Devenez Aradia Medigo

Vous vous êtes assise en première. Vous êtes toujours dans les 'temps' lorsque votre groupe se réunit. Vous appréciez passer du 'temps' avec eux, vous appréciez leur parler, échanger, rire, simplement profiter de leur présence. Vous appréciez ce groupe d'amis, qui est devenu depuis bien longtemps une seconde famille.

« Sollux est en retard ? »

Lorsqu'Eridan s'assoit à côté de vous avec cette mine nerveuse, vous comprenez qu'il s'est passé quelque chose. Déjà ce matin, vous aviez l'impression que Sol était en colère. Vous connaissez Sollux depuis des années, vous pouvez même vous vanter de le connaître sur le bout des doigts. S'il n'est plus votre petit copain, il reste suffisamment proche de vous pour être considéré comme votre frère.

Vous faites la moue en essayant de vous remémorer si Sol vous a envoyé un quelconque message, mais rien ne vous viens :

« Je crois ? Mais il n'avait pas cours durant l'heure précédente, donc ça m'étonne. Pourtant il n'a pas dit qu'il s'absentait, si ?

- ... Il ne m'a rien dit, je pensais que tu le saurais toi. »

Vous aimez beaucoup Eridan. Derrière ses airs hautains et fiers, il n'est finalement qu'un jeune homme timide et maladroit, et vous appréciez discuter avec lui, surtout si cela tourne autour de Sollux. Après tout, c'est son nouveau petit copain. Il est donc de votre devoir de les surveiller - et puis surtout, vous appréciez faire la commère, curieuse comme vous êtes.

Mais à ce moment, toi et Eridan êtes inquiets. Sollux n'est pas le genre à s'absenter sans prévenir. Vous voyez votre ami se relever, un peu anxieux :

« Je vais voir où se trouve Sollux et je reviens. »

Vous hochez la tête, comme d'autres de vos camarades. Mais vous vous figez au même titre qu'Eridan lorsqu'un claquement puissant survient, et vous vous retournez vers Feferi avec stupeur, ne comprenant pas ce soudain excès de colère, ni ce regard noir porté sur Eridan.

Vous savez, comme tous vos amis, que Feferi et Eridan ne se parlent plus, que Eridan n'a pas su renouer avec elle comme il l'a fait avec vous. Mais vous ne pensiez pas que ce serait la jeune femme qui craquerait la première, et malheureusement ce n'est pas le craquage que vous attendiez. Vous espériez une discussion calme entre les deux, qu'ils finissent par se réconcilier en douceur.

Vous vous trompiez.

« Arrête Eridan. Laisse Sollux tranquille. »

L'Ampora est sous le choque :

« ... Quoi ? »

Vous les regardez tour à tour alors que la tension monte.

« C'est pathétique ! Tu ne peux pas continuer comme ça ! Que tu veuilles te venger de moi, surtout d'une telle façon, c'est puéril ! Tu as pensé à Sollux, à ce qu'il pouvait ressentir ?

- ... Attends ... Tu penses que je flirt avec lui pour te rendre jalouse ?

- Ne joue pas à ça avec moi ! Je te connais, je te connais depuis qu'on est gamin ! T'as toujours été comme ça, menteur et manipulateur, tout ça pour me garder auprès de toi ! »

Vous croyez rêver, regardez Feferi avec stupeur. Mais vous ne voyez pas de méchanceté gratuite ou de jalousie chez elle. Vous voyez surtout une inquiétude étouffante, et vous réalisez que, peut-être, vous ne vous êtes pas assez occupée d'elle dernièrement, vous ne l'avez pas assez rassuré.

Vous ne connaissez pas Eridan autant qu'elle, mais vous devinez que sa paranoïa n'est pas injustifiée. Et vous connaissez Feferi : elle tient à Sollux, elle ne veut pas qu'il soit blessé. Mais elle ne comprend pas que ce n'est pas un jeu, que Eridan n'est pas là avec de mauvaises attentions.

« Tu te fous de ma gueule ? C'est comme ça que tu me vois ? s'emporte Eridan.

- Je t'en prie, on sait tous que tu n'as toujours eu que moi ! Depuis qu'on est petit, dès que je m'éloigne, tu cherches à me garder ! Quand on était gamin et que j'allais avec mes autres amis, tu les menaçais de parler à ton père pour virer leurs parents ! Ils voulaient plus m'approcher!

- Tu me parles d'une connerie que j'ai faite ENFANT ! Tu me reproches un comportement que j'avais il y a de ça dix ans !

- Parce que t'as TOUJOURS agit comme un gosse ! Le coup de te suicider, seulement pour me suivre jusqu'en étude sup' ! Tu me prends pour une conne ?! »

Vous vous pétrifiez. Vous ne savez pas ce qui vous retourne le plus : apprendre qu'Eridan a fait une tentative de suicide, ou bien le fait que Feferi vient de le hurler en public. Votre estomac se tord, si fort que vous ne parvenez pas à intervenir immédiatement, parce que vous ne savez pas quoi dire, vous ne savez pas quelle est la bonne attitude à prendre

Vous cherchez de l'aide, parcourez vos amis des yeux, et lorsque votre regard croise celui de Tavros, vous sentez que vous allez pleurer tant il a l'air bouleversé.

Devenez Tavros Nitram

Votre regard croise celui d'Aradia, et vous devinez que vous devez faire une tête affreuse car votre amie ne vous lâche plus de ses yeux humides. Vous essayez de rester calme, mais vous n'y parvenez pas. Comment pourriez-vous le faire ? Le cri de Feferi résonne dans votre esprit et vous pousse à fixer Eridan.

