Chapitre 47 : Sombre accueil
Le lendemain, Inazuma Caravane…
Furukabu laissa échapper un juron en se garant sur le bord de la route alors qu'une épaisse fumée noire s'échappait du capot du véhicule.
Il ne lui fallut que quelques secondes pour identifier la panne, ce qui lui arracha un nouveau juron.
Hibiki le rejoignit en se grattant l'arrière de la tête.
_ Ce n'est pas bon signe, cette fumée.
_ Non. Je vais en avoir pour au moins deux heures à réparer tout ça ! Cela dit, je ne suis pas très étonné. On a beaucoup demandé à cette vieille guimbarde, ces derniers temps.
_ Oui.
Les joueurs de l'équipe descendirent, poussés par la curiosité.
En apprenant l'arrêt forcé, Endou s'empressa d'aller chercher un ballon de football et sourit largement.
_ On a qu'à s'entrainer en attendant ! Il y a une prairie juste là !
Gouenji ne se fit pas prier pour lui emboiter le pas, rapidement imité par Kidou, puis par Touko, et enfin le reste de l'équipe.
_oOo_
Natsumi profita qu'Endou s'éloignait du groupe afin de récupérer une boisson dans la glacière pour le rejoindre.
_ Endou-kun, je voudrais te féliciter pour ta victoire. Le nom de notre glorieux collège ne sera pas entaché par la honte.
_ Bah… J'ai pas tout fait tout seul ! Gouenji et les autres étaient là, heureusement ! Parce que sans eux, je n'aurais réussi à rien.
Natsumi balaya son argument d'un geste de la main. Ce n'était pas de l'équipe qu'elle voulait vanter les mérites, mais d'Endou seul. C'était de lui qu'elle voulait obtenir l'attention, et elle ne renoncerait pas. Un jour, Endou serait à elle.
_ Je voudrais te féliciter et…
Elle posa sa main sur le bras d'Endou qui recula précipitamment, comme piqué par une guêpe. Il l'observa avec suspicion.
_ Désolé. Je vais… euh… retourner m'entrainer.
Il s'éloigna en courant, retrouvant avec soulagement ses coéquipiers.
Gouenji le regarda en plissant les yeux, avant de jeter un regard mauvais en direction de Natsumi.
_ Ça va, Endou ?
Le jeune homme brun retrouva instantanément le sourire lorsqu'il posa sa main sur son bras. Cette fois, le contact ne lui paraissait pas intolérable, contrairement à celui de Natsumi. C'était même tout le contraire.
_ Maintenant, oui ! Aller, il faut qu'on s'entraine !
_oOo_
Ichinose sursauta lorsqu'une gourde apparut dans son champ de vision.
_ Aki !
La jeune fille lui sourit doucement. Outre la gourde, elle tenait aussi une trousse à pharmacie et désigna le genou légèrement blessé du jeune homme.
_ Je t'ai vu tomber, tout à l'heure… Tu n'as pas trop mal ?
_ Non, ça va ! Je suis plus solide que j'en ai l'air !
Aki se mordit la lèvre et Ichinose sourit avant de se laisser tomber dans l'herbe en étendant sa jambe blessée.
_ Mais je veux bien un pansement. Si c'est toi qui me le met !
Aki rougit mais entreprit immédiatement de soigner la blessure superficielle de son ami. Elle croisa son regard et rougit encore plus, sans pour autant pouvoir s'empêcher de sourire.
Domon les regarda de loin avec un sourire bienveillant.
_oOo_
Les collégiens remontèrent dans l'Inazuma Caravane dès que Furukabu et Hibiki, couverts de tâches noires et graisseuses, eurent terminé de réparer le véhicule. Le convoi reprit immédiatement la route dans une joyeuse agitation.
Il n'y avait que Natsumi pour rester boudeuse dans son coin, agacée par la réaction qu'avait eut Endou.
_oOo_
Quelques jours plus tard, ville d'Inazuma, collège Raimon…
Endou fut le premier à descendre de l'Inazuma Caravane et observa son collège avec un sourire.
Les derniers travaux s'étaient achevés depuis sa dernière visite, même si les élèves ne semblaient pas encore avoir eut le droit de revenir.
_ C'est trop calme.
Kidou s'avança, les sourcils froncés. Le silence régnant sur les lieux lui paraissait étrange.
