Chapitre 3
« Les sentiments ne s'expliquent pas, ne se justifient pas, ne se contrôlent pas. Ils ne sont pas négociables, ni remboursables »
Je regagnais la passerelle à l'instant où nous approchions de notre objectif.
Nous approchons des coordonnées, lançais-je en reprenant mon poste sans adresser le moindre regard à notre capitaine.
Veuillez tous vous présenter, ordonna Pike. Je veux savoir avec qui je me lance dans l'inconnu. Je me fiche des grades. Dans le sens des aiguilles d'une montre.
Mickaël Burhnam.
Evan Connolly.
Keyla Detmer.
Joann Owosekun.
Lieutenant commandeur Airiam.
Ronald Altman Bryce.
Gen Rhys.
Ilyana Kirk, lâchais-je lentement sans lâcher mon écran des yeux.
Je perçus le regard navré de Keyla, et il y eu un bref silence. Croiser ses yeux m'était tout simplement impossible.
Saru, se présenta ce dernier devant la lourdeur de l'ambiance. Juste… Saru…
Très bien, reprit Pike d'un ton très professionnel comme s'il n'avait pas du tout senti la tension entre nous. Rhys et Kirk, chargez les canons. Bryce, lancez le message standard de salutation. Owosekun, Saru, Connolly, Burnham, les relevés. Detmer… vous pilotez…
Obéissant aux ordres, je veillais à ce que l'U.S.S Discovery soit prêt au combat. Entrant mon matricule pour confirmer mon ordre, je vrillais mes yeux sur l'écran, attendant la suite des évènements.
Alerte jaune, lançais-je. Sortie de distorsion.
Le vaisseau sortit immédiatement de distorsion, et mes écrans se mirent à hurler sans grande surprise.
Danger ! clamais-je histoire de confirmer la chose.
Il y a quelque chose, rajouta Owosekun.
A cet instant, le vaisseau fut secoué, et je me rattrapais de justesse à mon fauteuil. Fixant mes écrans, je me préparais à devoir tirer.
Distance ? demanda Pike.
700 mètres, répondit Saru.
Je jetais un coup d'œil à l'écran et vis l'immense mur de gravats devant nous.
Et le truc rouge ? demanda Pike. Où est-il ?
Capteurs déployés, répondit Mickaël. Aucun signal, ni aucun objet émetteur.
Comme si c'était un mirage, rajouta Saru alors que je montais les boucliers à leur maximum.
Identifions ce qui a failli nous emboutir, ordonna Pike.
Un astéroïde interstellaire, voyageant à 5 000 km/seconde, répondit Saru.
Le point d'impact était celui indiqué par les coordonnées, lança Burnham.
Intéressant, fit Pike. Detmer, suivez-le.
Reçu.
Relevés ?
Trop d'interférences, répondit Burhnam. Il y a une atmosphère.
Non, intervint Connolly. Ce caillou est trop petit pour générer de la gravité.
Le vaisseau subit une nouvelle secousse et j'entendis Burnham râler. Je n'y connaissais pas grand-chose dans le domaine, mais visiblement, il y avait bien quelque chose ressemblant à de la gravité.
On vient de tomber dans un puit gravitationnel fluctuant, prévint Detmer.
Je veux savoir ce que c'est, ordonna Pike. Des pistes ?
Le Discovery a des objectifs télescopiques, lança Burnham. On peut photographier l'astéroïde.
Allez-y !
J'autorisais le déploiement des caméras.
Ce serait plus net de plus près, reprit Burnham.
Accélérez à 25%, ordonna Pike.
Accélération.
Boucliers au maximum, lançais-je en surveillant mes capteurs.
Au même moment, une salve nous repoussa et je grimaçais.
Rapport !
On a été repoussés ! clamais-je. Le vaisseau n'a pas apprécié. Du tout.
Comme un aimant de même charge, continua Detmer. Je n'ai jamais vu ça.
Nous venons d'altérer sa trajectoire, lança Saru. L'objet se dirige vers un pulsar. Incinération dans cinq heures.
Les boucliers sont mis à rude épreuve, clamais-je à mon tour. On ne peut pas rester ici trop longtemps.
Il emporte un vaisseau Starfleet, lâcha Burnham, et on se figea tous.
Relevant les yeux, je vis Pike se tourner vers elle.
