Chapitre 15 : Le chaton égaré

Kyoto…

Les Raimon Eleven arrivèrent en ville aux alentours de midi, après un long périple de deux jours en caravane, entrecoupés de sessions d'entrainements.

Durant ce trajet, Fubuki s'était un peu plus intégré à l'équipe qui l'acceptait sans problème comme nouveau membre. Il n'y avait que Someoka pour continuer à le critiquer ouvertement.

Hibiki, leur ancien coach, les avaient contactés pour s'assurer qu'ils allaient tous bien. Il continuait son enquête de son côté et raccrocha non sans avoir rappelé à Hitomiko qu'elle avait la charge de collégiens et qu'elle devait rendre soin d'eux.

L'équipe poussa des exclamations ravies en se retrouvant enfin à l'air libre. Kabeyama commença immédiatement à faire la liste des spécialités culinaires du coin, faisant saliver Kurimatsu et Touko.

_ Vous pouvez visiter un peu la ville, j'ai des recherches à faire. Soyez revenus avant la nuit ou je risque de me montrer moins clémente la prochaine fois.

Les jeunes gens s'éloignèrent sans attendre dans les rues de la ville.

_ J'ai faim !

_ Moi aussi !

_ On pourrait demander à quelqu'un de nous indiquer un restaurant où ils vendent de bonnes choses à manger…

Ce fut grâce à Fubuki qu'ils obtinrent l'adresse d'une échoppe bien cachée de la ville, connue seulement des riverains et des habitués. Il avait suffit que deux jeunes filles passent devant le garçon au visage d'ange et entendent son ventre crier famine pour qu'elle lui indique le chemin à grand renfort de gloussements. Elles se seraient bien proposées pour l'accompagner, mais la vue du reste des garçons de l'équipe, bien moins séduisants selon leurs critères, les refroidirent.

Elles s'éloignèrent finalement en gloussant.

L'équipe au grand complet, manageuses incluses, se dirigea donc vers une ruelle adjacente bien moins fréquentée que les rues principales bondées de touristes.

Le restaurant ne payait pas de mine et donnait plus envie de faire demi-tour en courant plutôt que d'entrer. Mais la délicieuse odeur de nourriture qui s'en échappait invitait au contraire.

La tablée bruyante commanda l'intégralité du menu.

Trois fois.

Même Natsumi finit par convenir que tout était absolument délicieux.

Les viandes étaient juteuses à souhait, fondant sur la langue avec un équilibre parfait entre la chair et la graisse. Les légumes craquaient sous la dent juste ce qu'il fallait, libérant des aromes se mêlant merveilleusement les uns aux autres. Quant aux sauces, elles accompagnaient chacun des plats à la perfection.

Et les desserts… ils semblaient tout droit sortis des meilleures pâtisseries françaises, et chacun sait à quel point la cuisine française est délicieuse !

Lorsqu'ils quittèrent le restaurant, les joueurs avant le ventre plein et le portefeuille vide. Mais cela en valait la peine !

Des éclats de voix mirent fin à l'instant de grâce.

Quelques secondes plus tard, un groupe de jeunes se battant à quatre contre un garçon de petite taille qui leur menait la vie dure apparut au coin de la rue. Le plus petit courait à toute vitesse, se servant des murs pour éviter ses agresseurs.

Il finit pourtant par faire un faux pas et s'étala de tout son long juste au pied d'Otonashi.

Endou s'interposa immédiatement entre le garçon et les voyous le pourchassant.

S'en prendre à plus petit que soit, ça les amusait. Se frotter à un groupe entier comportant plusieurs garçons plutôt bien charpentés, beaucoup moins. Les voyous firent demi-tour sans demander leur reste.

Otonashi s'agenouilla et regarda le visage du garçon. Ses courts cheveux bleu nuit accentuait la rondeur de son visage, deux grosses mèches rappelant des oreilles de chat se dressaient sur le haut de sa tête. Ses grands yeux ambrés se fixèrent sur la jeune fille, reflétant l'étonnement de leur propriétaire.

_ Est-ce que ça va ?

Le garçon secoua la tête et se remit souplement sur ses pieds.

_ Je ne vous ai rien demandé ! J'avais pas besoin de votre aide !

Il s'éloigna en courant, comme un chat sauvage refusant qu'on l'approche.

Otonashi se redressa, la tête penchée sur le côté.

_ Il est mignon…

La porte du restaurant qu'ils venaient de quitter s'ouvrit en coulissant et une vieille femme en sorti. Elle était la propriétaire de l'échoppe et affichait un regard mécontent.

_ Il trainait encore par ici, celui-là ?

_ Qui était-ce ?