Un homme sorti alors du bâtiment principal et marcha vers la jeune équipe. Il portait un costume gris très sobre qui lui donnait l'allure d'un professeur.
_ Nous ne vous attendions pas si tôt ! Nous étions justement en train de vous organiser une petite fête pour votre retour, mais rien n'est encore prêt… Mais qu'importe ! Les trois manageuses, venez avec moi, le directeur Raimon voudrait justement vous parler de cette fête.
Natsumi, Aki et Otonashi emboitèrent le pas à l'homme et s'éloignèrent rapidement, laissant en plan le reste de l'équipe.
Gouenji croisa les bras.
_ C'est bizarre, je ne me rappelais pas qu'il y avait un prof comme ça…
_ Bah, ça ne fait rien, Gouenji ! En attendant, on pourrait aller voir les gars à l'hôpital, non ? Il faut leur raconter tout ce qu'on a fait !
Les autres opinèrent sans attendre et le petit groupe se mit en route, laissant Hibiki et Furukabu s'occuper de garer l'Inazuma Caravane.
_oOo_
Hôpital de la ville…
Gouenji laissa échapper une exclamation surprise lorsqu'ils entrèrent dans le hall de l'hôpital. Il reconnu immédiatement le médecin à la peau hâlée et aux cheveux poivre et sel tenant une fillette aux cheveux tressés par la main pour l'aider à marcher.
La petite fille se retourna et un immense sourire éclaira son visage.
_ Grand frère ! Papa ! Grand frère est rentré !
_ Yuuka !
Elle lâcha la main du médecin qui était également son père et se précipita vers Gouenji. Il se baissa et la rattrapa dans ses bras, heureux de retrouver sa petite sœur saine et sauve.
Leur père s'approcha, les mains enfoncées dans les poches de sa blouse blanche. Son visage était toujours aussi sévère et Gouenji peinait à reconnaitre en lui l'homme qui avait fondu en larme lorsque Yuuka était sortie de son coma.
_ C'est bon ? Tu as finit de dédaigner tes études pour courir bêtement après une balle à travers tout le pays ?
_ Nous avons arrêté l'Aliea Gakuen, oui.
Ils se toisèrent froidement avant que le père de Gouenji ne soupire profondément.
_ Si vous êtes venus jusqu'ici pour voir vos amis hospitalisés, vous arrivez trop tard. Ils sont sortis il y a quelques jours. Comme toi Shuuya, ils semblent considérer que le football passe avant tout.
Gouenji resta de marbre.
Son père rappela alors Yuuka pour la ramener dans sa chambre.
Endou attendit qu'ils se soient éloignés pour s'approcher de Gouenji et serrer sa main dans la sienne pour le réconforter.
_ Ton père est au courant de tout ce que tu as fait pour Yuuka-chan ?
_ Qu'est-ce que ça aurait changé qu'il sache ?
_ Ce n'est pas juste… Tu as souffert tout seul pendant longtemps, et en plus il te fait des reproches.
Le jeune homme blond sourit doucement et resserra doucement ses doigts autour de la main d'Endou.
_ Ne t'inquiète pas… on devrait plutôt chercher les autres.
_ Si ça tombe, ils sont à Raimon pour préparer la fête dont parlait le professeur de tout à l'heure !
L'équipe fit donc demi-tour.
_oOo_
Collège Raimon…
Tout était encore plus silencieux que lors de leur première visite.
Instinctivement, Gouenji rapprocha Endou de lui.
Une étrange brume recouvrait le terrain et de vagues silhouettes semblaient se mouvoir entre les volutes.
Kidou plissa les yeux derrière ses lunettes et scruta les nappes de brouillard avec attention.
_ C'est de la neige carbonique, de la simple esbroufe. Comme le faisait l'Aliea Gakuen.
_ Mais, ils sont…
_ Je sais, mais quand leur QG c'est effondré, Kira a prononcé le nom d'un certain Kenzaki, et il n'avait pas l'air content. On ouvre les paris ? Ce Kenzaki a tout fait exploser avant de s'enfuir pour terminer ces plans. Et il y a tout à parier que cela l'a amené ici.
Gouenji se tourna vers son ami et hocha la tête.