Vous n'êtes pas stupide. Les pièces du puzzles se rassemblent. Vous comprenez mieux pourquoi Gamzee a parlé de votre tentative de suicide ratée. Vous comprenez mieux l'angoisse d'Eridan lorsqu'il vous parlait. Vous comprenez mieux pourquoi Feferi vous à introduit son ami d'enfance avec tant de réticence.

Vous vous êtes toujours demandé pourquoi Feferi et Eridan, qui se disaient meilleurs amis, semblaient si distants l'un avec l'autre, comme s'il y avait une gêne, des non-dits. Vous comprenez mieux pourquoi Feferi a suivi le reste du groupe et l'a abandonné. Vous comprenez mieux alors que vous voyez Feferi craquer pour la première fois, elle qui essaie toujours de rester calme et positive.

Eridan hurle :

« MAIS SALE CONNASSE ! T'AS CRU QUE J'AI FAIT CA POUR TON ATTENTION ?! T'AS CRU QUE J'AI FAIT CA POUR CONVAINCRE QUI QUE CE SOIT ? »

Feferi hausse le ton, et vous frissonnez devant toute la haine qu'elle dégage :

« EVIDEMMENT ! T'EN EST BIEN CAPABLE, T'AS TOUJOURS ÉTÉ CAPABLE DU PIRE ! LE COLLÈGE, CA TE PARLE ?! LE JOUR OU TU T'ES JETÉ DANS L'ESCALIER ET QUE TU T'ES EXPLOSÉ LE TIBIA, POUR QU'ON AI UNE EXCUSE POUR LOUPER LES COURS SEULEMENT PARCE QUE JE T'AVAIS DIS QUE J'EN AVAIS MARRE DE L'ÉCOLE ! T'AS TOUJOURS ETE UN PUTAIN DE TARE QUAND CA ME CONCERNAIT ! »

Vous vous sentez devenir si pâle, si faible. Vous êtes autant dérouté que Aradia, vous ouvrez la bouche mais votre voix se terre au plus profond de vous, car cette dispute ne vous concerne pas, elle ne concerne personne, et c'est là tout le problème. Cette dispute s'est déclenchée en public, ce qui n'aurait jamais dû arriver. Cette dispute a besoin d'avoir lieu, les non-dits ont besoin d'être exprimés, mais ce n'est pas l'endroit, ce n'est pas le moment, mais vous ne pouvez pas juste intervenir comme ça, vous ne pouvez pas vous permettre d'interrompre.

Sauf qu'assister à ça est douloureux. Vous voyez vos deux amis au bord du gouffre et vous voulez pleurer, vous voulez les prendre dans vos bras, vous voulez les réconforter, mais vous ne pouvez pas, vous n'y parvenez pas.

«JE SUIS LA SEULE POUR TOI, MAIS TOI T'AS JAMAIS ÉTÉ LE SEUL POUR MOI ! J'AI UNE PUTAIN DE VIE ! UNE PUTAIN DE VIE QUE J'ESSAIE DE MENER, MAIS T'ES LA, T'ES TOUJOURS LA, ET CHAQUE FOIS JE DOIS M'ADAPTER, JE DOIS TE SURVEILLER, JE DOIS TE GERER OU CE SERA MA FAUTE ! SI TU CRÈVES, CE SERA MA FAUTE ! PARCE QUE LE MONDE A DÉCIDÉ QUE JE DEVAIS M'OCCUPER DE TOI ! MAIS J'EN AI MARRE ERIDAN ! J'EN AI MARRE DE TE GERER PUTAIN!»

Vous sentez quelque chose craquer en vous, en même temps que le cœur d'Eridan semble se briser. Vous le voyez perdre toute sa colère, remplacé par un désespoir qui s'écroule sur ses épaules, et vous avez envie de vomir. Votre image se superpose à la sienne. Vous vous revoyez vous, au collège, au bord du vide -littéralement.

Et vous sursautez lorsqu'une main s'agrippe à votre bras, vous serre fort comme par peur que vous disparaissiez. Vous tournez la tête, vous apercevez Vriska. Elle ne vous regarde pas, elle fixe Eridan, mais elle vous tient. Elle vous tient fort et elle tremble, et vous comprenez qu'elle a la même pensée que vous.

Devenez Vriska Serket

Vous avez un haut le cœur, et à vrai dire vous ne savez pas très bien comment vous faites pour ne pas pleurer. Votre main s'est agrippée à Tavros par automatisme, alors que vous fixez Eridan sans réellement le voir. Les hurlements bourdonnent dans votre tête, vous avez à peine conscience de trembler. Vous avez juste l'impression qu'on vous a jeté de force des années en arrière, vous avez la sensation d'être enchaînée dans le passé, d'être retournée au collège, d'être redevenue cette gamine méprisable et hautaine.

Vous avez un flash, vous vous revoyez ricaner, puis hurler, rabaissez Tavros. Vous vous revoyez franchir la limite, alors qu'il vous fait face et que son visage se décompose, que la vie quitte ses yeux. Vous vous souvenez distinctement de ce moment, ce moment où l'éclat dans son regard s'est éteint, et où vous avez saisi toute votre connerie, où vous avez su, malgré votre jeune âge, que vous n'étiez qu'une salope.

Vous vous revoyez dans la cour du collège, figée devant le corps inerte. Vous entendez à nouveau le bruit strident des sirènes, les lumières vives qui alternent entre le rouge et le bleu, les élèves qui se bousculent, les adultes qui tentent au mieux de maîtriser le chaos.

