Année : 771

Un peu plus de 3 ans après le Cell Game

C17 n'eut pas à chercher très longtemps. Quelques minutes à peine après avoir pris la direction de la forêt, il entendit des coups de feu. « Et bien, et bien, on dirait qu'au moins je ne me déplace pas pour rien » pensa-t-il tandis qu'il cherchait à localiser l'origine de ce vacarme.

Au bout de quelques secondes, il distingua une série de flash lumineux sur sa droite. En s'approchant, il vit alors se dessiner une vaste clairière, et en son centre se trouvaient de nombreuses voitures. Aucun doute, il y avait des humains à cet endroit, et les coups de feu devaient bien venir de là. C17 accéléra et en l'espace d'un instant, il avait posé pieds en plein centre de la clairière.

Plus un seul bruit cependant, et aucun humain à l'horizon.

« Étrange », se dit-il, « je suis certain que les coups de feu proviennent de cet endroit... ».

Pan !

Un bruit sec retentit alors juste derrière lui. C17 arrêta sans difficulté la balle qui se dirigeait droit sur lui. A vrai dire, il n'avait pas vraiment eu à réfléchir. Sa vitesse était bien supérieure à celle de tout ce que l'humanité pouvait produire, et ses réflexes de combattants étaient toujours intacts, même s'il ne s'était pas battu depuis des années. Ce fut donc avec une certaine forme de surprise qu'il regarda la balle encore fumante dans sa main droite.

« On tire dans le dos à ce que je vois ! » dit-il doucement en se retournant vers l'origine de la balle, « c'est une bien mauvaise idée de votre part ».

C17 était calme, car il se savait parfaitement en sécurité, néanmoins il ne pouvait nier être légèrement agacé. Il n'aimait pas du tout l'idée d'une attaque venant ainsi chercher à le prendre par surprise.

« La même sensation…. »

Cell s'en était pris à lui exactement de cette façon, incapable de vaincre frontalement C16, il avait choisi de l'attaquer dans le dos. C17 n'avait jamais pu oublier ces quelques secondes, quand il s'était aperçu trop tard de la présence de Cell. Une erreur fatale. Il était donc passablement en colère quand il se dirigea d'un pas ferme vers les arbres d'où il pensait que le coup était parti. Il entendit très clairement les bruits de pas d'un humain qui s'enfuyait en direction des profondeurs de la forêt, et un sourire narquois se dessina sur son visage.

« Si tu penses m'échapper humain, il va vraiment falloir que tu coures bien plus vite que ça... »

Mais alors qu'il allait s'envoler pour rattraper celui qui avait tiré, une voix féminine se fit entendre.

« Attends ! Attends C17 ! »

Étonné d'être ainsi appelé par son nom par quelqu'un dont la voix lui était totalement inconnue, il s'arrêta net et se retourna. Devant lui se tenait une jeune femme. Coiffée d'une queue de cheval, on pouvait voir cependant que ses cheveux châtains étaient très longs. Elle était habillée très simplement, d'un débardeur noir et d'un jean. Elle tenait un fusil dans une main, et lui faisait de grands signes de l'autre.

« C17 ! Viens ici, pas la peine de lui courir après, cet imbécile va revenir avec du renfort, et alors on les attrapera tous en même temps ! ».

Sans attendre, la jeune femme se rapprocha de lui en courant.

« Pffffu et ben, tu en as mis du temps pour arriver ! Heureusement que je sais me défendre hein, sinon c'était vraiment fichu ! Bon c'est pas bien grave. De toute façon on a pas affaire à des génies, je les ai repérés de loiiiiiiiiiiiiin ces gros balourds. Ils me suivent depuis des HEURES, tu parles d'une discrétion ! Bon allez, c'est pas grave, on a plus qu'à les attendre tranquillement. On va s'installer près des animaux, c'est le meilleur endroit. On a même le temps de prendre un café je pense, tu veux un café ? Oh mais dis donc tu n'as aucune arme avec toi ? Tu es venu sans préparation ? C'est pas prudent. BON je vais voir si je peux te trouver quelque chose…. Mais t'attends quoi là ? »

Elle avait prononcé ces mots tellement vite que C17 en était resté complètement désarçonné. Il ne savait pas du tout quoi répondre.

