Chapitre 9 : Départ pour le nord

Parc de Nara…

A l'ombre de la statue de daim décapité, Natsumi regarda Gouenji s'éloigner après avoir embrassé Endou. Embrassé ! Sur la bouche ! Et avec la langue en plus !

La jeune fille fulminait. Depuis le début elle faisait tout pour plaire au capitaine, et surtout voir sa notoriété déteindre sur elle, s'abaissant à s'amouracher de lui au passage, et voilà qu'elle réalisait qu'il lui préférait un garçon ! Il ne pouvait pourtant rien avoir de plus qu'elle, alors pourquoi ?

Elle croisa le bras, les sourcils froncés. Elle n'avait pas l'intention de baisser les bras et de perdre face à quiconque, et certainement pas Gouenji.

Elle attendit qu'Endou retourne vers l'Inazuma Caravane pour le rattraper et lui prendre le bras. Il s'éloigna d'elle dans une véritable réaction épidermique, comme s'il ne supportait pas son simple contact.

_ Euh… désolé. Tu peux me laisser, Natsumi ?

_ Oh… Oui, bien sûr ! Endou-kun, si tu as des soucis, n'hésite pas à m'en parler !

Le jeune homme se contenta d'un haussement d'épaules.

_oOo_

Inazuma Caravane…

Les Raimon Eleven mangeaient dans un silence pesant les onigiris cuisinés par leurs trois manageuses. Le départ brutal de Gouenji les affectait au moins autant que le mutisme dans lequel s'était plongé Endou, assit dans le fond du véhicule, le front collé contre la vitre.

Kidou finit par le rejoindre, se laissant tomber à côté de lui.

_ Il reviendra.

_ Je sais…

_ Je suis sérieux, Endou. Gouenji reviendra. Il n'y a rien au monde qui puisse le retenir loin de toi pendant très longtemps.

Endou cessa de regarder les étoiles apparaissant une à une dans le ciel d'encre derrière la vitre et se tourna vers son meilleur ami.

_ Comment tu peux en être aussi sûr ?

_ Parce que je vous connais. Et s'il y a une seule chose au monde qui compte plus que le football dans le cœur de Gouenji, c'est toi. Alors je ne sais pas pourquoi il a dû partir, mais je peux t'affirmer que ça ne le retiendra pas indéfiniment loin de toi.

Endou sourit doucement et hocha la tête, ce qui rassura Kidou. Il lui tendit un onigiri en se penchant vers lui, comme pour ne pas être entendu.

_ Ne t'inquiète pas, c'est l'un de ceux de Haruna. Ne prend pas ceux qui ont une forme bizarre, je ne sais pas ce que Natsumi a mit dedans mais même Kabeyama n'en veut pas…

_ Merci, mais…

_ Mange, le stratège en moi n'apprécie pas de te voir déprimer. C'est mauvais pour l'équipe et risque de flinguer ma prochaine stratégie.

Le sourire d'Endou se fit plus amusé et il mordit à belles dents dans la boulette de riz offerte par son ami qui semblait avoir toujours autant de difficulté à admettre être inquiet.

Il finissait à peine de manger lorsque le rugissement furieux de Someoka, à l'avant de la caravane, les fit tous sursauter.

_ Pourquoi vous avez renvoyé Gouenji !?

Hitomiko observa l'attaquant colérique avant de secouer la tête.

_ Je ne vous dois aucune explication.

_ Mais vous vous prenez pour qui ?! Moi je vais vous le dire, je…

La sonnerie du téléphone de Touko, restée avec eux depuis le match, empêcha Someoka d'aller plus loin dans ses menaces. Kidou aurait juré voir Endou soupirer discrètement. Quoi de plus normal ? Si quelqu'un devait être furieux, c'était bien le capitaine.

Touko prit l'appel et son visage s'illumina.

_ C'est vrai ? … Quel soulagement ! … Oui ? … Non, je ne pense pas. Nous devons nous mettre en route. … A bientôt !

Elle raccrocha et, devant les regards interrogateurs de ses nouveaux amis, se retrouva contrainte de s'expliquer.

_ Smith vient de m'appeler, papa a été retrouvé devant le Parlement ! Il est sain et sauf ! Apparemment il est réapparut comme ça, sans prévenir.

_ C'est une super nouvelle, Touko !

