Chapitre 31 : Le capitaine effondré

Le lendemain, Fukuoka, collège Yokato…

Endou observa les regards dépités de ses coéquipiers alors qu'il leur annonçait le départ de Kazemaru. Il encaissa sans broncher la vague de protestations que cela suscita, et surtout la question principale… pourquoi n'avait-il pas retenu le défenseur aux cheveux bleus ?

_ Bouclez-là !

Kidou s'avança devant l'équipe, les bras croisés et les lèvres pincées. Il voyait son meilleur ami perdre pied et refusait de le laisser comme ça.

Hitomiko choisi ce moment pour intervenir.

_ Le départ de Kazemaru est triste, mais je n'oblige personne à rester. Je n'ai besoin que des plus forts. Maintenant allez vous entrainer.

Kidou se tourna vers Endou. Il était figé, les yeux posés sur le bracelet rouge feu à son poignet.

_ Endou ?

_ Désolé… je n'ai pas très envie de m'entrainer…

Endou tourna le dos à son équipe et s'éloigna d'un pas trainant. Kidou soupira, pas véritablement surprit. Il était même étonné que ce ne soit pas arrivé avant.

Otonashi voulut rattraper leur capitaine, mais son frère la retint par le bras en secouant la tête.

_ Laisse-le, il a besoin de rester seul.

_ Tu crois ?

_ Pour l'instant, oui.

_oOo_

Les Raimon Eleven s'entrainèrent sans vraiment y mettre de bonne volonté. Leur capitaine refusant de s'entrainer, c'était une première, et cela les inquiétait.

L'ambiance fut lourde toute la journée.

Kidou leva les yeux vers le toit du collège. Il pouvait distinguer la silhouette d'Endou, tassé contre le grillage.

Il n'en bougea pas de la journée.

Ni de la nuit.

Le lendemain matin, l'équipe se réunit à nouveau et recommença son entrainement, toujours sans son capitaine.

Endou pouvait entendre ses camarades jouer en contrebas.

Il tourna la tête et les regarda échanger des passes sans enthousiasme. Il ne se sentait pas capable de les rejoindre, pas avec tout ce qui s'entrechoquait dans son esprit avec violence au point de lui donner la migraine.

Il n'avait pas put comprendre Kazemaru, et à cause de ça, son ami était parti. Et parce qu'il n'avait pas prêté attention à Fubuki, il souffrait maintenant de la présence de son frère dans sa tête.

Endou se recroquevilla sur lui-même. Il ignora ses camarades qui s'entrainer, Tachimukai donnant tout ce qu'il avait pour maitriser Majin the Hand, la pluie qui tomba en fine bruine toute la journée, et même le violent orage qui éclata au soir.

Il ne pouvait que compter les pertes, et regretter de n'avoir rien put faire. Non, de n'avoir rien voulut faire. Dès le début il aurait dû réagir, lorsque Gouenji était parti. Il aurait dû le retenir, le forcer à lui parler et agir en conséquence, au lieu de quoi il s'était contenté de le regarder partir en luttant contre les larmes.

Il rejeta la tête en arrière et son hurlement fut couvert par le claquement sec du tonnerre.

_oOo_

Hôpital de Fukuoka, chambre de Fubuki…

Le tonnerre réveilla Fubuki, le terrorisant. Tout son ressemblant à une avalanche le plongeait dans un état de panique absolue.

_ Allons bon, te voilà encore à trembler. Quelle lopette tu fais, grand-frère ! … Atsuya… Laisse-moi ta place pour de bon, qu'on en parle plus ! C'est de ma force d'attaquant que cette équipe a besoin. Pas d'un défenseur trouillard ! Aller Shirou ! … Non ! Je refuse !

Le jeune homme ouvrit les yeux et regarda la chambre où il se trouvait, un peu désorienté. A la lumière fugace d'un éclair, il vit son reflet dans la vitre se superposer à l'image d'Atsuya. Le sourire de son frère le terrifia bien plus que l'orage.

_ C'est moi qui aurais dû survivre, Shirou ! … Oui…

Fubuki enfouit son visage contre son écharpe blanche en gémissant.

_oOo_

Le lendemain, collège Yokato…

Endou ne sursauta même pas quand un ballon de foot roula doucement jusqu'à ses pieds.

_ Endou-kun, ton équipe a besoin de toi, alors reprend-toi !