Affichage, demanda-t-il en se levant, et l'image fut envoyée sur la baie vitrée.
J'ai remarqué un dénivelé à la surface du champ de glace, expliqua Burnham.
Ils se sont écrasés, murmura Pike. Bryce, contactez-les.
Aucune réponse, répondit ce dernier.
On ne peut pas zoomer plus, expliqua Burnham. Commandeur Saru, votre fenêtre optique est supérieure. Que distinguez-vous ?
NCC-815, lu Saru. Une frégate médicale.
Je cherche, fit Owo. L'U.S.S Hiawatha, supposé détruit par les Klingons il y a 10 mois.
Des signes de vie ? demanda Pike.
Impossible de l'établir, répondit Burnham.
La température de l'astéroïde est de -120° Celsius, lança Connolly.
Verrouillez le cap, ordonna Pike. On envoie une équipe.
Tout le monde se figea sur la passerelle.
Peut-on se téléporter à la surface ? demanda-t-il.
Non, répondit Burnham. Les particules disperseraient les signaux du téléporteur. Il faudrait booster le signal pour sécuriser la téléportation.
En navette ? demanda Pike, que je sentais s'énerver.
Le champ gravitationnel l'interdit, répondit Rhys.
S'il y a des survivants, il faut y aller, clama Pike.
Il est de mon devoir de dire que les chances de survie suite à un crash en environnement hostile sont minimes, intervint Saru. Et qu'il faut réfléchir avant de risquer d'autres vies.
Si vous avez tort, on a moins de cinq heures pour les sauver, coupa Pike et je fronçais les sourcils en me redressant.
Se poser sur un astéroïde si rapide et sans télémétrie…, commença Burnham avant d'être violemment coupée.
Je sais Commandeur !
Il y eu un grand blanc dans la passerelle. Le regard de Pike croisa le mien, et je ne cillais pas.
J'ai raté la guerre, je ne raterai pas ça, rajouta lentement Pike en se concentrant sur Burnham. Les avis divergents ne me dérangent pas. S'ils sont suivis de solutions.
Oui, fit Burnham calmement. J'essayais de vous en proposer une. Sachez par ailleurs que personne, sur cette Passerelle, n'abandonnerait un frère ou une sœur de Starfleet. Monsieur.
Il y eu un grand silence, et je gardais le regard fixé sur l'écusson de capitaine de Pike.
A travers ses mots, Mickaël venait de remettre les choses à leur place. Elle lui faisait comprendre que nous avions fait la guerre et que nous connaissions nos priorités.
On est d'accord, répondit finalement Pike. Je vous écoute.
On peut utiliser des micro-navettes, expliqua Burnham. Ce serait plus simple, mais cela nécessite de piloter en milieu hostile. Et de savoir se battre.
Connolly, appela Pike. Vous venez avec moi.
Je viens également, fit Burnham avant de se tourner vers moi. Ilyana, si tu veux bien…
Hochant la tête, je passais mes commandes à Rhys et rejoignis Burnham. Pike m'adressa un regard mais je l'ignorais.
On a deux heures pour se poser, expliqua Burnham alors qu'on se dirigeait vers le hangar. Fouiller, installer les amplificateurs et se téléporter.
Et à cause du champ électromagnétique, se disperser dans le cosmos, lança Connolly.
Vous pouvez encore renoncer, permit Pike tandis que je soupirais d'agacement.
J'adore les grands huit.
Je lui jetais un regard dégoûté.
Je ne supportais pas le ton supérieur qu'il employait. Comme si nous lui étions inférieurs.
Qui avait fait la guerre dans l'histoire ? Lui ou non ?
Et vous deux ? nous lança-t-il d'une voix arrogante en ayant capté mon regard.
Le risque ne nous fait pas peur, rajouta Burnham en échangeant un regard ironique avec moi, au moment où Pike indiquait à sa collègue ingénieure de nous rejoindre.
Tilly intercepta Burnham, mais je continuais ma route jusqu'au hangar, conduisant le reste de l'équipe. Je vis Pike se mettre à ma hauteur, mais je me barricadais derrière un mur de silence et d'indifférence.
On gagna le hangar, et on se changea rapidement. Tout comme Pike, je portais du jaune, ce qui étonnamment, m'énervait.