Et vous vous revoyez vous. Vous revoyez Tavros. Vous revoyez le sang carmin, les jambes tordues dans un angle anormal, l'odeur métallique, le sensation de vertige alors que vous osez relevez la tête pour regarder le toit, que votre esprit d'enfant comprend ce qu'il s'est produit, que la culpabilité vous étouffe.

La voix étranglée d'Eridan vous raccroche au présent :

« Je voulais pas être un poids ... ! Je voulais juste être avec toi, te rendre heureuse ! Je voulais juste...

- Me rendre heureuse ? Tu sais à quel moment je me suis sentie putain d'heureuse ? Au lycée ! Quand t'étais pas là pour me faire chier ! »

Vous voyez Eridan tressaillir, vous savez qu'il va s'écrouler. Vous vous redressez, personne ne vous remarque. Le souffle de Feferi sonne comme un glas :

« ... Dégage...

- ... Fefer...

- DEGAGE PUTAIN ! »

Il sursaute et votre cœur s'arrête. Vous reconnaissez ce regard.

Feferi a franchi la limite, et elle ne le sait pas. Elle ne regarde plus Eridan, elle ne peut pas voir le mal qu'elle vient de faire, et vous avez envie d'hurler à votre tour, vous avez envie de la saisir, la frapper, la secouer et l'obliger à regarder. L'obliger à regarder ce qu'elle vient de détruire.

Redevenez Aradia Medigo

Vous attrapez la main de Eridan, par peur qu'il s'écroule. Vous ne savez pas comment vous avez trouvé la force de bouger. Peut-être est-ce de voir Vriska se lever qui vous a réveillé, et votre esprit vous hurle de réagir, vous hurle de prendre Eridan dans vos bras, vous hurle de le réconforter avant qu'il soit trop tard.

Mais c'est déjà trop tard. Vous le savez lorsqu'il sursaute, lorsque son regard passe trop vite sur vous, trop vite sur le reste de vos amis. Vous le savez lorsqu'il se dégage de votre prise, avec une violence que vous n'attendiez pas. Vous le savez lorsqu'il prend la fuite, et vous vous relevez en panique pour le rattraper :

« ERIDAN ! » vous hurlez, votre pied heurte le banc et vous perdez l'équilibre, êtes rattrapée de justesse par Kanaya.

Vous la remerciez à peine, et pourtant vous lui êtes reconnaissante. Mais vous ne pouvez pas perdre plus de temps, vous ne pouvez pas laisser Eridan partir comme ça. Vous vous jetez à sa poursuite mais l'avez déjà perdu de vue, le bâtiment a une foule d'étudiants et vous n'avez aucune idée de l'endroit où votre ami s'est dirigé, alors vous courrez au hasard, essayez de repérer son écharpe ou bien sa mèche de cheveux mauve, sans succès.

Redevenez Tavros Nitram

Vous voyez Aradia poursuivre Eridan, et vous aimeriez en faire de même. Mais vous avez ce stupide, ce PUTAIN de handicape, ce handicape que vous ne détesterez jamais autant qu'en cet instant. Vous vous haïssez, vous vous haïssez d'avoir sauté de ce putain de toit. Si vous ne l'aviez pas fait vous auriez encore vos jambes, vous auriez pu rattraper Eridan, vous auriez pu le serrer contre vous et le rassurer. Mais à la place vous êtes planté là, coincé de l'autre côté de la table, et vous savez qu'en faire le tour pour entrer dans le bâtiment ne sera qu'une perte de temps, vous savez que vous ne le rattrapez jamais, et votre frustration s'accumule, vous voulez hurler.

Vriska le fait pour vous.

« MAIS T'ES MALADE ?! »

Vous sursautez, vous regardez votre amie, et vous vous étranglez. Elle est dévastée, et vous êtes sûr qu'elle n'a pas réalisé qu'elle pleurait, vous êtes sûr qu'il n'a pas conscience de sa voix brisée. Elle hurle sur Feferi comme si c'était elle qui venait d'être projeté au pied du mur, comme si elle était à la place de Eridan :

« PUTAIN T'AS VU CE QUE T'AS FAIT ?! »

Feferi la regarde avec ahurissement, elle ne pensait certainement pas - comme le reste d'entre vous - que ce serait Vriska qui prendrait la défense d'Eridan. Et pourtant c'est bien ce qu'il se produit. Vriska hurle à s'en déchirer la gorge, et vous craignez presque qu'elle se jette sur Feferi.

« TU CROIS QUE C'EST UNE BLAGUE LE SUICIDE ?! TU CROIS QUE T'ES LE CENTRE DU MONDE ? TU PEUX PAS LUI FOUTRE LA PAIX MAINTENANT QU'IL TE LAISSE TRANQUILLE ?! »

Elle a lâché votre main et vous revenez la saisir. Elle sursaute, elle vous regarde, elle a un couinement pathétique et un sanglot, avant de se passer une main sur le visage, d'essayer d'effacer ses larmes. Vous la tirez un peu, vous la forcez à se pencher, et vous la prenez dans vos bras, vous lui caressez le dos maladroitement. A défaut de réconforter Eridan, vous pouvez essayez de réconforter votre amie, essayez de calmer cette culpabilité qui semble l'étouffer.

Redevenez Vriska Serket

Vous vous sentez comme une gamine misérable. Le gars que vous avez poussé au suicide vous réconforte comme si c'était vous la victime, et vous avez la sensation que c'est vous qui devriez sauter d'un toit, que c'est vous qui devriez être dans ce fauteuil roulant.