_ Oui, je n'ai plus de souci à me faire pour lui, je vais pouvoir me concentrer sur nos matchs pour vaincre Gemini Storm.

Quelqu'un frappa alors à la porte de l'Inazuma Caravane et Hitomiko se leva pour ouvrir.

_ Détective Onigawara, vous avez fait vite. Merci d'être venu.

_ C'est normal, j'ai besoin que vous me racontiez exactement ce qu'il s'est passé au sommet des studios de télévisions de Nara.

Le détective en imperméable regarda l'agitation qui avait envahie le véhicule et enfonça les mains dans ses poches.

_ Ils ont l'air en forme, les jeunes.

_ Le Premier Ministre vient d'être retrouvé.

_ Je vois… C'est une bonne nouvelle, et à plus d'un titre. Si ses ravisseurs sont véritablement l'Aliea Gakuen, alors son témoignage sera important dans mon enquête. Vous comptiez reprendre la route prochainement ? Cela vous ennuierait-il de repasser par Tokyo ?

Touko arriva soudainement en l'entendant et secoua la tête avec véhémence.

_ Je ne veux pas retourner là-bas ! Je ne peux pas revoir papa avant d'avoir repoussé la menace de Aliea Gakuen ! J'ai échoué à le protéger…

Onigawara observa la jeune fille, la reconnaissant immédiatement comme étant la fille du Premier Ministre. Il secoua la tête avec un sourire en coin.

_ Voyons, si tu veux partir en voyage, tu dois au moins le prévenir pour qu'il ne s'inquiète pas.

Touko baissa la tête mais finit par la hocher doucement.

_ Bien, puisque c'est réglé, nous allons partir sur le champ.

Hitomiko s'approcha de Furukabu et déplia une carte routière pour décider avec lui de leur itinéraire pour rejoindre Tokyo au plus vite.

_oOo_

Sur le chemin, Touko se retrouva la cible d'un véritable interrogatoire de la part d'Otonashi, bien décidée à tout savoir de leur nouvelle alliée.

_ Comment j'ai apprit à jouer au foot ? Ça doit être mon père qui m'a transmit sa passion ! Je l'ai toujours connu très occupé, depuis toute petite, et pourtant il trouve toujours le temps de taper dans le ballon avec moi !

_ Je vois, je vois… Et sinon, qu'est-ce que tu penses de notre équipe ?

_ Vous êtes super sympa ! Et en plus vous n'avez pas refusé de jouer avec moi, même si je suis une fille ! Si vous saviez le nombre de fois où on m'a dit que le foot n'est pas un sport de fille.

_ Tu n'as pas à t'inquiéter de ça ici, aucun des garçons n'oserait dire un truc pareil !

_ Surtout quand tu es dans les parages, Haruna.

La jeune fille retira ses lunettes avec un calme étrange et regarda Kidou avec un sourire absolument terrifiant.

_ Tu as dis quelque chose, grand frère ?

L'intéressé haussa les épaules avec un sourire gentiment moqueur à l'adresse de sa petite sœur qui reprit le fil de sa conversation avec Touko comme si cet interlude n'avait pas eut lieu.

Hitomiko soupira et se renfonça dans son siège.

Décidément, le lien fraternel entre Kidou et Otonashi lui était plus pénible qu'elle ne l'aurait imaginé.

Onigawara fronça les sourcils en voyant la jeune femme se perdre dans ses pensées.

_oOo_

Tokyo, Parlement…

L'Inazuma Caravane se gara devant le Parlement et libéra les joueurs agglutinés aux vitres.

Endou se retrouva le premier dehors et regarda l'immense bâtiment blanc se dressant derrière un mur d'enceinte et un immense portail. Il n'avait vu le Parlement qu'à la télévision et le trouvait plus impressionnant encore en vrai.

Un homme en costume impeccable se tenait devant la grille, flanqué de deux gardes du corps.

_ Papa !

Touko se précipita vers l'homme qui ouvrit ses bras pour la rattraper.

_ Touko ! Les dieux soient loués, tu n'as rien !

_ Papa, je suis désolée ! Je n'ai rien put faire, je n'ai pas put te protéger, ni les arrêter !

Zaizen Sousuke sourit doucement et s'agenouilla devant sa fille dont les larmes commençaient à rouler le long de ses joues. Pour elle, il n'hésiterait pas une seule seconde à condamner le pays qu'il avait pourtant juré de servir. Certaines causes sont plus importantes que d'autres ; et sa fille unique était de cette première catégorie.

