Chapitre 24 : Quatre chocolats et un mariage

Osaka, parc d'attractions…

Kidou tourna la tête en entendant des pas arriver dans sa direction. Endou le rejoignit alors qu'il inspectait l'arrière d'un manège à sensations.

_ Je te croyais avec les filles, Endou.

_ Natsumi s'est arrêtée sur un banc parce qu'elle a mal aux pieds. Aki et Touko interrogent un groupe devant une attraction. Et Otonashi, elle a fait demi-tour pour aller chercher Kogure qui semble considérer que cacher le portefeuille de Kabeyama et la chose la plus drôle du monde.

_ Rien de bien étonnant, en somme. Vous n'avez rien trouvé ?

_ Non… toi non plus ?

Kidou secoua la tête et s'assit contre le mur d'un bâtiment, observant les vas et viens des wagonnets d'un manège de vitesse.

_ Je viens d'être appelé par Jimon, de Teikoku. Sakuma et Genda vont pouvoir être opérés.

_ C'est vrai ? C'est une bonne nouvelle !

_ Oui… J'ai vraiment eut peur pour eux. Ils auraient put mourir ! Je ne pardonnerais jamais à Kageyama ce qu'il a fait !

_ Moi non plus.

Le jeune homme resserra les pans de sa cape bleue autour de ses épaules.

_ Tu sais… parfois je me dis que j'aurais dû rester à Teikoku… ils avaient raison, je voulais juste gagner contre Zeus, c'était la seule chose qui comptait. Prouver que j'étais le plus fort. Mais si j'étais resté, j'aurais surtout put les protéger de Kageyama.

Ses poings se crispèrent, rouvrant les blessures sur ses paumes. Il s'en voulait. Il avait soudainement l'impression de ne pas réussir à protéger ses camarades, ses anciens coéquipiers étaient à l'hôpital, une partie de son équipe actuelle aussi, son meilleur ami perdait le sourire dès qu'il était seul en pensant à Gouenji, Gouenji qu'il n'avait pas non plus put empêcher de partir… Depuis les attaques de l'Aliea Gakuen, il ne maitrisait plus rien.

_ Kidou…

_ Il a dit que j'étais son chef-d'œuvre… Je dois beaucoup à cet homme, il m'a apprit le football, la stratégie, m'a permit d'avoir au moins un père… mais je le hais ! Je pensais m'être affranchi de lui, ne plus être un vulgaire pantin entre ses mains, et voilà que je découvre que je le laisse toujours me manipuler à sa guise !

Endou regarda la mâchoire crispée de son meilleur ami. Il le sentait bouillir de rage sans pouvoir la laisser éclater. A vrai dire, il n'avait vu Kidou craquer qu'une seule fois, lorsque Teikoku avait été anéanti par Zeus. Mais même cette fois-là il n'avait pas été aussi abattu.

_ C'est tout ce à quoi je suis bon, au final… suivre les ordres de Kageyama, aveuglément, sans pouvoir agir par moi-même…

Endou n'hésita pas plus longtemps et serra Kidou dans ses bras.

_ Tu racontes n'importe quoi ! Tu n'es pas un pantin, ni sous l'influence de Kageyama ! Tu es un membre de mon équipe, le meilleur stratège de tous les temps et tu ne le dois à personne d'autre qu'à toi-même ! Et surtout, tu es mon meilleur ami ! Et ça aussi, ce n'est pas à Kageyama que tu le dois !

Kidou cligna des yeux d'un air effaré. Il finit par soupirer et esquissa un léger sourire. Sa sœur avait raison, il tenait à Endou comme à un frère, mais en cet instant il avait l'impression que c'était lui le petit frère à protéger, et pas l'inverse.

_ Merci, Endou…

_oOo_

Ichinose perdit de vue Domon dans la queue pour entrer dans un manège aquatique.

Il le cherchait frénétiquement lorsqu'une jeune fille à la peau noire et aux cheveux bleu ciel se planta devant lui, la musique forte qu'elle écoutait s'échappant de ses écouteurs pendant sur sa veste rose.

Elle le scrutait avec attention de ses grands yeux lavande bordés de longs cils.

_ Je sais ce que tu cherches.

Le jeune homme haussa un sourcil devant l'assurance de la jeune fille. Se pouvait-il qu'elle sache vraiment ?