« Mais quel humain est capable de dire autant de choses en si peu de temps ? » s'interrogeait-il, absolument abasourdi par la familiarité avec laquelle elle lui parlait. Il n'eut pas le temps de trop y réfléchir car à peine quelques secondes plus tard…

« Et ho, la Lune, ici la Terre, tu me reçois ? »

La jeune femme se tenait face à lui, à peine à quelques centimètres de son visage, et elle le dévisageait avec une telle désinvolture que C17 finit par douter un court instant.

- Euuuuuuh, excuse-moi mais, on se connaît ? finit-il par lui demander.

- En quelque sorte.

- ….

- ….

- Comment ça, « en quelque sorte » ?

- Tu es bien C17 non ?

- …. oui ?

- Donc tu sais qui je suis non ?

- … Ruri ?

Elle lui adresse alors un grand sourire, et dans un éclat de rire, acquiesça « Tu vois qu'on se connaît ! Bon alors, on va le prendre ce café ou on plante une tente ici ?»

C17 resta interdit. Il était certain de n'avoir jamais rencontré cette femme auparavant. Il ne put donc pas s'empêcher de lui demander comment elle savait qui il était. Elle se mit alors une nouvelle fois à sourire, et en posant son index sur sa tempe gauche, elle répondit en riant « Parce que j'ai utilisé mon cerveau ! »

Devant le silence interrogatif de C17, elle reprit :

- Ryo m'avait dit qu'il m'enverrait du renfort, et que ce serait un bel homme brun aux yeux bleus. Et il m'a aussi dit qu'il ne fallait pas que je sois surprise si tu débarquais tout d'un coup comme un cadeau de Noël donc….. ce n'était pas difficile de savoir qui tu étais en fait. Suffit d'un peu de déduction !

- Bel homme brun aux yeux bleus ?

- Mmmmmmmmmm maintenant que tu m'en parles il a juste dit que tu avais les cheveux noirs et les yeux bleus. Le reste, c'est juste un constat, répondit-elle, en lui faisant un clin d'œil.

C17 ne savait pas trop comment réagir. « Cette humaine est vraiment bizarre » pensa-t-il, tandis qu'il la suivait jusqu'aux voitures garées plus loin dans la clairière. La plupart des gens qu'il avait rencontrés lors de ces dernières années étaient assez vite effrayés par sa puissance, sa vitesse, ou quand encore ils le voyaient s'envoler. C'était d'ailleurs un peu l'effet recherché, C17 ne souhaitant pas particulièrement s'attirer la sympathie des humains. Plus ils avaient peur, plus il était tranquille se disait-il. Et même si les villageois, eux, n'avaient plus vraiment peur de lui, ils restaient en retrait et un peu mal à l'aise en sa présence. Mais cette jeune femme, elle, n'avait pas du tout l'air impressionné ou apeuré. Il était pourtant certain qu'elle l'avait vu arrêter la balle. Normalement, cela aurait dû suffire à lui faire peur.

Arrivé devant les voitures, C17 continua de l'observer en silence. Elle semblait chercher quelque chose dans le coffre d'un grand pick up gris. «Ha ! » s'écria-t-elle soudain, « voilààààààà j'étais sûre qu'ils en avaient une ! ». Elle tenait dans sa main une carabine qu'elle lança à C17.

« Tiens, prends ça, ça pourrait servir quand ils vont revenir »

C17 l'attrapa machinalement. Inutile de perdre du temps à lui expliquer pourquoi il n'en avait pas besoin, « elle ne m'a peut-être pas vu finalement » se dit-il alors. Il était de toute façon pressé d'en finir. Il avança jusqu'à être à sa hauteur, et lui demanda :

- Bon, si tu m'en disais plus sur eux. Qu'est-ce qu'ils te veulent ?