_ Kogure. Ce n'est qu'un sal mioche qui ne fait rien de ses journées à par provoquer les autres ! Je ne sais même pas pourquoi le collège Manyuuji garde un indiscipliné comme lui !

_ Manyuuji ? Nous devons justement nous y rendre ! Pouvez-vous nous indiquer la route ?

_ Ce n'est pas très loin d'ici. Vous voyez la colline boisée là-bas ? Le collège se trouve tout en haut. Mais faites attention, en route. Un individu louche rode en ville en ce moment, et il pourrait être dangereux.

_ D'accord, merci beaucoup !

Endou entraina immédiatement son équipe pour retourner à la caravane prévenir leur entraineuse de leur découverte.

Kidou fronça les sourcils en voyant sa sœur trainer un peu à l'arrière, le visage étrangement songeur. Ça ne lui ressemblait pas, et il n'aimait pas ça.

_oOo_

Une ombre en doudoune orange les regarda s'éloigner avant de reprendre ses recherches.

Il sentait son inquiétude monter et ne pensait plus à rien d'autre que retrouver ce qu'il cherchait.

_oOo_

Collège Manyuuji…

Le collège ressemblait plus à un sanctuaire traditionnel qu'à un établissement scolaire. Même les uniformes avaient cet air un peu vieillot, ce qui n'empêchait pas les élèves d'exhiber leurs téléphones à la pointe de la technologie.

Les Raimon Eleven longeaient un bâtiment en passant par la coursive extérieure, marchant sur un plancher rutilant.

_ A votre avis, ils sont comment, au club de foot ?

_ Grand, fort, viril, calme… et beau !

_ Haruna…

_ Qu'est-ce qu'il y a ? Je réponds à la question du capitaine !

Hitomiko regarda le frère et la sœur avec un pincement au cœur. Des cris de surprise l'empêchèrent de se perdre dans de sombres pensées. Elle releva les yeux et regarda l'amas de collégiens étalés sur le sol, en se demandant bien comment ses joueurs avaient fait leur compte pour tous tomber les uns sur les autres.

Elle eut sa réponse en voyant Otonashi glisser sur le plancher et ne devoir son salut qu'à la réactivité de son frère.

Intrigué, le stratège s'accroupis et passa son doigt sur le sol, les sourcils froncés.

_ De la cire…

Touko se remit sur ses pieds la première en entendant nettement un ricanement dans les buissons bordant la coursive.

_ Qui est là ?!

Quelque chose fit bouger les feuilles et la jeune fille s'élança sans attendre.

Elle poussa alors un cri en tombant dans un trou peu profond mais parfaitement dissimulé.

Un garçon de petite taille se montra alors en ricanant. Otonashi le reconnu sans peine, malgré son air espiègle bien différent de son visage de chaton égaré au moment de leur première rencontre. C'était le garçon de la ruelle.

Il sautillait sur place en ce moquant de Touko, la narguant sans scrupule.

_ Ushi shi shi ! Je t'ai bien eut !

Une voix puissante retentie un peu plus loin, claquant comme un coup de tonnerre.

_ Kogure !

_ Oups… A plus !

Avec une souplesse impressionnante presque féline, le jeune homme s'éloigna.

Il avait à peine disparut derrière un bâtiment qu'un jeune homme surgissait devant les Raimon Eleven.

Il était grand avec une peau burinée par le soleil et un visage austère. Un bandana orange était noué sur son crâne probablement chauve. Ses yeux noirs allèrent du trou d'où s'extirpait Touko avec l'aide d'Endou au reste des joueurs, dont certains étaient encore par terre.

Le jeune homme s'inclina respectueusement devant eux, joignant les mains devant son uniforme couleur sable rappelant un kimono court passé sur un short de la même couleur.

_ Je vous présente mes plus sincères excuses pour le comportement inapproprié de mon coéquipier.

_ Coéquipier ?

_ Oui, Kogure fait parti de mon équipe, en qualité de remplaçant. Je vois que vous n'êtes pas blessés, j'en suis soulagé. Laissez-moi me présenter. Je suis Kakita Taishou, capitaine et gardien de but du club de football de Manyuuji.

Les mots magiques ayant été prononcés, Endou lâcha Touko, qui était presque sortie de son trou, et se précipita vers Kakita, les yeux brillant.

_ C'est génial ! Nous aussi nous jouons au foot ! Nous pourrions faire un match, ça serait tellement amusant !

_ Je regrette, mais nous ne goutons pas à la compétition. Nous devons nous fortifier seul.

Visiblement déçu, Endou perdit son sourire.

Otonashi s'approcha alors, les yeux rivés sur le trou d'où Touko parvenait enfin à s'échapper en injuriant copieusement celui qui l'avait creusé.

