On approche de la fin à grands pas. Bon, au départ, je pensais m'en sortir en bas de 10-15 chapitres, avec une histoire au alentour de 100 000 mots...mais j'ai un petit peu dépassé lol ! Je viens de terminer le dernier chapitre (le 19) et ne me reste qu'à écrire l'épilogue. Donc, la fin est vraiment proche. (Yeah!) J'ai comme objectif de tout publier avant la fin de ce mois, au plus tard début mai. (Et maintenant que je vous l'ai dit, je n'ai plus le choix xD !)
Un énorme merci OnyxSeele, Kyso, Zergath et Mytsuu, pour vos commentaires qui sont trèèèès appréciés ! Et sinon, bonne lecture à tous :)
16
Le seul moyen que Zelda avait trouvé jusqu'à maintenant pour affronter les habitants du château était d'avoir une attitude neutre. Elle les écoutait attentivement et ne répondait que le strict minimum pour être convenable. Elle ne voulait rien leur dévoiler de ses pensées, car son esprit était loin d'être apaisé, surtout suivant tous les derniers évènements. Pour elle, l'attaque de la tour Gérudo s'était déroulée il y avait un mois tout au plus. La douleur de chacun de ses membres à la suite de cet incident était encore enregistrée dans sa mémoire. Malgré le fait que son corps n'eut jamais été autant en santé, quelques fois, il lui arrivait de trembler sans raison apparente et elle devait alors se convaincre que tout allait bien, qu'elle n'était plus sur le point de mourir. Après cela, il y avait eu ce monstre. Par les déesses, elle détestait son lit à l'heure actuelle et savoir qu'elle devrait y être pour la nuit l'horripilait. Cependant, elle exécrait encore plus demander une faveur au roi et à la reine. En dépit de l'opinion de Link sur le sujet, qui était persuadé que personne ne verrait cela comme une faiblesse, elle n'osait pas réclamer à être changée de pièce. En présence des deux souverains, elle avait juste envie d'éclater en sanglot, de leur crier des injures, ou bien, plus que tout, disparaître. S'évaporer et ne plus avoir à subir leurs regards où elle pouvait y lire la peine et le remord à son égard. Elle avait l'étrange réflexe de vouloir les consoler tout en sachant pertinemment que si quelqu'un avait à l'être, c'était elle. Comment pourrait-elle leur demander quoique ce soit, quand cela concernait le sujet de son enfance, sans se faire du mal et encore plus, leur faire du mal ? Elle avait besoin de temps, car elle sentait la nécessité de reprendre son souffle après toutes ces péripéties. Toutefois, il semblait que la Calamité, ainsi que l'armée de monstres dont elle entendait de plus en plus parler, en avaient décidé autrement.
Malgré tout cela, l'énergie en elle bouillonnait de vie et elle devait, pour la première fois, faire attention à la contenir. Elle n'aurait jamais imaginé que cette situation se serait présentée et pourtant, Link n'avait besoin que de lui envoyer un regard pour que son pouvoir s'échappe du bout de ses doigts. Elle n'en revenait pas d'avoir été aveugle à de telles émotions. La magie qui l'habitait avait compris bien avant elle ce qu'elle ressentait pour le héros. Et dire qu'il la croyait intelligente ! Cependant, elle n'avait jamais associé la joie qu'elle éprouvait lorsqu'elle était en sa compagnie avec le sentiment d'amour que peuvent vivre deux personnes. Ce n'est pas comme si elle avait déjà eu ce genre d'expérience. Pourtant, elle aurait dû avoir des soupçons. Il était si près d'elle depuis tant de mois, qu'elle ne s'était pas vraiment rendu compte de leur proximité. Ou plutôt, de la sensation de normalité qu'elle ressentait quand il était tout près d'elle. C'était devenu tellement familier, qu'elle souhaitait sa présence à chaque moment de la journée. Elle avait envie de discuter avec lui de tout et de rien, seulement pour entendre sa voix grave, son timbre calme. Elle voulait détailler ses expressions, tenter de comprendre un peu plus ce qu'il se passait derrière ses iris bleus et ce que signifiaient ses sourires en coin. Surtout, elle désirait qu'il la touche. Juste un léger contact ou une minuscule caresse qui ferait battre son coeur à un rythme effréné. Elle pourrait alors voir dans son regard tout l'amour qu'il éprouvait pour elle. Et dans ses yeux qui s'assombrissaient, elle pourrait observer cette autre chose. Cette émotion qui lui nouait l'estomac, cette envie qui l'exaltait tout en l'effrayant. Tout se passait trop vite et pourtant, d'un autre côté, tout se déroulait tellement lentement que l'impatience la gagnait. Elle s'imaginait alors crier sur les toits qu'elle aimait le héros détenteur de l'épée légendaire et - par Hylia ! - pouvaient-ils se marier qu'elle puisse enfin le prendre dans ses bras sans devoir s'inquiéter des rumeurs que cela provoquerait ?
La princesse fit disparaître le minuscule sourire de ses lèvres et tenta de se concentrer sur le parchemin devant elle. Située dans la bibliothèque du château, elle s'était assise à une longue table inoccupée. La flamme d'une lampe tout près distribuait sa douce lumière sur le texte inscrit sur le papier. Elle recommença sa lecture des mots, mais ses pensées dévièrent rapidement et elle passa une main sur ses yeux lorsque l'image du héros revint à son esprit.
Link, songea-t-elle, avait placé sa confiance en elle. Tout comme elle l'avait fait à son égard. Elle devait respecter cela. Elle devait bien se préparer et surtout, bien le préparer à ce qui allait suivre. Elle ne voulait pas l'effrayer, même si après avoir observé son tempérament calme depuis des mois, elle doutait que cela soit possible au point de le faire fuir. Personne au château n'avait besoin de savoir ce qui se passait entre eux, pas avant d'avoir la certitude qu'il fût prêt à affronter son monde. Elle devait aussi se résigner au fait qu'il change d'avis. Jamais elle n'accepterait qu'il sacrifie sa vie pour elle si cela le rendait malheureux. C'était toutefois difficile de penser à une telle éventualité et elle se morigéna d'être soudainement dépendante de son chevalier.