- Oh, à moi, rien de particulier. Ce sont des braconniers.

- Des quoi ?

- … mmmmmmmmm en gros, ici c'est une réserve naturelle. Tu sais ce que c'est ?

- ….

- C'est bien ce que je pensais. Ici, vivent des animaux que personne n'a le droit de chasser tu vois. Et dans cette zone en particulier vit une espèce de cerf très très trèèèèèès rare. Les braconniers sont des gens qui veulent tuer ces animaux protégés.

- Pour les manger ? interrogea C17. La jeune femme poussa un léger soupir, et poursuivit :

- Non, pas du tout. Pour l'argent. Comme ces animaux sont rares, il y a des gens qui payent très cher pour avoir leur peau ou leurs bois en trophée dans leurs maisons. Et les braconniers les leurs fournissent.

C17 demeura interdit. Voilà bien une stupide raison pour tuer un animal. Quel intérêt de décorer une maison avec une peau d'animal mort ? Voilà bien une idée humaine, complètement stupide. « C16 détesterait cette idée ».

Il eut comme un sursaut à cette pensée. Sans qu'il ne sache trop pourquoi, il pensait fréquemment à C16. Depuis des mois, des années peut être, C17 errait de lieu en lieu, et comme il n'aimait pas vraiment être entouré de monde, il passait beaucoup de temps dans la nature. Il y avait vu des oiseaux, des écureuils, et toute sorte de petits animaux. Il appréciait leur compagnie discrète et apaisante, et au fur et à mesure du temps, le souvenir de C16 lui était revenu. « Cet idiot avec ses petits oiseaux…. ». Cette pensée lui provoqua une sensation étrange et très désagréable. Sa gorge devint sèche, et sa poitrine lui fit mal. Il détestait ressentir cela, mais ne parvenait pas à identifier ce que c'était.

« C17 ? Toujours là ? »

La voix de la jeune femme tira C17 de ses pensées.

« Oui » répondit-il. La sensation étrange commençait à s'estomper.

- Tu veux que je continue ? reprit-elle.

- Oui, vas-y.

- D'accord. Donc pour faire simple les gardes forestiers du coin….

- Les quoi ?

- Ceux qui sont en charge de protéger les animaux.

- Ah.

- Et bien en fait ils m'ont appelé il y a quelques jours. Une femelle du troupeau de cerf est malade, et ils ne savent pas ce qu'elle a. Ils voulaient avoir mon avis. Je suis étudiante en zoologie tu vois, donc…

- Zoo quoi ?

- ….. et ben, ça va pas être facile dis-moi ! La zoologie c'est l'étude des animaux pour faire simple. Je suis une spécialiste des animaux.

- Étudiante, ça veut dire quoi ?

- Hein ?

- Tu as dit « étudiante en zoologie »

- Je suis …. encore… à l'école en quelque sorte.

- Pourquoi ils te demandent à toi dans ce cas ?

La question de C17 sembla vexer la jeune femme.

- Mais parce que je suis un génie ! Je suis la meilleure figure-toi ! Je suis assez connue chez les gardes forestiers mon cher ami !

- Ah.

- Bref, reprit-elle, l'air boudeur, il y a quelques jours j'ai rencontré le chef des gardes dans un restaurant pas loin. Nous avons mis au point le dispositif…

- Quel dispositif ?

- Ce n'est pas si simple d'approcher une femelle de cette espèce. Elle vit en troupeau, entourée de ses sœurs et protégée par un mâle dominant très dangereux. Il a donc fallu rassembler tous les animaux dans un endroit bien précis du parc pour que je puisse examiner la femelle. Et le tout discrètement afin de ne pas attirer l'attention des braconniers de la région. Parce que, pour eux, tout le troupeau au même endroit, c'est….