Les silhouettes se précisèrent. Onze individus vêtus de longues capes encerclaient trois autres, plus frêles. Une dernière, grande et squelettique observait le groupe, un peu à l'écart.
_ Haruna !
Kidou voulut se précipiter à la seconde où il reconnu sa sœur parmi les trois silhouettes encerclées. Endou et Gouenji le retinrent.
_ Attend, ça sent le piège à plein nez.
Le jeune homme à la cape se força à rester calme et regarda le brouillard se dissiper totalement. Les individus encapuchonnés de noirs étaient clairement menaçants, retenant en otage les trois manageuses de l'équipe : Otonashi, Aki et Natsumi.
L'homme un peu à l'écart s'avança avec un sourire rendant plus sinistre encore son visage émacié.
_ Kenzaki.
_ Vous êtes juste à l'heure pour la petite fête que nous avons organisée en votre honneur ! Je vous dois tant, voyez-vous ! Grace à vous, j'ai put me débarrasser de ce gêneur de Kira ! Et pour vous remercier, j'ai préparé cette petite fête et une surprise… Messieurs, il est temps !
L'une des silhouettes s'avança et rejeta sa capuche, révélant une cascade de cheveux bleus.
Endou recula vivement, et le même sursaut parcourut son équipe.
_ Ka… Kazemaru ?!
_oOo_
Hôpital de la ville…
Miyasaka fronça les sourcils en voyant un épais nuage sombre recouvrir un coin bien particulier de la ville. Et il savait ce qu'il y avait en dessous.
_ Le collège Raimon… Kazemaru !
Il rejeta sa couverture et regarda sa jambe amputée en fronçant ses sourcils blonds. Il serra les poings et releva les yeux vers le fauteuil roulant rangé contre le mur opposé.
Le jeune homme s'inquiétait. Kazemaru était étrange, ces derniers temps, et le fait qu'il ne soit pas avec lui alors que ce nuage s'étendait sur le collège n'était pas pour le rassurer. Il avait la certitude que Kazemaru s'y trouvait.
Miyasaka roula sur lui-même pour s'asseoir sur le bord du lit et posa son pied nu sur le sol froid.
_ Aller, du nerf mon vieux ! Si tu ne fais rien, Kazemaru risque d'avoir des ennuis… Bon sang, encore cette douleur…
Il serra sa cuisse blessée en grinçant des dents. Sa jambe n'était plus là, mais elle lui faisait pourtant mal. Son infirmière lui avait dit que c'était normal, des douleurs fantômes comme elle les avait désignées.
Ça ne suffirait pas à l'arrêter.
Il sautilla sur sa jambe valide en s'appuyant sur son lit pour rejoindre le fauteuil roulant et s'y laisser tomber, épuisé par ce simple effort.
Il n'avait pas le temps de se reposer.
Regrettant d'avoir dédaigné sa rééducation, il commença à faire rouler son fauteuil.
_ Kazemaru Ichirouta… si tu fais une connerie… tu auras… affaire à moi !
_oOo_
Collège Raimon…
Kazemaru s'avança vers Endou avec une lueur inquiétante dans les yeux.
_ Endou, cela faisait longtemps.
_ Kazemaru, qu'est-ce que ça signifie ? Et pourquoi vous retenez les filles ?
_ Nous voulions assurer nos arrières et avoir une raison de vous obliger à vous battre contre nous.
Le jeune homme aux longs cheveux blonds leva la main et ses coéquipiers firent tomber leurs capuchons dans un bel ensemble.
Endou laissa échapper un hoquet en reconnaissant chacun des visages.
_ Someoka… Max, Handa, Shishido… Shourin… Kurimatsu, Kageno…
Il reconnaissait ses coéquipiers, mais leurs visages étaient différents, plus sombres, plus dangereux. Avec eux se trouvaient trois autres joueurs qui n'étaient pas de Raimon à l'origine.
Sugimori, le capitaine et gardien de but de Mikage Sennou.
Nishigaki, un ami d'enfance de Domon, Ichinose et Aki jouant à Kidokawa Seishuu.
Le dernier lui était inconnu.
Kazemaru se mit à rire d'un air sinistre.
