- Astoria ! J'ai vraiment besoin de toi ! s'exclame Eris en se laissant tomber sur le fauteuil à côté de moi.
Nous sommes dans la salle commune, installées bien au chaud devant le feu brûlant de la grande cheminée. La plupart des élèves sont sortis, les élèves de cinquième et sixième années se trouvant pour la plupart à la bibliothèque pour réviser leurs examens tandis que les autres élèves se sont rués sur la belle couche de neige blanche qui s'est déposée doucement dans la nuit.
J'ai passé la journée d'hier dehors, à me balader dans le parc de Poudlard pour savourer cet air si pur. Malheureusement, je crois que j'ai attrapé un mauvais rhume car j'ai un affreux mal de tête couplé avec un mal de gorge. La neige n'est donc pas pour moi aujourd'hui.
- Oui Eris ? Demandais-je d'un ton rêveur.
- Je n'ai absolument pas compris le sujet du devoir que nous devons rendre au Professeur Sinistra ! Est-ce que tu pourrais… Astoria !
- Oui ? Sursautais-je.
- Tu ne m'écoutes pas, gronde mon amie, un faux air sévère sur le visage.
- Je suis désolée Eris mais j'ai reçu une lettre de ma mère, répondis-je en regardant le papier froissé dans ma main.
- Oh ! Est-ce que c'est une mauvaise nouvelle ? Me demande-t-elle, un air inquiet sur son visage.
- Absolument pas, répondis-je en souriant. Je vais avoir un petit frère !
Il faut quelques secondes à Eris pour enregistrer l'information que je lui donne. Puis, une fois que cette dernière a fait son chemin, le visage de mon amie s'illumine entièrement.
- C'est incroyable Astoria ! s'écrie-t-elle en battant des mains. Je suis tellement heureuse pour toi ! Et j'imagine que ton père doit être très heureux également !
- Oh oui ! Il a toujours rêvé d'avoir un fils !
Je me perds de nouveau dans la contemplation du feu. Cette nouvelle me réjouit énormément. Je sais que Père a toujours regretté de ne pas avoir de fils et de ne pas pouvoir partager des moments intimes d'homme à garçon. Bien que je partage de nombreuses choses avec mon père, notamment le goût de la lecture et de la musique, ma condition de femme Sang-Pur l'a empêché de réellement m'enseigner toutes ses connaissances.
- Bien, dis-je en sortant de ma rêverie. Montre moi où tu butes sur le devoir !
Mais Eris n'a pas le temps de me répondre. Un petit groupe très bruyant vient de rentrer dans la salle commune, empêchant toute discussion normale.
J'observe Malefoy au centre du groupe, accompagné à sa droite de Théodore, le frère de Maia et à sa gauche, de son fidèle acolyte Blaise Zabini. Nous n'avons pas reparlé depuis l'altercation devant les cachots mais il m'a sourit à plusieurs reprises lorsque nous nous croisions et nous avons échangé quelques banalités au détour d'un couloir.
Comme habituellement, Daphné, Pansy et une fille qui s'appelle Millicent tournent autour des garçons et, plus particulièrement Malefoy. Elles me font penser à une nuée de mouches autour d'un cadavre sanguinolent d'animal. Enfin, pour couronner le tout, le petit groupe est entouré des deux fidèles "gardes du corps" du blond, je veux citer par là Crabbe et Goyle.
Après un dernier regard, je me tourne vers Eris pour reprendre notre conversation. Malheureusement pour nous, le destin semble s'acharner sur nos deux pauvres petites personnes.
- Tiens tiens, les deux cloportes, s'exclame une voix suraiguë.
Je lève les yeux au ciel face au comportement enfantin de Pansy.
- Qu'est-ce que tu veux Pansy, souffle Eris blasée.
- C'est la place de Drago donc bougez, crache cette dernière.