Pinçant les lèvres, elle poursuivit la lecture du parchemin. Le roi et la reine, sans trop en révéler, lui avaient annoncé à elle ainsi qu'à Link que le chancelier avait donné sa démission. Elle avait, sans succès, cherché à en savoir plus, car elle était intriguée par cette décision. Son père avait toujours estimé le travail de l'homme qu'il considérait comme un ami et d'apprendre qu'il avait quitté son poste pendant son absence était troublant. Cela inculpait le chancelier, même si elle n'était pas sûre du pourquoi exactement. Elle admettait être soulagée. Ne plus avoir à croiser cet homme dans le château était l'un de ses souhaits depuis sa plus tendre enfance. Toutefois, après tout ce qui lui était arrivée, savoir que l'ancien chancelier était libre alors qu'il était un suspect pour plusieurs des tragédies qu'elle avait subi - information qu'elle avait eue grâce à Link et à ses propres déductions - lui faisait peur. Il avait une incroyable connaissance à la fois du royaume et du palais. Il pouvait facilement nuire à leurs existences et étant dans l'ombre quant à la raison de sa démission, elle ne pouvait pas s'empêcher d'imaginer le pire.
Zelda leva la tête de son parchemin lorsque des bruits de pas résonnèrent dans la grande pièce vide. La reine s'avança sans hésitation jusqu'à elle et tira la chaise en face pour s'y asseoir.
- Je voulais vous donner plus de temps, dit la souveraine sans préambule. Cependant, il semblerait que le destin ne soit pas avec nous.
La princesse observa la nouvelle venue silencieusement, attendant la suite.
- Un convoi de gérudos est en route vers le château, continua Delia. Depuis l'incident de la tour, celles-ci demandent une compensation pour avoir assuré votre protection en plus des habitants survivants de la mine.
- Quelle compensation ? questionna simplement Zelda intriguée.
- Vous êtes la compensation, répliqua Delia à la surprise de sa fille. Elles veulent vous accueillir dans leur cité, là où vous leur accorderez votre bénédiction.
- C'est...tout ? hésita la plus jeune.
La reine croisa ses mains sur la table et poursuivit lentement :
- Aucun soldat ou serviteur ne pourra vous accompagner pour ce voyage. Qu'ils soient hommes ou femmes. Les gérudos vous escorteront du château jusqu'à leur cité et vice-versa une fois la bénédiction donnée.
Zelda fronça ses sourcils. Le roi n'acceptera jamais une telle chose, pensa-t-elle. Ce serait avoir une confiance aveugle envers le peuple des guerrières et elle le savait incapable de cela.
- Aussi, ajouta la souveraine, elles s'engagent à livrer les criminelles qui se sont réfugiées dans leur cité et à accorder leurs soutiens à l'armée d'Hyrule lors du retour de la Calamité.
Pourquoi octroyer autant de faveurs en échange d'une seule bénédiction ? pensa Zelda. Et pour quelle raison exigeaient-elles qu'elle fasse le voyage sans protecteur ?
- Ont-elles parlé du robot ? interrogea Zelda perplexe.
- Non.
Il y avait certainement une explication à cette demande. Les gérudos voulaient sa présence à tout prix sans l'interférence de qui que ce soit. Si elle se fiait à la logique d'Impa, cette mise en scène ressemblait à un piège. Un piège pas du tout subtil, mais un piège tout de même.
- Quelle est la décision du roi ? s'enquit la princesse.
- Il refuse catégoriquement, répondit Delia sans surprise.
Zelda étudia le regard que lui envoyait sa mère et remarqua :
- Vous avez vu quelque chose.
La souveraine approuva.
- Ce n'est rien de nouveau, dit-elle. Depuis votre réveil, j'ai recommencé à voir cette vision de vous et cette gérudo.
La princesse sentit ses joues s'empourprer sous la gêne et entendit le léger rire de la reine. Avec les sentiments que Zelda éprouvait envers le héros, cette prédiction d'elle avec une femme guerrière avait encore moins de sens.
- Ma fille, murmura Delia doucement, vous semblez heureuse dans cette vision. Et j'admets qu'en ce moment, votre bonheur m'importe énormément.
Elle dévisagea sa mère incertaine de ce qu'elle sous-entendait par ses paroles. La reine se leva alors et poursuivit d'une voix plus ferme :
- Le convoi des gérudos arrivera demain et il est possible qu'elles veuillent s'entretenir avec vous. Si vous ne vous en sentez pas prête, je peux m'occuper d'elles.
La princesse hocha négativement la tête et affirma :
- C'est la moindre des choses que je les remercie pour tout ce qu'elles ont fait.
- Bien, dit simplement la reine. Je ne vous dérangerai pas plus longtemps.
Elle avait déjà fait plusieurs pas en direction de la sortie quand Zelda s'écria :
- Mère !
Immédiatement, la souveraine s'était retournée et fit patiemment face à sa fille. C'était stupide, se morigéna la princesse. Pourquoi avait-elle parlé ? Il était de toute façon tard et déménager ses effets ne pourrait pas se faire avant le lendemain. Avec courage devant la reine qui l'observait toujours et souhaitant que l'émotion dans sa voix ne fût pas détectable, la jeune femme demanda :
- Puis-je changer de chambre ?
- Bien entendu, répondit sans hésitation Delia. Aviez-vous un choix en particulier ?
- Tant que ce n'est pas...
La princesse baissa le regard sur son parchemin avec embarras, ne sachant pas comment exprimer son besoin sans paraître futile.
- Si vous me donnez une petite heure, déclara la reine, je peux m'occuper de tout cela maintenant.
Zelda fit face à sa mère et s'empressa de répondre :
- Ce n'est pas nécess...
La souveraine avait soulevé sa main et la coupa :
- Laissez-moi faire cela pour vous, ma fille.
Elle lui sourit avant de se détourner et quitta la bibliothèque sous le regard incertain de la réincarnation de la déesse.
OoOoO
Le temps était lourd sur la cité d'Hyrule. Le soleil était voilé par une couche de nuage et le vent inexistant. Même l'entraînement journalier de l'armée avait été réduit à son minimum pour éviter un coup de chaleur aux soldats. Zelda pouvait sentir la sueur perlée sur sa nuque cachée derrière la masse de ses cheveux tressée. Ce qui ne l'empêcha pas d'admirer les gardiens stationnés dans la cour de la garde royale, tout en attendant la délégation de gérudos qui avait franchi les murailles de la ville et arriverait sous peu.
- Par les déesses, maugréa Link. Il fait chaud !
La princesse tourna son visage vers le héros qui passait une main sur son front pour y enlever l'excédent de sueur. Si elle n'avait pas l'habitude d'accueillir les visiteurs du château accompagné de son chevalier, pour les guerrières du désert, une exception avait été faite.
- Dommage que les bijoux de saphirs n'aient plus de magie, n'est-ce pas ? déclara-t-elle avec pointe d'humour.