Evacuation immédiate du hangar à navettes, ordonna la voix de Detmer dans les haut-parleurs.
Pilotes, embarquez dans vos navettes.
J'obéis, gagnant la navette 3. Pianotant sur mon tableau de bord, je me préparais au décollage.
Ces modules ont été conçus pour l'exploration de Kim-Tara, expliqua Burnham. Les conditions sont semblables.
Vous les avez déjà pilotés ? demanda Pike.
Je les ai même testés, répondit Burnham. Ilyana également. Neuf G pendant 11 minutes.
Passez devant alors, clama Pike. Kirk, vous restez derrière.
Il le faisait exprès.
Je ne répondis rien même si grinçais des dents. Il n'avait aucune autre raison de me protéger que mon lien de parenté avec son meilleur ami. Dix ans plus tard, on en était encore au même point.
Il savait que son ordre n'était pas logique. Il testait mes nerfs.
Mais refusant de lui adresser la parole, je ne répondis rien et me résolus à obéir.
Onze minutes, ça me paraît exagéré, lança Connolly et je levais les yeux au ciel.
Pour certains, oui, rétorqua Burnham et je ricanais, suivis de Nhan.
On est bons, répondit Pike.
Contrôles terminés, confirma l'ordinateur.
Passerelle, lancez la séquence, demanda Burnham.
A mon décompte, lança Detmer. Lancement dans 5, 4, 3, 2… 1.
Le module partit à toute vitesse et je me retrouvais plaquée à mon fauteuil avant d'arriver dans l'espace violemment.
Des débris ! clama Burnham à la tête du groupe alors que je me trouvais avant-dernière.
Sans blague, ironisa Connolly.
Navigation automatique engagée ! clama l'ordinateur.
Je ne détecte aucune donnée sur ces détonations, clama Burnham.
Mon ordinateur de bord ne marche plus, clama Nhan.
Le mien non plus, confirmais-je.
Moi aussi, fit Pike. Navigation manuelle.
Je perds le contrôle, hurla Nhan.
Le module est conçu pour ça, intervint Burnham alors que j'obéissais. Passez en manuel. Connolly, votre champ est trop large ! Attention aux rochers.
Burnham a raison, derrière elle, ordonna Pike.
Non, riposta Connolly.
Votre champ et trop large, clamais-je à mon tour.
Reculez, ordonna Pike de nouveau.
Elles n'ont pas adapté le navigateur aux fluctuations gravitationnelles, clama Connolly. Je gère.
Les capteurs sont trompeurs, cria Burnham.
Ne doutez pas de mes calculs, cracha l'autre. J'avais à l'Académie une amie caitienne, plus avancée. Je vous dis, comme à elle : je sais ce que je fais.
J'entendis alors une immense explosion dans mon oreillette et les cris de Burnham et Pike retentirent. Connolly était mort…
Discovery, évacuation impossible, je suis en chute libre, appela Pike et je me sentis malgré moi me crisper.
Nous lançons un diagnostic à distance, clama Saru.
Mon module est mort, laissez tomber, ordonna Pike.
Vous pouvez vous éjecter ?
Non, propulsion hors service et casque coincé, répondit Pike.
Peut-on déclencher l'éjection à distance ? demanda Burnham.
D'ici 30 secondes oui, répondit Detmer.
Il sera toujours en chute libre sans propulseur, lança Owosekun.
Pas si je l'attrape, répondit Burnham.
Non, ordonna Pike. J'ai déjà perdu un officier.
Le risque ne me gêne pas, clama Burnham.
Moi si ! On mourrait tous les deux. Poursuivez la mission. C'est un ordre.
Impact dans 600 mètres !
J'avance à sa hauteur, intervins-je à mon tour. Je détruirais les morceaux sur votre passage.
Je ne … commença Pike.
Faites-nous confiance, demanda Burnham. On n'abandonne personne. Le Discovery est là. N'est-ce pas ?
Euh… oui, répondit Detmer dans la voix de laquelle j'entendais le stress.
D'accord, murmura Pike.
Calcul du taux de combustion nécessaire, demanda Burnham. Prenez le contrôle de mon unité, et propulsez-moi vers le Capitaine.
D'accord ! Impact dans 20 secondes.
Nhan, gardez le cap, ça va aller. Je m'occupe du capitaine.
