Chapitre 30 : Gran
Fukuoka, collège Yokato, terrain de football…
Endou secoua la tête, observant avec attention le capitaine de cette étrange équipe en combinaisons grises. Aucun doute, il s'agissait bien du jeune homme qu'il avait vu la veille.
_ Hiroto, mais qu'est-ce…
_ Gran. Je te l'ai dit hier soir, Hiroto doit cesser d'exister, et c'est pour ça que je suis venu te dire au revoir. Désormais je suis Gran, capitaine de Genesis, l'équipe de premier rang de l'Aliea Gakuen !
_ Genesis… de l'Aliea Gakuen… alors tu es un extraterrestre ?
Gran pencha la tête sur le côté avec un sourire qui avait quelque chose d'inquiétant.
Kazemaru frissonna devant une telle expression. Une nouvelle équipe… mais combien y en avait-il ? Ils parvenaient à peine à égaliser avec Epsilon et voilà que de nouveaux adversaires surgissaient !
_ Je suis désolé, Endou-kun. Je t'admire énormément, j'ai visionné tous vos matchs. Je t'avoue avoir eut très envie de jouer contre toi, et j'en ai enfin l'occasion ! Quel dommage que ce soit dans ces conditions… Je suis là pour récupérer le carnet de ton grand-père et vous éliminer, toi et chaque membre des Raimon Eleven.
_ Gran, tu en dis trop.
L'alien aux cheveux rouges se tourna vers sa coéquipière aux cheveux bleus mi-longs tranchés de deux mèches blanches encadrant son visage aux yeux bleus.
_ Voyons, Ulvida, c'est la moindre des choses que de leur donner une explication. Père ne nous a certainement pas mal élevés, que je sache !
_ Non… Mais tu es trop sentimental.
Elle croisa les bras sur sa poitrine avec une moue revêche.
Endou les observa, attristé. Il avait imaginé avoir rencontré un ami et réalisait qu'il s'était fait berner du début à la fin.
Kidou s'approcha de lui en observant leurs adversaires du jour.
_ C'est donc pour ça qu'il tenait autant à s'occuper de Reize. Il devait avoir pour ordre de le récupérer pour l'empêcher de parl…
_ NE PARLE PAS DE LUI COMME D'UN OBJET !
La colère enflamma les yeux vert de gris de Gran.
Même le stratège inflexible sentit une sueur glacée glisser le long de son dos face à un tel regard. Autant pour lui, il avait récupéré Reize parce qu'il tenait à lui, sa réaction le prouvait. Quoi que soit l'Aliea Gakuen, les différentes équipes se connaissaient. Quelque chose échappait encore à Kidou, mais il avait l'impression de se rapprocher de la vérité.
_ Endou, que faisons-nous ?
_ On va vraiment jouer contre eux ?
Gran expira pour retrouver son calme et s'approcha du jeune homme au bandeau orange.
_ Je vous laisse une chance de garder le carnet, en nous battant. Si vous refusez ce match, nous détruirons le collège.
_ Je ne compte pas me défiler, Hiroto. Je t'ai promit un match, et nous le jouerons.
L'alien inclina la tête et retourna vers sa propre équipe
Endou se tourna vers la sienne, l'air déterminé.
_ On ne peut pas reculer. Coach, qu'elles sont vos instructions ?
Hitomiko sursauta lorsque le jeune homme l'interpela. Elle avait les yeux rivés sur Gran et semblait plus avoir envie de se précipiter vers lui pour le serrer dans ses bras que de l'affronter.
Elle soupira longuement avant de dispenser ses consignes, terminant son monologue par la place de Fubuki en attaque.
Kidou retint Endou par le bras avant qu'il n'aille prendre sa place dans les buts.
_ Endou, fais attention face à leurs tirs, j'ai l'impression qu'ils sont bien plus forts qu'ils n'en ont l'air. Quitte à laisser passer certains ballons, essaye surtout de t'entrainer à les voir et à mesurer leur force de frappe.
_ Compris. Tu penses vraiment que nous allons perdre ?
_ N'en déplaise à ta Déesse de la Victoire, oui. A nous de tirer le maximum d'informations de cette défaite pour gagner le prochain match. Fais-moi confiance pour ça, je vais les observer sous toutes les coutures.
Endou inclina la tête et les deux amis se dirigèrent vers leurs postes.
Dès le coup d'envoi, il fut évident que Kidou avait raison. Fubuki se fit dérober le ballon sans rien pouvoir faire et Ulvida fonça à toute vitesse vers le but de Raimon, laissant ses adversaires sur place.
Elle tira et le ballon sembla déchirer l'air pour entrer dans les cages, entrainant Endou avec lui.
