Et sans attendre, un nouveau chapitre ! Bonne lecture :)

14

Zelda, son livre oublié sur la rambarde de la tour du château où elle s'était réfugiée, observa l'activité plus bas. Dans la cour royale, elle avait l'impression que toute la haute société d'Hyrule s'était réunie. Elle était arrivée tard ce matin à la citadelle, à peine cinq jours après son réveil. Déjà, le roi lui avait déclaré qu'elle devait sélectionner un époux et annoncer sa décision à son anniversaire. Ce qui lui laissait une semaine. Elle savait que ce moment viendrait. Son intention était de s'y préparer, de vérifier toutes les possibilités s'offrant à elle et ensuite de choisir ce qui lui conviendrait le mieux. Elle avait pensé monter un dossier, organiser ses arguments pour finalement les présenter au souverain de manière concise. Ce qu'elle n'avait pas prédit était qu'elle serait inconsciente les six mois précédents la date de son anniversaire. Donc, à la réunion exceptionnelle du conseil marquant son retour au château, lorsque le roi avait annoncé sa demande, elle s'était figée. L'écoutant sans tenter de démontrer son point de vue devant les conseillers qui la détaillait silencieusement. Tout ce qu'elle souhaitait était de quitter ce lieu, de revenir au Grand Plateau et de passer ses journées à faire des promenades interminables à l'extérieur avec son chevalier, profitant de l'été qui était aux portes du royaume, et cela, sans tracas. Son regard se perdit sur la plaine au loin et elle observa avec envie les robots qui étaient des copies beaucoup plus imposantes de son petit gardien. Fuir cet endroit dans ces machines serait extraordinaire, pensa-t-elle en soupirant.

- Par les déesses, cousine ! Étais-tu obligée de te cacher dans la plus haute tour du château ?

Zelda sursauta et se tourna vers Nayru, légèrement pantelante, qui empruntait les dernières marches la menant au sommet. Ses longs cheveux blonds libres étaient striés de reflets lumineux grâce aux rayons du soleil descendant à l'ouest. Un sourire se dessina sur les lèvres de la princesse et elle se dirigea vers la nouvelle arrivée pour la prendre dans ses bras.

- Je ne savais pas si vous alliez venir, dit-elle alors que sa cousine répondait à son étreinte.

Nayru se recula et la dévisagea.

- Je suis inquiète. Où sont tes lunettes ? questionna-t-elle.

La future souveraine eut un rire et expliqua simplement :

- Je n'en ai plus besoin.

Les yeux de sa cousine s'agrandirent de stupeur.

- Vraiment ?

Zelda approuva et Nayru leva deux doigts à côté d'elle.

- Combien de...

- Deux, la coupa la princesse. Je vois très bien depuis que j'ai été soignée par la technologie des sheikahs.

- On ne peut plus te faire des grimaces alors, soupira Nayru moqueuse.

Zelda fronça les sourcils et répliqua :

- Quelles grimaces ?

- Je te fais marcher, rigola l'autre. La technologie sheikah n'est-ce pas ? Nous avons entendu de nombreuses rumeurs te concernant.

- J'espère que ce n'étaient pas celles disant qu'on m'avait emprisonné dans un tombeau pour m'y laisser mourir.

Nayru fit une grimace et avoua :

- Celle-ci revenait souvent.

Un doux sourire se dessina sur les lèvres de la comtesse du lac Hylia et elle affirma soulagée :

- Je suis heureuse de te voir en aussi bonne forme. Ces derniers mois ont été durs sur le moral des habitants.

- Je suis désolée de cela...

Sa cousine balaya l'air de sa main et intervint :

- Tu n'as pas à t'excuser.

La jeune femme blonde s'avança alors vers la rambarde de la tour et tout en observant les alentours, elle demanda :

- Pourquoi te caches-tu ici ? La gent masculine du royaume est à ta recherche.

Elle attrapa le livre abandonné et lut le titre :

- Lois et responsabilités sur le mariage dans la famille royale.

Nayru planta ses yeux bleus dans ceux de la princesse, son visage affichant un air hébété.

- As-tu changé d'avis concernant Lord Ernest ?

Zelda se rapprocha de la comtesse et prit le bouquin de ses mains.

- Je voulais voir les autres possibilités, expliqua-t-elle vaguement.

Ce n'était pas parce qu'elle ne faisait pas confiance à sa cousine, mais plutôt qu'elle n'était plus sûre de rien elle-même. Que pouvait-elle riposter lorsqu'elle avait encore trop de doutes pour trouver la réponse de son côté ? Et pour changer le sujet de la conversation, elle questionna :

- Où sont tes soeurs ?

Nayru hésita une seconde, cherchant à lire dans le regard de la princesse ce qu'elle ne voulait pas dire. Finalement, elle déclara :

- Je t'annonce que Farore est enceinte. Et elle est énorme ! Son accouchement est prévu dans un mois, donc pas de voyage pour elle. Pour ce qui est de Din, et bien, père l'a enrôlée dans la milice. Elle est très excitée de cela.

- Mais, elle est jeune, s'inquiéta la princesse.

- Peut-être. Toutefois, je te confirme que les monstres n'ont qu'à la voir pour fuir en direction opposée, expliqua Nayru avec un sourire aux lèvres. Il y a eu une attaque sur le lac cet hiver. Des lézalfos, ceux qui crachent de l'eau, ont tenté de voler nos troupeaux de bovins.

La blonde eut un rire avant de poursuivre :

- Din était à l'extérieur et s'est fait prendre au piège avec un groupe d'enfants. Elle disait qu'elle était tellement paniquée qu'elle n'a pas pu contrôler ses pouvoirs. Elle s'est mise à lancer des boules de feu sur les créatures et heureusement, ils ont fui. Depuis ce temps, père l'amène faire les rondes de surveillance. Les monstres n'osent plus s'approcher des terres autour de notre domaine.

- Est-ce que leur nombre a augmenté ? s'enquit la princesse.

La comtesse haussa les épaules.

- Ils se cachent surtout dans les montagnes. Père prétend qu'ils se regroupent, mais ils restent discrets en général. As-tu des nouvelles concernant les autres régions ?

- Non, répondit Zelda avec une moue. Je ne suis là que depuis quelques heures et le roi préfère que je me concentre sur mon choix...d'époux.

Elle ne savait absolument pas où commencer et était loin d'être prête à affronter les lords et les comtes du royaume.

- Mère est ici, déclara la blonde.

- Ma tante ? dit la princesse surprise.

Nayru approuva de la tête et précisa :

- Tu pourrais lui demander conseil.

- Elle est vraiment ici ? répéta la future souveraine.

Nayru plaça son bras autour du sien et répondit de nouveau :

- Oui, vraiment !

Et moqueuse elle ajouta :

- Elle a décidé de faire une exception étant donné que sa nièce est revenue d'entre les morts.

- Je n'étais pas...commença Zelda.

Elle hésita, soupira et commenta alors qu'elle et Nayru empruntaient les escaliers :

- Je croyais qu'elle avait juré ne jamais revenir au château.

- Comme j'ai dit un peu plus tôt, c'est une exception.

- Je croyais qu'elle et la reine étaient en...froid.

C'était un euphémisme. Les deux soeurs ne s'étaient pas parlé face à face depuis des années. Si la princesse savait qu'elles maintenaient une correspondance depuis qu'elle avait passé l'été de ses douze ans au lac Hylia, elle admettait qu'avant ces vacances, elle n'avait jamais rencontré sa tante et ses filles, ne connaissant leur existence que de paroles.

- Mère ne discute pas vraiment de la reine Delia, déclara Nayru. Excepté que ce pouvoir de voir l'avenir a toujours été à la fois très utile et très énervant. Et père...et bien...

Zelda tourna son visage en direction de sa cousine qui fit une grimace :

- Il dit que la reine est excellente pour prédire l'avenir, mais incapable de voir le présent. Ne le répète pas, d'accord ?