Reçu, sauvez-le Burnham.
Vous aurez moins de 10 secondes pour l'attraper avant que j'active la propulsion, lança Detmer.
Je jetais un coup d'œil en contrebas, là où Mickaël se positionnait sous Pike.
Libérez le Capitaine à mon signal, clama-t-elle. Ilyana, prête ?
Vas-y, répondis-je.
A trois, compta Mickaël. Un… Deux… Trois !
Je vis Pike être éjecté de son module, et je tirais sur les débris se trouvant sur sa route. Je vis Mickaël l'attraper avec soulagement.
Impact dans six, débuta Owosekun. Cinq. Quatre. Trois. Deux. Un.
Poussée maximale, cria Detmer et je vis de justesse Mickaël et Pike s'arrêter en contrebas.
Quelques millimètres avant de s'empaler sur les pics situés sur le rocher.
Soupirant de soulagement, je posais mon module à côté d'eux et activais mon casque. Puis je descendis, posant le pied sur l'astéroïde.
Ça va ? demandais-je alors que des gravats tombaient autour de nous.
Très bien, répondit Mickaël.
Merci, fit Pike mais j'évitais son regard de nouveau.
J'avouais avoir eu peur, mais certainement pas suffisamment pour passer au-dessus de plus de dix années de rancune.
Il y a beaucoup d'interférences, clama Mickaël à l'instant où Nhan nous rejoignit. Tilly a vu juste. L'énergie de cet astéroïde est immense. Il faut rapporter un échantillon.
On avança difficilement dessus, et lentement, le vaisseau crashé se dessina devant nous.
Ils ne se sont pas ratés, lâcha Nhan.
Les Klingons ne faisaient pas de cadeau, répondis-je en me rappelant la guerre pas si lointaine.
Alerte rouge ! clama la voix pré-enregistrée du vaisseau alors qu'on descendait à l'intérieur. Alerte rouge ! Collision imminente !
Ils se sont crashés en beauté, répéta Pike devant l'étendue des dégâts du vaisseau.
Cette fois-ci je ne répondis rien, pas par colère, mais simplement parce que je percevais toute la déconvenue de son ton. Je n'oubliais pas que l'U.S.S Enterprise n'avait pas été mis au courant de la guerre.
Ils ne l'avaient appris que trop tard.
Du titane cassé en deux, fit Mickaël. Le champ gravitationnel devait être dix fois plus fort.
Je sentis un mouvement derrière moi et pivotais sur mes talons brutalement, au même moment où Mickaël indiquait la présence d'une cible en approche.
Je levais brutalement mon arme, le pointant sur la cible qui approchait. Coincée entre Mickaël et Nhan, je me préparais à me battre.
Un drone, murmurais-je, surprise.
Ils sont faits de pièces détachées, lança Nhan. Issues de Starfleet. Notamment de navigation.
Les pièces se séparèrent, nous scannant les uns après les autres.
Propulsion multi-vecteurs et amortisseurs inertiels, continua Mickaël. Une conception…
Fabuleuse, clama une voix dans le drone. Je sais, elle est de moi. De rien.
La terre se mit à trembler, et je peinais à garder l'équilibre. Je sentis quelqu'un me retenir par le bras, et à sentir la poigne ferme, je devinais de qui il s'agissait, mais je ne dis rien.
Ne restez pas plantés là, reprit la voix. Suivez les petits.
La personne qui me retenait était Pike, il me le confirma en passant devant moi pour suivre les drones. Lui emboitant le pas, je restais sur mes gardes alors que l'on parvenait à un endroit bâché puis dans un couloir de confinement.
En dehors du vaisseau, mon rôle était de le protéger, et je remplirais ma mission quoi qu'il advienne.
C'est respirable ? demanda Pike.
Oui, répondit la voix. Virez les casques et avancez.
Obéissant en levant un sourcil, je continuais à avancer, jusqu'à ce qu'un cri ne m'arrête brutalement.
Stop ! Baissez les yeux !
Pike balança son bras en arrière et me heurta violemment à la hanche. Mais cela m'importa peu car en baissant les yeux, je constatais la présence de lignes rouges fort dangereuses.
Pas le temps de perdre la tête !
Suivant Pike quand il franchit la ligne, on parvint petit à petit dans une grande salle.
