Année : 771
Un peu plus de 3 ans après le Cell Game
- C'est quand même drôlement pratique que tu saches voler C17.
- Mmmmm.
Après deux jours de route supplémentaires, la voiture de Ruri avait décidé de « prendre une pause ». N'ayant pris aucun outil avec lui, C17 n'avait pas pu la réparer immédiatement. Comme ils étaient de toute façon presque arrivés à destination, ce n'était pas un si grand problème. C17 avait donc proposé de remettre le pick-up dans sa capsule, et de finir le voyage en volant.
Délicatement, il avait donc pris Ruri dans ses bras, et cela faisait maintenant 5 bonnes minutes qu'ils survolaient la région. Cette fois, la jeune femme n'avait plus du tout peur. Elle avait passé ses bras autour du cou de C17 sans aucune hésitation, et semblait apprécier la balade, à en croire ses gloussements et le regard émerveillé qu'elle posait sur le paysage en dessous d'eux.
- Rooooh tu vas pas ronchonner en plus ! C'est super marrant comme façon de finir.
- J'avais dit dès le départ qu'il fallait y aller en volant.
- Non mais là c'est mieux, on fait les deux. Un peu de road trip pour le plaisir, et on finit en volant pour l'efficacité. Personnellement, j'adore haha ! Mais regarde, regarde comme le monde est beau vu d'en haut ! Tu as tellement de chance de pouvoir faire ça tout le temps ! Je passerai ma vie dans le ciel si je savais voler !
C17 n'avait jamais réfléchi à cela. Savoir voler était naturel pour lui, c'était juste sa façon normale de se déplacer et il ne prenait pas vraiment le temps d'observer ce qui se passait en dessous. Sans doute que pour une simple humaine en revanche, l'expérience devait être toute autre.
- …. tu trouves que c'est si beau que ça ? demanda-t-il
- Oh oui, c'est superbe. Et puis, tu es très confortable, répondit Ruri en souriant, de la part d'une personne aussi forte que toi je m'attendais à plus… rude.
- Ah.
C17 avait en effet été très précautionneux au moment de saisir Ruri. S'il n'y faisait pas attention, il pouvait aisément blesser un humain sans qu'il ait besoin pour cela d'employer la moindre force. Il n'était pas vraiment habitué à prendre un humain dans ses bras. Il faisait également attention à ne pas voler trop vite, pour ne pas que le vent heurte trop violemment le visage de Ruri. « Les humains sont de si fragiles créatures... » pensa-t-il, tandis que sous eux commençait à se dessiner une immense savane.
Ruri de son côté n'en oubliait pas son nouvel objectif secret : déterminer la nature exacte de C17, et l'origine de ses pouvoirs. Depuis leur départ elle l'observait, notait la moindre de ses réactions ou habitudes, et essayait au détour de questions banales d'en apprendre plus sur lui. Bien accrochée à son cou, elle en profitait donc pour poursuivre discrètement son enquête. Elle pouvait sentir son souffle près de son visage, et percevait même faiblement les battements de son cœur. Son corps semblait avoir une température normale. « Bizarre, tout à l'air de fonctionner comme un corps biologique banal, comment est-ce possible, alors qu'il ne mange jamais ? Et je suis quasi sûre qu'il ne dort pas non plus…. ».
Elle était en pleine réflexion quand un détail lui apparut. Ayant passé ses mains autour du cou de C17, elle remarqua que les muscles qu'elle sentait sous ses doigts étaient incroyablement denses. Une impression de dureté s'en dégageait, ils paraissaient d'une solidité surnaturelle. « Ah ça par contre, c'est pas banal…. ».
Ruri était perdue dans ses pensées, quand elle fut interrompue par C17.
- Ce n'est pas le camp que tu cherchais qu'on voit ?
Elle regarda au loin, et en effet, on pouvait distinctement voir un ensemble de tentes et des installations manifestement humaines.
-Ah si, bien vu, on est arrivés. Pose-toi pas loin, on va finir à pied. Inutile de déclencher la panique en débarquant du ciel.
- …
- Ah oui, pardon. Pouvez-vous vous poser M. C17 ?
- C'est mieux.
C17 atterrit non loin du campement, et ils finirent le chemin en marchant. Une fois qu'ils eurent atteint le campement, Ruri se précipita à la rencontre des autres humains qui s'y trouvaient. Elle avait l'air de bien les connaître, tant ils poussèrent des cris de joie en la voyant.
