Le long week-end a été très productif. Sans attendre plus longtemps, je publie les 3 derniers chapitres ! Merci OnyxSeele et Zergath pour vos commentaires ! J'espère que la fin va vous plaire, vous et tous ceux qui se sont rendus jusqu'ici ! Bonne lecture :)
17
Link marchait d'un bon pas vers le château quand il fut interpelé par Hergo. À contrecoeur, il changea de direction et alla à la rencontre du chevalier qui était accompagné de deux gérudos. La cérémonie d'aujourd'hui avait été organisée à la dernière minute et cela se voyait. Il venait tout juste de quitter les quartiers généraux où le commandant Lafrel lui avait brièvement donné ses ordres, qui consistaient à rester à moins d'un mètre de la princesse à chaque moment de la bénédiction. Un point positif était que la célébration aurait lieu à l'intérieur et que seul un nombre limité de personnes aurait la permission d'y assister. Ce matin, une courte répétition avait été prévue et il devait rejoindre Zelda pour y participer. Il se demandait pourquoi Sir Lafrel l'avait rencontré. Le commandant lui avait expliqué de nouveau son rôle qu'il connaissait par coeur. Link aurait déjà pu être au côté de la princesse au lieu de perdre de précieuses minutes à courir dans la cour royale.
- Je ne vais pas te déranger longtemps, dit Hergo une fois qu'ils furent face à face.
Il pointa la plus petite des deux femmes dont la ressemblance avec la soigneuse Kotake était frappante. Comme il s'en doutait, le chevalier déclara :
- Voici Koumé.
- Je suis la sœur jumelle de Kotake, dit-elle en souriant. Nous n'avons pas vraiment eu la chance d'être présentés, car je suis restée à la tour lors de l'incident, l'hiver dernier.
Link répondit poliment à sa salutation et Hergo poursuivit en regardant la plus grande des femmes :
- Voici Beterah.
- Nous nous sommes brièvement croisés, dit l'imposante guerrière. Peut-être te souviens-tu de ma fille, Riju, qui a pris soin de la princesse pendant la traversée du désert ?
Link se remémora cette fameuse course en morse. Zelda avait été inconsciente pendant la majeure partie du trajet. Il se rappelait de l'adolescente qui l'avait retenue sur le brancard improvisé pendant ce voyage. S'il avait trouvé le moyen de transport dangereux, surtout dans de telles circonstances, il avait été étonné de la vitesse. Il s'était vaguement promis un jour de réessayer ce sport populaire chez les habitants du désert, si l'occasion se présentait.
- Nous voulions simplement savoir si la princesse avait lu le parchemin que notre chef lui avait remis, énonça Koumé en perdant son sourire.
Le héros crispa sa mâchoire et Beterah qui l'observait approuva :
- Je devine que tu l'as lu. J'en déduis donc qu'elle en a pris connaissance elle aussi.
- Pourquoi ce Sir Gerald est-il nommé prodige alors ? gronda Koumé en direction de Link.
Il se défendit rapidement en éludant :
- Je ne prends pas les décisions. Je peux toutefois confirmer que la princesse va vérifier la culpabilité de cet homme.
- Comment ? répliqua immédiatement la plus petite des gérudos.
- Koumé, l'avertit Beterah.
- En le bénissant, dit simplement le blond.
Les deux femmes ainsi que Hergo, qui était resté silencieux, le regardèrent surpris. Link se prosterna légèrement et dit :
- D'autres responsabilités m'attendent, je vous souhaite une agréable journée.
Il se détourna au même moment où Koumé s'insurgeait :
- Une minute, jeune…
Link ne se retourna pas en entendant le trio discuté entre eux et il s'empressa de nouveau vers le château. Il n'aimait pas cette idée. S'il n'avait jamais rencontré Sir Gerald auparavant, la lecture de ses crimes était gravée dans sa mémoire. Si ça n'avait été de lui, il n'aurait pas laissé Zelda s'approcher de cet homme. Son front plissé d'inquiétude, il s'arrêta surpris quand Médolie atterrit subitement devant lui.
- La princesse est amenée à l'infirmerie, dit-elle précipitamment.
- Que…
- Nous avions commencé la répétition sans toi, expliqua-t-elle vivement. Pour faire un exemple, elle a béni le prodige…hum…Sir Gerald, je crois ? Et il l'a attaquée ! Scaff m'a dit d'aller te chercher…
Link n'attendit pas la suite et courut dans le château sous les regards surpris des gardes qui surveillaient l'entrée. S'il ne remarqua pas de commotion à proprement parler, il croisa un soldat qui ralentit à sa hauteur. Il reconnut Kafei.
- Quelque chose est arrivé dans la grande salle ! La princesse était amenée à l'infirmerie, tu devrais y aller ! dit-il au héros sans s'arrêter.
Link serra les dents en continuant sa course. Pourquoi avait-elle pris la décision de bénir ce criminel sans lui ? Elle lui avait parlé de ce plan, mais elle était censée l'attendre ! Et pourquoi ce chevalier avait-il réagi aussi agressivement ? Ils voulaient une preuve, et bien maintenant il l'avait ! ragea le jeune homme. Mais à quel prix ? Avec des pensées orageuses, il aboutit finalement à destination et passa les gardes à l'entrée qui restèrent impassibles. Elle était assise sur un lit et il blanchit en voyant le sang au niveau de son abdomen ainsi que sur ses cuisses. En deux enjambées, il fut devant elle, faisant sursauter la reine qui lui tournait le dos.
- Link, je vais bien ! s'empressa de dire Zelda en l'apercevant. On m'a légèrement éraflé le bras.
- Bel euphémisme, ma fille, soupira la souveraine à côté. J'utiliserais le terme largement entaillé plutôt. Vous avez été chanceuse d'avoir eu le prodige Darunia tout près pour empêcher cet homme de faire plus de dégâts.
- Mère, maugréa la princesse.
Et se tournant vers Link, elle précisa :
- Je vais avoir besoin de quelques points de suture et tout va rentrer dans l'ordre.
- Qu'est-ce qui s'est passé ? gronda-t-il en la détaillant de la tête aux pieds.
Sa robe était tachée de manière assurément irréparable et on avait coupé la manche du côté droit jusqu'à son épaule. Il pouvait ainsi voir le bandage, lui aussi sali en partie par son sang, qu'elle portait sur presque toute la longueur de son bras et qui reposait sur des coussins surélevés à côté d'elle.
