. C'était infaisable, pour sa sécurité, qu'elle omette de dire ce fait. Il avait donc été décidé - sous l'exclamation de joie des sept enfants royaux - que la princesse devrait avant tout, apprendre à nager. Le deuxième point délicat qui était apparu était son habit. Impossible de se déplacer dans l'eau avec une robe. Zelda s'était sentie perdue en écoutant les propos échangés sur le vêtement le plus approprié pour une telle activité. La réponse des zoras était bien sûr d'y aller carrément nus, car c'était ce qu'il faisait. Elle avait immédiatement contesté cela, les raisons se bousculant dans sa tête jusqu'à ce que son chevalier vienne à son aide. Link avait rapidement expliqué que sa soeur, pour la baignade, portait un maillot de corps attaché à un pantalon court. Souvent, pour éviter la morsure du soleil, elle enfilait une robe pas trop longue par-dessus. Une couturière avait alors été appelée pour prendre ses mensurations et tard le lendemain matin, le fameux habit lui avait été apporté. C'était ce qu'elle avait sur le dos en ce moment. Le premier vêtement, en une pièce, était exactement ce que Link avait décrit, la culotte très courte lui arrivant à peine à la mi-cuisse. De plus, pour faciliter les mouvements dans l'eau, celui-ci était très moulant. Même si le tissu était soyeux sur sa peau, elle était inconfortable dans ce costume qui ne cachait rien de ses formes. La deuxième tenue était une petite robe qu'elle avait mise par-dessus. Elle était faite d'un matériel incroyablement doux et sans l'ombre d'un doute trop mince, ne recouvrant pas vraiment l'habit en dessous. Elle se fixait dans le miroir depuis trop longtemps, portant le vêtement de couleur violet qui était trop indécent, n'arrivant pas à se convaincre de sortir de la pièce malgré Link qui attendait avec de plus en plus d'impatience de l'autre côté. Par Hylia, ce vêtement était tellement court qu'elle pouvait sentir les pointes de ses cheveux libres frôler ses cuisses.
- Est-ce qu'il y a un problème ? demanda le chevalier. Je peux aller chercher la reine ou bien la couturière...
- Non, s'empressa de répondre Zelda. Je...je ne suis pas certaine d'être...suffisamment décente selon le code...
Sa phrase mourut sur ses lèvres. Elle ne savait même pas si de telles lois existaient concernant la tenue vestimentaire. Elle devrait demander cela à sa mère une fois de retour au château. Elle entendit le rire de Link.
- Tu n'as pas à t'en faire avec ça, surtout ici, dit-il.
- Est-ce qu'elle s'en vient ? questionna une voix aigüe que la princesse reconnut comme étant celle du petit Dorefah.
- Elle a peut-être peur ? répliqua une autre.
- Personne n'a peur de l'eau ! pouffa un des enfants.
Zelda arrêta de suivre la conversation et avec une grimace, se détourna du miroir. Elle remonta machinalement ses lunettes sur son nez et vérifia que celles-ci étaient bien attachées à la chaîne qu'elle portait autour du cou. C'était une précaution qu'elle prenait, surtout lors d'activités extérieures. Elle ne se pardonnerait pas de perdre ce qu'elle considérait comme ses yeux au fond de l'eau. En deux pas, elle se retrouva face à la porte qu'elle ouvrit sur Link et les sept enfants royaux. Celui-ci l'accueillit d'un haussement de sourcils surpris pour finalement sourire en commentant :
- C'est très joli cet habit. Parfait pour la baignade.
- Baignade ! répétèrent les petits zoras en coeur.
- Qu'est-ce que tu portes ? dit-elle scandalisée en évitant de trop fixer le simple short qu'avait Link et qui ne cachait que l'essentiel.
Il avait bien entendu l'épée de légende dans son dos dont la ceinture traversait son torse nu.
- La couturière me l'a offert, répondit-il avec un sourire penaud.
Elle n'était pas la seule à devoir se promener à moitié habillée, s'encouragea la princesse. Link la dévisagea un instant, calculateur, pour finalement dire :
- Je crois qu'on pourrait démarrer une nouvelle mode avec ces costumes. Je devrais en parler à ma mère pour vendre ce modèle dans son magasin.
- Non ! dit-elle.
Et devant les regards interrogateurs des enfants zoras, elle ajouta :
- Je ne peux pas porter ça au château, c'est trop...pas assez...euh...
Elle remarqua les yeux rieurs de Link et elle grogna doucement. Il ne faisait que la taquiner.
- Êtes-vous prêts ? dit soudainement la matriarche en s'avançant vers eux. Oh, ce maillot vous va merveilleusement bien, Votre Altesse.
La future souveraine avait croisé les bras sur sa poitrine et un sourire incertain s'était dessiné sur ses lèvres. Lulu s'approcha et prit son coude.