- L'idéal pour les abattre facilement.

- BINGO ! Mais sans doute que parmi les clients du restaurant, pas de chance, il devait y avoir un braconnier. Depuis, je suis suivie. Je m'en suis vite aperçue parce que FRAAAAAANCHEMENT ils ne sont pas discrets. Mais nous n'avions plus le choix. Il faut bien soigner la femelle. Alors j'ai essayé de les semer, pas possible. En plus ma voiture est tombée en panne. Mais, chance pour moi, j'ai rencontré Ryo et il m'a parlé de toi !

- Oui je sais.

- Donc voilà, tu sais tout maintenant.

- Donc tu as besoin que je t'aide à éliminer les braconniers ?

- ….. euh je ne suis pas sûre de savoir ce que tu entends par éliminer ?

- Tu veux que je les tue ?

- HEIN ? Non non non non non pas du tout ! Les maintenir à distance sera suffisant, on ne…. tue….. pas les gens comme ça ! Hahahahaaaaaaaaaaa ! .

Ruri éclata alors de rire, à la grande surprise de C17. Il n'avait pas du tout l'intention de tuer ces humains, mais il avait voulu la tester pour voir quelle serait sa réaction s'il le laissait entendre.

« Qu'est-ce qui es si drôle ?», finit-il par lui demander.

La jeune femme mis encore quelques secondes à calmer son fou rire, puis répondit « Hahaha Ryo m'avait prévenu que tu étais un peu glaçant par moment. Dis donc, quelle manière de régler les conflits, vraiment expéditif! »

C17 ne sut pas quoi répondre. Elle ne semblait décidément pas du tout avoir peur de lui. « Vraiment bizarre cette humaine... »

Ce fut finalement Ruri qui brisa le silence, de nouveau.

- Bon, on y va ?

- Où ça ?

- Là où les cerfs sont réunis.

- Tu ne voulais pas que les braconniers ne trouvent pas l'endroit ?

- De toute façon il faut bien qu'on y aille. Et si on attend, ils vont ratisser tout le périmètre et finiront bien par les trouver. Maintenant que tu es là, autant y aller directement non ?

- …. je n'ai pas dis que j'acceptais de t'aider.

- Tu n'as pas dit que tu refusais non plus que je sache.

- …

- 2000 zénis, ça te va ? Je peux te les proposer, ce sont les gardes forestiers qui te paieront de toute façon haha !

C17 croisa les bras, et réfléchit.

2000 zénis, voilà une somme qui allait lui permettre d'être tranquille pendant quelques mois. Et ce travail n'était vraiment pas compliqué. Il allait pouvoir quitter le village et enfin se retrouver seul, loin des humains. « Autant accepter, cela prendra quelques minutes, et après je m'en vais... »

Ruri attendait patiemment. Elle savait que C17 n'était pas un grand bavard, Ryo l'avait bien renseignée. En fait, elle n'en avait rien laissé paraître mais voir C17 descendre du ciel et arrêter une balle tirée de si près uniquement avec une main l'avait sidérée. Jamais elle n'aurait pu imaginer que quelqu'un d'aussi fort puisse exister. Elle sentait bien d'ailleurs qu'il était clairement plus fort que ce qu'elle avait pu apercevoir. Et ça, cela l'intéressait énormément. Venir en aide à ce troupeau n'était qu'une étape, Ruri avait un objectif bien plus important. Un objectif qu'elle ne pourrait atteindre toute seule. Elle allait avoir besoin de l'aide de quelqu'un de vraiment puissant, car l'expédition qu'elle voulait entreprendre était mortellement dangereuse. Voir ce dont C17 était capable venait de lui redonner espoir, et elle avait bien l'intention de ne pas repartir sans lui.

« Hihi, mon cher C17, ne crois pas une seule seconde que tu vas pouvoir te débarrasser de moi facilement » pensa-t-elle...