_ Suis-moi.

Elle se retourna avec un regard énigmatique et il n'eut d'autre choix que de la suivre. Avec un peu de chance, elle le mènerait vraiment au centre d'entrainement de l'Aliea Gakuen tant recherché.

_oOo_

Kidou aida Endou à se remettre debout et s'étira.

_ Bon, assez broyé du noir comme ça ! Il faut que recommence à chercher. Endou, tu… tu pourrais éviter de raconter à Haruna l'état dans lequel tu m'as trouvé ?

_ T'inquiètes pas, je lui dirais rien ! Pas même que tu as pleuré !

_ Je n'ai pas pleuré !

Endou sourit largement et son ami secoua la tête d'un air désabusé.

Puisque les filles étaient hors de vue pour de bon, ils continuèrent ensemble leurs recherches, se dirigeant du côté de la grande roue.

A son pied, Endou leva les yeux vers les plus hautes nacelles se découpant dans le ciel bleu.

_ J'aimerais bien y aller avec Gouenji…

_ Je suis sûr que vous le pourrez un jour. Il finira par revenir, fais-moi confiance ! Là-dessus, je suis formel.

_ Oui… Il me manque…

Kidou lui tapota doucement le dos et parcourut les environs du regard.

_ Tiens ? C'est Fubuki, là-bas.

_ Ah oui ! Il a l'air bizarre, on dirait qu'il parle tout seul…

_ Je pense que le départ de Someoka l'a affecté.

Les deux amis s'approchèrent de leur coéquipier suffisamment près pour l'entendre parler seul, comme s'il tenait une conversation à lui-même.

_ Someoka est parti… Ils sont tous parti… Oui, je sais… Tu sais, j'ai put m'intégrer si rapidement grâce à Someoka… Nous étions invincibles ensemble… Et maintenant je suis tout seul, encore une fois… C'est faux, tu n'es pas seul.

Endou et Kidou se regardèrent, interloqués. Ils entendaient la variation dans la voix de Fubuki, étrange et dérangeante. Leur camarade passa devant eux sans même les voir, son regard vacillant entre le gris et le doré. Il porta une main à sa tête et ferma les yeux.

_ Fubuki, tout va bien ?

_ Hein ? Oh, capitaine ! Oui, ça va, pourquoi ?

_ Grand frère ! Capitaine !

Les trois garçons se retournèrent et virent Otonashi qui arrivait en courant vers eux, l'air inquiète.

_ Haruna ? Que se passe-t-il ? Quelqu'un t'a embêté ?

_ Non, non, pas moi. Kurimatsu a des ennuis à l'entrée du parc ! Une espère de gorille l'a coincé en le traitant de voleur et sa bande de guenons s'est jointe à la fête. Les garçons tentent de calmer le jeu, mais j'ai peur que ça ne s'envenime…

_ On y va.

Le petit groupe parti en courant à la suite d'Otonashi

Ils arrivèrent rapidement à l'entrée du parc, que les gens fuyaient comme la peste alors qu'un groupe de filles en rose entouraient Kurimatsu. Il aurait put être enchanté de ce harem improvisé si toutes les demoiselles ne cherchaient pas à l'étriper.

La plus impressionnante du groupe pleurait à chaude larme en tendant un doigt boudiné vers Kurimatsu.

_ C'est lui ! Je le reconnais ! Il m'a bousculé et il a volé mes chocolats !

_ C'est faux ! Je ne lui ai rien volé du tout !

_ Menteur, Dosu ne ment pas, je sais que c'est toi qui l'as volée !

_ Mais non ! Capitaine !

Endou s'approcha de son ami et écouta les piaillements presque hystériques de la bande de demoiselles en furie. Une chose était sûre, elles connaissaient le principe de la solidarité féminine !

_ Ecoutez… Kurimatsu ne ferait jamais ça ! Je le connais, ce n'est pas un voleur !

_ Menteur, menteur !

Kidou soupira, comprenant qu'il était inutile de chercher à argumenter face au groupe de filles.

L'une d'elles, une grande perche sèche au visage ingrat et aux couettes basses blond paille finit par crier plus fort que les autres.

_ Puisque c'est comme ça, on n'a qu'à aller chercher notre capitaine ! Elle saura nous dire qui ment, elle !