_ Pourquoi Kogure a-t-il fait ça ?

_ Il considère que le monde entier est son ennemi, et se venge de cette façon. Je dois admettre qu'ici, nous n'y prêtons plus attention, ses mauvaises blagues font parti du décor. Il est néanmoins regrettable que des visiteurs en soient victimes. A nouveau, je vous présente mes excuses.

Hitomiko s'avança à son tour d'une démarche sûre malgré le plancher glissant.

_ Votre entraineur est-il ici ? Nous aimerions nous entretenir avec lui.

_ Malheureusement, le maitre effectue une retraite spirituelle dans les montagnes depuis 6 mois afin de trouver la paix intérieure.

Même la jeune femme parue désarçonnée par sa réponse. Elle se reprit très vite et repoussa du bout des doigts une mèche de cheveux bruns derrière son oreille.

_ Alors je voudrais m'entretenir avec l'équipe de Manyuuji.

Kakita constata immédiatement que ce qui semblait être de prime abord une simple requête était bel et bien un ordre. Et face au son regard, il se retrouva incapable de refuser.

_ Très bien, suivez-moi.

Le jeune homme au bandana orange les guida jusqu'au terrain de foot où s'entrainait ses coéquipiers.

Endou ouvrit de grands yeux ronds en les voyants. Leur force ne faisait aucun doute, la précision de leurs passes était réglée au millimètre près, la discipline et la rigueur semblaient être les maitres-mots, au point de faire passer la rigide Teikoku Gakuen pour un ramassis de gamins ingérables.

_ Ils sont impressionnant…

_ Je veux jouer contre eux !

Kakita ignora superbement la requête d'Endou et rappela ses coéquipiers.

En voyant l'état des vêtements de Touko, deux d'entre eux portant des masques, l'un rouge et l'autre bleu, secouèrent la tête dans un bel ensemble.

_ Kogure a encore frappé, mon frère.

_ Oui, on dirait bien ! Enfin, estime-toi heureuse qu'il n'ait pas rempli le trou de peinture. Tu te souviens quand tu es tombé dedans, mon frère ?

_ Mes dieux, oui !

Kakita entraina les deux équipes vers un local spartiate où il n'y avait aucun meuble. Il invita d'un geste les Raimon Eleven à s'asseoir sur le tatami. Il s'installa ensuite lui-même avec son équipe face à leurs visiteurs.

_ Nous vous écoutons, quel est l'objet de votre venue ici ?

Hitomiko croisa les mains sur ses genoux avant de leur expliquer la situation, notamment l'attaque imminente de l'équipe d'Epsilon.

Kakita l'écouta attentivement, sans que son visage ne laisse paraitre la moindre émotion. Lorsque la jeune femme eut terminé de parler, il hocha la tête.

_ Je suis au courant de cette attaque. Un message nous a été transmit par l'intermédiaire d'un ballon noir qui a par ailleurs détruit l'un des toits des bâtiments de notre collège. Mais nous ne nous battrons pas, cela va à l'encontre de nos valeurs. Nous discuterons calmement avec l'Aliea Gakuen et ils comprendront.

Sa réponse fut accompagnée par les hochements de têtes de ses coéquipiers.

Hitomiko soupira discrètement mais hocha néanmoins la tête.

_ Je vois… Mais nous resterons là jusqu'à leur attaque. C'est non négociable.

La porte coulissante s'ouvrit doucement et un vieil homme au dos vouté entra. Son visage était incroyablement ridé, surmonté d'un large chapeau, et il avançait en s'appuyant lourdement sur une cane solide. Malgré tout une impression de force tranquille se dégageait de l'homme.

A son entrée, les joueurs de Manyuuji se levèrent et s'inclinèrent.

_ Nous vous souhaitons la bienvenue, maitre !

Le vieil homme inclina la tête avant de se tourner vers Hitomiko.

_ Il va de soit que nous vous offrons l'hospitalité aussi longtemps que vous la désirerez. C'est la moindre des choses envers des joueurs aussi talentueux que les vôtres. Même ici nous avons suivit le Football Frontier.

_ Je vous remercie.

_ Mon équipe va préparer ce qu'il faut.

Les joueurs de Manyuuji s'éparpillèrent immédiatement.

_oOo_

Le soir tomba peu après.

Après un repas frugal prit en compagnie des joueurs de Manyuuji, en internat à leur collège pour une meilleure concentration, les Raimon Eleven purent s'installer pour la nuit dans un dortoir installé dans l'une des nombreuses salles d'entrainements. Les filles purent bénéficier d'une salle séparée.