_ Nous sommes bien plus fort qu'avant, Endou. Chacun de nous s'est relevé de ses blessures grâce à Kenzaki. Nishigaki a été blessé lors de l'attaque de son collège ; quant à Sugimori, il est lui aussi est victime de l'Aliea Gakuen. Et Yamino Kageto, allias Shadow, a été transféré à Raimon pour jouer au football, mais notre club en morceau était déjà sur les routes… le pauvre s'est retrouvé laissé en arrière sans personne pour se soucier de son sort. Kenzaki nous a trouvé et nous a offert le pouvoir que nous n'avions pas. Un pouvoir encore plus grand que la Kami no Aqua !
_ Kazemaru… ce n'est pas…
_ Pas bien ? Pas moral ? Je m'en fiche pas mal ! Tu veux que je te dise ce qui n'est pas bien, pas moral ? Miyasaka ! Il a perdu sa jambe, Endou. Tu trouves ça bien, toi ? Moi pas ! Avec ce pouvoir, je pourrais le protéger. Et en te battant, je serais le plus fort, je serais digne de le protéger…
_ Ce n'est pas possible…
Endou secoua la tête, incapable de détacher ses yeux de ses camarades. Il n'arrivait pas à comprendre ce qu'il se passait.
Fubuki s'avança sans pour autant trop s'approcher des jeunes hommes en capes.
_ Someoka… toi aussi tu veux te battre ? Tu as pourtant promis qu'on jouerait ensemble à nouveau…
_ Qu'on ne ferait qu'un avec le vent, c'est ça ? Je n'ai pas le souvenir de t'avoir promit quoi que ce soit, à toi !
Fubuki accusa le coup. Effectivement, c'était à Atsuya que Someoka avait dit ces mots, et il semblerait qu'il le sache.
Kenzaki émit un rire sombre et s'avança en écartant les bras.
_ Pauvre Endou, je vois bien que tu ne comprends pas… Comment le pourrais-tu ? Tu n'as pas connu l'amertume de la défaite totale, de l'anéantissement de tous tes rêves… Cette désillusion cruelle, chacun de mes joueurs la connait. Grâce aux recherches que j'ai menées sur la Shin Teikoku Gakuen, j'ai put perfectionner l'utilisation de la Pierre Aliea et exploiter son potentiel au maximum. Je te présente les Dark Emperors, l'équipe ultime de l'Aliea Gakuen !
Endou serra les dents. Il sentit Gouenji poser sa main sur son bras pour le retenir d'avancer vers Kenzaki.
_ Raimon Eleven, vous allez jouer contre mes Dark Emperors, si vous refusez… Alors je détruirais bien plus que de simples bâtiments. Kira voyait si petit… Si vous renoncez à vous battre, si vous échouez à nous battre, alors je lâcherais les Dark Emperors sur le monde. Et je commencerais par vos précieuses manageuses.
Endou se tourna vers ses coéquipiers, une expression déterminée sur le visage. Kidou inclina la tête sans un mot, les yeux braqué sur Otonashi. Personne ne touchait à sa sœur sans en subir les conséquences.
Gouenji serra le bras de son capitaine avec conviction.
Les autres hochèrent la tête avec la même gravitée dans le regard.
Endou se retourna et s'avança vers Kazemaru, devant lequel il s'arrêta.
_ Nous acceptons ton défi, Kazemaru. Et nous allons vous prouver que vous vous trompez. Ce n'est pas en trichant que tu protègeras Miyasaka.
L'ancien athlète se contenta de rire, refusant de serrer la main que son ami lui tendait.
Les premières gouttes de pluies s'écrasèrent sur le terrain
_oOo_
Partout à travers le pays, les écrans de télévisions, d'ordinateurs, de tablettes et de téléphones affichèrent la même scène.
Le collège Raimon plongé dans une brume sombre tout sauf naturelle, son terrain de foot rendu boueux par la pluie battante, deux équipes s'affrontant sans pitié dessus.
Les passants s'arrêtèrent devant les écrans géants de la rue, les vitrines de magasins spécialisés, posaient leurs yeux sur leurs téléphones, le même nom sur toutes les lèvres.
Un homme revendiquant son appartenance à l'Aliea Gakuen riait, annonçant un match dantesque entre l'équipe symbolisant l'apogée de la force de l'Aliea Gakuen contre les Raimon Eleven.
Le sort du monde ce jouait dans cet ultime match, et chacun en avait conscience.
La bataille finale venait de commencer.