Le jeune gardien hocha la tête pour lui-même. La vitesse du tir ainsi que sa force se valaient. Cette équipe était très équilibrée. Cependant, il n'allait pas plus vite que les tirs de Reize, et il avait parfaitement put voir le ballon arriver. Ce sur quoi il allait s'entrainer serait donc cette force hors norme.
Une pluie de tirs déferla sur Endou, les attaques des joueurs de Genesis laissant sur place la défense des Raimon, même le rapide Kazemaru. A chaque fois, le gardien se retrouvait au fond des filets ou projeté contre les poteaux.
Pourtant il se relevait invariablement, fidèle à lui-même, prêt à encaisser le tir suivant. Comme le lui avait demandé Kidou, il s'entrainait, et permettait à son meilleur ami d'analyser en détail le moindre mouvement de chaque joueur adverse.
Les buts défilaient et lorsque la fin de la première mi-temps arriva, Genesis menait 12-0.
_oOo_
? ? ? …
Le jeune homme à capuche orange regardait avec attention le match entre Raimon et Genesis sur une petite télé installée dans un magasin. Ses poings étaient tellement crispés que ses ongles s'incrustaient profondément dans ses paumes halées.
Il aurait voulut être avec eux, même dans la défaite. Perdre au côté d'Endou était toujours mieux que d'être loin de lui.
Du coin de l'œil il aperçut un homme en costume noir. Il n'avait pas l'air mauvais de ses poursuivants mais il préféra se fondre dans la foule avant de se faire repérer.
_oOo_
Fukuoka, collège Yokato, terrain de football…
Lorsque le match reprit, Fubuki s'élança avec le ballon. Il entendait la voix d'Atsuya dans sa tête, lui hurlant de lui laisser la place.
_ Non ! C'est moi qui suis encore là ! C'est mon corps, et je ne veux plus que tu prennes le contrôle ! … Tu n'as pas toujours dis ça ! Laisse-moi ta place ! C'est toi qui me l'as demandé, rappelle-toi ! Tu pleurnichais seul et je t'ai répondu. Dégage, Shirou ! … Hors de question ! … LAISSE-MOI TA PLACE !
Fubuki trébucha, prit d'une violente migraine. Il se força à continuer d'avancer.
Il se prépara à tirer, chargeant le ballon de glace. C'était le tir de son frère, mais il savait l'utiliser. Il n'y avait pas de raison pour qu'Atsuya réussisse et lui non alors qu'ils partageaient le même corps !
_ Eternal Blizzard !
Le ballon siffla, chargé d'un vent glacial.
Le gardien de Genesis, un tout petit alien en combinaison violette, aux grands yeux rouges et aux courts cheveux vert sapin répondant au nom de Nero, tendit la main et le ballon s'écrasa contre sa paume et s'y arrêta.
Fubuki vacilla devant cet arrêt désinvolte.
_ Tu aurais dû me laisser ta place ! Moi, j'aurai réussi ! Someoka a raison, tu n'es rien de plus qu'un assistant ! … Non… Cesse donc de geindre, tu sais très bien que c'est ma force qu'ils veulent.
Le jeune homme regarda ses coéquipiers avant de secouer la tête. S'il ne valait pas son frère comme attaquant, alors il devait au moins pouvoir prouver que son équipe avait besoin de lui en défense.
Les tirs continuèrent de déferler sur Endou, sans relâche. Pourtant le jeune homme ne baissait pas les bras, et commençait même à leur opposer un peu de résistance.
Gran récupéra le ballon après quelques passes. Kazemaru tenta de rivaliser avec lui mais l'alien était beaucoup trop rapide pour l'ancien athlète.
Kazemaru s'effondra à genoux, incapable de faire un pas de plus. Il était vaincu, et bien plus que pour un simple match de foot.
Il n'avait pas la force nécessaire pour protéger Miyasaka.
Gran bondit en plein ciel et frappa le ballon. L'univers sembla exploser dans son tir qui fonça vers le but d'Endou dans un ronflement infernal comme un météore géant déferlerait sur la Terre.
_ Ryuusei Blade !
Fubuki apparut soudainement devant le tir, les crampons enfoncé dans le sol. Il poussa un hurlement de rage, juste avant d'être percuté de plein fouet par le tir qui l'envoya tout droit dans le but d'Endou. Son intervention avait au moins permit de dévier le tir qui alla se perdre au loin.
_ Fubuki, ça va ? Fubuki ?!
Mais le jeune homme ne répondit pas, inconscient.
Furukabu siffla la fin du match. Genesis triomphait 20 à 0.
Gran s'avança vers ses adversaires vaincus sans essayer de cacher son inquiétude de voir Fubuki évanouit.
_ Est-ce qu'il va bien ? Je suis désolé, je ne pensais pas qu'il se jetterait devant mon tir… Se prendre Ryuusei Blade à bout portant, c'est dangereux…
Endou observa Gran s'agenouiller près d'eux en se mordant la lèvre.
