Chapitre 2
Terrain de football, McKinley High School, Lima :
A l'image de ce qu'elle avait déjà vécu la veille, Santana n'avait pas fermé l'œil cette nuit-là. Allongée près de Quinn, la jeune adolescente de dix-sept ans s'était efforcée de ne pas gigoter dans tous les sens tandis qu'elle observait inlassablement le plafond, en proie à toutes sortes de pensées négatives qu'elle aurait préféré ne pas avoir. En plus de cela, la chaleur des bras de Quinn dans lesquels l'hispanique s'était sentie si apaisée la nuit précédente lui manquait. Et ce même si, au fond d'elle, Santana savait que ce n'était pas de la présence de sa meilleure-amie dont elle avait réellement besoin, ni même d'une étreinte tendre mais amicale de cette dernière, mais bel et bien de se blottir contre le corps si familier et si rassurant de Brittany.
Ce manque de sommeil, traduit par de belles cernes sous les yeux rougis de Santana, - qui cherchait désespérément à les masquer avec une tonne de maquillage totalement déraisonnable -, avait mis les deux meilleures-amies en retard pour leur arrivée au lycée, ce matin-là. Et pour cause, l'hispanique serait volontiers restée couchée au creux de sa couette chaude si Quinn ne l'avait pas forcée à se lever alors que ses paupières se fermaient enfin. Mais les deux cheerleaders n'avaient jamais manqué un seul jour de cours depuis quatre ans et ce n'était certainement pas ce jour-là qu'elles commenceraient, simplement car elles ne pouvaient pas réellement se le permettre. Toutes deux mettaient un point d'honneur à exceller dans tout ce qu'elle entreprenait et une absence aurait été pénible à supporter, autant pour leurs notes que pour leurs réputations auprès de leur professeur et du club d'assiduité qu'elles présidaient à leurs heures perdues.
Néanmoins, la présence physique de Santana n'était pas le reflet de sa présence mentale sur le terrain de foot, en ce mardi matin. Comme toutes les semaines, le mardi était la journée qui leur était réservée au sport, si bien que le trio qu'elles avaient toujours formé avec Brittany passait les sept heures de cours à s'entraîner au cheerleading, sous l'œil toujours plus exigeant de leur coach : Sue Sylvester. Et autant dire que cette femme était l'incarnation même d'un tyran.
D'habitude, Santana aimait faire du sport, préparer des chorégraphies et passer tout son temps à danser avec ses amies en agitant, parfois, une paire de pompons. Mais cette fois, aucune envie et aucune énergie ne l'habitait. Elle n'était qu'un vulgaire pantin, qui tentait de faire les exercices demandés sans franc succès alors que tout aurait dû lui paraître si simple. Après tout, Quinn et Brittany ne peinaient pas, elles.
- Remue-toi Lopez, même ma grand mère ferait ça mieux que toi ! L'interpella Sue à travers son mégaphone. Tu es capitaine de cette équipe, pas figurante !
Mordant sa lèvre inférieure, l'adolescente s'efforçait de se reconnecter à la réalité et de lever un peu plus les jambes tandis qu'elles passaient à tour de rôle dans une succession de pneus. Santana ne comprenait pas vraiment pourquoi elles en étaient réduites à s'entraîner de la même manière que le faisait les footballeurs qu'elles encourageaient à longueur d'années mais elle n'était pas en capacité de poser la question, et sûrement encore moins d'en comprendre la réponse tant elle luttait déjà pour garder les yeux pleinement ouverts. Elle ne savait pas non plus depuis combien de temps elles étaient là, avec le reste de leur équipe, mais ses jambes la faisait souffrir à force d'être sollicitées, chose qui n'était pas vraiment habituel pour la cheerleader.
- Bon, stop ! S'écria une nouvelle fois leur entraîneuse sur un ton dépité. Venez ici, j'ai l'impression que certaines d'entre vous ont besoin d'une pause, bande de feignasses. On va passer à autre chose.
