Chapitre 29 : Le carnet
Le lendemain, Fukuoka, collège Yokato…
Le principal avait promit la veille de montrer à Endou le carnet de son grand-père. Pour le petit fils de Daisuke, il pouvait bien enfreindre la promesse faite à son vieil ami.
Surexcité à cette idée, le jeune homme avait passé la nuit sur le toit de l'Inazuma Caravane. Inquiet de le voir seul, Kidou avait finit par le rejoindre, passant la nuit entière à imaginer ce que contenait le mystérieux carnet. Pourtant, l'entrain du brun paraissait un peu fade à son ami, comme s'il se forçait à être enthousiaste.
Le matin venu, l'équipe s'était précipitée au collège et attendait désormais l'arrivée du principal en compagnie des joueurs de Yokato.
Le vieil homme portant toujours un costume clair s'approcha du groupe et sourit avec nostalgie en regardant Endou.
_ Tu lui ressemble tellement… Avant que je te remette le carnet de Daisuke, que dirais-tu de voir un endroit où ton grand-père s'entrainait au foot ?
Endou hocha vigoureusement la tête.
Le vieil homme guida Endou et Kidou, refusant de s'éloigner de son ami décidément bien éteint, jusqu'à un parc à l'écart.
Le vieux cabanon qui se trouvait dans un coin portait de nombreuses traces d'impacts sur ses murs, là où un ballon s'était écrasé un nombre incalculable de fois.
Endou courut d'un coin à un autre, les yeux pétillants. Il pouvait deviner son grand-père s'entrainer ici, imaginant des super-techniques incroyables.
_ Ton grand-père était toujours motivé lorsqu'il s'agissait de football. Moins en ce qui concernait les cours, au grand désarroi des professeurs ! Je ne compte plus le nombre de fois où nous sommes arrivés en retard en cours parce qu'il voulait s'entrainer un peu plus longtemps !
Kidou émit un rire amusé en haussant un sourcil en direction d'Endou. Préférer le foot aux études semblait être de famille ! Il n'était certes pas dans la même classe que son meilleur ami, mais Gouenji lui avait raconté les innombrables fois où le jeune homme brun se faisait rappeler à l'ordre, toujours à cause du football.
_ Ton grand-père criait toujours des ''BAM !'' et des ''PAF !'' lorsqu'il imaginait une nouvelle technique. Mais s'il y une chose qu'il détestait, c'était de perdre ! Si notre équipe perdait un match, il s'entrainait d'arrache-pied jusqu'à prendre sa revanche et remporter la victoire !
_ Décidément, c'est plus qu'une simple ressemblance, à ce stade !
_ Nous sommes resté amis, ton grand-père et moi, même après son départ. On voulait devenir joueurs professionnels ensemble, je m'en souviens comme si c'était hier… c'était vraiment un ami spécial.
Kidou remarqua immédiatement que le sourire d'Endou se fit moins sincère, ses yeux perdirent immédiatement leur éclat même s'il tentait de donner le change.
_ Oui, je suis heureux d'avoir eu un ami tel que ton grand-père. Et toi, as-tu quelqu'un avec qui tu as un lien privilégié ?
Endou tourna la tête vers Kidou comme s'il cherchait son secours.
Bien sûr qu'il avait une personne spéciale à ses yeux, mais c'était plus qu'un ami. Et penser à Gouenji lui fit monter les larmes aux yeux. Il entendait sa voix tranquille appeler son nom, son sourire rare mais si beau… et la tristesse dans ses magnifiques yeux noirs lorsqu'il était parti.
Kidou le remarqua immédiatement, sans doute fut-il le seul. Il réalisait à quel point Gouenji manquait à Endou, qu'en lui parlant de personne privilégiée, le principal avait avivé ce manque chez son ami. Il posa sa main sur son épaule, ce qui fit sursauter Endou.
Le jeune capitaine parut reprendre pied et réussi à ravaler ses larmes contenues pour sourire.
_ Oui, bien sûr que j'ai quelqu'un spécial ! Qui compte plus que tout ; et même s'il est loin, ça ne change rien.
Le principal hocha la tête sans s'être rendu compte du trouble qu'il avait provoqué chez Endou.