Doutant grandement de l'impartialité de cette capitaine, les Raimon Eleven suivirent néanmoins le groupe de filles qui quitta le parc d'attraction, au grand soulagement des passants.

_oOo_

Restaurant d'okonomiyaki…

Ichinose regarda l'assiette pleine que la jeune fille aux cheveux bleu ciel venait de déposer devant lui. Son estomac gargouilla lorsque le fumet du plat atteignit ses narines.

_ Euh… merci ?

Cela ne lui disait pas ce qu'il faisait là.

_ Mange. On parlera après.

Le jeune homme cligna des yeux d'un air surprit avant de commencer à manger. C'était bon, très bon, mais il commençait à douter que l'inconnue puisse lui indiquer l'endroit où se trouvait le centre d'entrainement de l'Aliea Gakuen.

Plus il mangeait, plus elle paraissait heureuse.

_ Rika !

La jeune fille se retourna alors qu'une femme à forte poitrine débarquait depuis les cuisines du restaurant avec une spatule à la main. Elle avait les même cheveux bleu que la dénommée Rika mais son visage était à peine bronzé par le soleil.

_ Où est-ce que tu étais encore passé, Rika ! C'est bientôt l'heure d'ouvrir, je vais avoir besoin de toi !

_ C'est bon maman, je suis revenue, maintenant ! Pas la peine de m'humilier devant mon fiancé !

Ichinose mit quelques secondes à réaliser qu'il était le seul client présent dans le restaurant, donc était le seul à être susceptible d'être ledit fiancé.

_ Hein ?

_ Lui ?! Mais regarde le, il est maigre comme un clou ! Tu n'as aucun gout en matière d'hommes, ma fille !

_ Et c'est toi qui dis ça ?! Moi au moins j'en ai un, d'homme ! Toi, papa t'a larguée et s'est tiré sans demander son reste !

_ Répète un peu ça ?!

Ichinose se fit tout petit sur sa chaise en se demandant dans quelle situation complètement absurde il venait de se mettre. Pourvu que les deux furies n'en viennent pas aux mains !

La porte du restaurant s'ouvrit et le jeune homme bondit sur ses pieds, prêt à filer ventre à terre.

_ Rika ! C'est la catastrophe !

L'interpelée se détourna de sa mère et regarda le groupe de filles en rose sur le pas de la porte, accompagné d'un groupe de garçons.

_ Endou !

Ichinose voulut rejoindre son équipe, ravi d'avoir été retrouvé, mais la main de Rika se referma sur son épaule comme la serre d'un rapace en chasse.

_ Où comptes-tu aller, Darling ?

_ Dar… ling ?

_ Nous allons nous marier tu sais, alors n'essaye pas d'aller voir ailleurs !

_ Marier !?

Ichinose vit les visages effaré de ses amis et, ce qui lui fit terriblement plaisir, celui attristé d'Aki. Il ne voulait pas la voir triste, bien sûr, mais qu'elle soit peinée en entendant cette histoire de mariage signifiait qu'elle tenait un peu à lui, non ?

_ Une seconde… comment ça, nous marier ?

Rika haussa les épaules et désigna l'assiette vide qu'il avait mangé avec appétit, il ne pouvait le nier.

_ Tu as mangé mon plat préparé avec amour, tu acceptes donc de m'épouser. C'est la tradition !

_ Quelle tradition !?

_ Rika va se marier !

Les filles en rose semblèrent oublier ce qui les avait amenées là en poussant des exclamations ravies.

Ichinose laissa échapper une plainte désespérée.

_ Endou ! Les gars ! Sortez-moi de là !

La plus solide des filles du groupe parut soudainement se rappeler de la raison première de leur visite et se mit à pleurer à chaudes larmes.

_ Kosu, qu'est-ce qu'il y a ? Tu es heureuse pour moi à ce point ? C'est géniale, tu seras ma demoiselle d'honneur !

_ Merci… mais non… le méchant petit, il m'a volé mes chocolats !

_ Tes chocolats ? Ceux fourrés au praliné avec éclats de noisettes caramélisées ?

_ Oui !

_ Ah… c'est moi qui les ai mangés. Tu les avais oubliés sur une table et j'avais faim. Désolée !