- J'ai décidé de bénir Sir Gerald immédiatement, dit-elle posément.
- Tu étais censé m'attendre, grogna-t-il tout bas malgré la reine qui écoutait juste à côté.
- C'était l'occasion parfaite, essaya-t-elle de le convaincre. Il n'y avait que les prodiges avec, tout au plus, une dizaine de personnes. Si cela s'était produit pendant la cérémonie, il y aurait eu un scandale et…
- Et j'aurais été présent pour éviter que tu finisses découpée en morceaux ! grommela Link.
Zelda éclata de rire à sa surprise et la reine posa une main sur l'épaule du héros.
- Elle a dû prendre une boisson pour enlever toute sensation de douleur, lui dit-elle.
- Désolé, dit la princesse en retrouvant son sérieux. Je me sens bizarre. Bien, mais bizarre.
- Encore quelques minutes, dit le Maître Mikael qui s'était approché, et je pourrai commencer à coudre.
Link dévisagea le vieil homme qui déposa un plateau sur une table à côté. Il tira une chaise tout près du lit et annonça :
- Vous allez devoir vous étendre Votre Altesse. Vous détendre et ne plus bouger pendant cette opération. Si la boisson a enlevé la douleur, la sensation risque d'être désagréable.
- Je vais aller voir ce qu'il en retourne, dit la reine en contournant le chevalier.
Et en direction de Link, elle ordonna sur le bout des lèvres :
- Restez avec elle.
Il approuva et revint à l'observation de la princesse qui s'était allongée sur son dos. Le soigneur enleva doucement le bandage et Link serra les poings en découvrant l'entaille profonde qui partait juste en dessous du poignet et se terminait au niveau du coude. Il remarqua plus loin l'apprenti qui, s'il leur jetait quelques regards, se contentait de travailler dans le coin de la pièce où, comme dans son souvenir, un laboratoire était aménagé près de la fenêtre. Hormis les deux gardes à l'entrée de l'infirmerie, personne n'était visible.
- Je crois l'avoir vu pleurer, dit soudainement Zelda.
Link dévisagea la princesse qui l'observait alors que le soigneur préparait son matériel. Le héros tira une chaise située près du mur jusqu'au lit et y prit place.
- Qui ? demanda-t-il en approchant son visage.
- Sir Gerald, répondit-elle. Je l'ai touché.
Elle fronça ses sourcils et continua tout bas :
- Je sais que je n'ai pas besoin d'avoir un contact physique avec la personne, mais je voulais m'assurer que…
Elle voulait vérifier la nature de cet homme, devina Link silencieusement.
- Je l'ai senti, murmura-t-elle. Comme un vide. Ce n'était pas une mauvaise sensation.
Elle hésita avant de reprendre :
- Non, c'est faux. Je me suis sentie mal. J'ai croisé son regard et je suis presque certaine d'avoir vu une larme. Mon pouvoir l'a affecté.
Elle semblait surprise et Link se demanda pourquoi, après tout ce temps, cela l'étonnait encore.
- Je suis prêt, dit Maître Mikael. Avant toute chose, éprouvez-vous une douleur ?
Link grimaça en fixant le soigneur qui piqua le bras de la princesse avec une aiguille. Elle sourit en contemplant la réaction du chevalier et répondit :
- Je ne sens rien, mais je vous confirme que je ne regarderai pas. Avertissez-moi lorsque vous aurez terminé.
Toujours en observant Link, elle poursuivit :
- Darunia et le Yunobo étaient tout près. Jamais je n'aurais pensé que Sir Gerald aurait tenté quelque chose d'aussi téméraire avec deux gorons énormes à mes côtés. Le roi Mikau, le chef Scaff et Médolie étaient là et ont tout vu. Nous devons retourner à la grande salle dès que possible.
- Laissons Maître Mikael te recoudre, dit Link calmement. Je suis surpris que tu ne sois pas en train de te vider de ton sang.
- J'ai appliqué un onguent hémostatique sur la plaie, déclara tranquillement le vieil homme.
- Une crème pour arrêter les hémorragies, expliqua la princesse devant le regard interrogateur du héros.
- Je crois que j'aurais deviné, dit-il.
- Restez immobile, Votre Altesse, l'avertit le soigneur quand celle-ci eut un léger rire.
Elle détourna ses yeux vers le plafond et soupira en le fixant. Link se redressa sur sa chaise et observa les alentours pendant qu'on apportait les soins à la blessée. Lorsque Maître Mikael eut terminé, et ce, sans soutirer une plainte de Zelda, l'apprenti vint prendre le relai. Il nettoya la plaie, appliqua un onguent et finalement, mit méticuleusement un bandage autour. Une servante était arrivée entre-temps, une robe dans ses bras, et attendait patiemment un peu plus loin. Quand enfin la princesse put quitter son lit, Link se leva à sa suite et la soutint en la voyant chanceler.
- L'effet de la boisson devrait se dissiper d'ici deux heures environ, dit Maître Mikael à côté de l'apprenti.
Zelda s'était tournée vers la nouvelle venue et l'interrogea :
- Est-ce la reine qui vous envoie ?
- Et le roi, Votre Altesse, répondit la femme d'âge mûr. Ses majestés requièrent votre présence dans les plus brefs délais.
La princesse approuva et déclara :
- Je vais avoir besoin de votre aide.
La servante s'avança et Link se déplaça pour qu'elle prenne le relai. Les deux femmes allèrent dans la pièce d'à côté et le héros en profita pour demander :
- Ne devrait-elle pas rester allonger un moment ?
- Bien entendu, soupira Maître Mikael. Dès que cela sera possible, elle devra retourner à sa chambre pour pouvoir s'y reposer. Elle semble plutôt bien aller, mais c'est seulement à cause de la boisson que je lui ai donné. Quand l'effet aura disparu, il est certain qu'elle va ressentir des élancements. Si vous constatez son inconfort, revenez ici et je vous procurerai quelques antalgiques pour atténuer la douleur.
Il précisa avec un léger sourire :
- La princesse se plaint rarement dans ses situations alors si vous remarquez quelque chose, n'hésitez pas.
Link eut une moue et attendit Zelda qui apparut quelques minutes plus tard dans une nouvelle robe. Cette fois-ci, sans le soutien de la servante. Il s'empressa de la rejoindre et à part son teint un peu blanchâtre, rien ne laissait croire qu'elle eut été attaquée il y avait à peine une heure. En direction des soigneurs, elle déclara :
- Merci à vous deux pour votre aide.