Avec surprise, je distinguais des membres de l'équipage de Starfleet, inconscients, couchés sur des lits de fortune.
Avançant en parallèle de Pike, je cherchais la personne responsable de tout cela.
Je suis soulagée de vous voir ! clama une voix et je sursautais, visant une femme qui finit par s'avancer. Commandeur Jett Reno. Ingénierie. Je ne vous serre pas la main, j'ai du Tellarite jusqu'au coude.
Capitaine Christopher Pike, U.S.S Discovery, se présenta-t-il alors qu'on s'avançait lentement vers elle. Les commandeurs Burnham, Kirk et Nhan.
J'ai reconnu les badges, sinon je vous aurais pulvérisés, confirma-t-elle en retirant son masque et ses lunettes.
Qui attendiez-vous ? demanda Pike, surprit.
A votre avis ? demanda-t-elle, ironique et je vis Pike pincer les lèvres. Quelqu'un avec un bat'leth.
Les Klingons, murmurais-je.
Je me passerais bien d'en revoir, de toute ma vie, continua-t-elle en m'adressant un signe de tête positif.
Il y eu un bruit sourd derrière elle, et je jetais un coup d'œil à la créature couchée sur la table.
Le crâne de Grek n'arrête pas de s'ouvrir, expliqua-t-elle. Le pauvre.
Elle tendit la main à Pike, qui la regarda, septique. Inconsciemment, je souris. Il était toujours aussi frileux à l'idée de se salir.
Fils d'un professeur reconnu et d'une mère au foyer aimante, il n'avait ni frère, ni sœur. Elevé en enfant roi, il avait toujours tout réussi, par travail, certes, mais également par chance et avec les moyens financiers qui allaient avec.
Le sang de Tellarite est riche en hémérythrine, se moqua Reno. On n'en trouve sur Terre que chez les invertébrés marins. L'évolution. Quelle farceuse.
Depuis quand… commença Burnham.
Dix mois et onze jours, coupa Reno. S'échouer en espace ennemi en pleine guerre, c'est très surfait.
La guerre est finie, lui apprit Pike, et je vis Reno me regarder, avec surprise.
Elle nous dévisagea chacun notre tour, et sembla aviser nos visages marqués à Mickaël et moi-même.
Vous ne parlez pas Klingon, alors on a gagné ? demanda-t-elle.
On a signé un armistice, on est en paix, lui apprit Burnham, et je détournais les yeux, amère.
Je vouais pour ma part une haine inconsidérée envers les Klingons, et si je comprenais l'importance d'un armistice, je l'avais très mal supporté.
La cicatrice sur mon flanc se souvenait encore très bien de ce dont ils étaient capables.
Avec les types qui boivent du sang ? demanda Reno et j'esquissais un geste d'approbation.
Oui, confirma Mickaël en m'adressant un regard compatissant.
Reno éclata de rire et s'orienta vers l'un de ses patients.
Tu entends Valentine ? La guerre est finie. On rentre. Valentine a pris un éclat d'obus dans la valve aortique. Il fallait une greffe, je n'avais pas de donneur. J'ai fait une dérivation vers un Bolien mort.
Vous n'êtes pas médecin, constata Nhan.
Le corps est une machine, coupa Reno. Et je sais lire.
Vous les avez maintenus en vie, toute seule ? demanda Burnham, surprise et impressionnée.
Les petits m'ont aidée, fit Reno en indiquant les drones qui entraient dans leurs boites. Je les ai faits costauds. Quand j'ai suspendu les contre-poids, ils m'ont tenue la tête en bas.
Quand est arrivé le crash ? demanda Pike.
On allait à la base stellaire , expliqua Reno. On a évacué la plupart des blessés. Ceux-ci n'étaient pas déplaçables.
Vous êtes restée ? demanda Pike, interloqué.
Bien sûr ! Qu'auriez-vous fait, vous ? lui demanda Reno. Ce n'était peut-être pas malin.
Il y eu alors une nouvelle secousse, et je me retins de justesse à Nhan à mes côtés.
Ça tangue depuis des heures, pourquoi ? demanda Reno.
L'astéroïde va percuter un pulsar, expliqua Mickaël. Le champ gravitationnel détruira tout.