Aucune des adolescentes présentes ne se faisait prier. Dans un mouvement presque parfaitement synchronisé, toutes s'étaient figées et s'étaient empressées de rejoindre leur coach, quelques mètres plus loin. Certaines s'étaient laissées tombées dans l'herbe rase du stade tandis que d'autres reprenaient leurs souffles, les deux mains posées sur leurs genoux. Mais ce n'était pas le cas de Quinn, Brittany et Santana, non. Elles étaient les trois membres les plus prometteurs de cette équipe et elles ne pouvaient pas se permettre de paraître faibles, ni aux yeux de leurs coéquipières, ni à ceux de Sue. La popularité nécessitait certaines sacrifices et une importante résistance physique, pour le plus grand désarroi des trois vieilles connaissances.
- Ça va ? Osa discrètement demander Quinn à l'oreille de Santana en posant délicatement l'une de ses mains dans le creux de ses reins. T'es toute pâle, on dirait que tu vas t'écrouler.
- Je ne peux pas être pâle, rétorqua automatiquement l'hispanique au teint basané, faisant naître un sourire sur les lèvres amusées de sa comparse.
Les lèvres de la blonde s'ouvraient, prêtes à répliquer quelque chose, mais la brune n'entendit jamais ce que sa meilleure-amie avait à lui dire. Armée de son mégaphone, la voix de Sue s'élevait de nouveau dans les airs, couvrant celle, fluette, de la jeune Fabray.
- Vous êtes des cheerleaders, ce qui veux dire que vous êtes aussi gymnastes et on va se servir de ça, aujourd'hui, annonça-t-elle sur un ton sans appel. Ce que vous avez fait aux Championnats Régionaux, c'était bien, mais ce n'est pas suffisant pour nous ramener la victoire des Nationaux. Alors je veux deux lignes de chaque côté du terrain. Une derrière Santana et l'autre derrière Quinn. A que ça saute, on a pas toute la journée !
De nombreux soupirs se firent entendre parmi les membres de l'équipe, mais aucune ne fût suffisamment courageuse pour protester et réclamer un peu plus de temps de pause. Sans grande surprise, Brittany s'était naturellement dirigée vers la ligne dirigée par Quinn afin de mettre le plus de distance possible entre elle et son ancienne amie. Arrêtées l'une face à l'autre, les iris de Santana avaient rencontrées celles, soucieuses, de sa co-capitaine et l'hispanique avait tenté un sourire rassurant. De là où elle était, Quinn n'était pas en capacité de voir les jambes de la jeune Lopez trembler et quelque part, Santana s'en réjouissait.
- Bien, maintenant vous allez toutes me montrer des superbes roues suivies d'un salto arrière. Ce sera notre nouvelle entrée de chorégraphie pour les Nationaux. Quinn commence, puis Santana, Brittany et ainsi de suite.
Les athlètes hochèrent la tête. L'espace d'un instant, Santana avait cru que Sue n'était pas sérieuse. Mais cette pensée l'avait aussi rapidement quittée qu'elle n'était arrivée. Bien sûr que leur entraîneuse était sérieuse, elle l'était toujours. Alors, tandis que Quinn prenait son élan et s'exécutait avec peu de difficultés seulement, ce qui affirmait un peu plus la légitimité de sa place de capitaine, l'estomac de Santana se retournait littéralement au creux de son ventre. Comment pourrait-elle faire de telles acrobaties alors qu'elle était tellement fatiguée qu'elle peinait à tenir debout ? Tout cela relevait du suicide, elle le savait bien. Non seulement elle risquait de se blesser, mais en plus, elle risquait de se ridiculiser devant l'ensemble de leur équipe et de perdre toute sa crédibilité. Tout son bon sens lui criait de refuser l'exercice, de prétendre être malade et de trouver un moyen pour se rendre à l'infirmerie, pourtant, ce n'était pas ce qu'elle avait fait. Non.
A l'image de Quinn, Santana s'était lancée dès que son amie s'était réceptionnée de son salto, à quelques centimètres d'elles. La première roue était passée avec facilité, mais la deuxième fût plus dure, moins assurée. Aucun doute, l'hispanique aurait dû se contenter de s'arrêter avant que cela ne tourne mal, mais elle était bien trop fière pour cela. C'est pourquoi, malgré la douleur qu'elle ressentait dans ses jambes, malgré sa raison qui lui criait intérieurement qu'elle était idiote, elle avait amorcé son salto... et l'avait réussi. Ou du moins, c'est l'image que cela donnait lorsqu'elle était dans les airs. Image plus que faussée puisque, dès que la brune avait posé ses deux pieds sur le sol pour se réceptionner, elle avait perdu l'équilibre et s'était sentie tomber à la renverse.