Le maître eut un petit sourire et l'apprenti rougit sans que la princesse le remarque. Elle prit naturellement le bras de Link et dit :
- Allons-y.
Ils sortirent dans le couloir et passèrent les deux gardes qui les suivirent en gardant une distance de quelques mètres. Il aperçut le regard qu'elle lui lança en constatant les soldats derrière elle, mais ne commenta pas. À la place, elle murmura :
- Je suis désolée.
- Ce n'est pas de ta faute, répliqua-t-il doucement.
Et il ajouta :
- Peut-être un peu, mais tu n'as pas à t'excuser.
Elle soupira et avoua juste avant qu'ils arrivent aux portes de la grande salle :
- Je ne sais pas ce qui va se passer maintenant. Et ça me rend nerveuse.
Quand ils entrèrent, elle avait retrouvé un masque impassible. Ils avancèrent d'un bon pas vers le petit attroupement au centre de la pièce. Les trois prodiges étaient toujours là et s'empressèrent de vérifier l'état de santé de la princesse. Le roi et la reine observèrent leur fille sans laisser transparaître leurs inquiétudes pendant qu'elle rassurait la ronde posément. Le chef Scaff ainsi que celui des gorons, Yunobo, étaient aussi dans la salle. Sir Lafrel, avec qui Link venait tout juste de s'entretenir de la sécurité de la réincarnation de la déesse, était présent à côté des souverains. Le prêtre Rauru arriva sur ses entrefaites et les gardes fermèrent les portes en restant à l'extérieur.
- Nous sommes ici pour discuter de la suite des évènements, dit simplement le roi pour entamer cette rencontre exceptionnelle.
C'était bien la première fois que Link assistait à un rassemblement de ce genre. Habituellement, le souverain faisait appel à ses conseillers pour toute prise de décision importante. Il savait que Zelda prenait part à la plupart de ses réunions, mais lui n'avait jamais pu y participer jusqu'à maintenant. Être ici, entouré des chefs de presque tous les peuples, auraient été intimidants s'il n'avait pas connu chacun d'entre eux personnellement.
- Nous avons quatre créatures divines et seulement trois prodiges excluant Sir Link, continua le roi. Mon choix de nommer un hylien pour la quatrième s'est avéré mauvais. De plus, certaines révélations ont été faites accusant plusieurs de mes soldats. Je suis donc dans l'obligation de retarder cette cérémonie pour étudier ce dossier. Avant de prendre une nouvelle décision, et étant donné votre présence ici, je voulais demander à chacun d'entre vous votre opinion sur le sujet. Avant cela, Sir Lafrel ?
Le commandant, d'un signe de tête, expliqua la situation :
- L'interrogatoire de Sir Gerald est toujours en cours et j'ai peu d'informations. Nous cherchons à savoir si son seul crime a été d'attaquer la princesse où s'il a des antécédents. Ses propos sont décousus jusqu'à maintenant, mais il aurait accusé d'autres soldats de différentes infractions. Ce qui est certain, c'est que tous les noms énumérés devront passer au peigne fin.
Link devina le regard de la reine à la fois sur lui et sur Zelda, qui avait replié son bras blessé sur son ventre. Il tourna la tête dans sa direction et elle lui fit un minuscule sourire pour le rassurer.
- Le temps, dit soudaine la souveraine, est ce qui nous manque.
Yunobo approuva et ajouta :
- Moi et mes frères réussissons à empêcher l'avancement des troupes ennemies dans les montagnes, mais ce ne sera pas éternel.
- Nous avons le même problème, affirma le roi des zoras. Les soldats d'Akkala nous aident à fortifier les défenses au nord, mais nous peinons à stopper les monstres au sud. Les sheikahs protègent l'accès de Lanelle en priorité, mais le fleuve plus haut reste souvent sans surveillance.
- La région d'Hébra grouille de ces créatures, dit le chef Scaff. Ils ne réussissent pas à atteindre nos terres, mais c'est, selon moi, simplement qu'ils attendent le moment propice.
- C'est ce que nous pensons aussi, dit Yunobo approuvé par son semblable Darunia.
- La Calamité est en train de positionner ses pions, commenta le roi des zoras.
Il croisa les bras sur sa poitrine et ajouta :
- Malgré tous nos efforts pour arrêter leurs progressions, les monstres sont de plus en plus nombreux.
- Ils se regroupent, continua Sir Lafrel, tout en restant bien cachés dans des lieux difficilement accessibles. Je crains le moment où ils convergeront tous vers le centre d'Hyrule. Selon les rapports de nos éclaireurs, leurs mouvements présagent avec de plus en plus de certitudes cette éventualité.
- Nous allons être attaqués de tous les côtés, dit Scaff.
- Tous les peuples vont devoir participer à la défense du royaume, annonça Médolie.
Et à la surprise du groupe, elle ajouta :
- Y compris les gérudos.
Link observa le roi qui resta impassible.
- Elle a raison, déclara Yunobo. Sur la terre ferme, leur habilité au combat est indiscutable.
Sans prendre la parole, Mikau approuva.
- À l'heure actuelle, je ne peux pas inclure les gérudos, avoua le roi. Nabooru, leur chef, a enfreint la loi et le vote a été unanime dans le conseil concernant la créature divine.
- Je comprends que ce sujet est délicat, dit soudainement Rauru.
L'attention du groupe maintenant sur le prêtre, celui-ci poursuivit :
- Toutefois, nous devons nous concentrer sur le retour imminent du Fléau. N'importe qui peut enfreindre la loi, que ce soit pour une bonne ou une mauvaise raison. Nous sommes actuellement face à la fin de notre monde. Nous ne devons pas nous laisser distraire par les erreurs de certains de nos pairs. Nous devons être unifiés pour défendre le royaume. Chacun d'entre nous, peu importe sa provenance et ses opinions, devra faire confiance en son voisin si nous voulons avoir une chance contre ce qui risque d'arriver.
Un silence approbateur envahit la salle et si Link suivait la conversation, son attention était sur la princesse à ses côtés qui observait calmement un point invisible au centre de leur cercle. Son bras valide toujours autour du sien, il remarqua son mouvement juste avant qu'elle prenne la parole.