Ouf ! J'ai cru qu'on allait tous mourir, ironisa Reno et je ne pu m'empêcher de sourire. Vous pouvez nous évacuer ?
On va tout faire pour, promit Mickaël. On doit parvenir au téléporteur.
Alors suivez-moi, fit Reno et je lui emboitais le pas.
On parvint rapidement jusqu'à ce dernier, et je constatais une fois de plus les dégâts que le vaisseau avait subi.
Les pas sont intacts, déclara Mickaël alors que je m'immobilisais, attendant les ordres. Peut-on déplacer les patients ?
Risqué, mais oui, confirma Reno.
On se mit rapidement en mouvement. Puisque je n'étais d'aucune utilité auprès de Mickaël, je me chargeais d'aider Reno à brancher les câbles.
Prête ! fit Nhan.
Installez les amplificateurs, lui demanda Mickaël. Et revenez à l'infirmerie. Ilyana, il faut préparer les patients au départ.
Hochant la tête, je repartis en direction de l'infirmerie.
Je n'étais pas personnel médical, je n'avais aucune qualification en la matière, aussi je me contentais de suivre les consignes de Reno.
Finissant d'installer une patiente sur le brancard, je sursautais quand une personne me rejoignit. Je gardais les yeux rivés sur les perfusions que j'accrochais quand je reconnus la couleur de la combinaison.
Pike.
J'ai compris que tu cherchais à éviter de m'adresser la moindre parole, quitte à obéir à des ordres que tu ne cautionne pas, et en tant que Capitaine, on sera obligé d'avoir une discussion à bord du Discovery, me murmura-t-il. Tu as toutes les raisons de m'en vouloir, mais pour le moment, pourrait-tu simplement me confirmer que nos présences respectives ne mettent les vies de personne en jeu ?
Fermant les yeux, je frémis quand il ajouta.
C'est un ordre Commandeur, rajouta-t-il.
Livide et furieuse, je posais les yeux sur lui.
J'ai toujours fait mon devoir, et en tant que tel, oui, vous pouvez compter sur moi, même si je vous hais.
Je terminais ma phrase froidement et me tournais vers Reno qui venait d'entrer de nouveau dans la pièce.
Elle est prête, déclarais-je.
Alors le Capitaine et vous, emmenez là en salle de téléportation, me demanda-t-elle.
Dans le silence le plus total, je poussais le brancard.
La première téléportation se fit avec succès, et je soupirais de soulagement alors qu'une nouvelle secousse revenait.
On se dépêcha d'envoyer une nouvelle vague de patients, avant d'arriver avec les derniers. Me plaçant sur la plateforme de téléportation, je me préparais à être téléportée.
Pike à Discovery, prêts pour téléportation, ordonna Pike.
Il y eu brutalement une explosion et je vis le tableau de téléportation grésiller. Je me précipitais en avant en même temps que Mickaël et lui passais les câbles.
On répare, clama Mickaël.
A cet instant, le bruit de l'activation de la téléportation se fit entendre et je pivotais sur mes talons.
Ilyana, Burnham, venez ! ordonna Pike en esquissant un geste pour s'avancer.
Mais au moment où je me redressais, il y eu une brutale explosion, et je fus propulsée en arrière.
Heurtant le sol avec violence, je restais sonnée deux secondes.
Lève-toi, m'ordonna Mickaël. Ça va exploser !
Obéissant sans réfléchir, je la suivis dans les couloirs alors que tout explosait derrière nous.
Discovery, suivez nos signaux ! clama-t-elle.
Je n'entendais plus rien en dehors des bruits d'explosion. Ordonnant à mon casque de se remettre en place, je courrais derrière Mickaël, sans vraiment savoir où aller.
Brutalement, une explosion nous souffla, et je fus de nouveau projetée en arrière. Une douleur violente irradia ma cheville. Je perdis connaissance, inerte sur le sol.
oOoOo
Ce fut le bruit des machines médicales qui me réveilla, et je clignais avec difficulté des paupières pour découvrir que je me trouvais à l'infirmerie du Discovery.
Bonjour, clama le Dr Pollard. Comment vous sentez-vous ?
Bien, répondis-je en grimaçant. Mickaël va bien ?
Très bien, répondit le médecin. Elle est infernale.
Merci bien, répondit la voix de Mickaël et je souris en me redressant.