Dans un réflexe, Santana avait fermé les yeux, se préparant rapidement à vivre la plus grosse humiliation de sa vie alors qu'elle s'attendait à sentir son corps s'écraser violemment contre le gazon du terrain de foot. Elle était même certaine qu'elle ne pourrait plus jamais regarder ses coéquipières dans les yeux sans revivre cet instant et rougir de honte. Pourtant, son dos ne rencontra jamais le sol. Avant que cela ne se produise, deux mains fortes, aux doigts longs et calleux, s'était emparé de sa taille et lui avait donné l'équilibre nécessaire pour qu'elle reste sur ses pieds. Ainsi, Sue n'avait pas vu l'échec cuisant qui l'avait attendue, au même titre que le reste de son équipe.
Le cœur de Santana s'arrêtait aussitôt de battre, se serrant douloureusement dans sa poitrine alors que sa peau était entrée en contact avec celle de la personne qui l'avait rattrapée. Et elle n'avait aucunement besoin de se retourner pour savoir à qui appartenait ses mains si familières, le long frisson qui parcourait son échine était bien suffisant pour qu'elle le devine.
Ce n'est qu'à cet instant que les paupières de l'hispanique se rouvrait enfin et qu'elle osait tourner la tête vers l'arrière pour immédiatement rencontrer le regard, d'un bleu si profond, de Brittany qui lui souriait doucement. Pour son propre bien, la jeune Lopez se retenait de déglutir vivement tandis que son coeur se remettait à battre, bien trop rapidement pour que ce soit normal.
- Tu vois, je t'avais dit que je ne te laisserai jamais tomber, murmura Brittany avec un timbre de voix si tendre que la brune se sentait défaillir sous le poids des puissants sentiments qui s'éveillaient en elle.
Santana n'eût pas la force de répondre quoi que ce soit. Sa gorge nouée par l'émotion l'en empêchait. A ce constat, le sourire de Brittany s'agrandissait un peu plus et l'adolescente au teint basané aurait presque juré voir une lueur de joie, peut-être même de fierté, passer dans le regard océan qu'elle soutenait encore. Ou alors était-ce de l'amour ? Santana n'était plus sûre de rien. Tout ce qu'elle savait, c'était que les mains calleuses de la blonde venait enfin de quitter sa taille, lui rendant la pleine possession de ce qu'elle ressentait et qu'aussitôt, Brittany avait disparue dans l'exercice qui leur était demandé, la laissant là, en proie au plus grand désarroi de ces dix-sept ans d'existence.
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Breadstix, Centre-Ville, Lima :
Le Breadstix était le restaurant le plus prisé des étudiants et des habitants de la petite ville de Lima. Comme chaque midi, la queue s'étendait jusqu'à la route, témoignant de sa réputation qui n'était plus à faire et, par chance, Santana et Quinn avait réussi à arriver à temps pour avoir une table et déjeuner tranquillement. Assises l'une en face de l'autre, elles attendaient désormais que le serveur ne revienne avec leurs plats et le plus tôt aurait été le mieux, si la blonde en jugeait par les nombreuses plaintes qui s'échappaient du ventre de son amie.
Malgré le bonheur avec lequel elle se trouvait assise-là, Santana était à des années lumières du restaurant. Son esprit n'avait de cesse de lui rejouer en boucle son échec du matin et, plus que cela, son corps réagissait encore aux mains de Brittany sur sa taille comme si elle ne les avaient jamais enlevées. Et pour ne pas l'aider à oublier ce passage, il avait fallut que la blonde en question soit assise juste quelques mètres plus loin en compagnie de Sam, l'un de leurs camarades de la chorale.
En voyant cela, Santana s'était retrouvée dans l'incapacité d'observer autre chose que celle qui hantait ses pensées à longueur de journée. Son estomac se tordait dans son ventre dès que le blond qui l'accompagnait osait un mouvement un peu trop appuyé vers la cheerleader et, avant même qu'elle ne se rende compte qu'elle était désormais en train de les observer depuis de longues et interminables minutes, le serveur était revenu et avait posé les deux plats de pâtes qu'avait commandé les adolescentes sur leur table, attirant ainsi le regard vitreux et pensif de l'hispanique sur sa nourriture.