Il vous serre contre lui, contre son cœur. Il tremble autant que vous, et vous pouvez presque savoir ce qu'il pense. Il pense qu'il est inutile. Il pense qu'il devrait aider Eridan, mais il ne le peut pas, à cause de ses jambes, à cause de vous.

Alors vous vous écartez, vous essayez de le faire en douceur mais vous vous savez brusque, et vous vous mordez la lèvre en essayant de reprendre contenance, sans succès :

« J-Je dois aider Aradia, je dois... »

Mais dans votre dos, Terezi vient vous enlacer, vous embrasse sur la tempe tout en passant une main dans vos cheveux. Elle vous connait, elle sait comment vous rassurer, tout comme Tavros face à vous qui continue de vous tenir. Aucun des deux ne semblent vouloir vous laisser partir.

« Pas dans ton état, répond Terezi. Calmes toi. »

Vous aimeriez rétorquer, insister, mais êtes coupée par Nepeta qui se lève à son tour :

« Je vais y aller ! s'écrit-elle et vous remarquez qu'elle lutte aussi contre les larmes. E-Equius, allons-y ! »

Vous voyez Equius hocher la tête, vous voyez sa mâchoire crispée alors qu'il part précipitamment à l'intérieur avec Nepeta. Vous restez là, toute penaude, dans les bras de Terezi et Tavros. Vous ne savez pas quoi dire, vous ne savez pas quoi faire.

Vous reniflez et remarquez qu'à part vous et vos deux amis, il ne reste plus que Feferi et Kanaya.

Feferi s'est assise à nouveau et vous ne voyez pas son visage. Elle s'est prise la tête dans les mains, et bien qu'elle ne fasse pas de bruit, vous devinez qu'elle pleure également en remarquant ses soubresauts. Kanaya est à ses côtés, lui caresse le bras, lui murmure des mots doux.

Vous aimeriez hurler à nouveau mais ça ne servirait à rien, si ce n'est aggraver la situation. Vous vous blottissez juste contre Tavros, et vous vous excusez. Vous vous excusez encore, et encore, et vous ne savez pas pourquoi. Vous ne savez pas si vous vous excusez de votre harcèlement, de votre comportement merdique, ou de votre incompétence actuelle. Peut-être tout à la fois. Et il continue de vous câliner, il continue de vous réconforter.

Redevenez Aradia Medigo

Vous ne trouvez pas Eridan. Vous courrez et l'angoisse grandit, grandit au point de vous nouer la gorge, de manquer de vous étouffer. Vous courez et vous sentez à peine la douleur qui parcourt votre bras lorsque vous cognez la rambarde de l'escalier. Vous courez et vous manquez de trébucher plusieurs fois, alors que vous fouillez le moindre étage, que vous bousculez des étudiants comme des professeurs, et que vous criez le nom de Eridan.

On vous saisit le bras, vous vous arrêtez net. Votre regard croise celui de Gamzee, et vous ne savez pas très bien si c'est le soulagement ou la panique qui vous submerge. Vous commencez à sangloter, et ce malgré le fait que vous tentez désespérément de maîtriser votre voix, que vous essayez d'expliquer ce qu'il se passe aussi distinctement que possible :

« G-Gamzee, il y a ... et.. c'est ... Et F-Feri a... et ... »

Il fait cette expression confuse et inquiète alors qu'il vous caresse le bras, qu'il essaie de comprendre ce que vous lui dites en vous murmurant :

« ... calme toi ma sœur, respire. Prends ton temps. »

Vous secouez la tête, car vous n'avez pas le 'temps'. Et vous inspirez pour essayer de calmer le jeu, pour essayer de maîtriser votre tremblement, pour essayez de partager le plus important :

« E-Eridan... Faut retrouver Eridan... ! »

Vous voyez son visage perdre des couleurs, son inquiétude devenir plus forte au nom de l'autre garçon. Vous lui indiquez les endroits que vous avez déjà fouillé, il hoche la tête et n'attend pas davantage pour se mettre à courir à son tour. Vous vous séparez à une intersection, en priant pour que l'un de vous deux le retrouve.

Devenez Sollux Captor

Vous n'aviez pas ressenti une telle colère depuis longtemps, et vous ne savez pas dire clairement ce qui l'alimente. Probablement la déception ainsi que la frustration. Vous avez essayé de prendre sur vous, mes vos limites ont été atteintes. Eridan a toujours eu le don pour vous faire craquer, vous poussez jusqu'à la rage la plus pure, et cela n'a fait qu'empirer maintenant qu'il sort avec vous, car il est censé être devenu plus accessible, il est censé être devenu plus proche de vous, et pourtant vous sentez une barrière, un fossé qui vous sépare.

Vous n'en pouvez plus de vos tentatives ratées pour le toucher. Vous en avez marre qu'il paraisse vous fuir, qu'il paraît si gêné quand il s'agit de vous, alors qu'il est tant à l'aise avec Karkat et Gamzee. Vous ne comprenez pas ce que vous avez de différent, vous ne comprenez pas pourquoi il ne peut pas agir normalement avec vous. Vous ne comprenez pas pourquoi votre lien est si compliqué, vous ne savez même pas s'il vous aime vraiment où s'il ne veut que de Gamzee et Karkat.

Mais ce que vous savez, c'est que vous lui en voulez. Vous lui en voulez de vous faire tourner en bourrique, et vous lui en voulez de ne pas vous avoir fait confiance. Pire, vous en voulez aussi à Karkat. Vous leur en voulez à tous les deux pour vous avoir caché cette histoire de harcèlement, comme si ça ne vous concernait pas. Merde, vous sortez ensemble, bien sûr que ça vous concerne ! Bien sûr qu'il faut vous en parlez, bien sûr qu'il faut réagir !