Je me lève doucement, me retourne, regarde le fauteuil dans lequel je suis assise et me rassois dessus :
- Désolée Pansy, mais j'ai beau avoir regardé partout, je n'ai pas vu le nom de Malefoy dessus, répondis-je d'un ton neutre.
Je vois le visage de la troisième année se crisper de rage. Derrière, Zabini et Malefoy observent la scène sans mot dire. Blaise a toujours ce petit sourire amusé sur les lèvres tandis que Malefoy me regarde intensément. Théodore a préféré s'installer sur un fauteuil plus loin et a déjà ouvert un livre dans lequel il est plongé. Visiblement, il n'a que faire de ce qui se passe.
- Astoria, cesse tes enfantillages tu veux, intervient ma sœur d'une voix glaciale. Cela fait deux ans que Drago s'assoit sur ce fauteuil, ça ne va pas changer cette année parce que tu en as décidé ainsi.
- Je ne sais pas si tu as remarqué Daphné, mais je suis malade, répondis-je d'une manière lasse, mon mal de tête s'étant de nouveau réveillé. Mme Pomfresh m'a dit de rester au chaud et de me reposer. Comme tu peux le remarquer, cette cheminée est la seule qui fonctionne correctement. Donc si vous pouviez aller vous asseoir ailleurs juste pour aujourd'hui ça serait vraiment gentil.
- Tu ne crois quand même pas que l'on va gober ton mensonge ? siffle Pansy.
- Mais arrête d'agresser les gens et regarde un peu, s'énerve Eris. Tu ne vois pas qu'elle est aussi blanche qu'un fantôme ? Qu'elle a trois pulls sur elle avec en plus une couverture et qu'elle grelotte ? Pour une fois dans ta vie Pansy, arrête de penser que le monde te veut du mal et que nous sommes ligués contre toi !
Eris semble vraiment énervée. Je crois qu'elle ne comprend pas le comportement de sa sœur. J'ai eu beaucoup de chance avec Daphné. Avant qu'elle ne parte pour Poudlard, nous étions vraiment proches. J'ai donc encore des bons souvenirs de ma sœur. Mais Eris et Pansy n'ont jamais su s'entendre, Pansy tenant Eris responsable de la séparation de ses parents et du départ de sa mère, qu'elle considère comme un abandon.
- Ce n'est qu'un rhume Astoria, pas la peine d'en faire toute une histoire, souffle ma sœur ennuyée.
- J'aimerais beaucoup m'asseoir ici, intervient soudain Malefoy, le regard froid. Ca m'arrangerait que tu me cèdes ta place Little Greengrass.
Je soutiens son regard un long moment. Je sais qu'au fond il n'en a que faire de ce fauteuil. Il veut juste me tenir tête. Me tester. Voir où sont mes limites. Malheureusement pour moi, je ne suis pas en état de jouer, et je détourne la tête au bout d'un moment.
- Je pense que je vais accompagner Astoria à l'infirmerie, déclare Blaise dans le silence général. Tu n'as pas l'air bien du tout, continue-t-il à dire en me regardant, un air soucieux sur le visage. Mme Pomfresh n'aurait pas dû te dire de revenir ici.
Face à cette déclaration, je vois les visages choqués de Pansy et Daphné. Soudainement, je sens comme un coup au cœur. Le comportement de Daphné m'atteint vraiment. Elle semble sidérée, voire en colère, qu'un de ses amis s'inquiète pour moi alors qu'elle même s'en moque. Notre relation n'existe plus du tout, et c'est à ce moment que je m'en rend compte.
- Je peux le faire, dit d'une voix sèche Eris en regardant Zabini d'un regard soupçonneux.
- Je me charge de Little Greengrass, claque finalement une voix polaire. Toi, mini Parkinson, tu finis ton devoir de je ne sais pas quoi avec Zabini et je reviens dès que Mme Pomfresh prend en charge la malade ici présente. Et ça sera sans commentaires, continue-t-il en lançant un regard froid à Daphné, sur le point de le contredire.