Je peux y aller ? demandais-je.
Vous pouvez, le Capitaine Pike requiert votre présence à votre réveil, confirma le médecin.
En fait, je ne suis pas sûre de pouvoir me lever, fis-je.
Loupé, il avait prévu que vous l'éviteriez, il m'a précisé de vous dire que c'était un ordre, précisa-t-elle et je grimaçais. Burnham, il voulait vous voir aussi, alors allez-y à deux. Au moins, je serais sûre qu'elle arrivera là-bas.
Soupirant, je remis mes bottes et suivis Mickaël dans les couloirs.
Il y a quelque chose entre toi et le Capitaine Pike, remarqua Mickaël.
Tout comme pour Spock et toi, c'est compliqué, répondis-je et elle soupira.
Rien n'est jamais simple ici-bas, soupira-t-elle et je ne pu qu'être d'accord.
On parvint à la passerelle, et elle frappa à la porte du bureau.
Entrez, confirma Pike et on obéit. Ah, comment vous sentez-vous ? Je ne veux pas vous voir pencher comme la Tour de Pise.
Il s'était particulièrement adressé à Mickaël, sachant d'ores et déjà que je ne répondrais pas. Mes yeux s'était fixé sur sa tenue.
Il portait la tenue du vaisseau.
Il était censé repartir sur l'Enterprise pourtant !
Le Docteur Pollard est méticuleuse, rit Mickaël et je levais un sourcil. Vous restez ?
Oui, confirma Pike et mon froncement de nez fut ma seule réaction visible.
Intérieurement, je pris une sacrée claque.
L'Enterprise est trop endommagé, continua Pike. Les ingénieurs ignorent quand il sera réparé.
Saru est informé ? demanda Mickaël et je cillais vers ce dernier.
Oui, confirma Pike. Nous allons avoir le vaisseau en garde partagée. Il est intelligent. La Fédération nous confie l'identification de la source et du but de ces signaux. On a besoin d'intelligence. Et moi, d'un bureau… où doit-on s'asseoir ?
Nulle part, répondit Mickaël. Lorca n'aimait pas la discussion.
Moi, j'aime que mes officiers s'asseyent et me parlent librement, fit Pike. Allons ailleurs.
Je suivis le mouvement sans vraiment avoir le choix, mais je me mis délibérément derrière eux. Le couloir ne permettait pas plus de deux personnes côte à côte.
Les agents dans les couloirs nous jetèrent des regards surpris.
J'étais hiérarchiquement la troisième sur la liste de commandement actuelle, bien loin devant Mickaël. Logiquement parlant, je ne devrais pas marcher derrière elle.
Rien à faire.
Spock a-t-il expliqué notre distance ? demanda Mickaël.
Pas en détails, non, fit Pike.
C'est ma faute, fit Mickaël en s'arrêtant au milieu du couloir, devant une baie vitrée qui laissait se dessiner l'Enterprise. J'aimerais gagner l'Enterprise. Pour le voir.
Désolé, mais il n'y est pas, murmura Pike. Il est en congés. Rater la guerre… à cause de notre mission de cinq ans… mon équipage en a souffert. Dont Spock. Et moi.
Il était sincère, je le sentais.
Même s'ils vous avaient rappelés, fit Mickaël. Vous étiez trop loin. Starfleet avait ses raisons. L'Enterprise était un dernier recours.
Pour la première fois, je posais des yeux sans haine sur Pike. Son visage était réellement marqué par la souffrance.
Il s'orienta vers la fenêtre où se dessinait l'U.S.S Enterprise.
Est-il logique de repousser le retour, s'il ne reste rien ce jour venu ? demanda-t-il en s'adossant au mur et ses yeux se vrillèrent aux miens.
Avec surprise, j'y lu une émotion qui me concernait. Je ne la reconnus pas, mais on aurait dit une évocation à la destruction de l'U.S.S Discovery annoncée pendant neuf mois. A ma mort présumée pendant autant de temps.
Spock posait des questions extraordinaires. Totalement logiques, et capables de montrer à tous que la logique n'est pas une fin en soi, mais un commencement. Il avait tant d'avance sur nous. Il y a quelques mois, il a changé. Je l'ai senti. Comme s'il était tombé sur une question à laquelle il ne pouvait pas répondre. Il n'a voulu en parler à personne. Pas même à moi.