Vous êtes déçu, et blessé. Parce que vous les aimez. Vous les aimez et vous voulez prendre soin d'eux, et plus le temps passe, et moins vous avez l'impression que c'est réciproque. Vous avez la sensation que votre alchimie s'effrite, que vos trois compagnons évoluent entre eux, sans vous. Vous regrettez de ne pas avoir été avec eux hier soir. Vous étiez occupé, certes, mais vous auriez dû annuler et aller avec eux, essayer de rattraper les choses avant que ça ne dégénère.

« Sollux, putain ! »

Karkat essaie de dégager sa main de votre poigne, alors que vous le tirez sèchement dans les couloirs. Vous êtes encore trop en colère, trop rancunier pour desserrer votre prise même si vous lui faites mal. Vous essayez d'ignorer votre tremblement, les yeux rivés devant vous, comme si vous étiez maître de la situation. Sauf que vous savez que ce n'est pas le cas, vous savez que si vous regardez Karkat, si vous lui répondez, vous allez casser quelque chose. Vous allez rompre le semblant de sang froid que vous vous évertuez à maintenir.

« SOLLUX ! »

Karkat tire aussi fort qu'il peut et vous êtes obligé de vous arrêter, son poids étant de plus en plus difficile à traîner. Mais vous ne le regardez toujours pas, et vous savez qu'il sait. Il sait que vous êtes à votre limite, que ce n'est pas le moment de lui tenir tête.

« On va y aller, ok ?! crit-il. On va voir ce putain de directeur, mais bordel, après ! »

'Après quoi ?' vous songez sans le dire, car si vous parlez maintenant votre voix va se briser. Vous vous apprêtez à repartir, mais Karkat force toujours pour vous retenir, et votre coeur se serre en l'entendant devenir suppliant :

« Allons voir Eridan ! S'il te plait, je sais que t'es en colère, mais allons le voir !

- ... Non, vous répondez sans pleurer, un miracle.

- PUTAIN SOLLUX ! TU LUI AS HURLÉ DESSUS ! ON L'A PLANTÉ APRÈS LUI AVOIR HURLÉ DESSUS! »

Vous êtes pris d'un haut le cœur. Vous revoyez le regard blessé et honteux de Eridan, vous le revoyez trembler et baisser la tête face à vos reproches. Vous le revoyez être si faible fasse à vous et le regret vous noie, vous coupe le souffle. Est-ce vraiment vous qui l'avez mis dans cet état ? Est-ce vraiment vos cris qui ont semblé le briser à ce point ?

Vous allez répondre à Karkat mais vous apercevez Nepeta et Equius passez en trombe dans le couloir adjacent, alors que la jeune femme hurle à plein poumon :

« ERIDAN ! »

Son appel vous pétrifie, et vous sentez Karkat se crisper également. Vous échangez un regard d'effrois tandis qu'un mauvais pressentiment vous envahit, et sans réfléchir vous vous jetez tout deux à la poursuite de vos amis. Vous les appelez, et ils s'arrêtent aussitôt pour vous attendre. Nepeta se jette presque sur vous :

« Sol, Kark, vous l'avez vu ?!

- Il y a quelques minutes, répond Karkat. Pourquoi, qu'est-ce qui se pas-

- Où ça ?! »

Que Nepeta coupe Karkat est une première, et cela ne fait que renforcer votre pressentiment. Vous prenez la parole :

« Près de la salle d'histoire, on... on s'est disputés. »

Le visage de Nepeta passe par toutes sortes d'émotions, pour finalement résulter en une colère pure. Elle ne rétorque rien et vous dépasse en panique, pour se précipiter vers le lieu indiqué. Confus, vous lui emboîtez le pas.

« Qu'est-ce qui se passe putain ?! s'énerve Karkat.

- Feferi lui a hurlé dessus. » répond Equius aussi sobrement qu'il le peut, mais sa voix est tremblante, et vous devinez qu'il ne dit par un tiers de ce qui s'est passé.

Vous sentez vos jambes faiblir. Feferi a hurlé sur Eridan. L'information met du temps à être pleinement traitée. Elle a hurlé sur Eridan. Probablement devant tout le monde, si Equius et Nepeta sont au courant. Probablement juste avant que VOUS ne croisiez Eridan.

L'horreur vous saisit le cœur. Eridan se sentait mal, et vous en avez rajouté une couche. Au lieu de le réconforter, vous l'avez enfoncé.

Évidemment, il n'est plus là lorsque vous arrivez. Aucune trace de sa présence.

Vous sortez votre téléphone et vous connectez au réseau. Il n'est pas en ligne, mais vous envoyez quand même un message :

De Sollux : Eridan, où es-tu ?

Vous relevez les yeux vers vos amis :

« Il ne doit pas être loin, on se sépare. »

Ils hochent la tête et vous partez chacun de votre côté. Vous sentez votre coeur martelez votre poitrine, trop fort, trop douloureusement. Vous parcourez les couloirs, mais votre pressentiment se renforce, vous savez que vous ne le trouverez pas comme ça. En fait, le connaissant, il est sûrement partit se cacher, loin des regards extérieurs. Peut-être n'est-il même plus dans l'établissement.