- Tu es pleine de magie, grogna Link. N'es-tu pas capable de les réactiver ?
Elle eut un léger rire et retourna à l'observation des robots en disant :
- Non, je ne suis pas la reine des neiges.
Il rigola tout bas et ajouta :
- Bien au contraire.
Elle sentit ses joues s'empourprer et elle pinça ses lèvres où un sourire était toujours présent. Elle ne répondit pas et se concentra rapidement sur autre chose pour éviter que son bonheur devienne apparent. Tout en admirant les robots plus loin, elle pensa aux sheikahs qui avaient aidé à leur conception. Elle aurait aimé discuter avec Pru'ha de cette technologie qui la fascinaient et attendait son retour avec impatience. Elle avait reçu un courrier d'Impa qui lui annonçait leurs visites dans les prochains jours. Elle souhaitait depuis un moment déjà d'avoir des nouvelles de son amie.
Lorsque le cortège d'une dizaine de gérudos apparut dans le champ de vision de la princesse, celle-ci eut une grimace intérieure. Les guerrières étaient flanquées de chaque côté par tout autant de soldats que leur petit groupe.
- Le roi aurait dû être plus discret avec cette surveillance, commenta Zelda tout bas.
- Peuvent-elles mal le prendre ? murmura le héros.
- Le prendrais-tu mal ? le questionna-t-elle doucement.
Il n'eut pas le temps de répondre, la délégation étant trop près. Cette situation déjà délicate n'allait certainement pas s'améliorer quand ces femmes allaient apprendre le refus du roi concernant leur demande, pensa la future souveraine. Affichant un air pondéré, elle sourit poliment lorsque Nabooru s'arrêta devant elle et se prosterna. Zelda l'imita avec moins d'ampleur. Un regard vers les nouvelles arrivées lui permit de reconnaître Beterah qui lui fit un léger signe de main. Son sourire s'agrandit un peu plus en direction de la gérudo de haute stature et ses yeux se posèrent sur la chef.
- Avant toute chose, commença la princesse, j'aimerais vous remercier de nouveau pour l'aide généreuse que vous m'avez prodiguée lors de l'incident à la tour Gérudo. Il est certain que sans votre présence, je ne serais plus là aujourd'hui. Pour cela, vous avez mon éternelle reconnaissance.
C'était tout ce qu'elle pouvait leur offrir malheureusement, pensa Zelda en voyant le sourire satisfait de leur chef. Elle poursuivit alors :
- Le roi et la reine vous attendent et dès que vous serez prêtes, je peux vous guider à la grande salle. Par contre, si vous souhaitez vous reposer après un tel voyage, je vous propose eau et nourriture ainsi qu'un endroit pour vous loger.
Nabooru hochait négativement la tête alors que la princesse terminait sa phrase. Elle répliqua :
- Je préfère rencontrer nos souverains immédiatement. D'autres de mes consoeurs patientent à l'extérieur et...
Elle haussa un sourcil en se tournant vers les soldats qui les entouraient toujours.
- Et je crois que pour le bien de tous, nous ne nous éterniserons pas longtemps.
Zelda observa avec une moue les visages impassibles des combattants de l'armée.
- Bien, dit-elle. Veuillez me suivre.
Elle se détourna et avec Link, pénétra à l'intérieur du château pour emprunter les couloirs familiers, les gérudos et leur escorte derrière. Elle pria silencieusement, espérant faire disparaître la crainte qu'un conflit n'éclate ici même. À l'entrée de la grande salle, elle s'arrêta et le soldat posté à la porte alla à l'intérieur annoncer leur arrivée.
- Princesse ?
Zelda fit face à Nabooru et remarqua immédiatement que celle-ci lui tendait un épais parchemin.
- J'aimerais que vous lisiez ceci au lieu de nous accompagner dans cette salle, expliqua la chef. Tout le monde ici sait que notre demande ne sera pas acceptée. Pour éviter de vous faire perdre votre temps...
La gérudo secoua le rouleau dans sa main. Lentement, la princesse le prit sous les regards à la fois défensif et curieux des soldats tout autour.
- Le roi et la reine sont prêts à vous recevoir, dit un homme.
Nabooru n'attendit pas et elle contourna Zelda, suivis de ses acolytes, pour aller à la rencontre des souverains, toujours accompagnée de l'escorte. Lorsqu'il ne resta plus qu'elle et Link dans le couloir, le héros dit :
- Votre Altesse ?
Elle soupira et hocha négativement la tête.
- Si Nabooru me demande de lire ceci, c'est la moindre des choses que j'accède à cette requête, expliqua-t-elle tout bas à son chevalier.
Elle se détourna du garde qui ferma la large porte en voyant qu'ils n'entreraient pas. Elle se dirigea vers la bibliothèque et Link suivit prestement.
- Que crois-tu que ce parchemin contienne ? interrogea-t-il une fois qu'ils furent seuls.
- C'est ce que nous allons découvrir, répondit-elle simplement.
OoOoO
- J'ai trouvé le dernier, dit Link tout bas.
Zelda attrapa une plume qu'elle trempa dans l'encre et regarda le héros qui plissa les yeux sur la liste qu'il avait en main.
- Sir Gerald du troisième régiment. Vingt-deux années de service. Originaire de la citadelle d'Hyrule.
- C'est le troisième chevalier, grogna la princesse en inscrivant l'information sur son parchemin.
Elle déposa le crayon une fois le tout écrit et se redressa pour dévisager les vingt noms devant elle. Chacun d'eux était accusé de crimes non punis contre des femmes - des hyliennes et deux gérudos pour être exactes - et habitait différents endroits du pays. Ils faisaient tous partie de l'armée du royaume, vivant leur vie comme s'ils n'avaient rien fait de mal.
- Même si nous rencontrions chacune de ses personnes, elles plaideraient non coupables, soupira Zelda.
Elle pointa un nom sur sa liste.
- Soldat Yannic de la région de Lanelle, lut-elle.
Elle se tourna vers le chevalier qui l'observait avec un air découragé.
- Comment prouver qu'il a commis un crime ? Personne ne va croire qu'il a violé sa propre femme !
Link fit une grimace et passa nerveusement une main sur son visage.
- À partir du moment où je rends cette liste publique, il y aura une étude du dossier, continua la princesse. Ces femmes qui se cachent dans la forteresse des Gérudos ne seront plus en sécurité. Certaines pourraient même devenir des criminels à leur tour simplement parce qu'elles ont fui.
Elle laissa tomber la liste sur la table et se prit la tête entre les mains.
- Je ne sais pas quoi faire, grogna-t-elle.