Que peut-il se passer ? demanda Mickaël.
J'ai une confiance aveugle en Spock, répondit Pike. Je n'ai pas posé de questions.
Quand revient-il ? demanda-t-elle.
Je l'ignore. Il avait cumulé des mois de congé.
J'aimerais y aller, fit Mickaël en indiquant l'Enterprise. J'ignore ce que j'espère trouver. Mais il le faut.
Pike hocha la tête.
Alors allez-y, confirma-t-il.
Mickaël hocha la tête, m'adressa un regard, puis devant mon hochement de tête, elle tourna les talons, me laissant seule avec Pike.
Je savais ce dont il souhaitait discuter, mais je ne lui faciliterais pas la tâche. Aussi me contentais-je de m'adosser au mur opposé, attendant qu'il prenne la parole.
Je sentis son regard me détailler pendant que je scrutais l'U.S.S Enterprise par la fenêtre. Il était vrai que ce vaisseau était magnifique.
Tu ne me faciliteras pas la tâche n'est-ce pas ? fit-il, plus comme une affirmation qu'une question.
Je ne répondis rien, mais mon regard se figea. Seul effort que je ferais.
C'est à moi de parler de toute manière, reprit-il. Et de te présenter en tout premier lieu mes excuses pour ce que j'ai dit et fais il y a dix ans. Rien n'excusera mon comportement de l'époque, mais j'ai parfaitement conscience que j'étais arrogant, vaniteux et extrêmement prétentieux. Ce que j'ai fait… est difficilement pardonnable. J'en ai conscience. Mais je veux que tu saches que j'ai passé les dix dernières années à en vouloir à l'homme que j'étais. Celui qui a créé tout cela par simple colère…
Il marqua une pause, certainement dans l'espoir que je dise quelque chose, mais je n'en fis rien. Reconnaître ses erreurs, c'était bien beau, mais rien ne retirerait ses paroles balancées à la figure dix années plus tôt. Ni ce qui c'était brisé ce soir-là.
Même si ce sera extrêmement désagréable et très certainement violent, je voudrais simplement que tu me dises clairement ce que tu… ressens…, reprit-il lentement. Ton silence est impossible à vivre, même si je sais que tel est le but, et je veux simplement… savoir… Je ne veux pas avoir à te l'ordonner… Qu'on le veuille ou non, je suis Capitaine et tu es sous mes ordres et ma responsabilité. Si cela risque de poser un problème, je veux le savoir.
Alors pour la première fois, mes yeux quittèrent la vitre pour se poser sur lui.
Si je fais le choix du silence, c'est simplement par respect pour le grade qui est le vôtre, répondis-je alors lentement. Vous êtes le capitaine de ce vaisseau pour le moment, et bien que cela me soit extrêmement désagréable, je suis suffisamment professionnelle pour faire le choix de ne pas faire d'esclandre. J'obéirais à vos ordres, je ferais mon travail, même si cela implique de travailler en binôme avec vous. Mais passé le côté professionnel, je ne sais pas quoi TE dire. Ce qui s'est passé a eu lieu il y a dix ans. Entre temps, j'ai fait la guerre, et j'ai vécu des choses. Toi, ma famille, vous êtes devenus des étrangers. Ma famille, elle est là… Te voir, c'est comme voir apparaître un vieux souvenir désagréable. Je ne peux pas l'effacer, je ne peux que composer avec.
Reposant les yeux sur la vitre, je me redressais.
Je ferais mon travail, et professionnellement parlant, vous pourrez toujours compter sur moi, jurais-je. Mais ce sera tout. Je vous demande de garder vos distances. Je souhaiterais regagner mes quartiers ?
Pike sembla hésiter, pour une raison qui m'échappait, il sembla examiner la distance entre nous, puis je vis distinctement la résolution se peindre sur ses traits.
Je vous libère, murmura-t-il.
Hochant la tête, je passais à côté de lui, et le frôlais sans le vouloir. Le contact de sa main contre la mienne me remua plus que de nécessaire.
Pour une raison que j'ignorais, mon cerveau semblait partagé entre deux désirs fortement contradictoires que je me forçais à ne pas analyser.
Je ne voulais pas être confrontée à ce que j'avais ressentis des années auparavant.