La princesse approuva distraitement et les deux femmes marchèrent silencieusement. Sa tante était venue au château, pensa la future souveraine. Elle n'arrivait pas à y croire même s'il y avait une raison atténuante. Delia s'était déplacée jusqu'au village du temple du Temps lors de son réveil. Sa soeur avait peut-être décidé d'en faire de même. Ses questionnements disparurent une fois dans le couloir des quartiers royaux. Les deux cousines passèrent tout près de la chambre de Zelda sans s'arrêter et Nayru dit tout bas :

- Mère voulait te parler depuis un moment. Quand nous sommes venues te voir sur le Grand Plateau, tu étais déjà...

La jeune femme se tut et elles s'arrêtèrent devant la porte ouverte d'une des chambres. À l'intérieur Zelda découvrit la reine, les bras croisés sur sa poitrine, face à sa tante qui était assise sur un petit fauteuil. La soeur aînée de la reine était menue. Ses cheveux étaient beaucoup plus grisonnants qu'à l'époque où la princesse l'avait rencontrée. Ses yeux étaient identiques à ceux de la souveraine, un bleu plutôt profond qui semblait capable de sonder l'âme. Elle était en fait une copie presque exacte de Farore. L'attention de Zelda se tourna vers la reine et elle pouvait deviner que celle-ci était contrariée. Sa tante la vit soudainement, se leva et marcha dans sa direction. La princesse abandonna le bras de sa cousine et l'imita. Une fois à sa hauteur, elle l'enlaça tendrement et la plus vieille remarqua doucement :

- Tu as l'air en pleine forme. Et pas de lunettes ?

- Non, répondit-elle. Aussi étrange que cela puisse paraître, je n'en ai plus besoin.

L'aînée approuva et la libéra de son étreinte. En direction de la reine, elle suggéra avec l'apparition d'une réserve qu'elle n'avait pas avec sa nièce :

- Voudriez-vous déguster le thé avec nous, ma chère ?

Delia passa une main sur son visage qui ne cacha pas l'exaspération qu'elle éprouvait.

- Je me dois de refuser. Et, s'il vous plait, ne prenez pas trop de son temps, dit-elle finalement.

- Les soupirants peuvent attendre, répliqua sa tante posément.

La princesse s'inquiéta en voyant des rougeurs apparaître sur les joues de sa mère. Celle-ci les contourna et s'arrêta à la sortie pour dire :

- Le poids du royaume pèse sur les épaules de ma fille. Malheureusement, elle n'a pas de soeur qui pourrait la libérer de cette responsabilité.

Et plantant ses yeux dans ceux de la comtesse, elle formula d'une voix menaçante :

- Faites attention à vos propos.

Elle quitta la pièce sous l'observation stupéfaite de Nayru qui grogna :

- Mère !

- Ce n'est rien, dit l'aîné.

Elle baissa son regard vers le livre que tenait Zelda, bouche bée devant la discussion qui venait d'avoir lieu.

- Je reconnais ce bouquin, dit-elle étonnée.

- C'est simplement pour satisfaire ma curiosité, dit la princesse rapidement.

Il y avait des années qu'elle n'avait pas parlé à sa tante. Si, pendant cet été qu'elle avait passé au lac Hylia, la soeur de la reine avait été une seconde mère pour elle, aujourd'hui, surtout après avoir assisté à l'échange verbal des deux femmes, elle ne savait pas comment réagir. Elle avait entendu certaines histoires les concernant, mais n'avait jamais voulu y porter attention.

- Par respect pour la reine, dit sa tante, nous allons faire vite. Nayru, peux-tu nous trouver du thé ?

- Et par là, j'en déduis que tu souhaites du temps seule avec la princesse ? s'enquit la blonde en haussant un sourcil.

- Ta sagesse n'a rien à envier à la déesse dont tu portes le nom, se moqua sa tante.

Nayru roula des yeux et disparut dans le couloir. Zelda, encore sur ses gardes face à une telle visite à l'improviste, et la comtesse retournèrent dans la pièce, fermant la porte derrière elles. S'installant sur le coin du lit pour faire face à la mère de Nayru qui s'était de nouveau assise sur le fauteuil, Zelda attendit que celle-ci prenne la parole.

- Je suis très heureuse de te voir en aussi bonne santé, dit-elle avec un sourire. Nous avons tous été très inquiets ces deux dernières saisons.

- J'ai encore du mal à me faire à l'idée que plus de six mois se sont écoulés, enchaîna la princesse en regardant le paysage d'été visible par la haute fenêtre. J'étais totalement inconsciente tout ce temps sans m'en rendre compte. Lorsque je me suis réveillée, je n'avais même pas l'impression d'avoir dormi. Mais...

Zelda planta ses yeux verts dans ceux de sa tante et affirma :

- Tu as quelque chose à me dire. Quelque chose d'important. Sinon tu ne serais pas venue ici. Je me trompe ?

La femme sur le fauteuil fit un sourire triste et soupira :

- Non. J'aurais voulu avoir une place plus grande dans ta vie.

Elle haussa les épaules et ajouta :

- Malheureusement, le jour où j'ai décidé de quitter ce château, j'ai dû abandonner beaucoup. Dont des êtres chers.

La princesse resta silencieuse. Elle se demanda si sa tante allait dévoiler un peu de ce passé mystérieux qui entourait les deux soeurs de sang royal.

- Tu as raison, continua la femme. J'ai un message pour toi. Il m'était impossible de te l'envoyer par courrier, car...

Elle eut un rire dérisoire et s'excusa en observant :

- Je ne fais pas totalement confiance en la reine.

Devant le froncement de sourcil de la princesse, elle se dépêcha d'ajouter :

- Pas méchamment non. Je voulais que ce message te soit transmis à toi et à personne d'autre. Ma soeur a la fâcheuse habitude de toujours tenter de prédire l'avenir et si j'admets que ce don peut-être bien utile, j'ai un doute quant à sa raison d'être pour ce cas particulier.

Sa tante se tut et la dévisagea un long moment. La princesse soutint son regard malgré le malaise qui tranquillement faisait son chemin dans ses entrailles. Qu'est-ce qu'elle pouvait bien avoir à lui dire pour accepter de se retrouver entre les enceintes du château ?

- C'est étrange, énonça-t-elle soudain perplexe, que tu n'aies plus tes lunettes.

Zelda se redressa légèrement, surprise.

- Je considère cela comme une chance, répliqua-t-elle.

- Ne te méprends pas sur mes propos, dit l'autre. Laisse-moi te raconter ce que j'ai vu et tu vas comprendre.

Sa tante se pencha un peu vers l'avant et commença :

- J'ai rêvé de la déesse Hylia.

La princesse était soudainement tout ouïe. Elle n'avait jamais vu en songe et encore moins dans le monde réel quelque chose qui aurait pu s'apparenter aux déesses. Sa seule expérience de ce genre était l'apparition qui l'avait guidée jusqu'à Link lorsque celui-ci était malade. Et son pouvoir bien entendu.

- En fait, c'est très simple, poursuivit la femme. Tu étais là avec la déesse. Elle essayait d'attirer ton attention. Toutefois, tu étais incapable de la voir. Elle était juste à côté de toi et c'est comme si tu n'avais pas conscience de sa présence.

La dame soupira et termina :

- C'est tout ce que j'ai vu.

Zelda hésita un moment avant de demander :

- Qu'est-ce que c'est censé vouloir dire ? Ai-je fait quelque chose de mal ? Je...

- Arrête immédiatement, coupa l'aîné sévèrement. Tu n'as absolument aucun tort. Qui pourrait croire une telle chose après l'exploit que tu as accompli à la tour Gérudo ?

- Mais...

- Ce rêve, enchaîna sa tante en levant la main, était un message. Et ne pense pas que ce soit concernant ton avenir. Malgré le fait que tu aies retrouvé une vue parfaite, la déesse est incapable de se montrer à toi.