- Il est tard, dit Link. C'est impossible d'avoir une solution rapide à un problème aussi...
Il grimaça, ne trouvant pas les mots. Elle approuva mollement, désemparée devant toute l'information que contenait le parchemin que Nabooru lui avait remis plus tôt dans la journée. Elle se leva pour ramasser toutes les feuilles sur la table. Il était tard et la bibliothèque était vide. Ils rassemblèrent à la fois les écrits des gérudos et leurs notes. Une fois prêts, ils sortirent de la grande pièce et Zelda, suivi de Link, alla porter silencieusement tout le matériel dans sa nouvelle chambre pour le ranger à l'abri des regards. Cela fait, elle se tourna vers l'entrée pour voir le héros qui l'y attendait.
- Nous devrions manger, dit-il, mais je t'avouerais que je n'ai pas tant d'appétit.
- Moi non plus, répondit-elle. Par contre, je boirais bien quelque chose de fort.
Link fronça ses sourcils et elle continua :
- Disons que ce sera un de tes apprentissages. Comment bien terminer une journée horrible par une visite du cellier.
- Tu plaisantes, dit le chevalier incertain.
Zelda le contourna pour sortir dans le couloir et se dirigea vers les cuisines sans l'attendre. Elle l'entendit la rattraper et eut un faible sourire en le sachant derrière. Avec le dossier des gérudos qui perturbait ses pensées, son visage se durcit. Pourquoi les guerrières du désert lui auraient transmis de telles informations ? Quel était le but de tout cela ? Elle était incapable de prouver la véracité de ses faits ni, en contrepartie, démontrer que tout était faux. Ce n'était pas juste des hommes et des femmes dans toute cette histoire. Des enfants aussi étaient impliqués. Comment se fait-il que personne n'ait eu vent de tout cela ? De ces récits de maltraitances envers des citoyennes d'Hyrule, qui s'était réfugiée à l'autre bout du monde pour ne plus subir de telles offenses. Elle pouvait visualiser les mots qui se répétaient sur les feuilles. Des histoires d'hommes violents et indécents. Le point de vue de leurs victimes. Elle avait pris connaissance de vingt rapports et elle se demanda avec inquiétude s'il y en avait d'autres. Probablement, pensa-t-elle amèrement. De plus, si la plupart des cas semblaient isolés, il y avait une forme de répétition lorsqu'on lisait certains dossiers. Ce qui lui faisait craindre quelque chose d'organisé et dans ces circonstances, cela ne dépendait pas d'elle. Ça ne dépendait déjà pas d'elle. Donc pourquoi Nabooru avait-elle choisi de lui donner ces parchemins ? Est-ce que le chancelier - l'ancien maintenant - avait eu connaissance de ces infractions ? Est-ce que le roi avait été mis au fait ?
Les deux élus franchirent les portes battantes de la cuisine et la princesse salua poliment le responsable qui à cette heure-ci nettoyait tranquillement les lieux. Elle savait, pour avoir passé énormément de temps ici dans sa jeunesse, que cet endroit à ses heures d'activités permettait d'employer trois à quatre personnes, et beaucoup plus lors de festin. Elle se dirigea vers le fond et ouvrit la porte pour laisser voir des escaliers descendants qu'elle emprunta tout en prenant le lampion accroché au mur.
- Referme derrière toi, dit-elle au héros.
- Es-tu certaine ? s'enquit Link. Les gens vont jaser...
- Ne t'inquiète pas, sourit-elle. La pièce doit rester froide. De toute façon, le cuisinier va probablement envoyer un servant prévenir la reine de notre incartade.
- As-tu déjà fait ça ? demanda le chevalier.
Elle approuva de la tête et une fois en bas dans la chambre rectangulaire qui dégageait une légère fraicheur, elle s'arrêta devant une des étagères remplies de bouteilles. L'escalier qu'ils avaient descendu prenait tout un mur tandis que sur les trois autres avaient été installées des planches horizontales et des armoires pour ranger une quantité incroyable de récipients de verres venant de tout le royaume. Au centre se trouvait une petite table carrée de bois entourée de quatre chaises simples. Le lampion était suffisant pour éclairer la pièce et elle fit rapidement son choix en sélectionnant son vin favori.
- Le roi m'enseigne comment bien boire depuis l'âge de treize ans, expliqua-t-elle en faisant face au héros.
Immobile au milieu, Zelda pouvait observer à la fois sa curiosité et son hésitation. Elle lui sourit doucement pour l'encourager. Il dit alors :
- Je n'ai jamais vu autant d'alcool de toute ma vie. Même dans l'unique bar d'Elimith. Je n'ai jamais pris de vin. J'ai toujours bu de la bière.
- Vraiment ? répliqua-t-elle surprise.
Il croisa les bras sur sa poitrine et expliqua :
- Ce n'est pas comme si j'en prenais souvent. La bière d'orge de mon ancien village est très bonne.
- Vin des baies de la région d'Hébra, dit-elle. Le meilleur. Si c'est ta première fois, faisons en sorte que ce soit agréable.
- Et on parle de quoi au juste ? se moqua-t-il.
Elle ne répondit pas, car la porte s'ouvrit en haut des escaliers. Elle reconnut rapidement la reine qui descendait les rejoindre. C'était impossible qu'elle eût été déjà prévenue et Zelda supposa qu'elle n'était pas la seule à avoir eu une journée misérable. Link posa un genou au sol lorsqu'elle fut en face d'eux et celle-ci dit :
- Relevez-vous, jeune homme. La formalité n'est pas nécessaire ici.
Zelda regarda le héros se lever lentement en les observant soudainement avec discrétion. Au début, elle croyait que les gens de la haute l'indifféraient, mais avec le temps, elle avait compris que lorsqu'il était anxieux ou incertain, il prenait une posture droite et affichait un visage impassible. Elle devrait, dans un avenir proche, faire disparaître cette nervosité envers sa famille. Surtout si vraiment, ils allaient se marier un jour. Elle se força à dévier ses pensées de ce sujet et écouta la reine qui lui demanda :
- Avez-vous encore choisi ce vin fruité d'Hébra ?
Zelda s'obligea à faire un léger sourire et répondit :
- C'est le meilleur.
Delia soupira et se dirigea vers une armoire pour en sortir trois coupes. Elle les déposa sur la petite table et s'assit sur l'une des chaises. Zelda la rejoignit et se remémora d'autres circonstances où elle et sa mère s'étaient retrouvées ici même pour boire tout en discutant. Ce n'est pas comme si cela était fréquent, mais il y avait une certaine familiarité dans cette scène. Elle attrapa le couteau que lui tendait la reine et se tourna vers Link.