- Si nous voulons être équitables envers tous les peuples, affirma-t-elle, je dois me rendre dans la cité du désert. Les gérudos ont aussi droit à la bénédiction de la déesse.
Les traits sur le visage du roi se creusèrent. La reine regarda sa fille avec une moue incertaine. Sir Lafrel avisa :
- En toute connaissance de cause, je ne peux pas donner mon accord à un tel voyage. La route n'est pas sûre et votre sécurité risque d'être compromise. Le nombre de mes soldats est déjà insuffisant pour protéger efficacement le royaume. De plus, avec l'incident de la tour Gérudo, je vous supplie fortement de ne pas utiliser la technologie sheikah pour vous déplacer.
- Je ne peux pas vous autoriser à vous rendre là-bas, dit le souverain en direction de sa fille.
Elle approuva doucement et Link perçut lorsque ses épaules s'affaissèrent.
- Je peux amener la princesse dans le désert avec Rudania, dit le prodige des gorons.
En voyant les regards interrogateurs, il précisa en souriant à pleine dent :
- Rudania, ma créature divine. La princesse ne craint rien sur un robot de cette taille.
- Je crois qu'à bord de ma créature divine, elle serait encore plus en sécurité, dit Médolie avec plaisanterie en direction de Darunia. La voie des airs reste la plus simple !
- Je voudrais bien offrir mes services, dit le zora, mais je préfère éviter d'aller dans le désert. Par contre, je suis d'accord avec cette idée.
- Je vais devoir réfléchir, dit posément le roi devant la tournure que prenait la conversation.
Sans laisser aux prodiges le temps de débattre, il se redressa imperceptiblement et annonça :
- Merci d'avoir tous donné votre opinion sur le sujet. Je m'excuse de nouveau pour les derniers évènements et vous tiendrai informer pour la suite.
Avec un hochement de tête en direction de Sir Lafrel, les deux hommes quittèrent la pièce.
- Que crois-tu qu'il va arriver ? demanda Link tout bas.
- Je n'en sais rien, dit-elle.
Il fut dans l'impossibilité de poser plus ample question, les prodiges et leurs compagnons s'avançant vers eux.
OoOoO
Link percevait les vibrations de l'énorme machine en forme d'oiseau sous ses pieds. Le bruit constant des nombreuses hélices était maintenant familier tout comme le fait d'être à plus d'une centaine de mètres du sol. Lui et Zelda avaient visité la créature divine de fond en comble dès qu'ils étaient montés à bord, sous le rire de Médolie qui leur avait expliqué le fonctionnement avec un plaisir évident. L'attention de la princesse avait ensuite été accaparée par les détails techniques. Sa tablette sheikah était devenue un outil primordial pour comprendre les codes utilisés qui permettaient à une telle structure de voler. Il avait dû l'accompagner dans sa recherche des modules qui contrôlaient cette construction incroyable. Surtout, il l'avait, à plusieurs reprises, défendue de prendre des risques, car obnubilée par cette technologie, elle en oubliait presque qu'ils n'étaient plus au sol et qu'un faux pas pouvait lui être fatal. Certains modules étaient difficilement accessibles, ce qui n'empêchait pas Zelda de vouloir les atteindre. Heureusement, dans ces situations, Médolie était venue à leurs aides.
Après quelques heures de ce manège, il pouvait enfin soupirer, la princesse ayant choisi de s'accorder une pause dans ses recherches. Toutefois, pendant que tous les deux profitaient du soleil sur le dos de la créature divine, il eut amplement le temps de se rappeler la raison première de leur présence ici. Ce voyage avait pour but de se rendre à la cité Gérudo pour que la future souveraine puisse donner sa bénédiction au peuple des guerrières. Lorsque Zelda lui avait annoncé la nouvelle, elle-même surprise par la décision du roi moins d'une semaine après le fiasco avec Sir Gerald, l'angoisse que quelque chose tourne mal l'avait immédiatement hanté. Il détestait abandonner la princesse même pendant ses tâches les plus ordinaires. Chaque jour, il se dépêchait d'accomplir son entraînement, ses pensées toujours avec la jeune femme dans le château, souhaitant qu'il ne lui arrive rien. Il savait que cela frôlait l'obsession, mais les derniers évènements l'avaient rendu paranoïaque. C'était comme si chaque situation devenait un danger potentiel. Il s'était même mis à prier avec la princesse pour lui éviter d'être seule dans cette chapelle. Rauru souriait sans commenter quand il prenait place à l'entrée de la pièce, sur le banc de bois, pour surveiller les allées et venues, pendant que Zelda s'installait à l'avant pour sa dévotion quotidienne. De plus, la jeune femme se moquait de lui depuis qu'il s'était endormi et qu'elle avait dû le réveiller, car - selon ses dires - ses ronflements l'avaient dérangée au point d'être incapable de demeurer concentrer. Encore aujourd'hui, il se demandait si elle avait inventé cela juste pour rire ou si c'était vrai. À sa prochaine visite, il devait impérativement questionner sa famille à savoir s'il était si bruyant pendant son sommeil. Même s'il était pratiquement sûr qu'ils en profiteraient pour le mener en bateau avant de lui dévoiler la vérité.
Pour le moment, la cause principale de ses inquiétudes était qu'il allait devoir se séparer de la princesse alors qu'elle allait être dans une cité qu'elle n'avait jamais vue et entourée de personnes qu'elle ne connaissait pas. Cela enclenchait toutes les alarmes dans son cerveau. Le roi avait accepté les critères des gérudos, ce qui signifiait que sa fille n'aurait aucune garde rapprochée. Ce qui l'excluait lui automatiquement. Il avait été - et l'était encore - totalement paniqué par cette nouvelle.
Zelda lâcha une plainte de dégoût ce qui fit que Link stoppa ses réflexions en même temps que l'observation distraite du magnifique paysage. Il se tourna pour faire face la princesse qui, assise sur le sol, avait enlevé le bandage entourant son bras et passait délicatement un linge propre pour nettoyer autour de la plaie.
- C'est rouge, dit-elle en regardant les points de suture, mais cela ne semble pas enflé.
- Ça n'aurait pas été préférable de faire cela une fois chez les gérudos ? dit-il les yeux plissés à cause du vent qui soufflait fort à cette altitude.
Même s'il était derrière un mur sur la partie centrale du robot, il percevait facilement les éléments, que ce soit le soleil qui réchauffait sa peau découverte ou encore la puissante brise qui faisait danser les mèches libres de ses cheveux sur son visage.