Il leva un œil morne vers Natsumi en se demandant si elle pensait l'impressionner en gonflant la poitrine et fronçant les sourcils. Au final il s'en moquait, de ce qu'elle pensait. Il n'y avait plus rien qui avait d'importance. Il voulait seulement que tout redevienne comme avant, retrouver Gouenji et jouer au football avec lui sans avoir le sort du monde sur ses épaules.

_ Ecoute, Kurimatsu est parti.

Endou haussa les épaules. Un de plus ou un de moins, ça ne changeait plus rien.

Natsumi soupira d'agacement et tira faiblement dans le ballon qui atteignit le jeune homme à l'épaule sans provoquer de réaction.

Excédée d'être ainsi ignorée, la jeune fille s'approcha d'un pas déterminé et tira Endou par la main pour le forcer à se redresser. Au moins réussit-elle à provoquer une réaction, mais pas celle à laquelle elle s'attendait.

Endou arracha violement sa main de la sienne avec une moue dégoutée.

_ Dégage ! Fous-moi la paix ! Ne me touche pas, tu n'as pas le droit ! Tu n'es pas Gouenji !

_ Endou-kun…

_ Va voir ailleurs si j'y suis et arrête de me tourner autour ! Fous le camp !

Natsumi recula, effarée de se faire aussi vivement repoussée. Elle tourna les talons et quitta le toit.

_oOo_

Kidou regarda Natsumi revenir bredouille du toit. Que s'était-elle imaginé ? Qu'elle pourrait remotiver Endou ?

Le jeune homme tourna la tête en entendant des pas venir vers l'équipe.

Hitomiko s'avança sur le terrain et balaya les neuf joueurs restants.

_ J'ai prit la décision d'exclure Endou-kun de l'équipe. Kidou-kun prendra sa place de capitaine.

Le stratège laissa passer la première vague de protestations avant de faire un pas en direction de l'entraineuse.

_ Je refuse. Si vous excluez Endou, je pars aussi. C'est en partie de votre faute s'il est dans cet état.

_ Je ne fais que ce qu'il faut pour remporter la victoire contre l'Aliea Gakuen.

_ Alors patientez encore un peu. Endou va revenir, je le sais tout aussi sûrement que je sais que Gouenji aussi reviendra.

Le jeune homme se retourna dans un claquement de cape et se dirigea à son tour vers le toit. Il n'avait pas l'intention de faire des leçons de morales à Endou, ni d'essayer de le pousser à revenir sur le terrain, juste de lui faire comprendre qu'il était là.

Il referma la porte derrière lui et observa le toit de Yokato, une immense dalle de béton encore détrempée, le soleil pâle se reflétant sur les flaques d'eau, et Endou tout au fond, appuyé contre le grillage, la tête basse et ses doigts caressant son bracelet rouge pour seul mouvement.

Kidou le rejoignit et s'assit à côté de lui sans prêter attention à l'eau accumulée à cet endroit.

_ Hitomiko m'a demandé de reprendre ta place de capitaine.

_ Prends-la si tu veux…

_ Au moins tu parles encore. Même si c'est pour dire des conneries. Tu es le capitaine de Raimon, et il n'en sera jamais autrement. Il n'y a que toi qui peut prétendre à ce poste, et je serais bien le dernier à pouvoir le faire.

_ Pourquoi ? Tu es un très bon joueur et un stratège génial. En plus tu as déjà été un capitaine, à Teikoku, et tu étais brillant.

Kidou tourna la tête vers son ami qui parlait sans le regarder, les yeux perdu dans le vague.

_ Je suis un très bon capitaine pour Teikoku, pas pour Raimon. Ces deux équipes sont trop différentes. C'est comme si tu demandais à un champion de VTT de devenir pilote de moto de course. Ça reste des engins à deux roues, mais la ressemblance s'arrête là.

_ Peut-être.

Endou soupira profondément et ramena ses genoux sous son menton, les entourant de ses bras.

Ils restèrent assit silencieusement pendant près d'une heure, écoutant Tachimukai pousser de grands cris pour se motiver face à son pneu. Il était bien le seul à ne pas avoir renoncé.

_ Il en veut, ce gardien de but. Il me fait un peu penser à toi… En le voyant, ça me rappelle lorsque nous essayions de t'aider à maitriser Majin the Hand, avec Gouenji.