- Essayez d'attraper, héros, sourit-elle.
Elle glissa l'ustensile sur le haut de la bouteille et le bouchon vola dans les airs. Avec un émerveillement qu'elle cacha, elle le regarda agripper vivement l'objet avec sa main gauche. Les lèvres du jeune homme se retroussèrent et la reine commenta :
- Vous êtes incroyablement rapide, Sir Link.
Zelda rit intérieurement en voyant des teintes rouges apparaitre sur les joues de Link. Elle se détourna pour remplir les trois coupes et posa la bouteille sur la table. Attrapant deux des verres, elle se dirigea vers le chevalier et lui en tendit un qu'il prit. L'hésitation était revenue dans son regard et il observa sans bruit les deux femmes de sang royal.
- Aux mauvais jours, dit soudainement la reine, qui nous permettent d'apprécier les meilleurs.
La princesse leva sa coupe et ferma les paupières pour boire une gorgée. Elle goûta le liquide sur sa langue avant de l'avaler. Lorsqu'elle ouvrit ses yeux, elle questionna simplement pour briser le silence :
- Comment était-ce avec les gérudos ?
- Désagréable, soupira Delia. Même si elles n'ont pas semblé surprises du refus de leur demande.
La souveraine observa son héritière un moment avant de l'interroger :
- Planifiez-vous vous rendre à la cité Gérudos ?
La princesse haussa un sourcil.
- Le roi ne vient-il pas de refuser cette demande ? répliqua-t-elle.
La reine pinça ses lèvres et son regard glissa sur le héros.
- Saviez-vous, Sir Link, que lorsque je tente de prédire l'avenir de ma fille, je la vois entre les murailles de la forteresse de ces guerrières ?
Curieux, le chevalier en question se tourna vers la princesse et répondit simplement :
- Non, ma reine.
La souveraine eut une moue et observa la jeune femme.
- Pourquoi êtes-vous ici ?
Zelda demeura silencieuse, ne voulant pas divulguer les histoires qu'elle et Link avaient lues aujourd'hui et qu'elle avait souhaité oublier avec l'aide d'un peu d'alcool. Cependant, pour ne plus y penser, elle savait devoir en prendre beaucoup plus que juste un peu. Sa mère soupira alors qu'elle restait muette.
- Vous ne pouvez pas nous tenir à distance perpétuellement, ajouta-t-elle tristement.
Le regard de la princesse se durcit, n'aimant pas l'accusation. Ne comprenaient-ils pas qu'elle tentait de se protéger ? Et ce n'était plus juste elle maintenant, pensa-t-elle en songeant au parchemin des gérudos. Pourquoi placerait-elle sa confiance envers le roi et la reine alors qu'ils lui révélaient que si peu de choses ? Avec tout ce qu'elle avait vécu dernièrement, un point la tracassait sans relâche. Elle décida d'en faire part à Delia.
- Pourquoi le chancelier Léonard a-t-il donné sa démission ? demanda-t-elle.
- Zelda, soupira la souveraine, je ne peux pas discuter de cela.
La princesse serra les mâchoires et sentit plus qu'elle le vit le mouvement de Link qui lui aussi était sur la défensive.
- Où est-il ? s'enquit-elle alors.
- Il est retourné dans sa ville natale, répondit Delia en fronçant ses sourcils.
Elle regarda Link en coin un instant et faisant de nouveau face à la reine affirma :
- Je crois que le précédent chancelier a eu plusieurs rôles concernant un nombre de nos...
Elle eut un rire sans joie et tout en pointant Link, elle continua :
- ...mésaventures. Je suis inquiète de savoir un tel homme en liberté.
Surtout après avoir été soupçonné de crimes graves, termina-t-elle en pensée. Elle ne pouvait dévoiler cette information sans risquer de trahir Link qui le lui avait révélé. Elle s'avança vers la reine et posa sa coupe sur la petite table.
- J'ai peur de ce que le comte Léonard est capable d'accomplir avec toutes ses connaissances à la fois du royaume et du château, ajouta-t-elle. Honnêtement, je ne crois pas être plus en sécurité ici que partout ailleurs dans le pays, y comprit la cité des gérudos.
- Votre père ne serait pas heureux d'entendre cela, dit lentement la reine.
- Pourquoi le comte Léonard a-t-il donné sa démission ? répéta Zelda.
Delia les détailla un moment avant de prendre la parole :
- Ce n'était pas du tout flagrant au début, mais je dois me ranger à l'opinion générale. Vous et Sir Link avez de plus en plus l'allure des deux élus des déesses.
Même si elle fut surprise de ce commentaire, la princesse, toujours concentrée sur la souveraine, dit :
- Vous ne répondez pas à ma question.
La reine prit une gorgée de son vin et soupira longuement.
- Le comte Léonard est celui qui avait commandé votre lit il y a presque vingt ans de cela, expliqua-t-elle lasse. Il est celui qui a encouragé votre père en faisant appel à différents soigneurs. Certains ayant des méthodes peu orthodoxes. Il y a eu d'autres petits incidents dont vous ne vous souvenez pas, ce qui est mieux ainsi. Dernièrement, il était aussi soupçonné d'avoir une part de responsabilité dans le dysfonctionnement des tours. Cependant, impossible de rassembler la moindre preuve. Si cela avait été réalisable, je l'aurais expédié sur l'île d'Aurore avec une interdiction de prendre la mer.
La reine pianota ses doigts sur la table, ses yeux perdus derrière les deux jeunes adultes.
- Toutes ses raisons ont réussi à convaincre votre père que cet homme était trop impliqué dans tous ces incidents pour être blanc comme neige, poursuivit-elle.
À la surprise de Zelda, se fut Link qui prit la parole :
- N'y avait-il pas un moyen de le garder sous surveillance ?
Delia le fixa et expliqua :
- Le roi et l'ancien chancelier se connaissent depuis leur plus tendre enfance. Je dois aussi admettre que le comte Léonard a contribué à l'essor de ce royaume de différentes manières. En ces temps incertains, il ne faut pas discréditer cet homme qui reste grandement apprécier du conseil après tout son travail. Notre seule option était de discrètement forcer sa démission. Heureusement, il n'a pas débattu une telle décision et a été conciliant.
- Si mes craintes sont infondées et qu'il n'est responsable de rien, dit lentement Zelda, nous n'avons pas à nous inquiéter. Par contre, dans le cas contraire, s'il est coupable d'avoir attenté à ma vie...