- Je ne sais pas qu'elle sera mon accueil et je veux être certaine d'avoir pu le changer une fois aujourd'hui, dit Zelda.
Elle fouilla dans une grande sacoche à ses côtés et en sortit une bande immaculée qu'elle plaça sur l'entaille de son avant-bras droit. Link s'empressa de s'avancer pour reprendre le bandage et il s'accroupit pour l'enrouler autour de la blessure.
- Maître Mikael m'a averti de bien faire attention aux infections, précisa la princesse en l'observant. Serre un peu plus, sinon il ne tiendra pas.
- Ça fait mal ?
- Non. J'ai quelques élancements seulement. Rien au point d'en être inconfortable.
Link termina son travail sans commenter et Zelda agrafa le tissu avec de minuscules pinces. Elle replaça la manche de sa robe par-dessus et rangea la vieille bande. Finalement, elle sortit sa tablette sheikah.
- Tu ne vas pas encore lire ce programme, soupira le chevalier en se redressant.
- Mais c'est fascinant ! répliqua-t-elle avec une excitation mal contenue.
- Nous sommes sur un gigantesque robot volant et tu ne vas même pas profiter du paysage ? questionna le jeune homme en haussant un sourcil.
- Soit, maugréa-t-elle en se levant. Tu veux regarder le paysage. Soyons productifs. Que dirais-tu de réviser les lois et devoirs des citoyens tout en admirant le royaume ?
- C'est un coup bas, répliqua-t-il un sourire aux lèvres.
Elle rit doucement et se perdit dans l'observation du ciel au-dessus de leurs têtes. Malgré l'impression qu'il était et serait inapte dans ce rôle, Zelda n'avait pas abandonné à faire de lui un futur dirigeant. Tous les jours, elle trouvait un peu de temps pour lui énumérer toutes les responsabilités qui l'attendaient. Il était surpris chaque fois qu'elle arrivait avec un nouveau livre à lire, une explication sur les tâches qu'il aurait pendant un festin ou encore, l'apprentissage des pas d'une danse. Dans son village, on lui avait enseigné à giguer comme tout le monde. Maintenant, il devait connaître la valse, car chez les gens de la haute, c'était la mode. Il ne se plaignait pas. Il adorait danser avec Zelda. Dans ces rares moments, alors qu'ils étaient seuls dans un des petits salons du château, elle chantait que pour eux tout en lui montrant les pas. Lui, les bras autour de sa taille fine, il pensait que ça - juste ça - valait l'effort de mémoriser toutes les lois et le fonctionnement du royaume. C'était surprenant, de voir le temps qu'elle lui consacrait et lui prouvait que oui, il avait pris la bonne décision en la choisissant. Il l'imita et contempla le ciel sans nuages. Il baissa les yeux et remarqua tout autour d'eux, plusieurs centaines de mètres plus bas, le paysage de sable qui les entourait. La cité des Gérudos était visible, tout comme le populaire bazar Assek qui était situé à mi-chemin entre l'entrée du désert et la ville des femmes guerrières. Son inquiétude revint au galop.
- Je ne comprends pas pourquoi tu n'es pas plus nerveuse, dit-il en faisant face à la princesse. Je ne pourrai pas être avec toi. Comment vais-je te protéger ?
- Tout va bien aller, dit-elle en s'approchant pour tapoter sa joue affectueusement. Heureusement, grâce à cette bénédiction, nous avons une chance d'unir tous les peuples.
- Tu vas être seule dans cette cité pendant deux jours, dit-il en attrapant sa main pour la serrer dans la sienne.
- Je vais être entourée de guerrières.
- Que tu ne connais pas, précisa-t-il le front plissé d'incertitude.
- Tu n'avais pas ces craintes lors de nos visites avec les autres races.
- J'étais avec toi.
- Tu ne seras pas loin, l'encouragea-t-elle.
- Mais il va avoir un mur de plusieurs mètres nous séparant.
Avec ses doigts libres, elle enlaça leurs deux mains liées et appela son pouvoir. Il soupira en ressentant l'énergie familière.
- Ça va mieux ? dit-elle patiemment.
- Je voudrais être le méchant dans cette histoire, maugréa-t-il.
- Pourquoi ? demanda-t-elle surprise.
- Car je pourrais te kidnapper, t'enfermer dans un endroit secret et te garder à mes côtés à jamais.
Avec un sourire en coin, elle affirma :
- Fait cela et je te promets d'être la plus insupportable des prisonnières.
Il haussa un sourcil et enchaîna :
- Toi ? Insupportable ?
- Je suis certaine que j'arriverais à trouver quelque chose pour te faire perdre la tête.
- N'est-ce pas une habilité inhérente à toutes les femmes ? Faire perdre la tête aux hommes ?
Prétendant être courroucée, elle lâcha ses mains et se recula.
- Vous ne méritez pas la bénédiction des déesses, Sir Link.
- Je ne veux pas ta bénédiction, répliqua-t-il en faisant deux grands pas dans sa direction pour la prendre par la taille. Je te veux, simplement toi, dans un endroit sécuritaire, où je pourrai être apte à te protéger.
En plantant ses yeux verts dans les siens, la jeune femme soupira :
- Je n'arriverai pas à te convaincre, n'est-ce pas ?
- Non. Est-ce que je peux dire à Médolie de rebrousser chemin ?
- Non.
Il grogna et cacha son visage dans la nuque de la princesse, respirant son odeur légèrement fleurie. Elle lui frappa sans force la tête et murmura à son oreille :
- Nous ne sommes pas seuls ici.
- Trois secondes.
- On ne peut pas se comporter ainsi. La rumeur court déjà que tu es fou amoureux de moi.
- Ce n'est pas une rumeur.
Il sentit son mouvement, sans savoir si c'était de la surprise ou non, mais elle reprit aussitôt :
- Link, il y a des règles à respecter et ta situation est déjà délicate. J'ai entendu dire que tu avais menacé le comte Charles.
- Il le méritait.
- Tu dois être prudent.
Il releva son visage pour lui faire face et fit une moue.
- J'ai défendu ton intégrité.
Zelda regarda au ciel exaspéré.
- Vas-tu me dévoiler ce qu'il a dit à la fin ?
- Non.
Elle essaya de se reculer, mais sa main autour sa taille l'en empêcha.
- Link, le prévint-elle.