- Peut-être est-ce à cause de mon état ces six derniers mois, réfléchit la princesse à voix haute.

- Honnêtement Zelda, as-tu déjà reçu des messages des déesses ?

La future souveraine eut une moue gênée. Elle se souvenait encore de la déception mal camouflée de la reine devant l'inaptitude de sa fille dans ce domaine.

- Zelda, maugréa sa tante en croisant les bras sur sa poitrine. Ce n'est en rien de ta faute. Je ne suis pas ta mère et je n'ai jamais été capable de prédire quoique ce soit. Je ne comprends pas pourquoi j'ai fait ce rêve et ni même pourquoi j'avais l'intime conviction que je devais te le raconter.

- Qu'est-ce que je suis censée faire avec une telle information ? questionna la princesse découragée.

- Que crois-tu devoir faire ?

La plus jeune haussa les épaules.

- Prier ? suggéra-t-elle. Je pourrais demander au prêtre Rauru s'il ne connaîtrait pas un moyen pour me rendre plus réceptive à la voix des déesses.

- C'est une bonne idée, approuva sa tante. Et cela va te permettre de t'évader de tes devoirs matrimoniaux.

La princesse retourna le livre dans ses mains.

- Nayru a dit que tu pourrais me conseiller dans ce domaine, raconta-t-elle incertaine.

- Elle a dit ça, répéta l'autre.

La femme eut un rire et avoua :

- Pour une rare fois, elle s'est trompée. Je suis la dernière personne à qui tu devrais demander de l'aide sur ce sujet.

Elle se leva alors et reprit :

- Je vais te libérer maintenant. Je suis certain que Delia est actuellement en train de compter le temps que je te vole.

Zelda se leva et contredit :

- Je ne crois pas qu'elle ferait cela.

- Peut-être ou peut-être pas.

Elle ouvrit la porte et les deux femmes sortirent dans le couloir.

- S'il y a bien une chose à laquelle je suis convaincue à cent pour cent, chuchota sa tante en lui tapotant doucement la joue, est que si la déesse est incapable de te transmettre un message, tu n'es pas en cause. Mais peut-être devrais-tu être attentive à ce qui se passe autour ?

Elle ajouta avec un sourire tendre :

- Continue d'être toi et le royaume n'aura rien à craindre.

Elle s'éloigna sans attendre dans le couloir, laissant la princesse immobile et surtout, indécise au milieu.

OoOoO

- Où étais-tu ?

Zelda leva ses yeux sur Link qui s'arrêta à quelques pas d'elle dans le couloir.

- À la chapelle, répondit-elle. J'avais beaucoup de retard dans mes prières.

Avec les conseils de Rauru, elle avait passé plusieurs heures à méditer et tenter d'ouvrir son esprit pour recevoir les messages des déesses. Sans succès, malgré les encouragements du prêtre.

- As-tu mangé ? s'empressa de demander le héros avec un froncement de sourcil. Nous pourrions aller chercher quelque chose à la cuisine.

Zelda eut une moue en songeant à l'inquiétude du jeune homme à son égard. Elle aurait dû le rejoindre pour le repas. Toutefois, elle avait décidé de continuer, même s'il avait été dans ses pensées pendant tout ce temps consacrer à la dévotion des déesses. Elle demanda alors :

- Tu as pris un repas n'est-ce pas ?

- Oui, répondit-il. Mais, je peux bien ajouter une petite collation en te remettant ceci.

Il leva le bras montrant la tablette sheikah de la princesse qu'il tenait dans sa main et elle sautilla sur place en voyant l'objet. Un sourire sur les lèvres, elle s'empressa de demander :

- As-tu réussi à copier le programme ?

Link lui donna l'engin électronique et elle vérifia précipitamment par elle-même.

- Tu as celui du robot deux cent cinquante-trois, qui est contrôlé par la soldate Ashei, expliqua Link. Tu devrais venir la voir lorsqu'elle est aux commandes. Ce monstre mécanique a été fait pour elle.

Si, en observant le programme défiler sous ses yeux, la princesse était excitée à l'idée de l'étudier, elle désillusionna rapidement en se rappelant les responsabilités qui l'attendaient. Déjà aujourd'hui, elle avait ignoré les prétendants à la couronne. Elle ne pourrait certainement pas se désister demain. Ni les jours qui allaient suivre.

- Je ne crois pas pouvoir me libérer avant mon anniversaire, dit-elle avec une moue.

Elle regarda autour d'elle, cherchant à vérifier si le couloir était bien désert et poursuivit à voix basse :

- As-tu entendu la nouvelle concernant mon...

Elle haussa les épaules et termina avec une once de découragement :

- Mon futur mariage.

Le visage de Link s'était complètement fermé lorsqu'il répondit :

- La rumeur court qu'on annoncera le nom de ton époux à ton anniversaire.

- C'est exact, dit-elle en cherchant à lire les pensées du jeune homme.

Le héros haussa un sourcil et demanda perplexe :

- Tu es d'accord avec ça ? Tu es revenue au château cette journée même, après six mois de sommeil, et tu dois prendre cette décision ?

Zelda ne répondit rien de peur de se trahir. Elle ne pouvait pas mentir à Link en lui faisant croire qu'elle était préparée à ça. Car c'était loin, tellement loin d'être le cas. Surtout après avoir vu sa tante.

- As-tu déjà reçu des messages de la déesse ? demanda-t-elle à la place.

Elle remarqua immédiatement la surprise de Link face à ce changement de sujet.

- Je ne suis pas sûr, hésita-t-il.

Devant le regard insistant de la princesse, il précisa :

- J'ai cru voir la déesse Hylia en rêve. Cependant, lorsque j'y réfléchis, je ne peux pas dire si c'était vraiment elle ou non. Je n'en sais rien...

- Si ce n'est pas trop indiscret, enchaîna Zelda curieuse, qu'a-t-elle dit ?

- Les deux fois que je l'ai aperçue, elle a dit mon nom. Sir Link en fait.

Deux fois ? pensa la future souveraine un peu jalouse. Il avait vu la déesse deux fois déjà et elle, au contraire, ne l'avait jamais rencontrée même en rêve. Que faisait-elle de mal pour ne pas avoir bénéficié de sa présence ? Link sembla deviner sa contrariété, car il s'empressa d'expliquer :

- La première fois, elle m'a montré l'épée de légende et une heure plus tard, je la retirais de son socle dans le temple du Temps. La seconde fois, c'était il y a cinq jours. Elle m'a montré ton réveil.

- Mon réveil ? répéta la jeune femme abasourdie.

Avait-elle ressenti la présence de la déesse à ce moment-là ? se questionna-t-elle. Elle n'avait pas remarqué.

- Je ne m'en souviens pas précisément, mais elle était à côté de toi lorsque tu t'es réveillée. Mais, je répète, je ne sais pas si c'est vraiment arrivé, car je crois que je m'étais endormi.

- Tu as fait ce rêve le jour de mon réveil, demanda de nouveau la princesse.

Link approuva de la tête et dit :

- Juste avant ton réveil oui.

- Entre nous deux, demanda-t-elle lentement, crois-tu que c'était réel ?

Il haussa les épaules.

- Je ne sais pas, répondit-il. Peut-être oui.

Il la dévisagea un moment et questionna :

- Pourquoi est-ce que tu me demandes tout ça ?

Zelda s'apprêta à replacer ses lunettes sur son nez avant de se souvenir qu'elle n'en portait plus.

- Ce n'est pas si important, soupira-t-elle.

Que pouvait-elle lui dire ? Qu'elle n'avait jamais reçu un quelconque message des déesses ? Quel genre de réincarnation était-elle pour ne jamais entendre les voix divines ? Même si sa tante lui avait assuré que, selon elle, elle n'était pas responsable de cette inaptitude, le doute s'était déjà infiltré dans son esprit. Ne voulant pas que Link perçoive son incertitude, elle annonça :

- Il se fait tard.