De son côté, C17 se mit immédiatement en retrait. Il n'avait pas vraiment envie de se joindre à la discussion. Il s'assit donc sur un rocher, et observa la situation. Il y avait en tout 7 humains, des hommes, assez âgés. Au vu de leurs vêtements, C17 déduisit qu'ils devaient être gardes forestiers eux aussi. Au bout de quelques minutes, les humains s'aperçurent de sa présence, et le désignèrent à Ruri. De là où il était, C17 n'entendait pas vraiment ce qu'ils se disaient, mais la jeune femme répondit quelque chose qui sembla convenir aux humains, puisqu'ils reprirent leur conversation. Ruri était très à l'aise, elle finit même par rire aux éclats. Puis, après que les gardes forestiers lui aient donné un sac à dos, elle rejoignit C17, et s'assit à côté de lui sur le rocher.
- Aaaaaaaaah, ça fait du bien de revoir des vieilles connaissances !
- Des amis ?
- Amis, je ne sais pas. Mais je les connais depuis très longtemps.
- Ce sont des gardes forestiers ?
- Bien vu, comment tu as deviné ?
- Leurs tenues ridicules.
- ….. réflexion assez osée de la part de quelqu'un qui se balade avec un look mi cowboy, mi ado rebelle.
- Hein ?
- J'aime bien ton foulard mais franchement, … sans vouloir te vexer…...ça fait cowboy quand même. Et ton jean, je n'en parle même pas.
- …. qu'est-ce qu'il a mon jean ?
- Non mais il est MILLE FOIS TROP GRAND C17 ! Et c'est plus du tout à la mode l'oversize. Et le côté « déchiré » là, non non non. Tu as bien 10 ans de retard pour le coup.
- Hein ?
- Hahaha pourquoi je ne suis pas surprise…. Oooooooooooooooh mais tu sais ce qu'on devrait faire ? Une séance de shopping ensemble. Tu peux me faire confiance, les fringues, ça me conait. Bon là, on dirait pas mais je suis en expédition donc tu vois, je vais pas m'habiller en princesse MAIS JE TE JURE que j'ai du goût. Dis, une fois qu'on a fini ici, on file dans la ville la plus proche et HOP on dévalise les boutiques ! Oh ce serait troooooop bien, non ?
Les vêtements n'étaient pas vraiment une priorité pour C17. C'était d'ailleurs pour lui un sujet assez difficile, tant les séances de « shopping » avec C18 avaient été un véritable supplice pour lui. Cela représentait à ses yeux des heures et des heures d'attente à l'extérieur des magasins le temps que sa sœur fasse son choix, puis des heures et des heures à discuter avec elle pour arriver à lui faire admettre que la tenue lui allait et qu'il n'était pas nécessaire d'en prendre une autre. La simple idée de revivre l'expérience avec Ruri le fit soudainement pâlir. Il cherchait un moyen de se sortir de ce mauvais pas, mais heureusement pour lui, cette dernière changea vite de sujet.
- Bon, tu me diras, on parlera chiffons plus tard. Petit briefing avant qu'on y aille. La mission du jour est assez facile, de l'argent comme je l'aime, vite gagné. On doit les aider à retrouver une mangouste.
- Une quoi ?
- C'est un carnivore féliforme. Famille des herpestidés, mais à ne pas confondre avec les viverridés, attention, rien à voir.
- ….ah.
- En gros, ça ressemble à une belette, mais c'est pas une belette.
- C'est un petit animal ça non ?
- Oui, je suis déçue, aujourd'hui on ne chasse pas du gros monstre. Mais bon, on ne peut pas s'amuser tous les jours.
- Ils ont besoin de toi pour retrouver une belette ?
- Une mangouste.
- Peu importe.
- En fait c'est une femelle particulière, c'est la cheffe de son clan pour faire simple. Elle a une balise sur elle pour que les scientifiques qui l'étudient puissent toujours la suivre, où qu'elle aille. Mais depuis plusieurs jours, ils ont perdu le signal. Et ils n'arrivent pas à la retrouver. Soit elle est morte, soit la balise a un souci et la femelle est partie en vadrouille. Elle est peut-être aussi blessée. Je n'ai pas pu venir immédiatement malheureusement, j'espère qu'il n'est pas trop tard. Mais bon, mieux vaut tard que jamais.
- Mais pourquoi toi ?
Ruri adressa alors à C17 un sourire rempli de confiance en elle.
- Figure-toi que je suis la meilleure pisteuse du monde. Il n'y a pas meilleure que moi pour suivre les traces d'un animal. Personne ne peut me battre à ce jeu-là. Absolument personne.
Elle avait particulièrement insisté sur le « personne », et avait lancé un regard particulièrement intense à C17 en le prononçant. Ce dernier répliqua alors, un sourire narquois au bord des lèvres :
- C'est un défi ?
- Si tu n'as pas peur de l'humiliation, pourquoi pas, lui répondit Ruri sur le même ton, tu n'as aucune chance de gagner de toute façon.
C17 décroisa ses bras, et se leva instantanément. Il ne put retenir un petit rire moqueur.