Il la libéra à contrecoeur et croisa les bras sur sa poitrine.
- Il n'y a aucun moyen pour que je puisse avoir une autorisation pour entrer dans cette cité ?
- Tu dois arrêter de t'en faire.
- Qu'arrive-t-il si je me fais prendre dans cette ville ?
Zelda plaça les mains sur ses hanches et plissa ses yeux en avertissant :
- Tu ne te feras pas prendre, car tu n'essaieras pas d'entrer.
Elle laissa retomber ses bras et passa ses doigts sur son visage.
- Écoute, dit-elle. Je peux faire en sorte de venir te voir le plus souvent possible. Est-ce que cela te rassurerait ?
Il haussa les épaules, mais répondit tout de même :
- C'est déjà quelque chose.
Du coin de l'oeil, il remarqua Médolie voler dans leur direction pour atterrir gracieusement à côté d'eux.
- Nous serons bientôt arrivés, annonça-t-elle. Votre Altesse m'avait demandé de l'avertir lorsque je débuterais les manœuvres de descentes...
- Oui, dit Zelda en souriant. Je prends ma tablette et je vous rejoins au centre de contrôle.
Link observa la princesse qui s'empressa de ramasser son engin électronique et de suivre la piaf qui était déjà reparti dans la créature divine. Retenant un soupir, il les suivit en essayant de ne pas penser à ce qui allait suivre.
OoOoO
- T'as la même tête qu'un chiot qui a été puni par son maître.
- La ferme Hergo.
- Arrête de t'en faire, ta princesse va bien !
Link se tourna vers le chevalier et grogna :
- Laisse-moi tranquille.
- Sir Lafrel m'a envoyé ici en personne pour te surveiller ! se moqua le roux.
Le héros, assis à même le sable chaud du désert, le dos appuyé sur l'énorme muraille entourant la cité, haussa un sourcil.
- Je te fais marcher, rigola Hergo. On se fout complètement de ton bien-être. Il m'a envoyé dans l'espoir que je puisse me rendre dans la cité.
L'imposant jeune homme croisa les bras derrière sa nuque et s'étira, laissant entendre un craquement sonore.
- Comme si c'était possible, maugréa-t-il.
Il se leva et regarda en direction d'une des entrées de la forteresse pour observer un petit groupe de gérudos qui sortait au même moment. Le héros fut sur ses deux jambes en un bond, mais soupira en ne voyant pas la princesse.
- Tu es pathétique, commenta le roux.
Link essuya la sueur sur son front tout en se demandant comment les guerrières supportaient une telle température. Peut-être devrait-il faire comme Hergo - qui portait un pantalon avec une veste sans manche tous deux fait d'un matériau très fin - et se trouver une tenue plus appropriée pour ce climat. Surtout en ce milieu d'après-midi où le seul moyen de ne pas s'évanouir était de rester à l'abri du soleil.
- Il semblerait que nous allons avoir de la visite.
Les quatre gérudos, qui venaient de quitter la cité, s'approchèrent d'eux joyeusement, leurs chevelures rousses attachées sur le sommet de leur tête et leur teint basané laissant facilement deviner leur appartenance. Si une d'entre elles était beaucoup plus grande que le héros, celui-ci savait qu'elles étaient encore jeunes, n'ayant pas atteint l'âge adulte. Il reconnut Riju qui lui souriait et il répondit à sa salutation.
- Vasaak Hergo, dit-elle nonchalamment en direction du chevalier. Tu ne vas pas voir ton père ?
- Nah, dit le géant en pointant Link. J'essaie de le convaincre d'aller visiter le bazar Assek depuis son arrivée sans succès.
- C'est à cause de la princesse ? demanda une des filles en gloussant.
- Nous avons entendu plusieurs rumeurs, énonça lentement la plus grande du groupe.
- Toutes vraies, confirma Hergo.
Link, une moue sur le visage, se détourna et allait faire un pas plus loin quand Riju s'écria :
- Ne t'en va pas, héros ! On te taquine ! Laisse-moi te présenter mes soeurs et nous pourrions aller faire un tour à l'oasis ? La bénédiction n'aura pas lieu avant deux heures encore.
- Je préfère rester ici, dit-il avec un regard en direction de la muraille qui le séparait de la cité.
- Même si tu ne sembles pas être captivé par notre compagnie, dit la plus grande du groupe en haussant un sourcil, je suis Kaisa. Et pour ton information, si tu attends la princesse, je ne pense pas qu'elle aura la possibilité de sortir pour te voir aujourd'hui.
- Nabooru a prévu tout un tas d'activité pour elle, continua une autre.
Et se pointant, elle ajouta avec un sourire :
- Je suis Juani.
Link, soudainement mal à l'aise, d'avoir manqué de respect aux quatre jeunes gérudos dit :
- Enchanté.
Il se tourna vers la dernière et demanda :
- Et toi tu te nommes ?
Plus petite que ses semblables, ses joues rougirent et elle déclara tout bas en fixant le sable à ses pieds :
- Lala.
Il lui sourit et elle y répondit timidement. Link répéta alors :
- Je vais rester ici. Je souhaite être tout près en cas d'incidents.
- Je vous avais prévenu, dit Hergo en croisant les bras sur sa poitrine. Impossible de l'éloigner de cette muraille de plus de dix mètres.
- C'est ennuyant, commenta Riju en dévisageant le héros.
- Pourquoi ne pas aller faire une course de morses ? proposa Juani avec enthousiasme. C'est tout près !
- Oh oui ! dit Kaisa intéressée. Je crois que Sibur s'entraîne aujourd'hui, elle pourrait nous donner des conseils.
- Sibur ? dit Riju perplexe. Nous donner des conseils ? Elle préfère garder son titre de championne au lieu de partager son savoir.
- Je viens avec vous, dit Hergo. Ça fait plus d'un an que je n'ai pas fait de course.
Cette annonce fit sauter de joie le petit groupe.
- Tu nous suis ou tu restes ici à te morfondre ? demanda le géant roux en direction du héros.
Les épaules de Link s'affaissèrent et il concéda, découragé :
- D'accord, je viens.
Il regarda vers l'entrée nord, qui était visible de sa position, pour voir les gardes toujours à leur poste. Les jeunes femmes ainsi que Hergo s'étaient déjà mis en route et d'un pas vif, il les rattrapa.