Vous vérifiez votre téléphone alors que vous descendez les escaliers. Il n'est toujours pas en ligne, vous renvoyez un message :

De Sollux : Je suis désolé

De Sollux : Dis-moi où t'es

De Sollux : S'il te plait

Peut-être qu'il reçoit les notifications, peut-être qu'il va entrevoir vos messages. Vous espérez, vous espérez vraiment alors que vous atteignez le hall d'entrée. Votre regard s'accroche soudain à une silhouette, celle de Gamzee se dirigeant dehors. Vous accélérez le pas, lui attrapez l'épaule :

« Gamz' !

- Sol ?! T'as vu Eridan ?!

- Nul part, on le cherche ! Donne tes clés !

- Quoi ?

- Les clés de l'appart ! Il est peut-être rentré ! »

Vous le voyez froncer les sourcils :

« Il aura jamais eut le temps de rentrer ! On sait même pas s'il est parti !

- Les autres fouillent l'école, Eridan a peut-être pris le bus ! Bordel Gamzee, donne ces foutues clés ! »

Il se renfrogne et vous vous sentez devenir impatient. Vous êtes sur le point d'insister encore, quand il vous saisit par le bras et vous tire en direction du portail :

« Je viens avec toi !

- Qu-

- T'es venu en moto ? Je viens ! »

Vous grimacez, mais est-ce que vous avez vraiment le choix ? Vous courrez vers le parking et lui donnez un casque, avant de monter sur le véhicule. Vous détestez conduire sous pression, mais c'est encore pire quand vous êtes accompagné. Vous vous faites violence pour être prudent, pour rester attentif, ne pas vous laissez gagner par la panique. Si vous deviez avoir un accident, si Gamzee devait être blessé par votre faute, vous ne vous le pardonneriez jamais.

Il semble voir votre anxiété car ses bras relâchent leur emprise et ses mains s'accrochent à vos hanches, venant les caresser en douceur, un geste qu'il fait lorsqu'il veut vous apaisez. Vous soufflez lourdement, vous retenez votre envie de pleurer, votre culpabilité. Si vous n'étiez pas si impatient, si inquiet, vous vous seriez probablement déjà blottis contre Gamzee.

Devenez Karkat Vantas

Votre messagerie émet un bruit et vous regardez avec espoir, pour être aussitôt déçu que ce ne soit "que" Gamzee. Il indique qu'il est parti avec Sollux, pour vérifier l'appartement, voir si Eridan ne serait pas rentré. Vous vous mordez la lèvre, l'écorché un peu sans en avoir quoique ce soit à foutre. Merde, bordel de merde, comment cette journée a pu tourner ainsi ? Ce matin encore tout allait bien, et voilà que ça a viré au cauchemar !

Vous cliquez sur le profil de Eridan, relisez les messages que vous lui avez envoyé sans recevoir de réponse :

De Karkat : ERIDAN

De Karkat : T'ES OU BORDEL

De Karkat : ON S'INQUIETE MERDE

Vous relevez les yeux et vérifiez le couloir encore une fois, puis atteignez une porte en particulière, cette salle 'secrète' dans laquelle vos amis font leurs jeux de rôles. Vous l'ouvrez en trombe, avec un peu de chance votre compagnon se sera réfugié là. Mais vous tombez sur Aradia qui paraît avoir eu la même idée. Vous vous fixez quelques secondes, votre cœur se serre à la vue de ses yeux rougis. Elle est paniquée, bien qu'elle essaie de reprendre son calme.

« Il n'est pas là ... elle dit, et en cet instant sa voix est un peu trop aigüe.

- Il est nul part. » vous répondez, car aucun de vos amis ne le trouve, et pourtant vous êtes presque une dizaine à fouiller l'établissement.

Vous serrez les dents, les poings... et finalement votre corps réagit, et vous fracassez vos phalanges contre le mur :

« MERDE ! »

Aradia sursaute, mais vous évitez son regard. La douleur remonte de votre main à votre bras. Vous voulez chialer, vous allez chialer. Mais votre amie vous rejoint, hésite, et délicatement vous prend dans ses bras. La gorge nouée, vous osez répondre à l'étreinte, vous vous accrochez à son pull et hoqueter :

« ... c'est ma faute...

- Karkat, non...

- J'ai vu qu'il était pas bien... ! Je l'ai vu, mais j'ai juste... je l'ai engueulé, j'ai cru qu'il avait rompu une promesse, mais c'était pas le cas... ! J'ai vu qu'il était mal et je l'ai juste enfoncé ! »

Elle vous caresse le dos et vous cachez votre visage contre son épaule. Vous êtes stupide, vous êtes un putain d'abrutis, même pas foutu de vous occupez de vos compagnons. Vous vous revoyez être si impuissant lorsque le frère de Sollux était à l'hôpital. Vous vous revoyez si faible et inutile lorsque Gamzee a voulu essayer la drogue. Vous êtes un connard, le pire des connards, et vous voulez juste vous frapper pour ça.

« Karkat... tu pouvais pas savoir... e-et ... personne n'a réagit. On a pas su réagir... je suis désolée, c'est pas ta faute, c'est la nôtre... »

Vous avez un sanglot, et vous vous détestez d'être si faible. Vous vous détestez de pleurer alors qu'Eridan a besoin de vous, alors qu'il est sûrement dans un état pire que le vôtre.