- M'humilier, moi ? Tu es bien sûre de toi pour une hum…. jeune fille.
- J'en conclus que tu relèves le défi ? reprit Ruri.
- Évidemment.
- Parfait ! Alors le premier qui la trouve et qui revient au camp a gagné. Moi je pars de mon côté, et toi, tu as le droit de survoler la zone, puisque je suppose que tu vas y aller en volant. Fais juste attention à ne pas te faire remarquer par les gardes forestiers, j'ai déjà dû expliquer que tu étais un peu asocial pour qu'ils ne viennent pas t'importuner, j'aimerais éviter d'avoir à aborder le sujet de la lévitation.
- Aso quoi ?
- Laisse tomber, je gère les relations avec les autres personnes, ce n'est pas vraiment ton point fort. Tiens, je te donne une photo de la femelle que l'on recherche, histoire que tu saches ce que tu dois trouver. Le premier qui la trouve l'attrape et la ramène ici. Dans tous les cas, rendez-vous dans 3 heures ici, ce sera la fin du défi. Ça te va ?
- Oui.
C17 était sur le point de s'éloigner quand Ruri lui saisit la main droite.
- Hop hop hop cowboy, un dernier détail à régler !
- Cowboy ?
- C'est un défi. Alors, il faut déterminer l'enjeu. Si je gagne, tu devras répondre à 3 de mes questions, sans pouvoir esquiver.
Depuis qu'ils étaient partis ensemble, C17 avait parfaitement conscience que Ruri n'avait pas cessé de l'observer. Il se doutait bien que c'était pour déterminer qui il était. Il ne pouvait pas vraiment lui en vouloir, il savait que sa force n'était en rien « normale ». Il avait bien vu qu'elle relevait discrètement le moindre de ses faits et gestes, le tout agrémenté de « mmmmmmmmmmmmm » à chaque fois qu'elle remarquait un détail sur lui.
Il n'avait cependant pas vraiment envie de lui expliquer ce qu'il était ni d'où lui venaient ses pouvoirs. C'était une histoire compliquée, et qui plus est, assez difficile à évoquer pour lui. Mais il ne pouvait pas s'empêcher de la trouver amusante. C17 avait toujours eu un côté « joueur », il aimait prendre du bon temps et plaisanter. C'était d'ailleurs un aspect de sa personnalité que C18 lui avait souvent reproché. Elle qui était beaucoup plus sérieuse, elle n'arrêtait pas de le traiter de « gamin », et C17 n'aimait rien de plus que de faire enrager sa sœur jumelle en en faisant toujours plus. Mais c'était avant. Avant Cell, leur absorption, et le fossé que toute cette histoire avait creusé entre eux.
Depuis, il n'avait plus vraiment rien trouvé d'amusant.
Jusqu'à sa rencontre avec Ruri. Elle, elle arrivait à le faire rire. Elle était gaie, toujours en train de sourire, d'un optimisme à toute épreuve et elle était aussi très taquine.
Si bien que C17 ne résista pas bien longtemps à l'idée de rentrer dans son jeu.
- Très bien. Mais si je gagne, tu n'auras plus le droit de me poser une seule question.
- Jamais ?
- Jamais.
- ….. quitte ou double, c'est ça ?
- Oui.
Ruri sembla prendre quelques secondes de réflexion. Elle ne s'attendait pas à cette réponse, C17 était plus malin qu'elle ne l'aurait pensé. Mais elle ne mit pas longtemps à retrouver son éternelle assurance.
- Pas de souci. Tu vas perdre de toute façon.
- On verra bien.
- Je te trouve incroyablement sûr de toi, tu sais que ce n'est pas si facile de repérer un aussi petit animal vu du ciel. Savoir voler ne sera pas forcément un avantage.
- Qui sait, peut-être que je suis capable d'améliorer ma vision.
Parmi tous les composants que le Dr Gero avait installé dans le corps de C17 et C18, certains étaient situés dans leurs yeux. Et notamment une caméra. Elle ne permettait pas de voir à des kilomètres, mais avait une fonction « zoom » bien pratique. Aussi, C17 était assez confiant dans ses chances de débusquer cet animal en premier. Il était aussi très content de voir Ruri les yeux écarquillés, visiblement décontenancée.
Mais, comme il commençait à en avoir l'habitude, elle ne resta pas très longtemps dans cet état.
En effet, Ruri se rapprocha et une fois positionnée tout prêt de lui, elle répondit d'un ton amusé :
- Tu es décidément plein de surprises toi.
- En effet, répondit C17.
- Je note précieusement cette information.
- Je me doute.
- Bonne chance, tu en auras besoin.
- …
Tous deux se regardèrent encore quelques secondes, fixement, en souriant. Puis ils partirent, chacun de leur côté, à la recherche de la mangouste égarée.