Avec un sourire triste, elle ajouta :

- Je ne sais pas si je vais pouvoir me joindre à toi pour les repas des prochains jours.

Zelda devina la déception qui émana du héros même si celui-ci répondit à son sourire.

- Je vais en profiter pour aller passer du temps avec ma famille, dit-il. Ça fait un moment que je ne les ai pas vus.

- Je suis désolée de ça, murmura la princesse.

- Zelda, grogna-t-il. Ce n'est pas de ta faute.

Elle grimaça intérieurement. Elle devait arrêter de s'excuser pour tout, se morigéna-t-elle.

- Oui, et bien, je crois que c'est l'heure de dormir, énonça-t-elle. La journée a été longue. Bonne nuit Link.

- Bonne nuit, répéta le héros en la regardant reprendre sa marche en direction de sa chambre.

Elle passa ses doigts sur son visage en réponse à sa maladresse. S'il y avait bien quelque chose qu'elle aimait, c'était ses repas avec Link. Et elle venait de se désister. Elle ne savait plus ce qu'elle devait prioriser. Ses prières ? Sa recherche d'un époux ? Ou encore le héros ? L'engin qu'elle tenait dans ses mains lui rappela le code qu'il contenait concernant les robots. Elle se réfugierait bien dans l'étude de ces gardiens au lieu de se tracasser avec tous ces problèmes.

Une fois dans les quartiers royaux, elle entra dans sa chambre et ferma la porte. Sa faim était oubliée et sans hésitation, elle déposa sa tablette sur son bureau et alla se préparer pour la nuit derrière son paravent. Par les fenêtres, elle pouvait voir que le soleil avait disparu du ciel et elle savait que bientôt, la noirceur envahirait le pays. Une fois changée, elle s'installa dans son lit machinalement malgré les six mois d'absence. Ses couvertures sentaient l'air frais extérieur et elle s'y réfugia avec un certain soulagement. Elle allait profiter de cette nuit de repos bien mérité et demain matin, elle tenterait de mettre de l'ordre dans toutes ces tâches qui l'attendait. Avec cette décision prise, ses yeux se fermèrent et avec son esprit épuisé par toutes ses contraintes, elle sombra dans le sommeil. Pas pour longtemps, car un malaise diffus l'entoura et ses sourcils se froncèrent. Elle se tourna dans son lit, cherchant une position confortable sans succès. Des chatouillements presque douloureux se firent sentir au niveau de ses paupières et elle les frotta sans ménagement. La sensation s'éternisa. Soudainement découragée, elle ouvrit les yeux et se figea. Sa respiration se coupa et son regard terrorisé fixa le gigantesque oeil qui lui faisait face. Complètement noir, mis à part l'iris qui était d'un jaune tirant sur l'orangé, il était accroché au sommet des quatre colonnes entourant son lit par une substance sombre qui flottait sans explication apparente au-dessus d'elle. Elle était effrayée, un cri coincé dans sa gorge et des larmes glissant sur ses joues.

« Sors de là, Zelda ! » pensa-t-elle sans bouger.

Était-elle en train de rêver ? Était-ce un cauchemar ? Pourquoi était-ce familier ? Elle devait s'échapper d'ici ! Ses membres restèrent paralysés, hypnotisés par l'imposant oeil qui lui faisait face.

C'est ton lit maintenant, entendit-elle dans son esprit. Tu es une grande fille et tu dois apprendre à dormir dans ton lit.

La créature la fixa toujours alors que ses pensées s'entremêlaient. C'était la voix de la reine. Est-ce que sa mère lui avait déjà dit une telle chose ? Est-ce qu'elle savait pour ce monstre ?

« Mais sors d'ici, Zelda ! » s'insurgea-t-elle avec insistance.

La substance noire glissa lentement vers elle et difficilement, elle leva sa main tremblante et appela son pouvoir. Elle força ses pensées à dériver sur le héros et immédiatement la lueur apparut autour de ses doigts. L'oeil se ferma instantanément et ses membres purent enfin obéir à ses ordres. Elle se tira lourdement hors du lit et s'éloigna à quatre pattes en prenant une grande bouffée d'air. Elle se leva d'un bond et se retourna pour faire face au monstre. Toutefois, celui-ci avait disparu. La pièce était encore légèrement éclairée en cette fin de journée et elle pouvait entendre quelques oiseaux chanter leurs mélodies à l'extérieur. Son lit défait ne laissait deviner aucune preuve de ce qu'il venait de se produire. Elle s'assit sur la chaise de son bureau et regarda hébéter le meuble qui lui semblait maintenant inoffensif. Avait-elle rêvé tout ça ? Et en colère, elle songea :

« C'était ce genre de songes que lui envoyaient les déesses après des heures de prières ? »

Non, ce n'était pas logique, pensa-t-elle en essuyant rageusement les larmes qui avaient coulé sur ses joues. Elle ne pouvait pas croire une telle chose. Devrait-elle avertir la reine ? Pour lui dire quoi ? Qu'il y avait un monstre dans son lit ? La prendrait-elle au sérieux ? Elle avait l'impression d'un déjà-vu dans toute cette mise en scène. Elle n'arrivait pas à se rappeler si cela s'était vraiment produit par le passé. Mais elle pouvait encore entendre la voix de la reine et ses paroles. Peut-être était-ce un très vieux souvenir. Si c'était le cas, sa mère ne l'avait pas cru, l'obligeant à rester dans son lit. Cependant, son esprit pouvait lui jouer des tours. Elle attrapa sa tête à deux mains et grogna d'incompréhension en fixant le plancher de pierre. Était-elle trop angoissée suivant son retour au château ? Est-ce que ce qu'elle venait de voir était en lien avec les déesses incapable de lui transmettre leurs paroles ?

Elle laissa tomber ses bras et son regard se fit plus dur. Elle n'avait pas besoin de déranger qui que ce soit. Cet oeil avait réagi à son pouvoir. Elle n'avait qu'à bénir ce lit et même cette pièce. Elle s'assurerait ainsi qu'il n'y avait rien de dangereux. Elle se trouva quand même idiote lorsqu'elle appela de nouveau sa magie. À contrecœur, elle se leva et grimpa sur le matelas pour s'agenouiller au milieu. Rapidement, l'énergie apparut et elle la poussa tout autour d'elle. Elle ne vit pas l'oeil, mais en vérifiant avec attention chaque partie de la pièce, elle constata quelque chose d'inexplicable situé au centre de chacune des quatre colonnes décoratives de son lit. Elle les encercla alors de son pouvoir, mais à sa surprise, ils ne disparurent pas. Elle s'avança vers un des poteaux et posant ses mains sur celui-ci, elle entoura cet étrange vide de sa lumière.

- Par les déesses, murmura-t-elle en éloignant ses doigts pour apercevoir que cette chose était toujours présente.

Elle sursauta quand on cogna à l'entrée et son pouvoir s'éteignit. Elle se précipita hors du lit et courut enfiler un long vêtement par-dessus sa chemise de nuit.

- Zelda ? Est-ce que ça va ? demanda Nayru de l'autre côté.

- Oui, répliqua-t-elle d'une voix rauque en s'approchant de la porte qu'elle entrebâilla.

Dès que sa cousine l'aperçut, ses yeux dévoilèrent son inquiétude et elle questionna tout bas à la princesse :

- Que s'est-il passé ?

- Rien, répondit Zelda. Je...

- Fais croire ça à la fille qui porte le nom de la déesse de la Sagesse, la coupa Nayru toujours en chuchotant. Nous avons perçu la lumière de ton pouvoir dans le corridor et tu as indéniablement pleuré.

- Elle est blessée ? demanda quelqu'un dans le couloir.