_ Bien, c'est important les amis ! Je voulais te montrer cet endroit… Maintenant, je pense que je peux te donner le carnet de ton grand-père. Venez, retournons au collège.
Les deux amis suivirent le vieil homme. Endou jeta un regard en coin à Kidou et sourit.
_ Merci… j'ai vraiment cru que j'allais m'effondrer…
_ Je sais. Ne t'inquiète pas, j'ai l'intuition que ce n'est plus qu'une question de jours avant que tu ne retrouves Gouenji. Je t'avoue qu'il commence à me manquer aussi. On forme la Break Team, tous les trois ; et un trio amputé d'un de ses membres ne peut plus aller nulle part !
_ Oui… j'espère que tu as raison, mais je fais confiance à ton intuition !
_ Sage décision.
Endou se mit à rire, ce qui soulagea son ami.
Ils accélérèrent l'allure pour rejoindre le principal qui n'avait pas remarqué leur ralentissement.
_oOo_
? ? ? …
Hiroto courait dans les couloirs, les larmes dévalant ses joues pâles. Il portait sa combinaison grise et ses cheveux rouges étaient hérissés sur sa tête. Il avait quitté son équipe en plein entrainement après la réception d'un appel, provoquant une bouffée de panique chez ses coéquipiers.
Ils savaient tous qu'il n'y avait qu'une seule chose susceptible de lui faire tout abandonner ainsi. Une seule personne.
Le jeune homme trébucha mais parvint à rester sur ses pieds. Il tourna à l'angle d'un couloir et se précipita vers une porte qui s'ouvrit à son approche, laissant sortir médecins et infirmiers poussant une grosse machine à oxygène.
Hiroto voulut se précipiter à l'intérieur de la chambre mais le vieux médecin qu'il avait croisé plusieurs fois le retint.
_ Doucement, mon garçon, il est encore très faible. Il vient à peine de sortir du coma, il lui faut du calme, et ton état de panique risque de l'inquiéter. Reprends-toi, dans son propre intérêt.
_ Oui… Docteur, est-ce que Ryuuji est toujours…
_ Amnésique ? Oui. Mais sa perte de mémoire ne s'aggrave pas, et il a conservé les souvenirs gagnés depuis son choc à la tête. Il a réclamé après toi, d'ailleurs. Ton nom est la première chose qu'il ait dite en ouvrant les yeux. La deuxième bonne nouvelle, c'est que le pire est derrière lui, maintenant. Il ne devrait plus faire de rechute, l'hématome sur son cerveau est presque complètement résorbé et il n'a plus besoin de machine pour respirer.
Hiroto laissa échapper un sanglot de soulagement étranglé.
Il respira profondément pendant quelques instants avant pousser la porte de la chambre de Midorikawa.
Le jeune homme était toujours très pâle, allongé sur son lit et ses longs cheveux verts étalés sur l'oreiller autour de son visage.
_ Hiroto…
_ Hey… Ryuuji, comment tu te sens ?
_ Je ne sais pas… je crois que ça va… Tu es habillé bizarrement…
Hiroto se contenta de hausser les épaules et de s'asseoir au chever de son ami alité.
_ Ne t'inquiète pas, ça va aller. Tu as besoin de repos, c'est tout.
_ Oui… Hiroto, tu peux rester avec moi ?
_ Oui, je reste autant que tu le voudras.
Il prit la main que Midorikawa tendait faiblement vers lui et la serra avec force. Fatigué, le jeune homme aux cheveux verts ferma les yeux, sans pour autant lâcher la main d'Hiroto. Il n'y avait que lui qui lui paraisse familier et rassurant, dans son environnement. Même les nombreuses personnes venues lui rendre visite avant qu'il ne tombe dans le coma et qui le connaissaient visiblement ne lui procurait pas cette impression.
Dans son monde, il n'y avait qu'Hiroto.
Son monde, c'était Hiroto.
_oOo_
Fukuoka, collège Yokato, bureau du principal…
Endou prit le vieux carnet que lui tendait le principal et le feuilleta, reconnaissant sans peine l'écriture de son grand père. Les pages regorgeaient d'indications sur des techniques dont le jeune homme n'avait jamais entendu parler.