_ Gouenji… il me manque…

La voix d'Endou se brisa, son chagrin le submergeant enfin. De grosses larmes roulèrent sur ses joues sans qu'il ne puisse les retenir. Il n'essaya même pas de le faire.

Kidou passa son bras autour de ses épaules et l'attira contre lui pour le réconforter.

_ Tu sais Endou, je suis certain que tu lui manques atrocement aussi. Et peu importe où il se trouve, c'est sûr qu'il est en train de s'entrainer au football, en attendant le jour où vous pourrez de nouveau jouer ensemble.

_ Le football… Je hais le football.

Le stratège laissa échapper un hoquet surprit. Cette phrase était bien la dernière qu'il s'attendait à entendre dans la bouche d'Endou. Il s'écarta et le regarda dans les yeux.

_ Tu ne peux pas dire ça… pas toi !

_ Et pourquoi pas ?! Le foot me prend tous ceux qui comptent pour moi ! Mes amis sont blessés, parfois tellement gravement qu'ils sont à l'hôpital ! Il a détruit leur motivation… Et il m'a prit Gouenji !

_ C'est grâce au football que tu as rencontré Gouenji ! Et moi aussi, et tous les autres ! Endou… je te comprends. Moi aussi j'en suis venu à haïr le foot lorsque Teikoku a perdu contre Zeus… et Gouenji et toi êtes venus me chercher. Vous m'avez tendu vos mains sans la moindre hésitation alors que j'étais en train de couler, et rien que pour ça, je ne vous abandonnerais jamais.

Endou observa son ami et essuya ses yeux.

_ Dis-moi Endou, que dirais-tu d'échanger quelques passes avec moi ? Pas besoin de descendre, on peut rester ici.

Le capitaine regarda le ballon que Natsumi avait ramené plus tôt et abandonné derrière elle, puis le sourire tranquille de son meilleur ami.

Il se redressa et poussa le ballon du pied. Malgré ce qu'il avait affirmé, il aimait toujours le foot. Kidou avait raison, même si ce sport lui prenait beaucoup ces derniers temps, il lui avait aussi donné le plus important. Quelqu'un à aimer plus que tout ; et un ami spécial qui répondait toujours présent.

Il se rappela de ce que lui avait dit le principal et sourit en observant Kidou rattraper son ballon et le lui renvoyer.

Il le réceptionna avant de le lui renvoyer.

Ils échangèrent ainsi plusieurs passes avant qu'Endou ne plonge pour rattraper un tir plus puissant que les autres, s'étalant de tout son long dans une flaque d'eau.

_ Kidou, tu te rappelles le jour où on s'est rencontré ?

_ Quand j'ai faillit te tuer pour débusquer Gouenji ? Bien sûr, je n'ai pas la mémoire aussi courte.

_ Quand j'ai arrêté tes tirs, je me suis dit que ce serait chouette de pouvoir jouer avec toi. Je ne m'étais pas trompé ! Et je suis bien content qu'on soit ami aujourd'hui ! Le principal de Yokato avait raison, l'autre jour, avoir un ami spécial c'est important ! C'est vrai que j'ai tout de suite pensé à Gouenji, parce qu'il est spécial pour moi, mais bien plus qu'un ami.

_ Ce n'est pas comparable.

Endou hocha la tête et afficha un large sourire qui semblait avoir retrouvé tout son éclat.

_ Merci d'être venu me chercher, Kidou ! Tu es vraiment mon meilleur ami, un ami spécial qui est toujours là, quoi qu'il arrive !

La stratège plissa les yeux derrière ses lunettes et sourit, enfonçant ses mains dans les poches de son short bleu.

_ Que veux-tu que je te dise ? J'ai la sale manie de vouloir toujours protéger ma famille. Et toi Endou, tu es mon frère, alors crois-moi, je ne te laisserais pas tomber. Et le stratège en moi n'aime pas te voir déprimer, c'est mauvais pour le moral de l'équipe

Endou se mit à rire joyeusement, amusé par la dernière remarque de son ami qui avait décidément toujours autant de mal à admettre être inquiet. Il lui renvoya le ballon et se mit en position pour arrêter son tir.

Le ballon siffla et il plongea dans une grande gerbe d'eau, visiblement ravi.

_ Encore une fois, Kidou ! Quand Gouenji reviendra, il est hors de question que je laisse passer le moindre de ses tirs !

Kidou secoua la tête avec un sourire désabusé.