Doucement, il essuya ses larmes en souriant.

_ Voyons ma Touko, n'inverse pas les rôles… C'est à moi de te protéger, et non le contraire !

_ Mais…

_ Ne t'inquiète pas. Et tout c'est bien terminé, non ? J'ai été libéré et je vais bien, tout comme toi. Que demander de plus ? Alors n'en parlons plus.

Onigawara fronça les sourcils en l'entendant. Pourquoi l'Aliea Gakuen avait-elle libéré un otage aussi important ? Son instinct lui disait que cela cachait quelque chose de louche.

_ Papa, je vais partir avec Endou et les autres. On ne peut pas laisser les aliens continuer à…

_ C'est hors de question ! C'est beaucoup trop dangereux pour des enfants.

_ Mais Endou et les autres…

Le Premier Ministre tourna alors le regard vers les Raimon Eleven, dont un certain nombre étaient aux abonnés absents. Ces enfants allaient-il vraiment affronter ses ravisseurs ? Il observa les adultes les accompagnants, une jeune femme pendue à son téléphone, et un vieil homme servant de chauffeur.

_ Papa, laisse-moi y aller, s'il-te-plait ! Je veux être utile !

Il s'apprêtait à refuser mais, lorsqu'il réalisa la détermination brillant dans le regard de sa fille, il se retrouva incapable de l'empêcher de partir.

_ Tu feras bien attention à toi ?

_ Oui !

_ Bon… Alors c'est d'accord. De mon côté je m'efforcerais de vous aider autant que possible.

_ Merci, papa !

La jeune fille se jeta dans ses bras, folle de joie.

Hitomiko raccrocha alors son téléphone et s'avança.

_ Puisque c'est réglé, nous allons pouvoir reprendre la route. Hibiki-san vient d'appeler, notre prochaine destination sera Hokkaido, dans le nord. Il y aurait là-bas un attaquant d'exception.

_ Un attaquant ? Vous voulez remplacer Gouenji après l'avoir dégagé sans explications ?!

Sortant une fois de plus de ses gonds, Someoka fit un pas menaçant vers Hitomiko qui resta imperturbable.

_ Ferme-la, Someoka.

Le colérique jeune homme tourna la tête vers Kidou qui l'observait les sourcils froncés et les bras croisés, à côté d'un Endou soudainement inexpressif.

Il claqua la langue contre son palais et monta dans la caravane en maugréant contre leur entraineuse.

Touko étreignit son père une dernière fois avant de monter elle aussi, immédiatement suivie par le reste de l'équipe.

Kidou tapota l'épaule d'Endou pour le faire avancer.

_ C'est pas juste, Kidou… Moi, si je me mettais en colère, tout le monde trouverais ça bizarre… pourtant c'est moi qui devrait être le plus furieux !

_ Je sais… Accroche-toi, Endou, il n'y a que ça à faire, pour l'instant. Je te promets que ça s'arrangera, mais en attendant, tu dois tenir bon.

_ Oui.

Endou inspira et monta dans la caravane après son meilleur ami. Furukabu verrouilla la portière et mit le contact. Le moteur ronronna et le pot d'échappement laissa échapper une fumée épaisse, signe que le véhicule n'était ni électrique, ni écologique. Mais au moins il roulait et les emmènerait loin ; jusqu'au climat glacial d'Hokkaido !

Onigawara attendit que la caravane soit hors de vue pour se tourner vers le Premier Ministre.

_ Pardon d'être aussi abrupte. Onigawara Gengorou, détective. Je voudrais vous poser quelques questions au sujet de votre enlèvement.

_ Je comprends, mais je risque de ne pas vous être très utile… Je ne me souviens de rien… J'étais au parc de Nara et… quand je me suis réveillé, je me trouvais ici-même. Tout le monde criait, mais je ne me souviens même pas avoir été enlevé.

_ Je vois…

_ Mais il y a une chose dont je suis certain, c'est que quelque chose de terrible se prépare…

Onigawara plissa les yeux avant de hocher la tête. Il s'inclina légèrement et s'éloigna.

L'agent Smith s'approcha du Premier Ministre.

_ Monsieur, il est temps de rentrer.