_ Oh ! Celle-ci a l'air super ! Elle aussi ! Et celle-là… trop puissante, c'est génial !
_ Tu sais, certaines techniques n'ont jamais put être maitrisées, même par ton grand-père.
_ Impressionnant…
Endou s'arrêta sur une page et hocha la tête.
_ Seigi no Tekken… ça a l'air génial ! Une technique pour gardien ! Il faut que je l'essaye !
_ Daisuke m'a confié ce carnet en me demandant de le détruire s'il lui arrivait malheur… mais je n'ai pas put. Je crois que j'ai toujours sus qu'un jour, il serait utile à quelqu'un.
Endou hocha la tête et fila hors du bureau en criant un ''merci'' à la cantonade, pressé de commencer son entrainement.
Il retrouva son équipe et leur montra immédiatement son carnet.
_ Il est aussi illisible que les autres.
_ Mais non ! Il y a plein de techniques super ! Par exemple, celle à la dernière page, The Earth. Mon grand-père écrit qu'elle ne peut être réussie que quand les cœurs de chaque joueur de l'équipe battent à l'unisson. Et là, Seigi no Tekken, un poing qui fait ''Pam'', ''Giou'' et ''Dokan '' !
_ Et en plus il recommence avec ces onomatopées…
_ Qu'est-ce qui es marqué, sur la page de garde ?
_ ''Les super-techniques sont incomplètes.''
Kidou réfléchit en tapotant son menton du bout du doigt.
_ Elles doivent être trop puissante, surtout celle qui nécessite toute l'équipe. Comme pour Koutei Penguin, ça doit surtout être une façon de répartir la force du tir pour ne pas blesser le joueur. Et incomplète… soit c'est parce que ton grand-père ne les a pas achevées avant de donner le carnet à son ami, soit c'est parce qu'elles peuvent encore être améliorée.
Les yeux d'Endou retrouvèrent leur éclat habituel.
_ Il faut qu'on s'entraine !
Tachimukai s'approcha alors d'Endou, tordant nerveusement ses mains.
_ Endou-san… j'aimerais apprendre Majin the Hand !
_ Super, on va s'entrainer ensemble ! Il nous faut des pneus !
_ Des… pneus ?
Endou sourit largement avec un brin d'espièglerie.
_oOo_
Ils passèrent la journée à s'entrainer tous ensemble. Endou initia Tachimukai à l'entrainement avec un pneu, ce qui sembla le réjouir. Deux pneus avaient été suspendus aux branches d'un arbre et heurtaient à intervalles réguliers les mains gantées des deux gardiens.
Sur le terrain, les Raimon Eleven et les joueurs de Yokato s'entrainaient ensemble dans une ambiance joyeuse mais déterminée.
Hitomiko les observait avec attention. Elle prévoyait de rester quelques jours à Fukuoka, pour permettre à ses joueurs de s'entrainer en attendant de recevoir un appel d'Hibiki ou du directeur du collège Raimon pour lui donner une nouvelle destination.
Il y eut un bruit sourd, comme une petite explosion, surprenant tout le monde. Tachimukai était tombé au sol, le pneu avec lequel il s'entrainait faisant un vol plané et, aux pieds du jeune homme, le sol s'était creusé sur quelques centimètres.
Endou sourit largement en l'aidant à se relever.
_ On dirait que tu commences à comprendre comment fonctionne Majin the Hand ! Elle vient de l'intérieur.
_ Oui, je commence à la voir… Il ne manque pas beaucoup de chose, j'en suis sûr !
_ Tu peux utiliser mon pneu, si tu veux !
Tachimukai sourit en s'inclinant pour remercier Endou. Le jeune homme brun rajusta son bandeau orange et se tourna vers ses coéquipiers.
_ Kidou, Ichinose, Fubuki ! J'ai besoin de vous pour m'entrainer sur Seigi no Tekken !
Il rejoignit ses amis en courant et recommença à s'entrainer avec eux à grand renfort de cris.
_oOo_
Le soir était tombé depuis longtemps lorsqu'Endou s'arrêta de s'entrainer. Malgré son acharnement, il n'arrivait pas à comprendre comment fonctionnait Seigi no Tekken.