- Allez les enfants, dit-elle. À la petite plage !
Le groupe des jeunes les précéda et Zelda se laissa guider par la reine. Link se plaça derrière elle et les suivit.
- Regardez-moi ces cheveux, dit Lulu en attrapant une des mèches châtaines de la princesse entre ses doigts. J'ai toujours été jalouse de ce trait des Hyliens. Combien de temps pour qu'ils soient aussi longs ?
- Je ne les ai jamais vraiment coupés, dit Zelda pensive.
Elle eut un rire penaud en songeant à un souvenir :
- Sauf la fois où j'avais adopté un chuchu et que celui-ci s'était pris dans mes cheveux.
- Un chuchu ? dit Link surpris derrière elle.
- À ma défense, expliqua la princesse, j'avais dix ans et je ne savais pas ce qu'était un chuchu. De plus, il était pratiquement domestiqué.
- Mes enfants adorent jouer avec ces créatures, soupira la reine. Mais je peux comprendre que vous ayez eu à couper vos cheveux. La substance dont ils sont composés est très collante.
Le trio se retrouva à marcher sur une des passerelles, précédés des petits zoras qui couraient et sautillaient un peu partout. Ils croisèrent plusieurs habitants qui les saluèrent poliment et des gardes qui allaient et venaient. Certains plongeant dans le lac situé sous le domaine, d'autres veillant à la sécurité à l'intérieur. Ici, comme ailleurs dans le royaume, la présence des monstres augmentait et chaque espèce avait dû accroître ses effectifs pour protéger leurs terres. Une fois le pont traversé, les pieds nus de la princesse foulèrent l'herbe tiède éclairée par le puissant soleil d'été. Elle pouvait sentir la chaleur de l'astre sur ses épaules. Les enfants avaient descendu une petite butte à leur droite pour arriver à une plage de sable doux. Le domaine tout près avait une taille impressionnante et de son emplacement, Zelda pouvait voir l'habitation d'un autre angle, tout aussi majestueux. Link appuya son épée sur une grande pierre et suivit sans hésitation les zoras qui étaient déjà à l'eau. Elle le regarda éberluer, après qu'il eut disparu sous la surface pour réapparaitre quelques mètres plus loin.
- Ce jeune homme semble apprécier notre élément, dit Lulu avec un sourire en coin.
La reine la poussa doucement vers la plage et Zelda mit un pied dans le liquide. Le doute s'infiltra dans ses entrailles tout comme l'eau entre ses orteils qu'elle dévisageait avec inquiétude.
- Allez princesse, cria Link qui était sorti du lac et s'approchait.
Il tendit ses bras dans sa direction.
- L'eau est très bonne !
- Elle est toujours bonne ! ajouta un des enfants plus loin.
- Je ne suis plus aussi certaine, répliqua Zelda.
Elle ne l'avait jamais vraiment été, pensa-t-elle. Link s'était avancé et avait pris ses mains dans les siennes, la tirant vers lui.
- Ce n'est pas trop profond n'est-ce pas ? paniqua-t-elle en se raidissant. Il semble y avoir du courant un peu plus loin et je ne voudrais pas...
- Même s'il venait qu'à vous arriver quelque chose, dit Lulu derrière elle, je suis certaine que Sir Link vous sortira de ce faux pas. Et si jamais il ne peut pas, vous êtes entourés de zoras. Les meilleurs nageurs du royaume, n'est-ce pas les enfants ?
Ceux-ci, Zelda s'en rendit compte, l'entourait de toute part, s'amusant à nager sans but précis. Ils poussèrent des cris de joie qui ne réussirent pas à faire disparaître ses craintes. Link arrêta de la tirer lorsque l'eau arriva à sa taille.
- Le type de nage que tout le monde apprend en premier est la nage du chien, dit-il en se frottant les mains.
Les enfants tout autour se mirent à imiter l'aboiement des canidés tout en se déplaçant la tête hors du liquide.
- Mipha n'est-ce pas ? demanda Link en regardant une des zoras qui passait à côté de lui.
Celle-ci était la plus petite de sa fratrie et ne dépassait pas la taille d'un hylien de trois ans.
- Oui, monsieur, dit-elle en souriant timidement.
- J'aimerais que tu montres à la princesse comment on fait cette nage, d'accord ?
Mipha s'approcha en réponse.
- Je vais te soulever, mais continue de nager pour que la princesse puisse bien voir.
L'enfant approuva de la tête et Link se pencha, glissant ses mains sous le ventre de la zora. Comme si cela ne lui demandait aucun effort, il la hissa hors de l'eau et Zelda observa les mouvements alternés des bras et des jambes.