Pire que cela, c'était cette action qui l'avait amenée à relever furtivement la tête et à s'apercevoir que Quinn l'observait également avec un sourire espiègle. Santana n'avait pas été discrète et, bien qu'elle était persuadée que ce manque de précautions soit dû à la fatigue, elle le regrettait déjà. Car comme elle s'y attendait, à peine le serveur s'était-il éloigné que la blonde s'était empressée de se pencher vers l'avant dans l'espoir de lui tirer les vers du nez.
- Tu sais, tu peux me le dire, à moi, déclara Quinn sur le ton de l'évidence. Tu es ma meilleure-amie et je ne te jugerai jamais pour ça.
Sans attendre, le visage de Santana se contractait et ses sourcils se froncèrent dans une expression totalement surjouée et exagérée. Le coeur de la brune s'arrêtait de battre dans sa poitrine, laissant son anxiété reprendre le dessus sur sa contrariété. Et cela ne fit que confirmer un peu plus les convictions que Quinn avait déjà par rapport à son amie puisque, sans même qu'elle ne s'en rendre compte, la manière que l'hispanique avait désormais de jouer distraitement avec sa nourriture, en enroulant ses pâtes autour de sa fourchette, trahissait son malaise évident.
- Mais de quoi est-ce que tu parles ? Tenta Santana en feignant de ne pas comprendre où voulait en venir sa meilleure-amie de toujours, mais ce n'eût pour effet que de faire s'agrandir le sourire qui barrait déjà les lèvres de la blonde.
- De la raison pour laquelle tes parents t'ont mise à la porte, insista Quinn d'une voix pleine de douceur.
Face à ce douloureux rappel, Santana serrait un peu plus la mâchoire. Elle savait que la manière dont la co-capitaine de l'équipe des cheerleaders abordait les choses n'était jamais laissée au hasard, pourtant, elle était également sûre que la blonde aurait pu trouver autre chose de moins blessant.
- Je ne vois absolument pas de quoi tu veux parler, assura la brune avec dureté.
- Oh allez, arrête, la rabroua Quinn en soupirant. Je suis déjà au courant, Santana.
La cheerleader marquait une pause, jetait machinalement un regard autour d'elles pour s'assurer que personne ne les écoutaient et se penchait en avant pour combler davantage la distance entre elle et l'hispanique.
- Je sais que tu es amoureuse de Brittany.
La réponse de Santana ne se fit pas entendre tout de suite. C'était la première fois qu'elle entendait quelqu'un prononcer ces mots à voix haute et, contrairement à tout ce qu'elle avait imaginé ressentir, la seule émotion qui s'emparait d'elle était du soulagement. Elle était soulagée de savoir que quelqu'un avait compris et avait conservé le même comportement vis-à-vis d'elle. Néanmoins, ce soulagement se transformait vite en une peur irrépressible alors que la voix de ses parents revenait faire écho dans ses pensées, lui rappelant à quel point elle leur faisait honte.
- Je ne le suis pas, nia-t-elle en secouant vivement la tête.
En un éclair, l'expression tendre de Quinn se teintait de peine. Pourquoi Santana ne lui faisait-elle pas confiance ? Elle ne comprenait pas l'obstination qu'avait la brune à nier ce que tout le monde savait déjà.
- Alors pourquoi est-ce que tu la fixes comme si elle allait disparaître depuis qu'elle est entrée dans le restau ?
Il y avait une pointe d'accusation dans la voix de la blonde et en voyant le visage de Santana se durcir, Quinn regrettait immédiatement de ne pas avoir contrôler son timbre comme elle aurait dû le faire. Ni une, ni deux, l'hispanique avait lâché sa fourchette et avait sauté sur ses pieds, les poings serrés le long de sa taille. Toute la peur de Santana, encore bien présente dans les atomes de son corps, s'était muée en colère. Elle était en colère contre Quinn de ne pas accepter son choix, de ne pas la croire, mais elle était surtout en colère contre elle-même pour être aussi faible alors qu'à quelques mètres d'elle seulement, Brittany était si forte.