Rika sourit largement pour se faire pardonner avant de se tourner vers Ichinose et de se pendre à son bras

_ Oublions tous ces enfantillages, Darling ! Nous avons un mariage à organiser ! Maman, fais chauffer la soupe, on va commencer par choisir les plats du buffet !

_ Fais-la chauffer toi-même !

_ Endou !

Aki secoua la tête et serra les poings, quelque chose d'étrange enflant dans sa poitrine. La seule chose dont elle était certaine, c'était qu'elle ne voulait sous aucun prétexte laisser Ichinose entre les mains de cette Rika sortie de nulle part.

_ Une seconde !

_ Oh ? Une rivale ? Désolée, mais mon Darling adoré a fait son choix ! On va se marier !

_ Mais je n'ai rien choisi du tout !

_ Moi non plus je n'ai pas encore fais mon choix pour la pièce montée, ne t'inquiète pas !

Kidou jeta un regard Otonashi qui semblait complètement effarée par la situation. Il soupira et se pencha vers Aki pour lui murmurer quelque chose. La jeune fille jeta un regard étonné au stratège avant de se tourner vers Rika, bien décidée à lui reprendre Ichinose.

_ Un match de foot. Si nous gagnons, tu laisses Ichinose-kun partir.

_ Vous aussi vous jouez au foot ?

Kidou inclina légèrement la tête. Rien ne pouvait échapper à son regard, et les maillots de foot des filles portés sous leurs vestes roses ne faisaient pas exception. Cela lui avait rappelé un détail de lorsqu'il était encore à Teikoku. Kageyama, maudit soit-il, lui avait parlé d'une équipe féminine particulièrement minable à Osaka. Additionner deux et deux n'était pas difficile, et cela l'avait poussé à suggérer à Aki de réclamer un match pour reprendre Ichinose.

Rika fit mine de réfléchir avant d'aller se concerter avec son équipe, pour finalement accepter.

Les filles se débarrassèrent de leurs vestes dans de grands gestes théâtraux.

_ Cute ! Chic ! Cool ! Nous sommes les Osaka Gals CCC ! Et nous allons vous faire mordre la poussière.

_oOo‑

Les deux équipes se faisaient face sur un terrain de foot installé en ville. La mère de Rika avait fermé son restaurant pour prendre un stand mobile et aller vendre ses okonomiyakis pendant le match.

Endou regarda le ballon derrière lui, étonné.

Il se tourna vers Rika, qui venait de tirer avec l'une de ses coéquipières, créant un superbe papillon qui s'était engouffré dans le but.

_ Et voilà ! Notre Butterfly Dream est invincible !

_ Endou, qu'est-ce que tu fiches ? Tu aurais put l'arrêter, ce tir ! Et toi, Kazemaru, pourquoi tu t'es mit à danser avec ton adversaire au lieu de la bloquer ?

Kidou paraissait furieux. Et il y avait de quoi ! Ses coéquipiers agissaient de façon totalement stupide depuis le début de la première mi-temps, qui touchait d'ailleurs à sa fin. Entre ceux qui s'arrêtaient pour céder le passage à l'une des demoiselles, ceux qui rougissaient à un simple sourire et ceux qui ne les prenaient pas au sérieux, le stratège ne parvenait pas à faire exécuter ses instructions. Et si même Endou s'y mettait, ils n'étaient pas sauvés !

Les seuls à jouer sérieusement étaient Kidou lui-même aussi imperturbable qu'à son habitude, Touko qui se moquait comme d'une guigne des filles adverses, et Ichinose qui savait son destin suspendu à ce match.

_ Ne sous-estimez jamais votre adversaire, personne ne vous l'a jamais dis ? Bon sang…

_ Désolé, Kidou…

_ Elles sont déroutantes.

_ Pas plus qu'une autre équipe. Mais vous vous êtes dit que gagner contre des filles serait facile, c'est ça ?

Les Raimon Eleven hochèrent la tête, penauds.

Endou frappa ses mains l'une contre l'autre et se remit en position dans ses buts, ses crampons solidement enfoncés dans le sol.

_ Aller, on se reprend ! On va revenir au score et gagné ce match ! La Déesse de la Victoire sourit à ceux qui n'abandonnent pas !

_ Ça faisait longtemps, tiens !