- C'est pratiquement un trot, mais dans l'eau, dit Link après plusieurs secondes.
Il déposa Mipha dans le liquide et celle-ci continua la démonstration improvisée en tournant autour d'eux avec ses frères et sœurs.
- Prête ? dit le chevalier.
La princesse le fixa interdite. Cela semblait peut-être simple, mais elle était certaine que dès qu'elle se placerait à l'horizontale, elle se retrouverait la tête sous la surface. « Zelda, s'emporta-t-elle silencieusement, tu dois apprendre à nager. C'est le seul moyen pour voir le robot. Tu ne peux pas laisser passer cette chance. »
- OK, dit-elle plus pour elle-même.
En retenant son souffle inconsciemment, elle plia ses genoux et glissa dans le liquide jusqu'à la nuque. Celle-ci était fraîche, mais pas au point d'être inconfortable. Elle poussa ses pieds sur le fond sableux, cherchant à se mettre à l'horizontale…
- Attend !
Et elle se retrouva complètement sous l'eau, ses mouvements désordonnés ne lui permettant pas de garder la tête au-dessus de la surface. Le liquide s'infiltra dans son nez, lui brulant la gorge au passage. On l'agrippa sans délai par le bras et elle se sentit tirer hors de l'eau. Elle toussa la tasse qu'elle venait de boire.
- Ça va ? dit Link.
- Elle ne sait vraiment pas nager, dit l'un des jeunes zoras surpris.
Zelda déplaça ses cheveux qui étaient collés à son visage et approuva de la tête en grognant à la question et à l'affirmation.
- Dorefah, réprimanda la reine Lulu toujours sur la petite plage. Les hyliens ne sont pas constitués comme nous.
- Je ne m'attendais pas à l'avoir du premier coup, soupira-t-elle après avoir retrouvé son souffle.
- Laisse-moi t'aider, dit le chevalier. Retourne dans l'eau, mais cette fois, je vais te maintenir le temps que tu apprennes à bien faire les bons mouvements.
La princesse approuva de la tête et de nouveau, glissa dans le liquide. Link s'accroupit à son tour et posa ses mains sur son ventre. Elle avoua alors, un sourire embarrassé sur ses lèvres :
- Je ne crois pas que la bienséance te permette une si grande liberté sur ma personne.
- Euh…répliqua le chevalier en enlevant ses doigts précipitamment.
Et elle fut surprise de voir du rouge apparaître sur ses joues.
- Désolée, s'excusa-t-elle penaude devant la soudaine gêne de Link. Pour les besoins de la cause, oublie ce que je viens de dire. J'ai quelques jours pour apprendre à nager adéquatement. Ne perdons pas de temps.
Pour faire bonne figure, elle se propulsa de nouveau et cette fois-ci Link l'attrapa, ses deux mains de retour sur son ventre.
- OK, déclara-t-il avec plus d'assurance. Alterne bien ton bras droit et ton gauche. Toujours inversement avec tes jambes.
Il se détourna lorsqu'elle lui envoya accidentellement plusieurs gerbes d'eau.
- Par Hylia, je suis vraiment désolée, dit-elle en diminuant l'ampleur de ses mouvements.
- Tu n'as pas besoin de sortir autant tes membres hors de l'eau, répliqua-t-il sans faire de cas de sa bévue. La poussée sous la surface. Continue un moment.
Elle obéit docilement, observant les enfants qui nageaient et s'amusaient à l'imiter en tentant d'arroser autour d'eux le plus possible.
- Continue, répéta Link.
Après quelques minutes, les mouvements lui semblèrent plus faciles à exécuter et elle tourna son visage vers Link qui lui sourit avec ses deux mains de chaque côté de ses oreilles.
- Quoi…eut-elle le temps de dire.
Zelda perdit sa coordination et, cette fois-ci, posa ses pieds sur le fond sableux avant de se retrouver la tête complètement sous l'eau. Elle se redressa debout, le liquide lui arrivant actuellement à la poitrine, et fit une moue en direction de Link.
- Tu aurais pu me prévenir.
- Tu as compris le principe, dit-il en riant de sa mine. Recommence et essaie de te diriger.
Zelda passa un doigt sur ses lunettes avant de retourner à l'eau. Avec beaucoup moins d'hésitation, elle répéta sa nage et chercha même à rejoindre le petit Sidon qui la devançait.
- On m'a pris en chasse ! cria l'enfant tout excité en voyant la princesse derrière lui.
Il plongea gracieusement dans l'eau et disparu du regard de la jeune femme pour réapparaître un peu plus loin. Zelda se dirigea vers lui, un sourire aux lèvres. Ce n'était pas si compliqué, pensa-t-elle. Peut-être l'avait-elle déjà appris par le passé ?
- Ne va pas trop loin Sidon ! lança sa mère.