- Tu vas adorer, dit le chevalier roux quand Link fut à sa hauteur. Ça va te changer les idées.
Il ne savait pas si cela allait lui changer les idées, mais l'attente était en train de le rendre fou. Chaque fois qu'il passait près d'une des trois entrées de la cité, les gardes le regardaient sur la défensive. Comme s'il allait tenter quoi que ce soit ! Bien sûr qu'il y avait réfléchi et que s'il avait trouvé un moyen d'être à l'intérieur de cette cité, il y serait déjà. Sous les discussions et les rires des jeunes adolescentes, ils montèrent une petite colline et s'arrêtèrent devant deux palmiers. Trois gérudos adultes étaient présentes et s'occupaient d'une dizaine de créatures des sables qui, pour la plupart, dormaient au soleil. Link retira sa veste qu'il attacha autour de sa taille, ne supportant plus la chaleur. Il ne garda que le mince gilet à manche longue en dessous. Il replaçait son épée dans son dos quand un cri se fit entendre.
- Hergo ! s'écria une des femmes en stoppant les soins qu'elle prodiguait à son morse. De retour pour ta revanche ?
- C'est Sibur, murmura Riju en direction de Link.
- Non, je ne me risque même plus à faire un duel contre toi, rigola le gérudo. Je pensais plutôt faire une course contre le héros. Étant donné son statut de débutant.
La femme éclata de rire et avec une salutation polie en direction du blond, revint à ses occupations. Juani siffla et un morse de petite taille comparativement aux autres présents glissa habilement sur le sable dans sa direction.
- Voudrais-tu faire cette course avec Choupi ? demanda-t-elle toujours avec enthousiasme. Elle est jeune, mais très obéissante. Je l'élève depuis qu'elle est bébé.
Caressant l'animal tendrement, elle regarda le héros qui sourit et répondit à l'affirmative en s'approchant. Il tendit sa main en direction de l'animal qui la renifla avec intérêt.
- Tu ne participeras pas à la course ? l'interrogea Riju.
- Non, indiqua Juani, je veux voir ça.
Les deux autres déclarèrent la même chose et la fille de Beterah réfléchit avant de décider :
- Dans ce cas, je reste spectatrice. Aimerais-tu courir avec le morse de ma mère Hergo ?
L'imposant chevalier approuva avec joie et pendant qu'il se préparait, Link écouta les instructions de la maîtresse de l'animal qui lui servirait de compagnon. Elle lui expliqua comment bien diriger sa monture et les règlements de ce sport. Pour voyager avec un morse, on ne grimpait pas sur son dos, mais plutôt, on se laissait traîner derrière en restant debout sur une planche légèrement arrondie ce qui permettait de glisser efficacement sur le sable. Un harnais était fixé autour de la solide nuque de la bête où on attachait deux cordes qui seraient tenues par le conducteur ou la conductrice. Une fois le duo prêt et positionné sur la ligne de départ - et sous les rires des jeunes gérudos ainsi que l'attention discrète des trois adultes - Riju donna le signal. Si sur le coup, il n'était pas tant concentré sur la course, l'animal plongea sans hésitation dans le sable, le tirant avec une puissance à laquelle il ne s'attendait pas sur la piste. Rapidement, l'adrénaline circula dans ses veines et un sourire compétitif apparu sur son visage alors que Hergo glissait sur le chemin à quelques mètres devant lui seulement. La chaleur inconfortable qu'il devait supporter depuis le lever du soleil avait passé au second plan, son allure lui permettant de profiter d'un vent qu'il croyait inexistant. Il comprit assez facilement comment diriger son morse pour être efficace et se concentra à prendre les virages le plus serré possible tout en faisant attention aux obstacles sur sa route. Il voyait la ligne d'arrivée se rapprocher, qui était en fait celle de départ et poussa son animal pour la finale comme le lui avait expliqué sa maîtresse. La créature se donna de plus belle et la joie de Link s'afficha sur son visage en entendant le cri de déception d'Hergo qu'il venait de dépasser. Il atteignit le groupe de spectatrices le premier, le sourire aux lèvres, et son morse s'arrêta devant sa propriétaire qui le félicita avec d'innombrables câlins.
- Je suis fatigué de toujours perdre contre toi, bouda l'autre chevalier une fois à sa hauteur.
Il débarqua de sa planche sous les rires des gérudos.
- On voit que tu n'as pas pratiqué depuis longtemps, se moqua Sibur en direction du géant. Se faire enlever la victoire par un débutant.
- On ne peut pas le classer dans cette catégorie, s'écria Riju. Quelqu'un a compté le temps ?
Les adolescentes répondirent négativement.
- Veux-tu refaire une course contre moi ? dit-elle en se tournant vers Link. Et cette fois-ci, nous allons calculer !
- Jeunes filles, le repas va avoir lieu dans une heure, avertit une des deux adultes. Nous devons ramener le troupeau bientôt.
- Tu l'as vu comme moi faire la course, rigola Riju en pointant Link. Ça ne prendra pas de temps ! On va peut-être même battre un record, qui sait ?
- Est-ce que tu insinues que ce petit hylien a une chance de battre mes records ? interrogea Sibur en croisant les bras sous sa poitrine.
Le sourire toujours présent sur ses lèvres, l'adolescente ne répondit pas. La championne, un air hautain sur le visage, se tourna vers le héros et proposa :
- Si tu es aussi bon qu'elle le dit, pourquoi ne pas faire une course contre moi ?
- Sibur, soupira une des gérudos qui s'occupaient des morses, laisse-les s'amuser.
- Il doit y avoir un prix, dit Kaisa avec un sourire en coin.
- Battre la championne mériterait une récompense, approuva Juani.
- D'accord, concéda la dame, mais c'est dans les deux sens. Combien veux-tu parier Sir Link ?
Le héros fronça ses sourcils et éluda :
- Je préfère retourner immédiatement à la cité.
Sibur éclata de rire sous les cris de déception des adolescentes.
- Tu ne peux pas aller à l'intérieur, se moqua la gérudo.
Elle réfléchit quelques secondes et proposa :
- Si tu gagnes, je t'accompagne. Dans la cité.
- Ne dit pas des stupidités, soupira la même gérudo plus loin qui suivait la conversation.
- D'accord ! s'empressa de répondre Link.
S'il avait une chance d'aller rejoindre la princesse, il allait la prendre.
- Tu sais que tu ne gagneras pas, affirma la championne. Et si tu perds, je me réserve une faveur.