_ Oui… Dites-moi, la jeune femme qui accompagne les Raimon Eleven, qui est-elle ?

_ Elle s'appelle Hitomiko, et est leur coach.

_ Hitomiko… C'est étrange, j'ai l'impression de l'avoir déjà vue quelque part…

_oOo_

Inazuma Caravane…

Le paysage défilait derrière les fenêtres, laissant la grisaille des villes pour de vastes étendues verdoyantes.

Endou s'arracha à sa morne contemplation pour se pencher par-dessus le dossier du siège de devant lorsque Otonashi poussa une exclamation ravie.

_ J'ai trouvé ! Regardez un peu cette photo !

_ Elle est floue.

_ Ça représente quoi ?

_ On dirait… une bouillie toute grise ?

_ Avec deux paillettes dorées. C'est quoi ces deux points ?

Otonashi fit taire la montée de question en se raclant la gorge. Natsumi n'avait pas le monopole du toussotement, et elle pouvait très bien le prouver !

_ L'attaquant que nous allons chercher à Hokkaido s'appelle Fubuki Shirou. Il joue au collège Hakuren et est considéré comme très fort, grâce notamment à Eternel Blizzard, sa super-technique signature. La photo que vous voyez là a été prise alors qu'il l'exécutait. C'est la seule photo existant de lui, d'ailleurs. Ah oui ! Et il est spécialisé dans la chasse à l'ours.

_ Pardon ?

_ Eh, me regardez pas comme ça, c'est ce qui est marqué!

_ Comment as-tu trouvé toutes ses informations ?

_ Une journaliste ne dévoile jamais ses sources.

Endou réfléchit avant de finalement esquisser un sourire presque aussi lumineux que d'habitude.

_ Il a l'air super sympa !

_ Toi, dès qu'un type joue au football, il est immédiatement catalogué comme ''sympa''.

Le calme revint dans la caravane, chacun observant plus en détail la photo floue.

Seule musique diffusée à la radio venait troubler le silence. La chanson changea et Megane bondit sur ses pieds sans pouvoir retenir, se mettant à chanter d'une voix nasillarde l'opening full version de son anime préféré du moment, une tragique histoire de lycéens morts combattant contre un ange dans l'au-delà.

A son grand désarroi, la chanson fut coupée en plein milieu par un flash spécial qui jeta un froid sur l'équipe de collégiens.

_ ''On nous annonce à l'instant la destruction d'un nouveau collège par l'Aliea Gakuen. Les vidéos amateurs prises par les élèves prouvent que le désormais tristement célèbre Reize était présent sur les lieux au moment de l'attaque.''

Hitomiko se retourna pour observer les jeunes gens et soupira.

_ Furukabu-san, arrêtez-vous ici, s'il vous plait.

Le vieil homme s'exécuta et se gara en bordure de la route longeant une forêt clairsemée.

_ Nous avons tous besoin de nous dégourdir les jambes, et vous, de vous entrainer.

La jeune femme leva un bloc-notes en direction des joueurs, s'attirant une suite de regards incertains.

_ J'ai pas besoin d'elle pour m'entrainer !

Someoka quitta la caravane sans un regard pour l'entraineuse. Après quelques hésitations, les autres membres de l'équipe lui emboitèrent le pas. Endou réfléchit avant de se décider à sortir après un regard désolé en direction de la jeune femme.

Kidou s'arrêta devant Hitomiko et lui prit le bloc-notes des mains.

_ Je m'en doutais, il n'y a rien. Vous leur auriez demandé de s'entrainer par eux-mêmes, ils auraient été capable de faire grève, tandis que là, se débrouiller seuls leur donne le sentiment d'outrepasser vos consignes.

_ Tu es très observateur.

_ Ça se travaille. Néanmoins, j'espère que vous saviez ce que vous faisiez en renvoyant Gouenji.

_ Je n'ai pas de justifications à te donner.

_ Je le sais. Mais vous avez fait énormément de mal à Endou. S'il s'effondre, je vous en tiendrais personnellement responsable.

Hitomiko soutint le regard du jeune homme, dissimulé par ses lunettes. Elle sentait une menace sous-entendue dans ses paroles. Il semblait déterminer à protéger son capitaine avec férocité.

Protéger… Elle aussi, elle voulait protéger les siens.

Kidou passa sa main sur la tête de sa petite sœur avant de sortir de la caravane dans un claquement de cape.