Sentant la fatigue dans ses muscles, la princesse voulut mettre un pied au fond du lac pour finalement se rendre compte qu'il était inatteignable.
- Pas de panique, dit Link qui était tout près. Reviens sur tes pas.
Son coeur se débattait dans sa poitrine et ses poussées dans l'eau se firent un peu plus désespérer. Elle changea de direction maladroitement et finit par retourner là où le fond était accessible, posant avec soulagement ses orteils au sol.
- C'est angoissant, dit-elle au chevalier qui avait suivi alors qu'elle marchait jusqu'à la plage.
Elle attrapa ces cheveux et les ramena devant elle avant de se laisser tomber sur le sable chaud pour reprendre son souffle et retrouver son calme.
- Qu'est-ce qui est angoissant ? demanda-t-il en s'assoyant à ses côtés.
- De savoir que je pourrais disparaître dans ce lac et juste...
Elle haussa les épaules et répéta :
- Juste disparaître.
Elle tourna son visage vers le sien et ajouta :
- Tu n'as pas l'air de quelqu'un qui craint la noyade.
Il eut un rire avant de répondre :
- Et pourtant, j'ai failli me noyer à plusieurs reprises. Mais, je fais...
Il hésita avant de continuer :
- Et bien, je faisais partie de la marine quand j'étais cadet à Elimith. L'été, tous les soldats devaient nager un minimum de cinq kilomètres par semaine. Beau ou mauvais temps. Je suis habitué à l'eau.
Zelda fixa silencieusement les enfants qui jouaient toujours dans le lac, accompagné de leur mère qui les avait rejoints. Elle doutait. Elle serait peut-être capable de se débrouiller pour nager sur de très courtes distances, mais voyager à dos de zoras ? De plus, il lui faudrait monter une cascade de cette manière ? Tellement de variables qui pourraient provoquer un incident.
- Peut-être ne devrais-je pas aller voir le robot, dit-elle après un moment.
Link ne répondit pas et elle soupira en observant les pirouettes gracieuses que faisaient sans effort les zoras plus loin. Ils s'amusaient si facilement. Bien sûr que certaines fois, au lieu de cris de joie, elle avait entendu les pleurs d'un des petits, provoquer pour tout un tas de raison différente. Mais la majorité du temps, les enfants de Lulu n'étaient là que pour jouer et s'il devait apprendre quelque chose, c'était en se divertissant. Les zoras étaient un peuple vivant très longtemps, peut-être était-ce la raison de tout ce temps dédié au jeu. Elle tira ses genoux sur sa poitrine et les entoura de ses bras.
- Comment était-ce dans ton enfance ? demanda-t-elle à Link.
Il la regarda surpris et répliqua :
- C'est très général comme question, mais...
Il plaça sa main au menton en signe de réflexion.
- Ce qui m'a le plus marqué, dit-il. C'est les heures incroyables que moi et Arielle on a perdu dans l'entrepôt du magasin de ma mère. On passait le temps à faire des campements improvisés avec les caisses vides ou bien des parcours. On s'enfermait dans les plus grosses avec une bougie et on faisait des jeux d'ombres.
Il plaça ses mains ensemble et enchaina :
- Le lapin.
Il modifia leurs positions sous son regard intéressé.
- Le canard. Ce n'est pas si apparent à la lumière du jour par contre.
Il laissa tomber ses bras sur le sable et continua :
- Quand mon père avait son congé d'été, il nous amenait toujours à la source de la Sagesse, en haut de la montagne de Lanelle. Pour moi, c'était mon moment favori de l'année.
- Mais la montagne est enneigée même en été, dit Zelda surprise.
Link approuva de la tête comme si c'était la chose la plus excitante au monde.
- Et bien entendu, il y avait l'école.
Il fit la grimace et dit :
- Je n'étais pas un grand amateur.
Il la dévisagea un instant avant de demander :
- Est-ce que les princesses vont à l'école ?
- Non, répondit-elle. J'ai eu des tuteurs.
Il approuva de la tête et ajouta :
- La raison de cette extraordinaire intelligence. Par les déesses, être capable de lire le code sheikah.
Avec un sourire moqueur, il blagua dans sa direction :
- Tu devais probablement faire des algorithmes pendant que j'apprenais à additionner deux et deux.
Elle le fixa sérieuse un moment, au point où les yeux du jeune homme se froncèrent montrant son inquiétude.
- J'ai dit quelque chose de mal ? s'enquit-il.
Zelda leva ses mains à sa nuque et détacha la chaine qui retenait ses lunettes. Elle enleva la monture de son nez et la tendit en direction de Link.
- Mets-les, dit-elle simplement.
Elle le sentit plus qu'elle ne le vit les prendre et son cri de surprise lui indiqua qu'il avait bien obéi à sa demande.