- Quel genre de faveur ? demanda Link.
Elle sourit et il hésita.
- Une tablette sheikah, dit-elle. J'en veux une et c'est impossible d'en trouver. Avec tes contacts royaux, tu peux te débrouiller n'est-ce pas ?
- Oui, je pense, réfléchit-il.
Ça allait lui couter ses économies des dix prochaines années, songea-t-il avec une moue.
- C'est un marché, alors, dit-elle en claquant la langue.
- Il va vraiment pouvoir entrer s'il gagne ? répéta Riju perplexe.
Hergo haussa les épaules à côté, ne semblant pas croire à une telle chose. Link ne sut pas s'il doutait de sa victoire ou de la possibilité d'aller à l'intérieur de la cité des femmes, peu importe le résultat de la course. Juani dirigea son morse vers lui, l'obligeant à sortir de ses pensées, et il se remit en position sur la ligne de départ, cette fois-ci contre la championne des gérudos. Il devint nerveux. Même la bête en face de lui semblait comprendre le sérieux de la situation et fixait droit devant sans montrer le moindre amusement. Quand Riju donna le signal, Link, déjà solide sur sa planche, sentit la puissance de la poussée de l'animal dans ses bras jusqu'à ses pieds et il eut l'impression de voler sur la piste. Malgré tout, Sibur savait ce qu'elle devait faire pour rester au-devant et il peinait à la suivre. Heureusement, son compagnon paraissait autant motivé que lui à dépasser son adversaire et talonnait la gérudo qui regardait avec une certaine inquiétude derrière elle. Ses mâchoires crispées, il prit les virages aussi serrés, voire plus que celle qui menait la course, réussissant à doucement la rattraper. En apercevant la ligne d'arrivée, il poussa son morse qui s'évertua à donner tout ce qu'il pouvait, imiter par sa concurrente. Et il la dépassa. Il put voir la surprise sur le visage de Sibur et il lâcha un cri de joie en franchissant la ligne d'arrivée quelques secondes avant elle. Son animal s'arrêta enfin et alla s'échouer sur le dos devant sa maîtresse qui le félicita, ébahie par sa victoire. Link la rejoignit et caressa le ventre de la bête pantelante.
- Je savais que tu étais la meilleure Choupi ! s'écria l'adolescente. J'ai hâte de raconter ça Vama !
- Quatre minutes quinze, dit Riju abasourdie.
Le héros la vit assise à côté d'un sablier posé sur une surface plane, le dévisageant comme s'il lui avait poussé une nouvelle tête. Elle se tourna vers Sibur et dit :
- Est-ce qu'il a une autorisation d'entrer dans la cité maintenant ?
La championne grimaça. La plus vieille gérudo passa à côté et soupira :
- C'était stupide de ta part. Débrouille-toi avec ce merdier.
Elle se détourna à l'encontre de l'autre adulte présente et demanda :
- Es-tu prête ?
Elle approuva et les deux femmes sifflèrent puissamment. Tous les morses se redressèrent et glissèrent vers la cité, suivi des deux guerrières.
- Sibur ? demanda Riju ses sourcils froncés.
- Je bluffais, maugréa celle-ci à contrecœur. Il ne peut pas entrer dans la cité.
- Pourquoi avoir dit ça alors ? s'écria Juani avec déception
- C'est injuste ! ajouta Kaisa.
Sans regarder le jeune homme qui l'avait vaincu, l'ancienne championne soupira :
- Je m'excuse.
Et elle se dirigea vers la forteresse sans attendre.
- C'est vraiment…commença Riju enragée.
- Les filles, coupa Hergo, vous deviez vous douter qu'il ne pourrait pas entrer.
- Si elle avait gagné, Link aurait été obligé de lui trouver une tablette, commenta Kaisa.
- Ça n'a jamais été aussi simple, continua l'imposant chevalier. Sinon, j'aurais pu y aller depuis longtemps. Aucun homme ne peut y être.
L'espace de quelques minutes, Link y avait cru. L'excitation de la course s'était dissipée et les épaules basses, il prit à son tour le chemin de la cité tout en sachant qu'il ne pourrait pas franchir les murailles.
- Et si on le déguisait en femme ? proposa doucement Lala.
Link se retourna quand Hergo éclata de rire et remarqua le regard que s'échangèrent les adolescentes tout en le détaillant des yeux. Zelda ne voudrait pas qu'il fasse cela. La réaction à la fois amusée et scandalisée de la princesse lorsqu'il lui avait raconté que sa mère avait fait la même chose dans le passé pour lui permettre d'entrer dans cette cité lui confirmait son opinion sur le sujet. De plus, à l'époque, lui et Arielle étaient semblables physiquement, presque identiques, rendant encore plus crédible le mensonge. Aujourd'hui, il devrait rester à l'écart et surveiller de loin la future souveraine sans qu'elle l'aperçoive. Sans se faire remarquer par qui que ce soit. Ça pouvait fonctionner. Et il pourrait s'assurer ainsi que tout allait bien.
- Vous n'êtes pas sérieusement en train de considérer cette idée, s'étonna l'imposant gérudo.
- Et bien, dit Kaisa avec un sourire en coin, il n'est pas si grand et pourrait facilement passer pour l'une de nous.
- Par l'une de nous, tu parles de moi, non ? observa Juani une moue sur le visage.
- Peut-être qu'il est de ta taille, accorda Hergo, mais le reste est impossible à imiter.
- Ma grand-mère a plusieurs perruques, dit Lala.
- Et en plaçant un voile sur sa bouche, avisa Kaisa.
- Ses yeux vont le trahir, interrompit Riju. Et son teint.
- Si j'attends au coucher du soleil ? commenta le héros.
- Une minute Link, intervint Hergo, tu n'es pas sérieusement d'accord avec ça !
- Mon seul et unique rôle ici est de veiller sur la princesse, argua-t-il. Si je dois me déguiser en femme pour le faire, et bien tant pis ! J'aime mieux ça que d'apprendre qu'elle a encore été attaquée alors que je n'étais pas là !
Son rival haussa les mains en signe de reddition et soupira :
- OK-OK ! Mais si tu te fais tuer, ta stupidité sera la seule responsable !
Un sourire conspirateur apparu alors sur ses lèvres et il ajouta :
- Comment puis-je vous aider, les filles ?
Chapitre mis en ligne le 22 avril 2019.