- Tu ne sais pas de quoi tu parles, vociféra Santana en offrant à sa meilleure-amie une œillade noire. Tu ne le sauras jamais.
La brune était prête à prendre ses jambes à son cou, à s'éloigner le plus possible de toutes ses allégations véritables qui lui serrait le cœur comme un étau, mais Quinn ne lui en laissait pas le temps. Aussi vivement que Santana l'avait fait, la blonde s'était empressée de saisir le poignet de son amie pour l'empêcher de s'enfuir et s'était levée avant de l'attirer dans une étreinte à la fois tendre et réconfortante.
L'espace d'un instant, la jeune Lopez s'était figée et avait envisagé de se débattre mais, finalement, l'émotion l'avait emporté sur toutes ses réticences. Lentement, une larme s'était mise à couler le long de la peau lisse de sa joue, puis une deuxième, et Santana s'était laissée aller. Refermant ses bras autour de la stature altière de Quinn, l'hispanique avait éclaté en sanglots, incapable de contredire plus longtemps sa co-capitaine.
Il ne s'agissait indéniablement pas encore d'un aveu, mais c'était le premier pas de Santana vers l'acceptation de sa différence.
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Salle de chant, Glee Club, McKinley High School, Lima :
Assise à sa place préférée, sur la chaise du coin de la rangée la plus haute, Santana n'avait étrangement pas prononcé un seul mot depuis qu'elle était entrée dans le cours du Glee Club. Sur les deux heures de séances qu'ils avaient par jour, une heure et demie devait déjà s'être écoulée tandis que l'hispanique s'était contentée d'observer chacun de ses amis chanter et discuter sans jamais prendre part au débat. Et pour cause, même si ça ne lui ressemblait absolument pas de garder son avis pour elle, Santana était préoccupée par tout autre chose que le stupide thème sur le pardon qu'ils devaient tous illustrer.
Depuis sa conversation avec Quinn au Breadstix, l'adolescente était forcée de constater que sa vision des choses, ses réflexions, étaient en train de changer et de tranquillement faire leurs chemins dans son esprit. A de nombreuses reprises, la jeune Lopez s'était surprise en train d'observer Brittany et ses sourires joviaux et à ne pas ressentir la moindre animosité à son égard. Ou du moins, cette dernière semblait avoir été remplacée par un autre sentiment tout aussi fort : la reconnaissance.
Elles avaient encore du chemin à parcourir toutes les deux pour que leur relation ne tende à devenir ce qu'elle avait été, jadis, mais Santana était consciente que cette soudaine absence de ressentiment était le début de leur réconciliation. Bien sûr, l'hispanique en voulait encore à son ancienne amie de l'avoir ainsi abandonnée, d'autant plus que le trou béant dans sa poitrine était toujours bien présent et douloureux, mais ce qu'elle avait fait pour elle, ce matin-là, méritait que Santana lui renvoie l'ascenseur. Alors, elle le ferait. Elle se rendrait à la réunion organisée pour l'établissement de leur bal de promo, qu'elle avait initialement prévu de sécher, et elle essaierait de se montrer plus amicale, quand bien même son ventre se nouait déjà par la peur de souffrir à nouveau.
Soudainement, un mouvement attira son attention sur sa gauche et les sourcils de la brune se froncèrent. Quinn, qui avait été la première à chanter pour ce thème de la semaine, venait de se lever à nouveau avec un franc sourire. Suivie par tous les regards surpris de leurs camarades, la blonde avait descendu les quelques marches qui la séparait du sol de la classe et s'était postée devant toute leur petite assemblée d'élève avec assurance.
- Mr Schuester, interpella-t-elle simplement, je sais que j'ai déjà chanté pour ce thème et que Brittany sait parfaitement que je lui ai pardonnée d'être partie dès qu'elle a remis un pied au lycée mais j'aimerai chanter une deuxième chanson si vous le permettez.
- Bien sûr, approuva leur enseignant d'un signe de tête avant de pincer ses lèvres en signe d'incompréhension. Mais pourquoi ?
Le sourire de Quinn s'élargissait aussitôt, rapidement rejoint par un cours instant de silence durant lequel ses beaux yeux bleu avaient croisés ceux de sa meilleure-amie et, dernièrement, colocataire.