- Tu vois quelque chose avec ça ? dit-il étonné.
- C'est surtout que je ne vois rien sans ça, le corrigea-t-elle.
- Bon sang, murmura Link. Je vois à peine le prince Sidon. Et il est rouge !
Zelda le laissa observer les alentours à sa guise. Son regard à elle se perdit dans le vide, les choses n'ayant plus autant d'intérêt maintenant que leurs contours étaient flous et leurs formes beaucoup moins définies.
- J'ai appris à lire à douze ans, dit-elle soudainement.
Elle eut le réflexe de replacer ses lunettes sur le bout de son nez, même si elle ne les portait plus.
- C'est à cet âge que j'ai appris à reconnaître un chien d'un chat, continua-t-elle. Que j'ai découvert que les feuilles des arbres n'avaient pas toute la même forme. Et les nuages.
Elle leva la tête au ciel et fronça ses sourcils en essayant de les détecter au-dessus d'elle sans succès. Elle entendit le mouvement de Link à ses côtés et ses lunettes retrouvèrent sur son nez. Elle les replaça avec un sourire et son regard retourna vers le firmament.
- J'adore admirer les nuages, dit-elle.
Elle se tourna vers Link qui l'observait avec un visage neutre.
- Avant d'avoir ses verres, dit-elle en rattachant la chaine à son coup. Je n'étais pas très intelligente.
Link pouffa à sa surprise et il commenta en roulant des yeux :
- Le fait de ne pas voir correctement n'est pas le signe de stupidité. Ce qui est stupide est que personne ne se soit rendu compte de ce trouble de vision avant que tu aies...douze ans ?
Zelda fronça ses sourcils, car Link venait de dire tout haut ce qu'elle pensait tout bas. Pourquoi personne ne s'était-il aperçu de ce problème au château ? Cependant, elle connaissait la réponse. S'ils ne l'avaient pas découvert, c'était simplement qu'ils n'avaient jamais cherché à soigner, à la base, un défaut physique. Elle cligna des paupières, souhaitant effacer les souvenirs qui refluaient à sa mémoire. Elle se concentra sur un seul, sur celui de la visite de ce docteur. Pendant toute son enfance, une panoplie de spécialistes, de sorciers et sorcières, et surtout des charlatans, étaient venus au château pour endiguer ce mal qui prétendument la rongeait de l'intérieur. Par Hylia, certaines de ses expériences avaient été traumatisantes au point qu'elle en faisait encore des cauchemars la nuit. Cependant, ce docteur, qui était arrivé l'été de ses douze ans, avait réussi ce que tous les autres avaient échoué. Elle se rappelait qu'il l'avait installée en face d'une étrange machine et qu'elle avait pleuré silencieusement, craignant qu'il ne veuille crever ses yeux pour en faire sortir le mal. Les encouragements de la reine n'avaient pas aidé à atténuer cette inquiétude. Et soudainement, il avait abaissé cet engin devant son visage. Au début, elle ne remarqua pas de différence. Il avait placé un grand triangle noir pas très loin. Il ne cessait de lui demander si les contours du triangle étaient nets même si elle n'avait jamais vraiment pu voir quelque chose de précis à cette époque. Toutefois, il n'y avait pas de mauvaises réponses à ce jeu. Quand elle disait non, il répliquait à chaque fois :
« Essayons autre chose. »
Au bout d'un moment, elle s'était rendu compte que le triangle ne possédait pas de ligne à la base. Que celle-ci était au centre. Elle comprit aussi ce qu'il voulait dire par un contour net. La forme devint si claire après tous ces tests qu'elle ne vit que trois lignes noires parfaitement lisses sur le fond blanc. Quand elle avait demandé pourquoi la ligne indiquant base du triangle était au centre de celui-ci, le docteur lui avait répondu :
« Car ceci est la première lettre de l'alphabet, princesse. C'est un A. »
Elle avait été hébétée au point de répondre minimalement à ses questions en terminant ce drôle d'examen. À la fin de tout cela, il l'avait remerciée et était parti avec tout son équipement quelques jours. Il était revenu plus tard avec ce miracle appelé des lunettes qu'il avait doucement posé sur son nez. Ce docteur était la première personne qu'elle avait vue clairement. Elle se souvenait de sa peau très foncée, de ses yeux noirs et de l'absence de cheveux sur sa tête. De petite taille, son visage était ridé, surtout lorsqu'il souriait et dévoilait des dents blanches. Une fois les ajustements faits, il s'était déplacé et elle s'était tournée instinctivement vers la reine. En la voyant, elle avait ouvert la bouche de stupeur et avait dit :
« C'est vrai ce qu'ils disent ! Vous êtes aussi belle que la déesse Hylia ! »
La souveraine avait alors éclaté en sanglots sans raison apparente. Étrangement, par la suite, ce fut la cuisinière du château, celle qui l'avait toujours nourrie en cachette lorsqu'elle était privée de repas - pour ne pas se concentrer suffisamment à son apprentissage - qui s'occupa d'elle. C'était juste avant qu'elle ne fût envoyée chez sa tante et ses trois cousines pour le reste de l'été.