- Il reste une menace, termina Delia. Je sais. Mais nous n'y pouvons rien pour l'instant.
Jusqu'à ce qu'ils trouvent une preuve flagrante, pensa la princesse avec une moue. Ce qui permettait à l'ancien chancelier une liberté de mouvements qui pourraient leur coûter cher. Étant donné que la reine s'était enfin résolue à parler, Zelda en profita pour demander :
- Voyez-vous quelque chose de nouveau concernant le retour de la Calamité ?
La souveraine planta ses yeux dans ceux de sa fille.
- Rien, dit-elle. Avec les déplacements des troupes ennemies, nous estimons que ce sera cet automne, peut-être même avant. Les moines de Lanelle ont la certitude que l'arrivée du Fléau est pour bientôt. Avec les bokoblins et toutes les créatures semblables qui se rapprochent du centre du pays, il a de moins en moins de doutes.
Delia soupira et continua :
- Je suis incapable de voir la journée de son retour exactement. J'aperçois des parcelles de certains jours dans la saison estivale, mais rien de significatif. Rien qui me permette de décrire avec précision quoique ce soit. J'aurais aimé pouvoir vous répondre, mais c'est impossible.
La princesse enchaîna immédiatement :
- Concernant la vision des gérudos, vous croyez que je vais me rendre là-bas, n'est-ce pas ?
La reine approuva avec un léger sourire.
- Je ne sais pas pourquoi, ajouta-t-elle, malgré le refus de votre père, cette vision revient constamment.
- Quand vais-je être dans la cité ?
- Très bientôt ma fille.
La princesse fronça ses sourcils, se demandant pourquoi la souveraine aurait une telle vision avec les circonstances actuelles.
- Nous avons été avertis par les soldats que la chef Nabooru vous avait remis un parchemin, dit Delia.
Zelda reprit la coupe qu'elle avait déposée sur la table et but lentement une gorgée tout en se décidant.
- Je peux vous le montrer, répondit-elle au bout d'un moment. Mais nous ferions mieux d'apporter une autre bouteille.
OoOoO
- Je dois gâcher une cérémonie, dit Zelda.
Située dans une des tours du château, elle dévisageait la créature divine des piafs qui survolait la forêt à quelques kilomètres à l'est. Au nord, le lézard mécanique des gorons était stationné à la base de la montagne de la Mort tandis qu'à l'ouest se trouvait la machine en forme d'éléphants des zoras. Au sud, le sommet du robot à l'allure d'un chameau qui bientôt appartiendrait officiellement aux hyliens était visible de son point d'observation. Elle se tourna vers son amie silencieuse derrière elle.
- J'ai besoin de ton avis, continua la princesse.
Impa, qui la fixait, haussa un sourcil et croisa les bras sur sa poitrine.
- Vous voulez que je vous aide à saboter la cérémonie des prodiges, affirma-t-elle.
- Laisse tomber le vouvoiement, soupira la future souveraine. Et oui, j'ai besoin de ton aide pour cela.
- Es-tu sérieuse ? s'enquit l'autre avec une certaine surprise.
La princesse, le dos appuyé sur la rambarde de pierre qui délimitait la petite tour, expliqua face à la sheikah :
- Je suis très sérieuse. Je dois bénir un chevalier qui ne mérite pas le titre de prodige à la cérémonie demain.
- J'espère que tu ne parles pas de Link, dit lentement Impa en plissant ses yeux aux iris rouges.
- Bien sûr que non ! répliqua-t-elle immédiatement. Je parle de Sir Gerald à qui l'on donnera officiellement le contrôle de la créature divine qui était pour les gérudos. Je ne peux pas laisser cela se produire !
La sheikah l'observa un moment, la détaillant sans précipitation pour finalement dire :
- Je ne vois pas comment empêcher une telle chose. Pourquoi cela te dérange-t-il tant ? Depuis des mois, nous savions que les gérudos seraient exclus de cette histoire.
- C'est ce chevalier le problème, avoua Zelda.
Lorsque le roi lui avait expliqué qu'il y aurait une cérémonie pour annoncer officiellement les pilotes choisis pour chacune des créatures divines, elle avait été emballée par cette idée. Elle aurait la chance de discuter avec les quatre êtres qui avaient le privilège de côtoyer ces énormes monstres mécaniques. Par contre, quand elle avait appris le nom de celui qui avait été désigné pour contrôler le robot destiné aux guerrières, elle avait été choquée. Maintenant, elle comprenait la raison de ce parchemin accusant plusieurs hyliens que Nabooru lui avait remis.
- Je ne peux pas t'aider si tu ne me révèles pas ce qui se passe, avisa Impa.
- Ce sont des informations confidentielles, avertit la princesse.
- Bien entendu, répondit simplement la sheikah.
Ses idées en place, Zelda raconta :
- Il y a quelques jours, nous avons reçu au château la visite d'une délégation de gérudos. Leur chef Nabooru en faisait partie. Elle m'a personnellement remis un parchemin décrivant les crimes commis par des soldats et quelques chevaliers. Les victimes, des gérudos et surtout des hyliennes, se cachent dans leur cité.
Plantant ses yeux verts dans ceux de son amie, elle insista :
- Je ne peux pas dévoiler les noms de cette liste sans mettre en danger celles qui se sont réfugiées auprès des gérudos. J'en ai discuté avec la reine et elle est du même avis. Cependant, je ne peux pas laisser Sir Gerald être nommé prodige, car il est un de ces criminels.
Impa fit une moue et son regard se perdit loin derrière la princesse. Zelda se demanda si son amie avait déjà eu vent de ces histoires. Si autant de victimes se cachaient dans le désert, quelqu'un ne s'était-il pas rendu compte de la situation ? C'était peut-être la première fois qu'elle en entendait parler, mais cela n'avait jamais été son rôle de s'occuper de ce genre de dossiers. La sheikah la questionna au bout d'un moment :
- As-tu un moyen de vérifier la véracité de cette liste ?
- Malheureusement non, soupira-t-elle. Link tente de découvrir de l'information de son côté. Mais jusqu'à maintenant, il n'y a rien.
Impa claqua sa langue et dit :
- Tu cherches à discréditer Sir Gerald en priorité.
- Oui.
- Cette cérémonie est une bénédiction, n'est-ce pas ?
Zelda, perplexe, plissa son front et répéta :
- Oui.
- Alors, assura la sheikah, si les preuves restent introuvables, tu n'as qu'à le bénir.
La princesse roula ses yeux et d'une voix exaspérée grogna :
- C'est exactement ce que je ne veux pas faire.