Otonashi se redressa et s'assura que ses compagnes de chambré dormaient pour se glisser dehors.

Elle fit quelque pas avant de sursauter lorsqu'elle entendit des pas dans son dos. Elle se retourna, la main dans la poche prête à dégainer le stylo qui s'y trouvait toujours ; c'était une arme redoutable, le stylo.

_ Ce n'est que moi, Haruna. Pardon de t'avoir fait peur.

_ Grand frère !

_ Tu ne dors pas ?

_ Non, je n'y arrive pas. Les filles ont parlé d'Endou pendant un temps fou, résultat ma phase d'endormissement est passée. Je me suis dit qu'une promenade allait m'aider ! Et toi ?

Kidou haussa les épaules et sourit doucement à sa sœur avant de se mettre à marcher avec elle.

_ Tu sais, je ne suis pas aveugle, grand frère.

_ De quoi tu parles ?

_ Si tu n'arrives pas à dormir, c'est parce que tu as l'esprit tracassé, et je sais par quoi !

La jeune fille sourit joyeusement et se hissa sur une pierre couverte de mousse verte. Kidou s'adossa sur la barrière de bambou toute proche, sa cape bruissant doucement dans le vent frais.

_ Et selon toi, qu'est-ce qui me tracasse ?

_ Endou, quelle question !

_ Endou ?

_ Ce qui te tracasse, c'est que tu t'aperçois qu'Endou est important pour toi, mais tu ne comprends pas pourquoi. Tu n'as jamais été très doué avec les sentiments. Si tu l'avais été, tu serais resté avec moi à l'orphelinat, mais passons. Tu es sur les nerfs depuis le départ de Gouenji, et tu ne lâches pas Endou d'une semelle. En fait, ton comportement me rappelle l'orphelinat où nous étions.

_ Tu trouves ?

_ C'est flagrant, du moins pour moi. Tu prenais toujours ma défense, quoi qu'il arrive. Tu es un super grand frère, Yuuto, mais un peu trop protecteur. Puisque Gouenji est parti, Endou souffre, et surtout avec les remarques de Someoka ! Et tu n'aimes pas ça, vrai ? C'est pour ça que tu montres les dents et prends sa défense comme tu le faisais avec moi.

Le jeune homme ne pouvait qu'en convenir. Il attendait le verdict de sa sœur.

_ Tu sais, tu regardes Endou de la même façon que tu me regardes moi. Comme un grand frère au premier abord sévère mais qui laisse tout passer venant de ses cadets. Et qui ne laisse rien ni personne leur faire de mal.

Otonashi sourit et sauta de son perchoir pour se tourner vers son frère, les yeux plissés. Le jeune homme réfléchit aux propos de sa sœur avant de poser doucement sa main sur la tête de la jeune fille.

_ Tu as raison. Dis-moi, Haruna, quand es-tu devenue aussi directe ?

Elle se mit à rire joyeusement avant de froncer les sourcils en voyant une lumière s'agiter dans les recoins du collège. Elle reconnu brièvement la silhouette de Kogure, sans doute en train de préparer un mauvais coup.

_ Je ne suis peut-être pas brillant pour les sentiments, mais ce qui est sûr, c'est que ce garçon t'intéresse.

_ Je ne sais pas trop, il y a quelque chose de tellement triste, chez lui… Pourquoi a-t-il si peu confiance en autrui ? Lorsqu'on la croisé, il m'a fait pensé à un chaton égaré, puis juste après, à un chat sauvage prêt à mordre…

Kidou inclina la tête et tapota l'épaule de sa sœur.

_ On devrait retourner dormir, Haruna. Grâce à toi, je devrais sombrer sans problème dans un sommeil de plomb !

_ Contente de t'avoir été utile, grand frère ! Et crois-moi sur parole, tu n'es pas amoureux d'Endou, puisque je sais que c'est ça qui t'inquiétais par égard pour Gouenji. Le jour où tu tomberas amoureux, tu n'auras aucun doute ! Aaah, je vois ça d'ici…

Elle sourit joyeusement et glissa son bras sous celui de son frère pour reprendre avec lui le chemin des dortoirs, discutant de choses beaucoup plus légère.


Oui, j'avais faim en écrivant le début du chapitre, mais il était trop tard pour goûter et trop tôt pour diner… et comme à chaque fois que j'écris le ventre vide, je me retrouve à décrire de la bouffe XD

A part ça j'ai sans doute idéalisé un peu Kogure, mais je suis tombée sur un fan-art tellement mignon de lui, un jour, que c'est ce côté de chaton égaré que j'ai voulut faire ressortir… lorsqu'il ne fait pas de blague cela s'entend !