- Je suis d'accord avec toi, dit-elle en sortant de ses pensées. C'était stupide que personne ne s'aperçoive de mon trouble de vue.
Et avec un sourire vers Link elle ajouta :
- Cependant, dès que j'ai eu cette monture, j'ai pu étudier tout ce que je souhaite.
- J'ai l'impression que tu en as énormément profité, se moqua le héros.
- Jeunes gens ! appela la reine des zoras dans le lac.
Les deux hyliens se tournèrent vers Lulu qui continua :
- Êtes-vous déjà prêt à retourner au domaine ?
La princesse se leva en réponse et Link demanda :
- Veux-tu essayer de nouveau ?
Pour l'encourager, il ajouta :
- Tu as compris ce qu'il fallait faire. Il ne te reste que la pratique.
Elle approuva lentement de la tête et avança vers l'eau. Le sourire de la reine plus loin s'agrandit et elle s'approcha en glissant littéralement sur la surface du lac.
- Je crois que nous sommes prêts pour la deuxième étape, dit la zora une fois à côté de la princesse.
OoOoO
- Par les déesses, murmura Link debout tout près.
- Impressionnant n'est-ce pas ? dit le roi Mikau.
Zelda avait encore le coeur battant du court voyage à dos de zora, du roi lui-même pour être exact, dans la rivière s'écoulant dans le lac du domaine. Ses doigts étaient engourdis tellement elle s'était accrochée à son cavalier pour cette promenade. Les pantalons moulants qu'elle portait étaient inconfortables, sa robe - lui arrivant aux genoux - lui collait à la peau et elle était certaine que sa longue tresse avait perdu de son maintien pendant le trajet. Tout cela avait été relégué très loin dans un coin de son esprit lorsqu'elle avait aperçu le robot. Le gigantesque robot. La structure générale avait été montée, tandis que des pièces détachées étaient fabriquées tout autour pour une pose future. Elle compta au moins cinquante travailleurs - que ce soit des zoras, des hyliens, des gorons, des piafs et des sheikahs - qui se concentraient à la tâche sans porter trop d'attention aux nouveaux venus. De toute façon, elle était si subjuguée par la vue d'un tel monstre mécanique qu'elle ne leur accordait pas la moindre considération.
- Princesse ! dit une voix à sa gauche qu'elle reconnut immédiatement.
Elle sourit à Pru'ha qui s'arrêta à sa hauteur.
- J'avais entendu dire que vous étiez au domaine, annonça la sheikah, mais je ne savais pas si vous alliez venir voir ce chef-d'œuvre.
- J'ai fait mon possible pour rendre ma visite réalisable, affirma-t-elle.
- Votre Altesse, dit poliment la scientifique en direction du roi Mikau. Puis-je vous prendre la princesse pour un rapide tour ?
- Bien entendu, répondit-il.
Il se tourna vers les gardes qui l'avaient accompagné et ajouta :
- Nous partons dans une heure.
Et revenant à Pru'ha :
- Malheureusement, je ne peux accorder plus de temps.
La sheikah balaya l'air de sa main et en offrant son bras à Zelda, elle répliqua :
- Profitons-en au maximum alors.
Avec un sourire, Zelda lia le sien à celui de Pru'ha et se laissa guider, Link toujours à quelques pas derrière elle. Elle fut fascinée par toutes les avancées que la scientifique lui décrit avec passion. Elle remarqua à peine les salutations enthousiastes de certains et des autres qui baissaient le regard timidement. Des pièces l'entouraient de toute part et la hauteur du squelette de la machine ne cessait de lui donner le vertige. Ils étaient situés en amont du lac des zoras, juste à côté du réservoir de l'est. Un barrage énorme retenait l'eau dans ce réservoir, empêchant l'inondation du domaine plus bas. Le robot, en forme d'éléphant, était assemblé sur les berges où le soleil puissant réchauffait le roc des montagnes tout autour.
- Presque toutes les pièces ont été construites, dit Pru'ha à la fin de leur tournée. Il ne reste qu'à monter le tout. Les moteurs ont déjà été testés et tout porte à croire que leur force sera amplement suffisante. Nous avons dû refaire les calculs pour le poitrail - le poids différait légèrement de nos prévisions - mais cela ne semble pas affecter la capacité de l'engin à flotter.
La princesse regarda un groupe de gorons soulever une pièce énorme pour la transporter un peu plus loin.