Zelda grogna en reconnaissant la voix de Link et elle se força à expliquer :

- J'ai cru voir quelque chose et je voulais vérifier que c'était juste mon...imagination.

- Est-ce qu'on peut entrer ? soupira Nayru en regardant derrière elle. Je pense que ton chevalier est prêt à me passer sur le corps pour s'assurer que tu vas bien.

La princesse se recula et sa cousine, suivie du jeune homme, s'invita dans sa chambre. Immédiatement, elle remarqua l'analyse de Link alors que son front se plissait. Il regarda partout dans la pièce pendant que la comtesse demandait de nouveau en fermant en partie la porte derrière elle :

- Que s'est-il passé ?

La future souveraine alla s'installer sur la chaise tout en cherchant ses mots.

- Je me sens très stupide en ce moment, dit-elle enfin. Ce n'est probablement rien...

- La dernière fois que tu as dit ça, la coupa Link en haussant un sourcil, tu en es presque morte.

- Ce n'est pas la même chose, soupira-t-elle.

- Laisse-moi être le juge, répliqua-t-il d'une voix sans appel.

Zelda perçut l'observation silencieuse de sa cousine qui s'était approchée doucement. Faisant fi de son orgueil, elle conta :

- C'est difficile à expliquer, mais, au moment où je me suis endormie j'ai ressenti un inconfort. En ouvrant les yeux, j'ai cru voir un monstre. Juste au-dessus de mon lit. J'ai paniqué et utilisé mon pouvoir pour vérifier que...que j'avais imaginé ça.

Constatant qu'elle ne continuait pas, Link insista :

- Et ?

- Je ne suis pas sûre, dit-elle d'une voix hésitante en regardant l'endroit où la créature était apparue. J'ai l'impression que quelque chose cloche avec les quatre colonnes décoratives.

Nayru s'avança vers un des poteaux et leva sa main. La princesse fronça les sourcils en la voyant arrêter ses doigts exactement à la hauteur où elle avait détecté un vide étrange.

- Je crois que je sens quelque chose ici, dit-elle.

La comtesse se tourna vers Zelda et demanda :

- Est-ce que je peux aller chercher ma mère ? Elle en connait beaucoup plus que moi dans ce domaine.

La princesse fit une grimace et répondit :

- Je ne veux pas la déranger.

Nayru balaya l'air de sa main et se dirigea vers la porte en disant :

- Comme si c'était déjà arrivé.

Elle disparut dans le couloir et Link fut devant Zelda en deux secondes. Il s'accroupit et plaça son visage inquiet face à elle.

- Tes yeux sont irrités, dit-il.

- J'ai pleuré un peu, dit-elle à contrecoeur.

- J'ai l'impression que tu les as frottés avec un papier de verre, commenta-t-il avec une moue. Est-ce que ça va ? Honnêtement ?

Elle approuva de la tête et ajouta :

- Je vais bien. Cette chose m'a vraiment fait peur. J'espère que ce n'était pas réel, mais d'un autre côté, je me sens idiote d'avoir réagi aussi fortement si ça ne l'était pas.

Link lui sourit et se leva lorsque sa tante et sa cousine entrèrent dans la pièce. La plus vieille se dirigea vers le lit et s'arrêta devant une colonne. Elle imita le geste que Nayru avait fait un peu plus tôt et approuva en répétant plus pour elle-même :

- Oui, il y a quelque chose ici. À peine perceptible.

Elle vérifia les trois autres et constata le même phénomène. Elle se tourna vers Zelda et demanda :

- Est-ce un nouveau lit ?

- Non, répondit-elle surprise. C'est le même depuis...depuis toujours.

- Tu en es certaine ? insista sa tante.

La princesse se leva et alla examiner un endroit sur le meuble où une marque, qui avait été faite par accident lorsqu'elle avait tiré un rayon avec son petit gardien, était gravée depuis presque deux ans.

- Oui, dit-elle. Je suis sûre que c'est le même. Pourquoi cette question ?

Sa tante pinça ses lèvres et ses yeux fixèrent le lit défait. Nayru en profita pour allumer quelques lampions, la noirceur envahissant de plus en plus la chambre.

- Quelqu'un a placé un sort sur ce lit, dit finalement la femme d'âge mûr. Ces colonnes servent de récipients à cette magie. Et ce n'est pas une bonne énergie.

Link se posta à côté de la princesse à l'entente de cette annonce.

- Je ne sais pas ce que ce sort provoque, continua sa tante, mais je paris qu'il ne s'active que lorsque tu es dans ton lit.

- Ce n'est pas logique, je dors ici depuis des années.

- Peux-tu me dire ce qu'il s'est produit exactement ?

La princesse passa une main sur son visage et découragée, elle raconta :

- J'étais sur le point de m'endormir et j'ai ressenti un malaise. J'ai eu des démangeaisons au niveau de mes yeux et lorsque je les ai ouverts, il y avait cette...chose. C'était un immense oeil noir, au-dessus de moi. Ça m'a paralysé jusqu'au moment où j'ai utilisé mon pouvoir. J'ai pu sortir du lit. Ensuite, j'ai voulu essayer de...

Elle eut un rire gêné et poursuivant :

- De bénir cet endroit. Je croyais que j'avais imaginé tout ça, mais ce n'était pas un rêve, n'est-ce pas ?

- Je pense bien que ce que tu as vu est réel, répondit sa tante.

Après quelques secondes de réflexion, elle regarda le chevalier et dit :

- Est-ce que ce serait possible de nous trouver une hache ?

- Une hache ! répéta Nayru surprise. Mère, on ne peut pas...

- Peut-être veux-tu dormir dans le lit de la princesse cette nuit ? répliqua la femme d'âge mûr.

La blonde fit une moue et Link indiqua :

- Je vais chercher ça.

Il disparut dans le couloir et la pièce resta silencieuse un moment avant que Nayru demande :

- Qu'est-ce que tu veux faire avec une hache ?

- Je veux voir ce qu'il y a dans ces colonnes.

- Ne devrions-nous pas prévenir la reine ? s'énerva sa cousine devant le calme de sa propre mère.

Zelda observa sa tante qui eut un regard triste.

- Je ne crois pas qu'elle veuille m'écouter, dit la plus vieille.

- Avec le vacarme qu'on risque de faire, elle n'aura pas le choix ! s'offusqua la blonde d'une voix exaspérée.

- Je vais y aller, dit Zelda. Elle doit savoir ce qui se passe ici.

La princesse quitta l'endroit sous le soupir de Nayru et alla cogner à la chambre des deux souverains. Elle regarda dans le couloir les autres pièces. Plusieurs des portes étaient fermées ce qui signifiait qu'elles étaient occupées. Ce fut le roi qui ouvrit et Zelda s'empressa d'annoncer :

- J'ai besoin de parler à la reine.

- Elle est dans le salon, dit-il en se reculant.

La princesse s'avança et aperçut sa mère qui l'observa avec curiosité. Assise sur un fauteuil, elle déposa le livre qu'elle avait à la main.

- Allez-vous bien ma fille ? Vos yeux semblent irrités.

- Quelque chose s'est produit, commença-t-elle.

La reine lui fit signe de poursuivre et Zelda sentit l'écoute active du roi derrière elle.

- Alors que j'allais m'endormir dans mon lit, j'ai eu un malaise. En ouvrant les yeux, j'ai vu...quelque chose. J'ai utilisé mon pouvoir et déterminé qu'il y avait, hum...je ne sais pas comment le décrire. Une mauvaise énergie ? Pour vérifier que cette hypothèse est bien réelle, je vais devoir...

La princesse fit une grimace et avec une voix emplie d'excuse, reprit :

- Je vais devoir briser certaines parties de mon lit. Les quatre colonnes pour être exacte.

Elle ajouta devant l'air hébété de la reine :

- Cela risque de faire un peu de bruit.