- Si cet homme est aussi mauvais que tu le crois, continua Impa, il ne pourra pas subir cette bénédiction sans réagir.
Zelda ouvrit la bouche incertaine.
- Je ne te suis pas, dit-elle enfin.
Son amie eut un petit sourire et expliqua :
- Ton pouvoir endigue le mal, ne sous-estime pas ses effets.
- Tu penses qu'en bénissant ce chevalier, formula lentement la princesse, je suis capable de dévoiler sa vraie nature ?
- Zelda, je suis surprise de t'apprendre une telle chose. Est-ce que quelqu'un t'a déjà raconté les effets de ton pouvoir sur sa personne ?
- Quels effets mon pouvoir a sur toi ? demanda-t-elle intriguée.
La sheikah eut un léger rire et questionna :
- Te rappelles-tu de la première fois où tu m'as béni ? Nous étions dans les solives du toit de la bibliothèque.
La future souveraine sourit doucement à se souvenir et approuva.
- Cette bénédiction m'a ouvert les yeux, continua l'autre. Depuis ce jour, j'ai toujours eu l'intime convection que je devais être là pour toi. Pour t'aider et te soutenir. Les déesses ont voulu que j'apprenne à connaître la jeune fille que tu étais et j'admets qu'à cette époque, je trouvais étrange que tu sois une princesse. Tu n'avais pas la personnalité qui allait avec ce rôle.
Devant la moue de la future souveraine, elle roula des yeux et précisa :
- Ceci était mon opinion alors que j'étais une petite morveuse qui espérait trouver le coffre-fort du château.
- Ça explique pourquoi ton jeu préféré était d'explorer toutes les pièces, ria Zelda tout en se remémorant cet automne lointain.
- Bref, continua Impa, lorsque j'ai fait la promesse te t'être toujours fidèle, et ce, juste pour faire comme les chevaliers de la cour royale, je ne crois pas que je me prenais vraiment au sérieux. Toutefois, quand tu m'as béni…
Elle regarda le sol, un sourire paisible aux lèvres, et poursuivit en relevant son visage qui avait retrouvé sa fermeté habituelle :
- Un, j'ai appris à partir de ce moment-là qu'il ne fallait jamais se fier aux apparences. Et deux, j'ai su que je respecterais cette promesse jusqu'à ma mort. Chaque fois que je suis en contact avec ta magie, j'éprouve un bien-être qui me rappelle cela.
- Ce n'était pas si impressionnant, maugréa Zelda un peu mal à l'aise.
- Si ça l'était, répliqua la sheikah sans hésitation.
Impa leva son index et précisa :
- Et j'en viens à la journée où tu as appelé le pouvoir des déesses lors de l'incident à la tour Gérudo, car cette fois-ci, c'était à un tout autre niveau.
- Un autre niveau, répéta Zelda de plus en plus embarrassée avec la tournure que prenait la conversation.
- Ce jour-là, nous étions un petit groupe et surveillions l'entrée de Lanelle. Étant entourés des montagnes, nous n'avons pas vu ton signal. Mais nous l'avons tous senti. C'était...indescriptible. Mon père a dit avoir l'impression de retomber en amour.
Avec un sourire en coin, Impa précisa :
- Tu te souviens de mon père n'est-ce pas ? Il n'y a pas plus austère.
Zelda, surprise d'entendre de tel propos, resta figée à observer la sheikah qui retrouva son sérieux.
- L'un des hommes dans le groupe a éclaté en sanglots, continua-t-elle. Nous avons découvert que cette personne n'avait pas été bonne dans sa vie. Je ne parle pas de petites dérogations à la morale. Je ne m'étendrai pas sur le sujet, mais ce qui est important ici est que même si tu étais à des dizaines, voire une centaine de kilomètres, il en a ressenti l'effet. Et contrairement aux restes d'entre nous, il a mal réagi. Donc, à ta place, je ne gâcherais pas cette cérémonie. Tu n'auras pas besoin d'aller jusque-là. Assure-toi de bien bénir chacun des prodiges et si quelque chose cloche, aucun d'entre eux ne pourra le camoufler.
Incertaine, la princesse observa son amie en réfléchissant à ces paroles surprenantes.
- Tu sembles sûre de ces propos, dit lentement Zelda.
- À si courte échéance, remarqua Impa pensive, à moins que ton chevalier personnel ne trouve quelque chose, ce sera très dur d'annuler cette cérémonie. Si jamais Sir Gerald réagit mal à ton pouvoir, tu dois t'attendre à ce que cela provoque un scandale. Es-tu préparée à un tel dénouement ?
- Je ne suis préparée à rien du tout, maugréa la princesse.
Plus fort, elle reprit :
- J'aurais aimé une autre solution, mais…
Elle haussa les épaules comme surprise de sa décision :
- Je te fais confiance. Si tu crois que mon pouvoir permettra de dévoiler la vraie nature de cet homme alors je tente le tout pour le tout.
- Sois prudente, dit Impa pensive. On ne sait pas qu'elle sera sa réaction. Je ne pourrai pas rester à tes côtés pendant la cérémonie. Pas avec la méfiance que la population a envers mon peuple depuis le dernier incident avec notre technologie.
Zelda eut un regard désolé en direction de son amie, qui haussa les épaules doucement, montrant par là qu'elles n'y pouvaient rien. La princesse essaya de ne pas penser au destin qui s'acharnait contre les sheikahs et indiqua :
- Link va être tout près lors de la bénédiction.
En passant une main sur son visage, elle continua :
- As-tu entendu la rumeur ?
- J'ai entendu plusieurs rumeurs, répliqua l'autre en soulevant un sourcil.
- Celle concernant les deux centaléos ?
Impa approuva lentement et dit :
- Pendant l'incident de la tour Gérudo, le héros aurait tué deux de ces monstres en moins d'une minute. Le premier en glissant sous lui pour lui ouvrir le poitrail et le second en grimpant sur son dos pour l'égorger. Il aurait ensuite tranquillement massacré une centaine de bokoblins.
- Comment as-tu eu autant de détails ? s'écria la princesse hébétée. Il ne me raconte pratiquement rien !
Elle grogna et poursuivit en balayant l'air de sa main :
- Ce que je veux dire, c'est que depuis que cette rumeur circule, c'est comme si tous les comtes, les lords - en fait tout le monde - avaient peur de s'approcher de moi. C'est encore pire quand Link est à mes côtés.
Ce qui, pensa-t-elle, l'arrangeait énormément. Même si elle n'osait pas l'avouer à son amie.