- Depuis quelques jours, j'ai appris que le pardon n'était pas seulement quelque chose que l'on pouvait accorder aux autres. On peut aussi se pardonner soi-même, pour toutes les mauvaises décisions que l'on as prise, mais également, pour ce que nous sommes.
Intrigué par une telle entrée en matière, le jeune enseignant s'était penché en avant avec énormément d'attention et avait vite été rejoint dans ce mouvement par le reste de ses élèves. Quinn n'expliquait jamais beaucoup de chose, elle ne s'étendait jamais non plus énormément sur un sujet en particulier mais quand elle le faisait, l'analyse qu'elle en avait était toujours très pertinente et, en général, de bon conseil. Ce jour-là ne dérogeait à priori pas à la règle.
- C'est pour ça que j'aimerai dédier cette chanson à Santana, avoua-t-elle en soutenant le regard froncé et dubitatif de son amie dans l'assemblée. Tu n'es pas parfaite, mais personne ne l'est et je te pardonne pour ça, parce que je t'accepte volontiers telle que tu es.
Plusieurs têtes se hochèrent, d'autres se tournèrent même vers l'hispanique pour la gratifier d'un sourire mais en réalité, Santana n'avait qu'une envie : celle de courir se cacher pour ne avoir à être le centre de l'attention. En temps normal, elle aurait aimé que tous les regards se posent sur elle, qu'elle soit devenu la seule chose importante pour l'espace d'un instant mais aujourd'hui, après tout ce qui s'était déjà déroulé et tous les sentiments contraires qui se bousculaient en elle, l'adolescente avait juste besoin d'être seule pour faire le point.
Toutefois, elle ne pouvait pas se défiler, par respect pour Quinn. Alors, elle s'était simplement contentée de s'affaler un peu plus sur sa chaise et de croiser les bras contre sa poitrine, mais ça n'avait pas fait disparaître le malaise qu'elle ressentait à être ainsi observée.
Heureusement, les premières notes de la chanson de sa meilleure-amie résonnèrent enfin dans les airs et il ne lui fallait que quelques secondes pour reconnaître la douce mélodie de Nobody's Perfect de Jessie J.
Santana avait toujours adoré cette chanson et, bien malgré elle, l'entendre l'avait fait sourire. Quinn n'avait pas fait ce choix par hasard, c'était évident puisque l'hispanique avait longuement passé son temps à l'écouter en sa compagnie, et en celle de Brittany, durant les mois précédents. La voix douce au timbre d'alto de la co-capitaine des cheerleaders rendait cette reprise très particulière mais Santana n'en était pas moins touchée par ce geste. Son cœur se gonflait dans sa poitrine jusqu'à ce que les dernières notes ne se fassent entendre et que les applaudissements ne fusent parmi leur petit groupe d'élèves.
Et c'est avec un grand sourire sur le visage que la blonde avait rejoint la place qu'elle avait quitté, juste à côté de celle de Santana. Alors, dans un geste délicat, Quinn avait posé sa main sur le genou de sa meilleure-amie et s'était penchée vers elle avec un sourire se voulant réconfortant.
- Arrête de lutter contre toi-même, murmura-t-elle pour que personne ne l'entende hormis la brune, ou tu ne seras jamais heureuse.
Santana avait ouvert la bouche, prête à répliquer, à nier un peu plus que ce qu'elle avait déjà fait lors de leur discussion au restaurant, mais ses cordes vocales se nouèrent tandis que son regard s'ancrait dans celui de Brittany qui les observaient depuis quelques secondes. Instantanément, le cœur de l'hispanique faisait une embardée dans sa poitrine, accélérant son pouls et Santana refermait distraitement la bouche pour serrer les dents. Son regard assuré se fit plus incertain et, incapable de répondre quoi que ce soit, la jeune Lopez se contentait d'établir le contact visuel avec Quinn et de la gratifier d'un simple petit sourire. Elle était peut-être percée à jour mais son courage n'était toujours pas assez grand.
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Salle de chant, Glee Club, McKinley High School, Lima :
Santana ne s'était jamais sentie aussi vulnérable que lorsqu'elle s'était retrouvée seule dans cette salle de chant, en compagnie de Brittany, après que tout le monde soit partit. Un long silence avait pris possession de la pièce tandis que ni l'une, ni l'autre ne savait comment rompre la glace présente entre elles. Et après un interminable moment de tiraillement interne commun, Brittany avait poussé un soupir et avait rassemblé son courage pour se tourner vers Santana, assise à quelques chaises d'elles.