Il alla s'asseoir un banc avec Kidou et se pencha sur la page du carnet concernant la technique d'arrêt, l'étudiant à la lumière d'un lampadaire.
_ Il n'y a vraiment rien d'autre que ''Pam'', ''Giou'' et ''Dokan '' ? C'est léger…
_ Il y a le croquis mais…
_ Ce truc qui ressemble à une patate germée ?
_ C'est un poing !
_ Et les germes ?
Endou se concentra sur la page, les yeux plissés.
_ On dirait que ce sont les mouvements du poing. Ça tourne.
Kidou haussa un sourcil, un peu interloqué. Décidément, le grand-père d'Endou avait une façon très spéciale d'imaginer des techniques !
Ce n'était pas ainsi qu'il avait apprit, lui. Kageyama créait aussi ses techniques, mais avec beaucoup plus de rigueurs. Tout était calculé au millimètre, avec des dizaines d'équations et autres opérations, des schémas géométriques précis et des tests à n'en plus finir pour atteindre la perfection.
Des bruits de pas les firent relever les yeux.
Un jeune homme aux cheveux rouges et lisses portant une doudoune orange sur un pull violet s'approchait d'eux.
_ Hiroto !
_ Bonsoir, Endou-kun.
Le nouveau venu sourit en agitant la main.
Il rejoignit les deux garçons et s'arrêta devant eux.
_ Endou-kun, je voudrais te parler, est-ce que c'est possible ?
_ Euh… oui ?
Kidou les observa s'éloigner, intrigué. Cet Hiroto était étrange. Il se rappelait très bien l'avoir rencontré à Kyoto, Endou lui avait dit l'avoir déjà vu à Hakuren, mais surtout, il s'était précipité vers Reize et la façon dont il l'avait étreint indiquait clairement qu'il le connaissait. On n'enlaçait aussi amoureusement un inconnu !
Méfiant, le jeune homme les observa marcher jusqu'au bord du terrain de foot et s'y arrêter.
_oOo_
Endou observa Hiroto avant de prendre la parole puisque le jeune homme aux cheveux rouges ne semblait pas décidé à le faire.
_ Euh… Tu as put t'occuper de Reize, comme tu l'avais dis ?
_ Oui… il se remet doucement mais ne se souvient toujours pas de moi…
_ De toi ?
_ Endou-kun, je suis venu te dire au revoir.
Endou pencha la tête sur le côté, sans comprendre.
_ Je dois obéir à mon père. Je me suis bien amusé en te regardant jouer. Et je crois sincèrement que nous sommes devenus amis, mais…
_ Bien sûr que nous sommes amis !
Hiroto sourit et hocha doucement la tête. Il leva son visage pâle vers les étoile s'allumant une à une dans le ciel de nuit et glissa ses mains dans ses poches.
_ Je vais partir… il faut qu'Hiroto cesse d'exister… Endou-kun, est-ce que tu accepterais un match contre mon équipe, demain, ici même ?
_ Ton… équipe ? De foot ?
_ Bien sûr ! Alors, tu veux bien ?
_ Oui…
Le jeune homme en doudoune inclina la tête et s'éloigna, disparaissant rapidement dans les ombres de la nuit.
Endou resta quelques instants interloqué et sursauta lorsque Kidou le rejoignit.
_ Qu'est-ce qu'il voulait ?
_ Un match, demain…
_ C'est louche.
_ Tu penses ?
_ Oui. Mais le seul moyen d'être fixés c'est de venir voir en personne.
_oOo_
Le lendemain matin, les Raimon Eleven se retrouvèrent sur le terrain, à attendre une équipe dont ils ignoraient tout.
Une brume qui n'avait rien de naturelle se leva soudainement.
Bientôt, des silhouettes apparurent, jusqu'à finalement se faire parfaitement identifiable.
Ils portaient tous des combinaisons grises identiques et observaient les joueurs en jaune et bleu avec un certain dédain.
Le capitaine, reconnaissable à son brassard bleu sur son bras gauche, s'avança.
Ses cheveux rouges était hérissés, allongeant son visage pâle. Il posa ses yeux vert de gris sur Endou avec un sourire.
_ Bonjour, Endou-kun… jouons au football.
_ Hi… Hiroto ?