C'est incroyable à quel point tout en lui respire la froideur. On dirait un glaçon. Une banquise.
- Tu peux marcher ? me demande-t-il durement, me coupant dans mes réflexions.
J'hoche doucement la tête, ma voix ayant décidé de me faire faux-bon et me dirige vers la sortie de la salle commune, en prenant soin de regarder où je mets les pieds. Je sens la présence de Malefoy dans mon dos et, une partie de moi se demande comment un garçon de cet âge peut déjà posséder une carrure aussi large et imposante.
Juste avant de sortir, je ne peux m'empêcher de jeter un coup d'œil derrière moi. Zabini a pris ma place et s'est penché vers Eris, un sourire charmeur sur le visage. En voyant le rougissement des joues de ma meilleure amie, je me note dans un coin de tête de discuter avec le jeune italien.
Le trajet vers l'infirmerie se fait en silence. Seul le bruit de nos pas et de nos respirations rompt le silence imposant du Château. Je regarde d'une manière que j'espère discrète le garçon qui m'accompagne. Ses cheveux blonds s'éparpillent dans tous les sens mais de manière soignée. Ses épaules sont droites, ses mains se balancent au rythme de ses pas et il porte une tenue simple mais élégante. Tout en lui respire la noblesse et la classe. Cependant, lorsqu'il ouvre la bouche, son image ne prend un coup. Je ne comprends pas pourquoi les parents Malefoy tolèrent le comportement de leur fils. Mon père m'a toujours appris qu'un Sang-Pur se devait de respecter autrui et de montrer l'exemple. Et non pas de se comporter comme un fils pourri gâté et égoïste.
Le trajet jusqu'à l'infirmerie se poursuit encore quelques minutes. Malefoy n'a pas desserré les dents.
- Miss Greengrass, s'écrie Mme Pomfresh en me voyant entrer. Vous avez vraiment mauvaise mine ! Tenez, Mr Malefoy, aidez-la à s'allonger sur le lit pendant que je vais chercher quelques fioles.
Sans prêter attention aux paroles de l'infirmière, je tente de monter par moi-même sur le lit. Mauvaise idée, celui-ci est beaucoup trop haut et, si deux mains ne m'avaient pas rattrapées, j'aurais déjà le nez dans la poussière.
Délicatement, et c'est ce qui est le plus étrange, Malefoy m'attrape la taille et me soulève pour me poser dans le lit. J'essaie de ne pas prêter attention à la sensation de ses mains sur moi, mais elles me provoquent un trouble que je ne peux m'expliquer. En voyant son visage impassible, je finis par mettre cette sensation sur le compte du rhume.
- Ah très bien, s'exclame l'infirmière en revenant, les bras chargés. Je suis vraiment désolée Miss Greengrass de vous avoir renvoyé dans votre salle commune. Heureusement que Mr Malefoy vous a amené car vous me semblez bien mal en point. Tenez, dit-elle en me tendant une fiole bleue ciel, buvez ceci, cela va vous soulager la gorge.
J'avale docilement la potion. Elle a un délicat goût de miel et de citron.
- Parfait, maintenant prenez ceci ! C'est pour votre mal de tête. Et après, vous avalerez ces deux potions. Ce sont de légers somnifères. Vous avez besoin de dormir !
J'avale d'une traite les différentes fioles que me propose Mme Pomfresh puis m'allonge dans les draps frais. J'attends que l'infirmière s'éloigne un peu et, au moment où Malefoy allait partir, je lui saisis le poignet pour le tourner vers moi :
- Merci Malefoy, dis-je en tentant de sourire.
- Je n'ai pas fait ça pour toi, répond-il sèchement. Mais ma mère m'en aurait voulu de t'avoir laissé dans cet état là.
Sa réponse semble brutale mais, en m'enfonçant dans les brumes de l'inconscience, j'arrive tout de même à sentir sa main dans la mienne tandis qu'il s'assoit.