- Combien de temps pour finaliser la construction ? questionna-t-elle.
- J'ai bon espoir que celui-ci sera terminé avant l'automne, répondit Pru'ha satisfaite.
Cet automne, pensa Zelda avec inquiétude, serait peut-être celui de l'arrivée du Fléau. Elle garda ses réflexions pour elle et demanda :
- Des nouvelles des autres robots ?
- Nous avons pris la décision de prioriser celui des piafs étant donné la courte saison chaude dans cette région, répondit la sheikah. Nous espérons le terminer avant l'hiver. Je crois cependant que cela sera retarder au printemps suivant. Celui des gorons sera priorisé dès l'automne et terminé sans l'ombre d'un doute cet hiver. Et le dernier...
Elle chuchota en direction de la princesse :
- Si sa construction est en cour, il semblerait que celui-ci ne sera pas pour les gérudos. Leur manque de coopération et leur déni catégorique face aux critères du roi d'Hyrule empêcheraient toute négociation. C'était à prévoir.
Zelda garda un visage impassible. Elle avait bien remarqué l'absence des femmes guerrière lors de son anniversaire. Le souverain ne l'avait pas mis au fait concernant les dernières nouvelles, mais un point l'agaçait dans cette histoire. Réussiraient-ils à vaincre la Calamité sans l'aide d'un des peuples du royaume ?
- Vous savez bien que je n'assiste que rarement aux réunions du conseil, répondit-elle devant le regard insistant de la sheikah. Même en cas contraire, je ne peux pas discuter des décisions avec vous.
- Je me répète Votre Altesse, mais...
Elle pointa la tête de la princesse et continua :
- Il y a une très grande intelligence derrière ces yeux. Ne gaspillez pas tout ce potentiel.
- Est-ce qu'il y a quelque chose que je devrais savoir ? s'enquit Zelda intriguée devant l'insistance de son interlocutrice.
Ce n'était pas la première fois que la sheikah lui faisait ce commentaire. Celle-ci hocha négativement de la tête.
- Les moines du temple de Lanelle sont agités, finit-elle par dire tout bas. L'accès à la source de la Sagesse est de plus en plus difficile par la voie Est.
- Vous ne m'apprenez rien de nouveau, répliqua la princesse une moue sur son visage. Le nombre de monstres augmente de jour en jour. Ma présence au conseil ni changera rien.
Pru'ha soupira et Zelda suivit la direction de son regard pour découvrir le roi des zoras ainsi que sa garde se rapprocher d'eux. Link qui était assis un peu plus loin se leva pour venir rejoindre les deux femmes.
- Je crois bien que c'est l'heure, dit la sheikah.
- Malheureusement, dit Zelda cachant très bien sa déception.
Avec un sourire reconnaissant, elle remercia chaleureusement Pruh'ra qui lui tapota gentiment la main. Elle admira encore une fois le robot et se félicita d'avoir emporté sa tablette pour prendre plusieurs photos et ainsi avoir la chance de pouvoir les étudier plus tard.
- Nous devons partir, Votre Altesse, dit Mikau qui les avait rejoints. Les préparatifs pour la bénédiction sont complétés. Il ne manque que vous.
Avec un dernier regard à la scientifique, la princesse suivit le groupe de zoras, l'ombre de son chevalier dans son dos, et pensa aux gérudos. Simplement pour satisfaire la demande indirecte de la sheikah, Zelda se promit de jeter un œil au dossier concernant les femmes guerrières une fois de retour au château.
OoOoO
- J'en ai trop fait, dit Zelda mortifiée.
Le rire étouffé de Link parvint à ses oreilles et elle lui poussa l'épaule en ordonnant d'une voix aiguë :
- Arrête de te moquer !
Elle appuya ses bras sur la balustrade du domaine et posa sa tête dans ses mains. Sur la surface du lac, elle fixa distraitement les reflets bleutés des gemmes, dont était composée la structure qui l'entourait. La nuit était tombée sur Hyrule, apportant une fraîcheur bienfaisante pour chacune des créatures y habitant. Toutefois, elle ne faisait que repenser à la cérémonie qui venait d'avoir lieu. Ce n'était pas tant qu'elle avait perdu le contrôle de ses pouvoirs, mais plutôt qu'elle s'était donnée beaucoup trop de liberté suite à la demande du vieux prêtre zora. Elle ne serait pas surprise d'apprendre que la lumière de sa bénédiction eut été visible du château.
- C'est le chant du roi et de la reine, dit-elle en tournant son visage vers Link.