Une nouvelle notification vous pousse à vous redresser, et Aradia vous imite en regardant son téléphone. Vous grimacez tout deux au message de groupe :

De Sollux : Il est pas chez lui

Vous serrez votre téléphone, cliquez sur le profil d'Eridan et renvoyez un message :

De Karkat : ERIDAN

De Karkat : REPONDS PUTAIN

Vous hésitez, puis finalement vous allez jusqu'à composer son numéro. Mais ça sonne dans le vide, encore et encore. Vous essayez une seconde fois, bien que vous n'ayez aucun espoir de ce côté. Si Eridan évite vos messages, il évitera forcément les appels. Vous essayez quand même une troisième fois, et finalement c'est vous qui raccrochez, interrompant les tonalités qui vous rendent fou.

« Bordel de...

- Il... Il a peut être un endroit où aller ? Ailleurs que chez lui ?

- J'en sais rien... Je sais pas du tout.

- Il a pas d'endroits particuliers ? »

Vous réfléchissez, vous réfléchissez vraiment, mais vous ne vous rappelez pas qu'il ait évoqué un lieu quelconque. Il y a son appartement. Le manoir de sa famille aussi, mais vous seriez étonné qu'il s'y réfugie vu comme les relations avec son père semblent tendues. Et après... Après quoi ?

Il a déjà évoqué la salle d'arcade, pour sortir avec Sollux. Ou le cinéma, quand il s'agissait de sortir avec vous. Puis il y a l'appartement de Gamzee, pour trainer avec votre troisième compagnon. Mais Eridan n'a jamais évoqué un lieu que LUI appréciait, un lieu intime, important.

Vous ne le connaissez pas suffisamment. En soit ce n'est pas grave, votre amour pour les films romantiques vous a appris qu'une relation devait avancer doucement, qu'on apprenait à connaître l'autre au fur et à mesure. Mais en cet instant, vous détestez votre romantisme, vous détestez de ne pas avoir posé plus de questions. Vous détestez ne pas savoir que faire.

Mais vous connaissez quelqu'un qui peut vous renseigner.

« Je dois trouver Feferi ! » vous exclamez-vous, et Aradia vous observe avec de grands yeux avant d'hocher la tête.

Vous partez tous les deux vers l'aire de pique nique. Quand vous y parvenez, vous vous crispez en apercevant Feferi faire les cents pas près de la table, alors que Kanaya semble essayer de la calmer. Lorsqu'elles vous voient, elles se figent et vous observent. Feferi retient son souffle, comme si elle craignait votre fureur.

Vous grondez et faites un vague signe de main :

« Je sais pas ce que t'as dit, et franchement là je m'en fou ! Tu sais où il a pu aller ?! »

Votre colère et votre peine rendent votre voix rauque. Feferi baisse les yeux, inspire, ravale probablement ses larmes avant de vous refaire face. Elle réfléchit :

« ... Il aime l'Aquarium, et la piscine. Mais je ne pense pas qu'il s'y rende dans son état.

- On sait jamais. » vous grognez, et vous envoyez un message sur votre groupe.

De Karkat : J'ai besoin de quelqu'un pour aller voir à la piscine

De Karkat : et à l'Aquarium

De Tavros : mon frère va passer me prendre en voiture

De Tavros : On ira à l'Aquarium

De Vriska : Terezi et moi on fonce à la piscine

Vous relevez les yeux vers Feferi. Elle a l'air de réfléchir encore, de se remémorer différents lieux en essayant de choisir les plus pertinents :

« ... il y a ce café où on allait souvent, mais encore une fois c'est un lieu public. Bon sang... Quand il se sent mal, il se réfugie chez lui ou chez moi ... je veux dire... il se réfugiait chez moi et ... »

Elle se mord la lèvre, se passe une main sur le visage, inspire à nouveau. Votre colère s'estompe presque alors que vous voyez comme elle culpabilise, elle culpabilise bien plus que vous, et vos sentiments se mitigent. Vous voulez la rassurer, mais vous savez qu'elle est la cause de tout ce bordel. Vous ne savez pas ce qu'elle a pu dire à Eridan, et vous sentez qu'en l'apprenant vous n'allez pas apprécier. Mais pour l'instant vous devez travailler en équipe.

« Quelqu'un doit aller à ce café, vous dites. Et peut-être passer par chez toi. On ne sait jamais, il a pu... y aller sans vraiment y penser ? »

Feferi hocha la tête et récupère son sac :

« Je vais aller à mon appartement et fouiller le quartier. Je t'envoie l'adresse du café.

- Ouai. »

Kanaya hésite un peu avant de retenir Feferi :

« Je viens avec toi. Attends un instant. »

Elle vient ensuite vers vous, pour poser ses mains sur vos joues et embrasser votre front. Vous rougissez, même si vous n'êtes pas tant surpris. Kanaya a cette habitude de vous couvrir de trop. Elle vous regarde et chuchote :

« Je garde mon téléphone. Appelle-moi si besoin et... ne panique pas, d'accord ? Tout va bien se passer.

- Ouai ouai, je sais... » vous grommelez, mais sa présence rassurante vous détend un peu.

Les deux jeunes femmes partent et vous vous retrouvez à nouveau seul avec Aradia. A nouveau vous écrivez un message sur le groupe :

De Karkat : Feferi et Kanaya vont faire un tour de quartier

De Karkat : Aradia et moi on va voir du côté d'un café

De Karkat : Equius, Nepeta, vous pouvez rester à l'école voir si vous le retrouvez ?

De Nepeta : Pas de problème Karkitty

De Nepeta : On va refaire un tour, on l'a peut être manqué

De Karkat : On se tient au courant

Vous composez ensuite un autre numéro, et cette fois votre interlocuteur décroche à la première sonnerie :

« Oui, que puis-je... ?

- Kankri, t'es libre ? »

Votre frère a un bref silence, probablement surpris par votre voix.

