Et voilà le dernier chapitre !
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Il était presque minuit quand Massimo poussa Alberto dans sa minuscule salle de bain avec l'ordre de ne pas en sortir avant d'avoir pris une douche chaude d'au moins vingt minutes. Il profita de ce temps pour rappeler Luca malgré l'heure tardive, car il devinait sans mal que le garçon ne devait pas dormir. Et en effet, il décrocha dès la première sonnerie, comme s'il avait passé ces deux dernières heures planté à côté du téléphone.
Une fois l'adolescent rassuré, Massimo patienta en écoutant les bruits autour de lui. Le tic-tac régulier de l'horloge qui lui avait mis les nerfs en pelote toute la journée lui paraissait rassurant à présent qu'il s'ajoutait aux bruits d'eau que faisait Alberto, bien en sécurité à la maison. Machiavelli profita du calme pour s'installer sur les genoux de son maître. Ce chat ne ronronnait jamais, mais sa présence participait tout de même à la sérénité de l'instant.
Après avoir mis de l'ordre dans la pagaille de ses émotions, Massimo réfléchit à ce qu'il allait dire. Il y avait clairement des choses qui lui échappaient et qu'il devait savoir s'il voulait qu'Alberto se sente chez lui sous son toit. Mais il devait prendre garde à sa manière de faire, car l'adolescent, déjà réservé d'ordinaire en ce qui concernait ses émotions, allait être encore plus fragile ce soir.
Lorsque Alberto sortit de la salle de bain, la peau encore parsemée d'écailles là où il ne s'était pas séché correctement, il ne tremblait plus et semblait plus solide sur ses appuis. Son regard continuait cependant d'être fuyant. Son visage trahissait toujours une certaine appréhension lorsqu'il s'effondra plus qu'il ne s'assit sur le banc qui faisait office de canapé.
Le silence s'éternisa entre eux alors que Massimo cherchait ses mots. Mais plus le temps passait plus Alberto se ratatinait sur lui-même, aussi décida-t-il que dire quelque chose, même imparfait, valait mieux que laisser l'adolescent se perdre dans les sombres scenarii qu'il semblait imaginer.
« Je suis désolé d'avoir crié, déclara-t-il en regrettant cette distance qu'Alberto avait mise entre eux en choisissant de s'asseoir à la fenêtre plutôt qu'à table, à côté de lui. Tu n'as rien fait qui mérite que je m'énerve comme je l'ai fait. Mi dispiace.
- C'est pas toi, Massimo, c'est moi. J'étais trop excité, c'est tout. C'est ma faute.
- Non, Alberto. C'est vrai que j'étais fatigué, mais ça ne justifie pas que je m'énerve contre toi, et pour ça je suis désolé. »
L'adolescent pinça les lèvres, comme s'il voulait encore refuser ces excuses, mais resta silencieux. Il était important pour Massimo qu'il comprenne que sa bonne humeur ne pouvait jamais – ne devait jamais – être une excuse pour qu'on s'énerve contre lui. Il connaissait les dégâts que quelques mots maladroits pouvaient avoir sur l'estime de soi d'un enfant. Il avait fallu des semaines pour que Giulia retrouve son caractère explosif après qu'Alba ait tenté de lui expliquer que c'était peut-être la raison pour laquelle elle avait tant de mal à se faire des amis. Lorsque sa fille avait dit « Maman pense que parfois je suis... trop. », Massimo avait passé le savon de sa vie à son ex-femme qui s'était empressée de s'excuser auprès d'elle. Malgré tout, rien de ce qu'ils avaient pu dire n'avait rassuré Giulia. Elle n'était vraiment redevenue elle-même qu'après sa rencontre avec Luca et Alberto.
« Je suis toujours heureux de te voir de bonne humeur, insista-t-il. Et même si je peux m'énerver parfois, ce n'est jamais, jamais, à cause de toi. C'est toujours un problème personnel, capisci ? »
Alberto ramena ses genoux contre sa poitrine sans lever les yeux. La question resta sans réponse.
« Par contre, j'aimerais savoir pourquoi tu t'es enfui. Et pourquoi tu croyais que je ne voulais pas que tu rentres. Tu peux m'expliquer ? »
L'adolescent tourna la tête vers la fenêtre en silence. Massimo pouvait voir le reflet de sa tristesse dans la vitre.
« T'as jamais crié, murmura-t-il après quelques minutes, alors que l'adulte commençait à croire qu'il ne dirait rien. Et quand tu t'es énervé, j'ai cru que... J'ai eu peur.
- Peur de quoi, ragazzo ?
- J'ai cru que tu allais me frapper. »
La main de Massimo serra un peu trop fort la fourrure de Machiavelli qui feula et quitta ses genoux. Ce que disait Alberto lui était abominable, car il savait parfaitement ce que cela voulait dire. Un enfant qui n'a jamais été frappé ne redoute pas de l'être. Il comprenait à présent l'appréhension de Luca.
« Je ne ferais jamais une chose pareille, promit-il avec toute la conviction qu'il pouvait insuffler dans sa voix, désespéré qu'il était d'être bien clair sur ce point. Berto... Jamais.
- Scusame...
- Ne t'excuse pas. C'est moi qui suis désolé de...