- Alors, tu as des idées pour le thème du bal ? Osa-t-elle demander en mordant sa lèvre inférieure dans un tic machinal. Je pensais aux licornes... ou à la mer.
Santana haussait nonchalamment les épaules, bien trop concentrée sur le texto qu'elle tapait sur son écran pour réellement se soucier de la raison pour laquelle elles étaient là.
- Choisis ce que tu veux, je m'en fiche. Ce bal aura lieu de toute manière, même si on décide de le faire au beau milieu d'un cimetière.
- Oh mais c'est pas bête ça ! S'exclama la blonde avec enthousiasme. Un thème mort-vivant.
Posant son téléphone sur la chaise adjacente à la sienne, Santana fronçait les sourcils, puis levait les yeux au ciel sans une once d'intérêt pour leur conversation.
- Ouais, si tu veux, pourquoi pas.
En temps normal, rien n'aurait pu entacher le soudain enthousiasme de Brittany, pourtant son sourire et ses yeux pétillants de malice s'étaient ternis dès qu'un nouveau silence, particulièrement gênant, était retombé entre elles. Du plus loin que la blonde se souvenait, jamais les deux adolescentes n'avaient été confrontées à une telle situation de malaise. Cela ne faisait que deux jours que cette réelle animosité s'était installée entre elles et la jeune Pierce en avait déjà plus qu'assez. Elle n'aimait pas être ainsi éloignée de celle qu'elle aimait, et elle aimait encore moins savoir que celle-ci lui en voulait. Mais le pire dans tout ça, c'était sûrement qu'elle était consciente que désormais, Santana l'avait remplacée par Quinn, et jamais Brittany n'aurait cru cela possible si elle ne l'avait pas constaté de ses propres yeux.
Alors, voyant sa vision se brouiller sous le poids de la tristesse à ce souvenir, la blonde baissait piteusement la tête dans l'espoir que Santana ne puisse pas voir son trouble soudain.
- Donc... commença-t-elle avec incertitude, la voix chevrotante, tu vas aller au bal avec Quinn, vendredi soir ?
- Quoi ? S'étonna Santana.
- Tu sais, soupira de plus belle la blonde, je suis peut-être bête mais je ne suis pas aveugle. Je vous aient vues vous faire un câlin au Breadstix ce midi et je sais que tu rentres toujours avec elle le soir. Vous avez l'air très proches.
L'expression surprise de l'hispanique se fit beaucoup plus outragée.
- Non mais c'est quoi votre putain de problème à toutes les deux ? S'énerva-t-elle. Vous vous êtes passée le mot ou quoi ? Je ne sors avec personne et encore moins avec des filles !
Un long soupir s'échappait automatiquement de la bouche de Brittany tandis qu'elle trouvait le courage de relever la tête.
- Santana, je pense qu'on devrait discuter de ce qu'il s'est passé entre nous avant que je parte.
- Il n'y a rien à dire, Brit, assura l'hispanique en secouant la tête.
- Bien sûr que si, insista la blonde en fronçant les sourcils.
Il était inconcevable pour la jeune Pierce qu'elles restent assises-là, à planifier tout un bal tant qu'elles n'auraient pas eu une conversation sur la raison qui avait poussé Brittany à prendre la fuite comme elle l'avait fait. Son cœur meurtri la faisait toujours autant souffrir que le premier jour après l'incident, si on pouvait appeler cela ainsi, et la blonde avait besoin de cette conversation.
Alors, délicatement, elle avait tourné la tête de chaque côté pour vérifier que personne ne les épiaient et, dans le doute, avait baissé sa voix d'un octave. Ce qu'elle s'apprêtait à dire ne plairait pas à Santana, elle le savait bien, mais elle ne pouvait pas l'oublier aussi facilement que son amie semblait l'avoir fait.
- On a couché ensemble, je t'ai dit que j'étais amoureuse de toi et ensuite tu m'as brisé le cœur comme personne ne l'avait jamais fait avant, rappela-t-elle en retenant une grimace. Il faut qu'on mette tout à plat.