Le chevalier avait encore ses habits pour la cérémonie. Les zoras n'avaient pas cherché à les vêtir somptueusement pour l'occasion. Le blanc pour eux était une couleur importante. Ils avaient donc décidé que les deux élues de la déesse Hylia porteraient uniquement cette couleur. Si elle avait eu droit à une simple robe - trop courte à son goût et surtout sans bretelle - Link avait enfilé un pantalon et une veste, le tout très modeste. Avec la luminosité constante provoquée par les gemmes dont était fait le domaine, les habits des deux jeunes hyliens semblaient bleus en cette fin de soirée.
- Je n'avais jamais entendu quelque chose d'aussi beau, continua-t-elle.
Link approuva de la tête en souriant. Contrairement à elle, il avait le dos appuyé à la balustrade et surveillait tranquillement les alentours. Elle revint à la contemplation du lac.
- C'était tellement beau, répéta-t-elle en se souvenant de la voix de la reine.
- Tu brilles, dit Link.
Zelda examina ses mains rapidement et voyant celles-ci tout à fait normales, envoya un regard outré à Link qui éclata de rire.
- Sir, ce n'est pas une façon de se comporter en présence d'une dame, répliqua-t-elle en croisant les bras sur sa poitrine.
Le sourire toujours aux lèvres, il haussa les épaules et dit :
- Je ne crois pas que dans une telle cérémonie on puisse en faire trop ou pas assez. Les zoras sont contents de la bénédiction de la déesse. Tu as même eu des demandes similaires des quelques gorons et piafs présents. Je ne comprends pas pourquoi tu t'inquiètes.
Zelda fit une grimace en essayant de mettre des mots sur ses pensées.
- J'ai été éduquée à être convenable.
- Convenable ? répéta Link en haussant un sourcil.
- Distinguée serait peut-être plus appropriée ?
- D'accord et le lien ?
- Je considère ce déploiement de pouvoir comme un manque de contrôle, expliqua-t-elle. Il n'y a rien de distingué dans un manque de contrôle.
Le chevalier la regarda perplexe un moment.
- Croyez-vous que la Calamité risque d'être outrée d'un tel manque de distinction ? se moqua-t-il une main sur le coeur.
La princesse roula ses yeux devant la réaction de Link.
- Tu es impossible, soupira-t-elle.
- C'était parfait et tu as redonné beaucoup de motivation à tous ceux présents, énonça le héros avec un ton beaucoup plus sérieux. Les gens commencent à avoir peur avec toutes ses restrictions que l'apparition de ces monstres provoque.
Et avec un sourire en coin dans sa direction, il assura :
- De voir tout le potentiel de ton pouvoir, rien n'aurait pu aider autant notre cause.
Zelda fut soulagée d'entendre cela, mais l'inquiétude revint rapidement.
- J'espère que les robots seront prêts à temps, murmura-t-elle.
- Moi aussi, tu ne sais pas à quel point, ajouta Link presque silencieusement.
Elle se redressa et fit face à Link. Prenant la main du jeune homme dans les siennes, celles-ci se mirent à briller.
- J'aimerais pouvoir faire plus, dit-elle simplement.
Il posa son autre main, englobant la lumière, et planta son regard sombre dans le sien. Il y avait de l'apaisement dans ses yeux et elle sourit en voyant cela. Link était de la même taille qu'elle et Zelda n'avait aucunement besoin de relever la tête pour lui parler face à face. Ce qui faisait changement de son père et de sa mère qui avait chacun hérité d'une haute stature. Étrange que l'épée ait choisi quelqu'un qui à première vue ne reflétait l'image que d'un jeune homme simple, pensa-t-elle en baissant son regard sur leurs mains jointes. Et pourtant, sa renommée, en tant qu'épéiste hors pair, grossissait de jour en jour.
- Faisons-nous une promesse, dit-elle spontanément.
- Une promesse ? répéta Link.
Elle approuva de la tête et la releva pour fixer le héros.
- Lors du retour du Fléau, on reste ensemble, dit-elle d'une voix assurée. Peu importe les circonstances, on reste ensemble. Et je te promets de briller suffisamment pour aveugler ce monstre.
Link eut un sourire et ajouta :
- D'accord, tu brilles et pendant ce temps je pique la Calamité avec mon épée jusqu'à ce qu'elle disparaisse.
- Peut-être que ce monstre ne sera pas aussi grand qu'on le pense, dit la princesse sans vraiment y croire.
- Espérons, soupira Link.
Elle serra la main du jeune homme dans la sienne et le libéra. Il y eut un vide qu'elle ne s'attendait pas à ressentir lorsque le contact fut rompu. L'instant passa rapidement et elle se tourna vers le couloir pour prendre la direction de sa chambre désignée.
- Il se fait tard et demain nous devons partir tôt, dit-elle avec un regard en arrière.
Link la suivait de près et il approuva silencieusement.
Chapitre mis en ligne le 16 février 2019.