- Non. Scusame, Massimo, mais je ne te crois pas. »
Alberto ne le regardait toujours pas. Son front était posé contre la fenêtre, ses yeux fermés. Il se tenait lui-même, comme plus tôt au sommet de la tour, comme s'il était seul malgré le toit au-dessus de sa tête et la présence de Massimo dans la pièce.
« Pourquoi ? Demanda l'homme qui assistait à un combat de titans entre sa raison qui lui ordonnait de ne pas bouger et son cœur qui lui hurlait de serrer cet enfant contre lui tout de suite.
- Mon père disait la même chose... et ça ne l'empêchait pas de le faire. »
Et voilà. Ils arrivaient enfin au vrai sujet de cette conversation. À la vraie raison de toutes les insécurités d'Alberto, à la vraie question que se posait Massimo. Une nouvelle vague de colère lui retourna l'estomac.
« Il est où, ton père ? »
L'adolescent fronça les sourcils.
« Je sais pas. Je m'en fiche. Il est parti y'a longtemps.
- Et ta mère ? »
D'un haussement d'épaules, Alberto fit comprendre que cette question n'avait pas non plus de réponse satisfaisante. Combien de coups allait encore pouvoir supporter le cœur de Massimo avant que le besoin de tenir cet enfant contre lui soit trop fort ?
« D'accord, ça explique pourquoi tu es parti. Mais ça ne me dit pas pourquoi tu n'es pas rentré. »
Enfin le garçon tourna la tête vers lui. Il ne semblait pas comprendre la question si l'égarement sur ses traits était un quelconque indice.
« Tu étais en colère ! S'exclama-t-il, perdu. Tu me laisses vivre avec toi alors que tu n'es pas obligé, tu ne me demandes rien, et moi je gâche tout ! Je t'énerve et je casse tes assiettes. Pourquoi tu voudrais que je revienne ? »
Si Alberto avait pu entendre toutes les insultes qui défilaient en ce moment dans l'esprit de Massimo, sans doute aurait-il été encore plus terrifié que la veille. Comment pouvait-on mettre des idées pareilles dans l'esprit de cet enfant fabuleux et supporter de se regarder dans un miroir ? Si son père se risquait un jour à remettre les pieds à Porto Rosso, il lui faudrait affronter Massimo avant d'espérer pouvoir ne serait-ce que jeter un coup d'œil à son fils. Et quiconque voyait Massimo ne pouvait que redouter d'avoir à se battre avec lui.
Il céda enfin aux injonctions de son cœur et quitta sa chaise pour aller s'agenouiller à côté d'Alberto.
« Tu as le droit de ne pas me croire lorsque je te jure de ne jamais te frapper. Tu n'as aucune raison de le faire après tout. C'est pas grave, je te le prouverais avec le temps. Et si tu as peur, tu peux partir. Mais tu dois me promettre de toujours revenir à la maison après, même si tu penses que je t'en veux. Parce que je ne t'en voudrais jamais suffisamment pour te retirer ton toit. Capisci ? Tu me promets ? »
L'adolescent pivota sur le banc pour lui faire face. Il restait des traces d'hésitation dans ses yeux, mais Massimo pouvait aussi y lire un énorme soulagement.
« Te lo prometto, souffla-t-il après un instant.
- D'ailleurs, je ne te laisse pas juste « vivre avec » moi. Berto, je veux que tu vives avec moi. Si tu le permets, j'aimerais que tu considères cette maison comme la tienne, et tout ce qui m'appartient comme à toi par défaut également. Je ne veux pas remplacer ton vrai père si ce n'est pas ce que tu souhaites, mais je voudrais remplir le rôle qu'il ne remplit pas. Qu'est-ce que tu en dis ? »
Alberto ouvrit et ferma la bouche une ou deux fois, comme s'il ne trouvait pas sa voix, les yeux écarquillés. Puis il hocha la tête en tremblant avant de jeter ses bras autour du cou de Massimo. Si ses épaules étaient de nouveau secouées de sanglots silencieux, ce dernier n'en dit rien. Il se contenta de lui rendre son étreinte, trop heureux de s'être trouvé un fils.
Il y avait encore plein de choses qu'il ignorait sans doute. Plein de choses qu'il découvrirait plus tard, parce qu'Alberto n'était pas du genre à partager ce qui lui faisait mal. C'était le penchant négatif de son altruisme. Mais ces choses pouvaient attendre. Un jour, l'adolescent se sentirait suffisamment en sécurité avec Massimo pour partager toutes ses peines avec lui. Ou avec un autre, peu importe, du moment qu'il parlait à quelqu'un.
En attendant, Massimo mettrait tout en œuvre pour montrer à son fils qu'il n'était pas sorti du même moule que son père biologique et que jamais il ne lèverait la main sur lui. Qu'il était digne de confiance et qu'avec lui, toutes ses qualités merveilleuses étaient reconnues, encouragées et louées. Si c'était un défi pour lui que de s'assurer qu'à défaut de l'enfance, Alberto aurait l'adolescence qu'il aurait dû avoir dans un monde parfais, il était plus que prêt à le relever.
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Voilà voilà ! J'espère que ça vous a plu ! Je suis très contente d'avoir réussit à écrire une fic sur ce film qu'ai beaucoup TROP aimé ^^
Biz à tous !
Saluz