_ Je n'ai pas touché la tête, au moins ?
_ Non, je ne crois pas…
_ Tant mieux… Ryu… Reize a été touché à la tête… ça peut mal tourner, alors faites attention à votre ami.
Endou hocha la tête. Il ouvrit la bouche, prêt à poser toutes les questions qu'il se posait sur Gran mais la voix d'Ulvida le coupa.
_ Gran ! Nous devons récupérer le carnet et partir ! Alors arrête de compter fleurette au premier venu.
L'alien aux cheveux rouges soupira et se releva. Il se retourna vers son équipe, les poings sur les hanches.
_ On s'en va !
_ Mais Gran, le carnet…
_ On s'en va j'ai dit !
Il posa sa main gantée sur une sorte d'écusson de métal gris terne au niveau de son cœur. Un ballon de foot inversé surgit soudainement et fila jusqu'à sa main. Il tapota sa surface et une vive lumière qui commençait à devenir familière aux Raimon Eleven engloutit le terrain.
Lorsqu'elle disparu, il ne restait plus la moindre trace de Genesis.
Kidou croisa les bras, les sourcils froncés.
_ Ils ne portaient pas le même orbe que les autres équipes, sur la poitrine… Si cet orbe est bien un réceptacle de l'énergie qu'ils tirent d'une source extérieure comme je le suppose, alors… pourquoi eux ne l'ont-ils pas ? Ils n'en ont pas besoin ?
Il secoua la tête et observa Fubuki se faire emporter par ses coéquipiers.
_oOo_
Hôpital de Fukuoka…
Fubuki n'avait pas reprit connaissance depuis la fin du match du matin, et le soleil commençait maintenant à se coucher, teintant la ville d'or.
Les Raimon Eleven étaient réunis à son chevet, visiblement inquiet. Hitomiko les observa un long moment, en silence. Kidou s'approcha alors d'elle et l'observa derrière les verres ronds de ses lunettes de plongée.
_ Que se passe-t-il avec Fubuki ? Et je ne parle pas de son état inconscient, mais de cette façon de changer durant le match. J'observe mon équipe, j'ai bien vu qu'il va mal. Il parle très souvent seul, mais pas comme tout à chacun le fait en réfléchissant. Il semble vraiment converser avec quelqu'un. Souffre-t-il d'une maladie quelconque ? Schizophrénie, dédoublement de la personnalité… Je sais que vous êtes au courant de quelque chose, et vu l'état dans lequel il est, il serait peut-être temps de nous en parler pour que nous puissions agir en conséquences.
La jeune femme soupira et hocha la tête.
_ Fubuki-kun avait un frère jumeau, Atsuya. Il est mort avec leurs parents dans un accident de voiture causé par une avalanche. Depuis ce jour-là… La personnalité d'Atsuya vit à l'intérieur du corps de Shirou.
_ Fubuki tente de continuer de faire vivre son frère en prenant sa personnalité ?
_ Non, je pense que ce que la coach veut dire, c'est qu'Atsuya vit véritablement à l'intérieur de son frère. Et ça explique bien des choses. Laissez-moi deviner, Atsuya était un attaquant, n'est-ce pas ?
_ Oui… Lorsque Fubuki-kun passe en attaque, ce n'est plus Shirou mais Atsuya qui joue.
Aki frissonna en les écoutants. Lorsque Fubuki passait en attaque… ce n'était plus Fubuki, mais un fantôme prenant possession de lui.
_ Alors il ne parle pas seul, mais avec son frère… Et vous nous avez caché ça ?!
_ Kino a raison, vous auriez dû nous en parler dès le début, nous lui en avons beaucoup trop demandé !
_ Je dois simplement former la meilleure équipe, et ses compétences sont là.
_ Mais son esprit s'est totalement brisé ! Il devait parvenir à garder son équilibre en étant à Hakuren, mais en le sollicitant sans cesse, nous l'avons totalement détruit ! Votre rôle de coach aurait été de nous prévenir ! Non… En fait, nous n'aurions jamais dû aller chercher Fubuki !
Aki était scandalisée, et même la main d'Ichinose serrant la sienne pour la calmer n'y fit rien. En temps normal elle aurait rougit et bafouillé à ce simple contact, mais là, sa colère l'emportait. Et ses colères étaient rarissimes.
Hitomiko ouvrit la bouche pour répondre mais réalisa que la jeune fille face à elle avait raison. Elle voyait les reproches dans les yeux de ses joueurs dirigés vers elle.
La jeune femme garda la tête haute.
_ J'ai fait ce que j'avais à faire.
Elle quitta la pièce et attendit d'être à l'extérieur de l'hôpital pour pousser un profond soupir.