- Je ne veux pas en parler, répéta Santana sur un ton dur et ferme, témoin de son agacement grandissant.
Mais Brittany n'en avait que faire. A vrai dire, elle ne l'avait même pas écoutée parce qu'elle savait pertinemment ce que la brune allait dire. Au lieu de cela, la blonde avait simplement continué sur sa lancée et avait trouvé le courage de se mettre un peu plus à nu, faisant se serrer douloureusement le cœur de la brune dans sa cage thoracique.
- Je comprends que tu préfères sortir avec Quinn plutôt qu'avec moi. Elle est jolie, intelligente et très terre à terre, ce que je ne serais jamais car je suis bête et que je passe mon temps à avoir des conversations avec mon chat sur la galaxie. Mais ce que je ne comprends pas c'est pourquoi tu ne veux pas qu'on sache que toi aussi tu es...
- Stop !
Bondissant de sa chaise, Santana levait les bras au ciel en arborant un air horrifié. Plus que tout, elle ne voulait pas entendre la fin de la phrase de son ancienne meilleure-amie. Le début de sa tirade l'avait déjà mise bien trop à mal, non pas car c'était faux, mais bel et bien car il était inconcevable pour la brune de ne serait-ce que penser à Quinn d'une manière moins amicale. Et à vrai dire, au fond d'elle, Santana n'était même pas sûre d'être capable de penser à qui que ce soit de cette manière, si ce n'était la blonde qui était assise en face d'elle et qui provoquait l'accélération de son organe palpitant au creux de sa poitrine.
- Je ne sors pas avec Quinn ! S'indigna-t-elle. Jamais je ne pourrais le faire ! Mon coeur appartient déjà à quelqu'un d'autre et je n'ai pas envie que ça change.
- Mais alors... pourquoi tu es toujours avec elle ? S'enquit Brittany avec une réelle incompréhension.
Un court silence tombait entre les deux adolescentes, marquant l'hésitation que ressentait l'hispanique à cet instant. Poussant un soupir, cette dernière mordait sa lèvre inférieure afin de trouver en elle le peu de courage qui lui restait. C'était le moment pour elle de faire preuve d'honnêteté et Santana était persuadée qu'elle ne connaîtrait jamais un épisode plus terrifiant que celui-là. Le plus lentement du monde, la brune avait alors pris le temps de se rasseoir sur sa chaise et avait esquissé un rictus incertain.
- Parce que j'ai avoué à mes parents que j'étais amoureuse de toi, osa-t-elle annoncer dans un murmure tremblant, et ils m'ont fichue à la porte.
- Oh Santana, je suis désolée...
La brune secouait vivement la tête pour arrêter la blonde dans son élan. Elle ne voulait pas de sa pitié. Ce qui avait été fait, était fait, et rien de ce que Brittany aurait pu lui dire n'aurait arrangé la situation. Toute l'assurance derrière laquelle Santana s'était cachée durant toute son adolescente avait volé en éclat lorsque son père l'avait poussée hors de chez eux et ne reviendrait peut-être jamais. C'était la raison pour laquelle l'hispanique ne voulait pas que le reste de ses amis soient au courant de sa débauche. Elle ne voulait pas d'un autre scandale et, par dessus tout, elle ne voulait pas être abandonnée une troisième fois.
- C'est pour ça que ça ne doit jamais se savoir, conclut-elle avec fermeté. Promets-moi que tu ne diras rien.
La mine de Brittany, qui s'était éclairée lorsque Santana avait eu le cran d'avouer l'aimer, venait de perdre tout son éclat pour ne laisser place qu'à de la tristesse. Pourquoi fallait-il que tout soit si compliqué ? Pourquoi ne pouvait-elle pas simplement l'embrasser une bonne fois pour toute et faire en sorte que tout rentre dans l'ordre ? Comment pouvaient-elles seulement s'aimer mais ne pas vouloir profiter du bonheur qu'elles pourraient avoir ?
Toutes ses questions tournaient dans la tête de la blonde, bien trop complexes pour son cerveau hors normes. Alors, la jeune Pierce avait simplement hoché la tête à contre-cœur, car elle ne pouvait décidément rien faire d'autre pour le moment.
- Je te le promets, Santana. Bien sûr que je te le promets.