_ Qu'est-ce que je disais… un mordu de football, et le pire de tous !

Il tira de toutes ses forces.

_oOo_

Le soleil se couchait lorsque les cris victorieux de Tachimukai attirèrent l'attention des deux amis toujours sur le toit du collège Yokato. Ils étaient épuisés d'avoir échangés des tirs durant des heures, mais leur motivation était intacte. Ils s'approchèrent du grillage et regardèrent Tachimukai sauter sur place dans son but. Ichinose était en face de lui, avec une dizaine de ballons. Il tira avec Spinning Shoot et Tachimukai se retourna. Un colosse bleu tout en muscles apparut alors au-dessus de lui en poussant un rugissement terrible.

_ Majin the Hand !

Le tir d'Ichinose, pourtant très fort, fut stoppé net.

_ Ah, eh bien on dirait qu'il a finit par la maitriser, cette technique.

_ Il a fait plus vite que moi… Il a beaucoup de talents ! C'est super !

_ A ta décharge, il n'avait qu'à copier tes mouvements, une partie de l'énigme était déjà résolue. Nous sommes partis de zéro, la première fois.

Endou observa son ami avant de rire franchement.

_ Admet-le, ça t'agace qu'il est comprit plus vite que toi le fonctionnement de Majin the Hand !

Kidou se contenta de hausser les épaules, refusant d'admettre que son ami avait raison.

Ils quittèrent le toit pour rejoindre Tachimukai. Son sourire allait d'une oreille à l'autre.

_ Endou-san ! Tu as vu ça ?! J'ai réussi ! J'ai finit par maitriser Majin the Hand !

_ Oui, c'était génial ! Tu la maitrises complètement !

Tachimukai sourit avec fierté avant de rougir et de tordre nerveusement ses mains comme une groupie face à la pop-star tant admirée.

_ Endou-san… euh… Je voulais maitriser Majin the Hand avant de te poser une question… Est-ce que je peux rejoindre votre équipe ?

_ Rejoindre Raimon ?

_ Oh, pas comme gardien, c'est ton poste, mais je suis aussi un milieu de terrain… Je veux vous aider contre l'Aliea Gakuen.

Kidou croisa les bras et scruta avec attention le jeune homme châtain. A côté de lui, Ichinose faisait de même.

_ Même après avoir vu la force de Genesis ?

_ Oui ! Je veux me battre avec vous !

Endou sourit et échangea un regard avec son meilleur ami et Ichinose avant d'incliner la tête.

_ Tachimukai, est-ce que tu aimes le foot ?

_ Oui !

_ Alors bienvenu dans l'équipe !

Tachimukai s'accrocha à deux mains à celle que lui présentait Endou et la secoua frénétiquement, fou de joie.

_oOo_

Lorsqu'Endou pénétra dans l'Inazuma Caravane, il fut accueillit par les cris enthousiastes de ses coéquipiers.

_ Désolé de vous avoir inquiété ! Mais c'est terminé, dès demain, l'entrainement reprend !

Hitomiko observa l'équipe acquiescer à grands cris.

_ Je vous l'avez dit, il s'est relevé et est revenu.

_ Oui...

Kidou rejoignit son ami en pleine discussion avec Kabeyama et Megane.

Hitomiko soupira discrètement. Si Hibiki apprenait ce qu'il s'était passé avec Endou, elle en aurait pour son grade. Il lui avait confié son équipe en lui faisant comprendre qu'elle devait prendre soin des joueurs, et le si joyeux capitaine s'était effondré.

La jeune femme soupira à nouveau.

_oOo_

? ? ? …

Au bord d'une plage, un jeune homme torse-nu à la peau burinée par le soleil passa sa main dans son épaisse tignasse rose en bataille, une planche de surf sous le bras.

La mer face à lui était déchainée, un tourbillon rugissant en tournoyant follement créait des vagues énormes.

_ Tu es sûr que tu veux aller surfer avec ça dans l'eau, mon garçon ?

_ Pourquoi pas ? Ce n'est pas grand-chose !

_ Il parait que ces tourbillons sont provoqués par l'attaquant de feu…

_ Ma voisine dit la même chose.

Le garçon aux cheveux roses ignora les murmures inquiets et tapota sa planche avec enthousiasme.

_ Comparé à l'immensité de l'océan, ce tourbillon n'est vraiment rien !