Le silence perdura presque une minute entière avant que la souveraine ne demande :

- Qu'avez-vous vu ?

- Ça peut paraître ridicule, dit la princesse avec dérision, mais j'ai vu un monstre.

- Quel genre de monstre ? questionna rapidement sa mère.

- Une sorte de grand oeil noir, tenta-t-elle d'expliquer. Mais...

- Dohensan, coupa la reine.

Elle se tourna vers le roi.

- Ça ne peut pas être une coïncidence.

Son père resta silencieux et Delia reprit avec une colère contenue :

- Par Hylia ! Elle va avoir vingt-deux ans ! Vous ne pouvez pas mettre ça sur le dos de son imagination !

Alors cela s'était vraiment produit par le passé, devina la princesse.

- Je sais, soupira le roi en glissant une main sur sa longue barbe.

Zelda resta silencieuse en fixant ses parents, à la fois surprise et mal à l'aise d'assister involontairement à une dispute. Elle essaya de se souvenir d'un moment dans son enfance où elle aurait vu un monstre de ce genre. Cependant, même s'il y avait eu cet oeil juste en face d'elle à cette époque, ses yeux défaillants ne lui auraient pas permis de le voir. Son attention revint sur sa mère qu'elle avait rarement observée dans cet état. C'était bien la première fois que la reine passait outre le protocole devant sa fille, surtout en s'adressant au roi. Delia se leva soudainement et pointa un doigt accusateur sur son époux en grognant tellement bas que Zelda put à peine entendre :

- Vous vous occupez de lui immédiatement où je vous promets de légaliser le divorce dans ce pays.

Un bruit sourd résonna au même moment, faisant sursauter la témoin de cette scène loin d'être orthodoxe. Bon sang ! pensa Zelda en dévisageant le couple royal. Est-ce que sa mère était sérieuse ? Pourquoi était-elle si en colère ? Et de qui voulait-elle que le roi s'occupe ?

- Zelda ? dit la reine en se tournant vers sa fille.

- Oui ? répondit précipitamment la princesse, les yeux agrandis de stupeur.

Un autre coup se fit entendre et Delia lui fit signe de la suivre en déclarant :

- Allons voir ce qu'il se passe.

Avec un regard pour le roi qui lui fit un minuscule sourire, Zelda emboita le pas à la souveraine sans bruit et les deux se retrouvèrent dans cette pièce familière qui lui servait de lieu de repos depuis tant d'années. Link avait fait tomber une des colonnes et la fendait en deux quand les deux femmes franchirent la porte. La princesse sentit plus qu'elle ne vit la tension entre les deux soeurs et s'inquiéta de ce que l'état déjà inhabituel de la reine pourrait provoquer. Un craquement résonna lorsque le bois s'ouvrit et un objet en verre glissa du centre du poteau. Link se pencha pour l'attraper, mais put à peine le garder une seconde entre ses doigts avant de le relâcher et pousser une exclamation de douleur.

- Faites attention, ce truc brûle !

- Est-ce que ça va ? demanda la princesse.

Le héros approuva et Nayru s'avança pour ramasser la chose.

- Attendez ! dit Zelda en s'approchant. Je vais le faire.

Elle ignora l'avertissement de la reine et appela son pouvoir avant de s'accroupir pour prendre - on aurait dit une petite fiole en verre d'un centimètre de diamètre par trois de haut - dans sa main. Il n'y avait rien à l'intérieur, mais à l'aide de la lumière qu'elle émettait, elle pouvait encore distinguer ce vide caractéristique dans l'objet. Les trois autres femmes s'étaient approchées à leur tour et observaient sur leurs gardes ce que la princesse tenait dans sa paume.

- Que pensez-vous de cela, ma reine ? demanda posément sa tante.

- Zelda, ce n'est vraiment pas le moment de m'énerver.

La réincarnation de la déesse regarda la souveraine hébétée, imitée par sa cousine, alors que l'aîné dans la pièce répondait en se moquant :

- Et bien Delia ! On peut utiliser nos prénoms maintenant ? Quelle surprise !

- Continue sur cette voie et je te prédis un avenir au cachot, s'insurgea la reine. Dis-moi ce que toi, tu en penses.

- Premièrement, commença la plus vieille des deux soeurs en se tournant vers la princesse. Va poser cette chose quelque part. Je ne suis absolument pas à l'aise de te voir manipuler ce genre de magie.

- Tout va bien, s'empressa de préciser la jeune femme.

Devant le regard insistant à la fois de la reine et de sa tante, elle obéit à l'ordre et plaça la fiole sur le cadre de la fenêtre tout près. Elle remarqua que plusieurs lampions avaient été allumés pendant sa courte absence pour aller chercher la souveraine et que les dernières lueurs du soleil avaient disparu à l'extérieur. Zelda croisa les yeux de Link qui était resté immobile dans un coin, la hache toujours dans ses mains.

- Cette chose semble peut-être inoffensive, commença sa tante en direction de la reine, mais c'est bel et bien un sortilège. Je suis certaine qu'il y a un de ces objets dans chacune des colonnes de ce lit. Ce type de sort s'enclenche lorsque les variables sont à leur place. Si j'avais à deviner, je dirais que ces variables sont quand la princesse est dans son lit et qu'elle s'endort. Toutefois, quelqu'un a placé ce sort et il a eu six mois pour le faire. Est-ce que le lit aurait été modifié pendant l'absence de la princesse ? Vous devez vérifier...

- C'était là bien avant, la coupa Delia avec une moue sur le visage.

Plus pour elle-même, la reine répéta tout bas, le front plissé de colère :

- Par les déesses, c'est là depuis le début.

- Ça ne peut pas être là depuis si longtemps, dit Zelda en fronçant ses sourcils. Je m'en serais aperçue, non ?

Le visage de Delia blanchit soudainement et Nayru attrapa son bras pour l'aider à avancer jusqu'à l'unique chaise de la pièce. Lorsqu'elle fut assise, la princesse se tourna vers sa tante qui affirma en direction de sa soeur :

- Tu sais quelque chose.

Le regard de la reine se dirigea vers sa fille et elle l'observa silencieusement de longues secondes. Finalement, elle raconta doucement :

- Tu ne t'en souviens pas, mais lorsque tu avais un peu plus de deux ans, nous t'avons transféré dans cette chambre. Avec ce grand lit tout neuf.

La souveraine eut un sourire lointain et poursuivit :

- Tu étais vraiment ravie par cela et tu as joué des heures à placer et déplacer tes poupées la première journée. Cependant, quand il est venu le temps de dormir, tu n'avais pas fermé l'oeil deux minutes que tu t'es mise à hurler.

La reine se cacha le visage dans les mains et la princesse remarqua sa tante qui la regarda avec pitié. Ses yeux interrogateurs se tournèrent vers Link qui ne semblait pas comprendre la situation plus qu'elle.

- Tout le monde me répétait que c'était normal, continua Delia d'une voix étouffée. Que tu devais t'habituer à ton nouvel environnement.

Elle renifla dédaigneusement et poursuivit :

- Ça a pris quelques mois. Finalement, un jour, tu as arrêté de te plaindre et de pleurer.

La reine releva son visage et Zelda sursauta en découvrant les larmes coulées sur ses joues.

- Mère...

- Je suis tellement, tellement désolée ma fille, dit la souveraine.

- Mais...

Zelda lança un regard d'incompréhension à sa tante dont les traits avaient durci. Nayru se détourna, comme si elle avait deviné quelque chose. Elle trouva un peu de réconfort en voyant la question muette dans les yeux bleus du héros. En le détaillant, elle répéta ses pensées à voix haute :

- Je ne comprends pas ce qu'il se passe.

- Ce que tu as vu ce soir, expliqua la reine, est ce que tu voyais lorsque tu étais encore un bambin. Et ce, probablement jusqu'à ce que tu ne puisses plus rien voir.