« ... Karkat, qu'est-ce qui se passe ?

- J'ai besoin de ta voiture, j'ai ... Eridan a disparu. »

Vous tremblez sur le dernier mot, bien que vous essayez de faire bonne figure. Pour une fois, votre aîné ne se perd pas en monologue inutile et répond assez vite :

« J'arrive tout de suite. »

Vous raccrochez et faites signe à Aradia que c'est bon. Vous vous dirigez vers le portail et vous appuyez contre le mur en attendant votre frère. La jeune fille vient prendre votre main délicatement, et vous la serrez en retour. C'est peut être un peu trop intime, et vous êtes sûr que les gens vont se faire une fausse idée en vous voyant vous tenir ainsi. Mais vous êtes trop inquiets, et vos doigts s'entremêlent avec force, pour vous prouver l'un à l'autre que vous n'êtes pas seuls, que la situation peut s'arranger.

Devenez Cronus Ampora

Vous regardez Kankri raccrocher, et vous n'avez pas réellement besoin de mot pour comprendre que quelque chose ne va pas. Vous lui laissez le temps de souffler, avant qu'il ne parte mettre son manteau et saisir ses clés, avec une lenteur un peu fébrile.

« ... Cro', ne panique pas d'accord... ? » commence-t-il.

Vous haussez un sourcil et lui emboîtez le pas alors qu'il se dirige vers sa voiture.

« Je panique pas chef, dis moi tout.

- Ton.. Écoute, je ne sais pas ce qu'il s'est passé, mais il semble que Eridan ait disparu. Karkat me demande de venir le chercher, il veut sûrement fouiller avec la voiture. »

Vous l'écoutez calmement, bien que vous sentez un tiraillement au cœur. Pourtant, d'apparence, vous restez cool, bien que votre crétin de cousin ait le don d'inquiéter son monde.

« Ok chef. Je viens avec toi. »

Kankri y comptait bien. Vous vous installez sur le siège passager alors qu'il se met au volant. La voiture démarre, et votre copain - ex copain qui redeviendra votre copain mais bon les détails on s'en fou - semble presque plus impliqué que vous.

« ... Pourquoi es-tu si calme ? s'agace soudain votre compagnon, et il tapote nerveusement contre le volant. Je sais qu'Eridan et toi n'êtes pas proches, mais quand même, il lui est peut-être arrivé quelque chose, peut-être que c'est grave, peut-être que...

- Chef, je sais où il est. »

Kankri se tourne d'un coup vers vous, avant de ramener ses yeux sur la route par sécurité, mais il est choqué :

« Tu... Tu sais ? Comment ça ?

- Bon, je suis pas complètement sûr, mais si ton frère t'as appelé pour le chercher, c'est qu'il a dû effectivement se passer un truc grave. Et quand il prend la fuite à cause d'un truc grave, y a qu'un endroit où il se réfugie. »

Vous n'en dites pas plus, vous attendez d'arriver à l'université.

Karkat vous y attend de pied ferme, tenant la main à une gamine qui vous rappelle fortement une ancienne camarade de classe, mais vous ne vous y attardez pas. Les deux jeunes s'installent à l'arrière, vous saluent brièvement avant que Karkat ne regarde son ainé :

« Feferi nous a donné l'adresse d'un café, où il aurait pu se rendre, et...

- Vous vous êtes engueulés ? » vous le coupez.

Surpris de votre intervention, Karkat fronce les sourcils, vous regarde, puis hésite et regarde la jeune fille. Celle-ci paraît gênée, mais vous comprenez qu'elle en sait sûrement davantage pour vous expliquer. Elle prend la parole :

« Eridan et Feferi on eut une violente dispute, et il ... il est parti et ne répond à aucun appel. Il avait vraiment l'air dévasté, Feferi lui a dit des choses... affreuses. »

Il y a un craquement, celui de votre cigarette que vous venez de rompre entre vos dents. Kankri vous regarde avec stupeur, vous n'avez pas l'habitude de perdre si vite votre calme. Il semble comprendre que, malgré ce que vous essayez de faire croire, vous n'êtes pas aussi tranquille que vous le dites.

« Okay, je suis sûr qu'il est là-bas alors. » vous pestez, et jetez votre pauvre cigarette par la fenêtre.

Vous pianotez sur le GPS de votre compagnon sans demander la permission et entrez une adresse. Les trois autres vous laissent faire, puis blêmissent et vous interrogent du regard. Vous vous réinstallez un peu mieux sur votre siège :

« Allons-y chef, vas là-bas. »

Kankri aimerait vous interrogez mais il ne le fait pas, et vous l'en remerciez. Il reprend la route, tandis que vous sentez le regard brûlant de Karkat sur votre nuque. Finalement il ose briser le silence :

« ... Pourquoi irait-il au cimetière ? »

Vous soupirez et vous frottez la nuque. Ce n'est pas à vous de parler de ça, vous le savez, et probablement qu'Eridan va vous en vouloir de mener d'autres personnes là-bas. Mais ce petit con a vraiment la faculté de stresser tout le monde, y compris votre propre petit ami, alors vous laissez votre culpabilité de côté et répondez aussi naturellement que possible :

« Il aime visiter sa mère quand il va mal. »

Vous ne voyez pas les regards des gamins à l'arrière, mais vous pouvez aisément les deviner. Vous vous enfouissez à nouveau dans le silence, et plus personne n'ose dire un mot. Tant mieux, ça vous sera plus utile pour appréhender cette visite.

Bordel... ça fait des années que vous n'avez pas vu sa tombe.