- C'est peut-être vrai, observa Impa, mais je crois que c'est à cause d'une autre rumeur.
La future souveraine fronça ses sourcils et demanda :
- Quelle autre rumeur ?
- Celle où Sir Link aurait menacé le comte Charles d'une mort affreuse s'il vous regardait de manière un tant soit peu indécente.
Zelda éclata de rire, mais perdit son sourire en constatant le visage sérieux de son amie.
- Est-ce que c'est vrai ? murmura-t-elle.
- Ce qui, poursuivit Impa en l'ignorant, nous amène à la troisième rumeur.
Devant le silence hébété de la future souveraine, elle continua :
- On raconte que le héros, élu de l'épée légendaire, est follement amoureux de la princesse d'Hyrule, réincarnation de la déesse Hylia.
Zelda sentit son rythme cardiaque augmenté ainsi que l'énergie familière qui lui chatouilla le bout des doigts. Elle cacha rapidement ses mains dans son dos. Elle n'aurait pas le temps de préparer Link, s'inquiéta-t-elle. Si cette rumeur circulait, le roi et la reine l'apprendraient tôt ou tard. Il était certain qu'elle devrait répondre à leurs questions sans leur mentir et si elle avouait ses projets concernant son chevalier, celui-ci était voué à passer sous leurs analyses. C'était encore trop tôt, tout allait trop vite. La sheikah poursuivit en la détaillant de la tête aux pieds :
- Beaucoup de spéculations circulent concernant le choix de la princesse, mais il semblerait que personne ne s'accorde sur le dénouement.
Les deux femmes se fixèrent un long moment. Devant le silence de Zelda, Impa déclara finalement :
- Je voulais te prévenir. Si Sir Link ne fait pas partie de tes choix, il faudrait peut-être lui mettre une muselière.
Avec un sourire moqueur, elle ajouta :
- Il effraie ses concurrents.
Zelda ne put s'empêcher de rire à la plaisanterie tout en se disant qu'elle devait discuter de cela avec le jeune homme. Le préparer à ce qui allait se produire lorsque le roi et la reine auraient vent de ces propos. Si ce n'était pas déjà le cas. Toutefois, si ça l'était, pourquoi ne pas lui en avoir parlé ? À moins que sa mère fût tellement obnubilée par cette prédiction d'elle avec une gérudo qu'elle en ignore son chevalier.
- Cette rumeur, dit-elle lentement. Es-tu certaine d'avoir bien entendu ?
- Oui, répondit Impa. Pourquoi caches-tu tes mains derrière ton dos ?
- Quoi ?
Elle replaça ses bras devant elle posément en regardant son amie avec un visage neutre.
- Tu as un comportement…différent, dit la sheikah.
- Je ne t'ai pas manqué de respect ? s'inquiéta-t-elle.
- Non, pas du tout.
Impa réfléchit un moment avant de dire :
- Tu es plus hermétique.
- Je…je ne suis pas sûre de te comprendre, hésita la princesse.
- J'ai beaucoup de difficulté à savoir ce que tu penses, expliqua l'autre. Pourtant, je suis habituellement douée pour lire les gens.
Elle regarda au ciel en soupirant :
- Je crois que c'est une bonne chose. Tu vas être reine. Ce n'est pas une situation où on peut être un livre ouvert. J'espère juste que ce n'est pas un des effets du sanctuaire de renaissance.
- Le quoi ? demanda Zelda surprise.
- Sur le Grand Plateau, la machine qui t'a soigné porte maintenant ce nom.
Qui a choisi ce terme ? songea-t-elle excédée. C'était sûrement en lien avec le fait que tout le monde croyait qu'elle était revenue d'entre les morts pour protéger le royaume. Elle ne pouvait pas commenter toutefois, car cette machine permettait aux sheikahs d'avoir une reconnaissance malgré toutes les mésaventures reliées à leur technologie.
- Beaucoup sont sur les nerfs, enchaîna Impa. Avec les monstres qui rôdent partout dans le royaume, il devient difficile de faire un travail de protection efficace.
- La cérémonie de demain est un moyen de redonner espoir à tous les peuples, s'empressa d'expliquer la princesse. Les gérudos ont reçu une invitation et malgré tout ce qui est arrivé, quelques-unes des leurs sont demeurées ici pour les représenter.
Impa pinça ses lèvres en réflexion.
- Avec ce que tu viens de me raconter concernant Sir Gerald, c'est surprenant. Soit, elles oublient leurs orgueils ou elles s'attendent à un revirement de situation. Lors de l'incident de la tour, tu étais avec deux d'entre elles, n'est-ce pas ?
Zelda approuva.
- Je suis curieuse de savoir ce qu'elles ont ressenti alors qu'elles étaient si près de toi lorsque tu as utilisé ton pouvoir.
- C'est angoissant d'avoir une telle emprise avec cette magie, dit doucement la princesse.
- Je ne te vois pas t'en servir à mauvais escient, affirma Impa. De plus, pour vaincre la Calamité, tu auras besoin de toute ton énergie. N'aie pas peur d'influencer qui que ce soit.
- On raconte que la déesse Hylia était d'une beauté incroyable. Que tous les hommes et les femmes tombaient sous son charme à sa vue. Cependant, elle était si inatteignable qu'elle effrayait la majorité d'entre eux et qu'à cause de cela, même si on la louait, on la craignait tout autant.
Elle fit une grimace et dit à son amie :
- Je ne veux pas être représentée ainsi. Et avec ce que tu viens de me raconter…
- Je ne m'inquièterais pas pour cela à ta place, affirma l'autre. Après la cérémonie de demain, nous en rediscuterons. Je suis certaine qu'à ce moment-là, toutes ces craintes se seront envolées.
- D'accord, dit la princesse malgré ses angoisses à ce sujet.
Elle tenta sa chance en demandant :
- Crois-tu que ta mère aurait le temps de me montrer le fonctionnement du module de...
- Zelda, gronda Impa. J'étais à côté de toi lorsque la reine t'a interdit d'aller dans la cour royale étudier ses robots.
- Je serais entourée de soldats, maugréa-t-elle en s'avançant vers les escaliers de la tour.
- Ce n'est pas de mon ressort, affirma Impa en la suivant. De plus, il y a trop de visiteurs pour le moment. Je ne sais pas pourquoi j'ai besoin de te le rappeler.
Parce qu'elle se comportait comme une enfant, se morigéna la princesse silencieusement. Même si elle en doutait, elle souhaita avoir la possibilité d'étudier les robots avec Pru'ha avant le départ des sheikahs.
Chapitre mis en ligne le 19 avril 2019.