La princesse s'immobilisa et fixa un point invisible. Ce sort était là depuis le début ? pensa-t-elle en écho aux paroles de Delia. Son front se plissa et elle ouvrit la bouche pour contredire les faits, ne pouvant croire une telle chose. Mais elle s'arrêta avant de prononcer le moindre mot. Car elle pouvait presque s'en souvenir. Quelque chose de vague et de lointain. Un fragment d'effroi qui était si vieux qu'il en était irréel. Est-ce que ce sort avait provoqué sa perte de vue ? Ou s'était-elle protégée, d'une certaine manière, en ne voulant plus rien voir ? Cela avait été sa seule option. Elle n'avait eu aucun autre choix, surtout si sa propre mère n'avait rien fait pour elle. Et ce choix lui avait causé tant de souffrance par la suite. Comment sa génitrice avait-elle pu l'ignorer aussi longtemps ?

- Est-ce que vous le saviez ? demanda-t-elle d'une voix contenue.

- Non ma fille, murmura Delia. J'ai fait le lien ce soir...

- Mais, dit la princesse en sentant une main invisible comprimer son coeur, vous n'aviez rien remarqué ? Même lorsque je perdais la vue ?

- Tu es tellement sage Zelda, tu l'as toujours été, soupira la souveraine. Ils me disaient que tu allais bien. Ça n'a été que des mois plus tard que...

- Vous êtes ma mère ! s'écria-t-elle excédée en pointant un doigt accusateur sur la reine. C'était votre rôle de me protéger !

- Je suis désolée...

- Ne dites pas ça ! cracha-t-elle. Pas après tout ce que...

Sa phrase mourut sur ses lèvres et les images de ces sorciers, docteurs, médecins ou spécialistes qui l'avaient auscultée dans le but de la soigner revinrent à sa mémoire, défilant rapidement dans son esprit. Elle pouvait se rappeler du goût répugnant de certains des remèdes. Elle ressentait encore la douleur de certains des traitements. De l'abandon qu'elle avait dû vivre malgré elle. Cette solitude qui probablement serait venue à bout d'elle avec les années si elle n'avait pas reçu ses verres miraculeux pour corriger sa vue. Elle n'était pas en fautes. Elle n'avait jamais été le problème dans toute cette histoire. Toute cette souffrance avait été subie pour rien. Pour absolument rien. Des points noirs apparurent devant ses yeux et quelqu'un l'agrippa en disant :

- Respire Zelda !

- Link, murmura-t-elle. Je ne me sens pas bien.

Elle cligna des paupières et une main essuya les larmes qui coulaient sur ses joues. Elle devina Nayru au travers de ses pleurs qui lui caressa doucement les cheveux.

- Je veux m'en aller d'ici, dit-elle alors qu'un bras solide entourait sa taille. Je veux sortir de ce château !

Elle n'eut pas de réponse et elle tenta de se libérer en criant d'une voix hystérique :

- Laissez-moi partir d'ici !

- S'il te plaît respire Zelda, murmura Link à son oreille.

C'était trop difficile, pensa-t-elle en essayant de prendre une inspiration qui se coinça dans sa gorge.

- Delia ! Autorise-moi à l'amener à mon domaine ! la supplia sa tante.

- C'est sa fête dans une semaine, remarqua Nayru juste à côté de la princesse. Nous n'allons pas être revenus à temps.

- Allez-y, approuva mollement la reine. Je vais me débrouiller avec cette fête.

- Nayru, prépare quelques affaires pour Zelda et sortez, ordonna l'aînée des soeurs. Je vais avertir notre escorte que nous partons. Héros, dépêchez-vous d'aller faire votre valise, nous serons prêts dans quinze minutes.

Zelda n'entendit pas la suite. Elle se laissa porter mollement et ferma les yeux, les larmes coulant sur ses joues. Elle n'arriva pas à décrire ce qu'elle ressentait. Ce qu'elle savait par contre était que si elle avait tenté d'appeler son pouvoir, elle en aurait été incapable.

OoOoO

Zelda regardait les reflets de la lune sur la surface du lac Hylia. La brise fraîche de la nuit entrait par la fenêtre ouverte de la chambre où elle s'était réfugiée depuis son arrivée au domaine de sa tante. Enveloppée dans une couverture épaisse, elle était assise dans un fauteuil lui permettant d'admirer une partie de la plage attenante au manoir et surtout, l'immense cours d'eau ayant le nom de la déesse dont elle était la réincarnation. Elle savait qu'elle se comportait comme une gamine. Elle ignorait sa tante et ses cousines qui désiraient l'épauler. Elle n'avait plus parlé à personne depuis qu'elle s'était emprisonnée elle-même dans cette pièce. Elle dormait le jour et passait la nuit à observer le paysage par sa fenêtre, ressassant ses souvenirs d'enfance, se demandant s'il aurait pu en être autrement. Elle en voulait au roi et à la reine pour tout un tas de raisons. Et elle avait pleuré. Même si elle s'était morigénée à chaque fois d'être aussi faible. Sans pouvoir s'en empêcher, elle imaginait le retour de la Calamité et visualisait la fin de ce monde, sachant pertinemment qu'elle devait intervenir, qu'elle devait sortir de cette chambre, qu'il fallait qu'elle accomplisse son rôle, que ce soit en tant que réincarnation de la déesse ou bien comme future souveraine. Chaque matin, elle tentait de se convaincre de se lever, de prendre le repas en même temps que tous les habitants du domaine. Cependant, le poids de ses obligations était trop lourd à porter et lorsque le soleil apparaissait, elle retournait dans le lit. Elle pensait alors, en se cachant sous les couvertures pour ne pas voir la lumière du jour :

« Encore une journée. Juste une. »

Mais aujourd'hui, c'était son anniversaire. Elle ne pouvait pas demeurer ici indéfiniment. Elle ne pouvait pas continuer d'agir ainsi. La vie suivait son cours à l'extérieur et même si son souhait le plus cher était de s'abriter dans cette bulle hors temps qu'elle s'était créée, ses responsabilités l'attendaient. Elle ne pouvait plus se cacher. Lentement, les lueurs montrant l'arrivée prochaine du soleil tracèrent des sillons dans le ciel au loin. Elle resta immobile, écoutant le chant des oiseaux qui au début fut hésitant, mais augmenta rapidement en une cacophonie de mélodies. Un coq s'était mis à crier un peu plus loin et une brume matinale descendit sur le lac qui devint de plus en plus visible. Une fée apparut dans son champ de vision et elle la regarda voler doucement vers le domaine. Elle la perdit de vue quelques secondes, mais fut surprise lorsqu'elle réapparut devant sa fenêtre. Zelda observa sans bouger la petite boule lumineuse qui se posa sur le cadre de l'ouverture. La princesse laissa tomber la couverture de ses épaules et leva une main vers la créature magique. Celle-ci sauta et atterrit sans bruit sur le bout de son index. La princesse sourit légèrement en observant la fée secouer ses petites ailes, faisant voler la rosée qui s'y était logée. Ses yeux glissèrent vers son autre main posée sur sa cuisse où une nouvelle fée, qu'elle n'avait pas remarquée, était assise sur son pouce. Son pouvoir se réveilla de lui-même et ses doigts s'illuminèrent doucement. Zelda cligna des paupières lorsque les créatures se mirent à briller avec plus de puissance. Elle sursauta en devinant une femme devant elle, qui avait entouré ses deux mains dans les siennes. La princesse ne l'avait jamais vue et pourtant, avec l'impression diffuse de regarder dans un miroir, elle la reconnaissait. Elle se reconnaissait. C'était tellement étrange et à la fois familier. La déesse lui sourit et Zelda l'imita timidement. L'inconnue la tira et elle n'eut d'autre choix que de se lever. La couverture glissa à ses pieds et elle fit un pas en avant, suivant l'apparition qui la guida jusqu'à la porte fermée de la pièce. Lentement, elle posa la main de la princesse sur la poignée, se déplaça sur le côté et dit :

« Tout va bien aller. »

La femme se dissipa alors et les deux fées sur ses mains s'envolèrent vers la fenêtre, la princesse les observant disparaître à l'extérieur la bouche entrouverte. Son regard tomba sur sa main toujours sur la poignée et, un peu hébétée, elle la tourna. Elle tira la porte vers elle et aperçut le héros qui passait à ce moment-là dans le couloir. Il s'arrêta lentement à sa hauteur, soudainement interdit. Ils se détaillèrent quelques secondes silencieusement et le chevalier dit d'une voix précipitée :

- J'allais prendre un petit-déjeuner, tu m'accompagnes ?