Le soleil couchant était encore chaud et une brise légère agitait ses longs cheveux noirs.
Malgré ce qu'elle affirmait, elle savait qu'Aki avait raison, qu'elle n'aurait jamais dû laisser Fubuki jouer. Elle avait vu sa raison se déliter match après match et n'avait rien fait sinon le pousser à donner toujours plus.
_ Comment va le garçon que j'ai blessé ?
Hitomiko se retourna et observa Hiroto venir vers elle, vêtu de sa doudoune orange et de son pull violet. Ses cheveux rouges étaient de nouveaux lisses et raides, flottant au-dessus de ses épaules.
_ Hiroto… Il va bien. Il est toujours inconscient mais les médecins n'ont rien trouvé. Il devrait se réveiller bientôt.
_ Tant mieux… Je m'en serais voulut s'il lui était arrivé la même chose qu'à Ryuuji.
_ Devenir amnésique ?
_ Frôler la mort.
Hitomiko sentit son estomac se retourner. Elle revoyait le sourire lumineux de Midorikawa, et savoir qu'il avait faillit disparaitre lui donnait la nausée.
_ Mon Dieu… Hiroto, je suis désolée ! Je ne voulais pas ça !
_ C'est drôle, Saginuma a dit la même chose. Tout le monde dit la même chose, mais personne n'a rien fait !
_ Peut-être… mais toi non plus. Vous auriez put venir avec moi ! Je vous ai supplié de le faire !
_ Nous ne pouvions pas abandonner père.
Ils se toisèrent et la seule chose que la jeune femme ressentait, c'était une furieuse envie d'étreindre le garçon face à elle et de s'excuser de l'avoir laissé traverser seul cette épreuve. Elle savait à quel point il aimait Midorikawa, et il avait dû être complètement dévasté à l'idée de le perdre.
_ Je suis désolée… Hiroto.
Le jeune homme tordit ses mains, hésitant visiblement à ajouter quelque chose. Il finit par secouer la tête et tourna les talons, laissant Hitomiko plus seule et désemparée que jamais.
_oOo_
Collège Yokato…
Endou regardait le ciel étoilé depuis presque une heure lorsqu'il entendit l'un de ses coéquipiers sortir de l'Inazuma Caravane.
Il se pencha et fronça les sourcils en voyant Kazemaru jeter son sac sur son épaule.
_ Qu'est-ce que tu fais ?
Le jeune homme à la queue de cheval bleue leva les yeux vers son ami et soupira. Il secoua la tête et monta sur le toit pour le rejoindre.
_ Je m'en vais, Endou.
_ Quoi ?! Mais pourquoi ?
_ Je n'y arrive plus… je ne suis pas assez fort pour lutter contre l'Aliea Gakuen.
_ Il suffit de s'entrainer !
_ S'entrainer, s'entrainer, tu n'as que ce mot-là à la bouche, et ça ne change rien au fait qu'à chaque fois que l'on gagne un peu de terrain sur l'Aliea Gakuen, ils sortent une nouvelle équipe encore plus forte ! Qui nous dit que Genesis est la dernière ?! Dans les fichiers qu'on a trouvé à Osaka, il y avait d'autres noms ! Ils sont combien, là-dedans ?! Et si Kidou a raison, ils utilisent une source d'énergie pour se recharger… on ne pourra jamais s'en sortir… pas sans les imiter. Si encore j'avais un peu de Kami no Aqua…
Endou fronça les sourcils d'un air réprobateur.
_ Kazemaru, tu sais très bien que ce n'est pas la solution…
_ Et c'est quoi, la solution ? Endou, on a plus perdu que gagné dans cette histoire ! Miyasaka a dû être amputé ! Tu sais ce que ça veut dire ?! Il ne pourra plus jamais courir à cause d'eux ! Handa et les autres sont encore cloués sur leur lit d'hôpital à cause d'eux ! Someoka a été blessé à cause d'eux ! Gouenji est parti à cause d'eux ! Et Fubuki est dans un tel état mental qu'il est inenvisageable de le faire revenir sur le terrain alors qu'il est le seul à avoir la force nécessaire pour avoir une chance de marquer un but ! Non Endou, je ne veux pas être le prochain sur la liste de ceux qui finissent à l'hôpital.
_ Kazemaru…
L'ancien athlète se leva et descendit du toit. Son ami le suivit avec un regard désemparé.
_ Endou, tu te souviens le jour où j'ai intégré le club de foot ? Je t'ai dit que c'était provisoire… et tu as accepté. Alors laisse-moi partir, maintenant.
Endou ne trouva rien à répondre à ça. Il ne put que rester les bras ballants à regarder un ami qu'il connaissait depuis le jardin d'enfant s'éloigner dans la nuit sans se retourner.