Zelda se racla la gorge avant de répondre tout bas :

- Avec plaisir Link.

Il lui fit un sourire et elle put y lire à la fois de la joie et du soulagement. Il lui proposa son bras et elle le prit, posant sa paume sur la main du jeune homme où elle constata que la lumière de son pouvoir illuminait encore le bout de ses doigts. Elle se dissipa alors et elle jeta un dernier regard sur sa chambre en se demandant si elle avait rêvé ce qu'il venait de se passer.

- Prête ? dit Link avec hésitation.

Zelda se tourna vers le chevalier et approuva silencieusement. Elle se laissa guider dans le couloir, écoutant les bruits qui annonçaient le réveil des habitants du manoir. L'inquiétude lui noua les entrailles et elle commença à douter de sa décision d'avoir quitté son refuge. Elle ne se sentait pas parée à affronter cette journée. Surtout pas cette journée.

- J'ai une surprise pour toi, dit Link.

Ils étaient arrivés à la salle à manger qui était encore vide. La princesse savait que celle-ci se remplirait assez vite. Ses trois cousines habitaient avec son oncle et sa tante, en plus du mari de Farore et de leur enfant. Elle était si fatiguée.

- Link, répondit-elle avec un froncement de sourcil, je ne crois pas être suffisamment en forme pour…pour peu importe ce que tu as prévu.

- Même si je te propose d'essayer ça ? répliqua-t-il en pointant une grande vitrine donnant sur les champs derrière le domaine.

Ses yeux suivirent la direction des doigts du héros et s'agrandirent de stupeur en voyant un imposant robot ressemblant à son gardien, immobile à côté de la clôture délimitant la cour arrière. Elle alla pour s'avancer vers la fenêtre, mais Link la retint.

- Petit-déjeuner avant tout chose, intervint-il.

- Pourquoi me l'avoir montré ? dénonça-t-elle avec une moue.

- À la base, expliqua le chevalier, c'était censé servir de moyen de chantage pour te faire sortir de cette chambre. Maintenant, c'est juste une assurance pour que tu n'y retournes pas.

En plantant ses yeux dans ceux de la princesse, il l'interrogea inquiet :

- Tu ne retourneras pas dans cette pièce, n'est-ce pas ?

Elle l'observa sans rien dire. Elle pensa au roi et à la reine au château, se demandant ce qu'il se passait là-bas, pendant son absence. Rapidement, les souvenirs de son enfance tourbillonnèrent dans son esprit et l'envie de courir se réfugier sous les draps de son lit revint en force.

- J'aurais besoin…

Elle fit une grimace avant de recommencer avec hésitation :

- J'aurais besoin de ton soutien pour ça.

- T'empêcher d'y retourner ? demanda Link en haussant un sourcil.

Et l'aider à se sortir de cette dépression, pensa-t-elle. Elle approuva simplement de la tête et son chevalier acquiesça :

- Je peux faire ça.

Il libéra le bras de la princesse et posa sa main dans son dos. Il se pencha alors pour placer l'autre derrière les genoux de la jeune femme et d'un seul mouvement, la soulevait pendant qu'elle laissait échapper un cri de surprise.

- Qu'est-ce que tu fais ? murmura-t-elle paniquée.

- Et bien, expliqua-t-il en se dirigeant au milieu de la salle à manger, tu avais l'air de quelqu'un prêt à fuir, donc je t'aide.

- Je peux marcher trois mètres Link !

Ils s'approchèrent de la longue table qui occupait le centre. Le soleil avait finalement pointé le bout de son nez depuis un moment et regarder par la fenêtre en était presque aveuglant.

- Tu veux une place en particulier ? dit-il en ignorant sa phrase.

Ses mains sur la poitrine du jeune homme, elle grogna exaspérée et répondit :

- N'importe où tant que tu me poses au sol !

Il obéit et tira une chaise, l'invitant à s'asseoir. Elle s'installa avec un regard méfiant en direction du chevalier pendant qu'il lui souriait, légèrement moqueur. Au même moment, Farore entra dans la grande pièce.

- Bon matin, dit-elle distraitement.

Elle s'avança vers eux et Zelda vit sa surprise sur son visage quand sa cousine la reconnut.

- Tu es là ! s'écria-t-elle avec un sourire.

Elle fronça soudainement les sourcils et gronda en posant les mains sur son ventre énorme :

- Désolée. Ce bébé s'est amusé à me donner des coups de pied toute la nuit et il a encore de l'énergie.

Elle flatta tendrement son ventre et soupira :

- Je jure que c'est mon dernier.

Link ria doucement et lui tira une chaise juste à côté. Farore, un merci dans sa direction, y prit place. Le héros dit alors :

- Je vais aller voir si quelque chose est prêt dans la cuisine.

Il envoya un regard vers la princesse qu'elle comprit comme étant un avertissement de ne pas bouger de là et elle balaya l'air de sa main. Une fois qu'il eut quitté la pièce, Farore tourna sa chaise pour faire face à Zelda et affirma :

- Je suis heureuse de te trouver ici. Est-ce que tu te sens mieux ?

- Un peu oui, mentit-elle avec hésitation.

Farore prit une de ses mains dans la sienne et lui sourit en la serrant.

- Veux-tu bénir mon bébé ? demanda-t-elle avec un espoir mal camouflé. Je suis prête à essayer n'importe quoi pour que ce monstre se calme !

La princesse eut un rire et ses doigts entourés de ceux de sa cousine s'illuminèrent. Farore les posa sur son ventre et ferma les yeux. Zelda se concentra sur les mouvements que sa paume put détecter. Elle n'avait jamais utilisé son pouvoir sur un enfant encore dans le ventre de sa mère. Elle pouvait sentir l'énergie familière de sa cousine. Elle avait l'impression de marcher dans une vieille forêt, de fouler la terre fertile de ses pieds nus et d'observer des fées de couleurs différentes. Ce qui lui rappela ce qu'elle avait vu un peu plus tôt.

- Je crois que ça fonctionne, ria doucement Farore.

Et en pointant la main sur son ventre, elle ajouta :

- Je m'excuse de t'annoncer que je garde ça jusqu'à mon accouchement.

- Malheureusement, je vais en avoir besoin pour manger, répliqua l'autre avec humour.

Provenant du couloir, Zelda entendit du bruit et elle s'inquiéta de l'arrivée de nouvelles personnes. Était-elle présentable ? Allaient-ils la juger ? Elle se sentait encore tellement misérable.

- Hé, murmura Farore.

La princesse tourna son attention vers sa cousine qui l'encouragea :

- Tout va bien aller. Tu n'as qu'à manger, d'accord ?

Zelda dévisagea la jeune femme un moment, ses paroles faisant écho à ce que la déesse avait dit plus tôt. Finalement, avec un sourire, elle approuva :

- Oui, tu as raison.

Et sur le bout des lèvres, elle ajouta pendant que le reste de la famille entrait dans la salle :

- Merci.

Pour, à la fois, sa cousine et l'apparition qui l'avaient aidée à faire quelques pas hors de sa désolation. Même si elle savait qu'elle était loin d'en être sortie complètement.


Chapitre mis en ligne le 5 avril 2019.