Chapitre 1 - Maï-Lee
Severus resta interdit, pour ne pas dire complètement choqué. Il regardait d'un air abasourdi cette petite fille qui avait grimpé sur ses genoux et qui se serrait contre lui en pleurant. Maladroitement, il tapota son dos pour essayer de la calmer, en regardant, impuissant, Albus et Minerva faire sortir les élèves de la salle et expliquer aux Gryffondor de septième année que les cours de la matinée seraient annulés.
– Severus, viens… Nous allons l'emmener à l'infirmerie. Pompom pourra la soigner… proposa Dumbledore.
Ils partirent donc, Albus, Minerva et Severus, qui tenait toujours la fillette dans ses bras, chacun essayant d'assimiler ce qui venait de se passer.
Après que Madame Pomfresh eut terminé de soigner les blessures de la petite inconnue et vérifié son état de santé, elle la nettoya d'un coup de baguette et répara sa robe. Elle transforma également une plume en chaussure, puis la raccompagna devant le Directeur et les deux Professeurs.
En voyant arriver la petite fille, le visage et les cheveux maintenant propres, et qui mangeait un gros morceau de chocolat, ils retinrent tous les trois un hoquet de stupeur : la ressemblance avec Severus était frappante ! Le lien de parenté était indéniable, ce qui rendit l'ancien Mangemort encore plus septique face à la situation. Il ne comprenait pas… Cette enfant ne pouvait être sa fille ! C'était impossible ! Il n'avait pas touché une femme depuis au moins dix ans ! Il avait été trop absorbé par son travail d'espion pour trouver du temps pour ça ! Il devait forcément y avoir une explication rationnelle !
Minerva prit la main de la fillette et la fit s'asseoir sur un lit, puis d'une voix douce, lui demanda :
– Comment t'appelles-tu, ma petite ?
– Ben… Je m'appelle Maï-Lee ! pouffa l'enfant. Mais pourquoi tu me demandes, Maminéva, tu le sais bien !
– Maminéva ? Nous nous connaissons ? dit-elle incrédule face au surnom tandis que la petite acquiesçait. Et tu connais qui d'autre ici ?
– Là, c'est Papibus, dit-elle en pointant le Directeur du doigt, et là, c'est mon PAPA ! Son sourire rayonnant était communicatif, même si celui de Severus ressemblait davantage à une grimace.
– Et comment s'appelle ta maman ?
– Ben… Maman ! annonça-t-elle les mains en l'air comme si c'était l'évidence-même. Mais papa ne l'appelle pas comme ça ! Il l'appelle ma Chérie… sauf quand elle l'énerve ! Là, il l'appelle… Puis, tout d'un coup, comme au souvenir d'un cauchemar, elle se remit à pleurer. Papa…m-m-maman… maman est morte… La fillette se réfugia de nouveau dans les bras de Severus.
– On est bien avancé… répliqua le Maître des Potions. Albus, il faut qu'on sache d'où elle vient… et surtout comment elle est arrivée ici !
– Je sais Severus… Mais je ne peux pas utiliser la Légilimancie sur un enfant… Je pourrais lui faire du mal… Je crois que nous n'avons pas le choix… Je vais mettre ses souvenirs dans ma Pensine… Nous pourrons les regarder ensemble ensuite, pendant qu'elle dormira.
Puis, d'un « Accio » informulé, il fit venir l'objet de pierre bordé de runes anciennes jusqu'à lui. Le Directeur s'approcha ensuite de la fillette et lui dit :
– Maï-Lee, ne t'inquiète pas… Je ne vais pas te faire de mal. Je veux que tu penses très fort à ton papa et à ta maman, à ce dont tu te rappelles d'eux, je veux dire. Et aussi à ce qui s'est passé juste avant que tu arrives ici. Tu as compris ?
La petite hocha de la tête et ferma les yeux. Tout doucement, à l'aide de sa baguette, Dumbledore extirpa un à un les filaments argentés de sa tempe, mi-gazeux, mi-liquides, puis les déposa dans la Pensine, les regardant tournoyer sur eux-mêmes.
La tâche finie, Poppy lui fit boire une potion de Sommeil Sans Rêve, et une fois qu'elle fut endormie, les trois professeurs plongèrent dans la Pensine.
Ils atterrirent dans un jardin baigné de soleil. Une petite fille brune poussait une poupée sur une balançoire accrochée à la branche d'un arbre. Non loin d'elle, un homme avec de longs cheveux noir ébène rassemblés en catogan sur sa nuque, assis à une table de jardin semblait lire la Gazette du Sorcier, un œil sur le journal, l'autre vers la jolie petite maisonnette sur sa droite. Il arborait un sourire qu'aucun des professeurs n'avaient jamais vu sur lui : un sourire heureux et… malicieux…
Il semblait attendre quelque chose…
– SEVERUS TOBIAS ROGUE ! cria soudain une voix courroucée qui fit pouffer le susnommé, le nez toujours plongé dans son journal.
– Je t'avais bien dit que Maman ne serait pas du tout contente ! Si tu l'empêches d'aller dans sa pièce… elle va se fâcher ! dit la fillette à son père, qui riait sous cape.
– Je crois que tu as raison mon Ange… Il va falloir que je me fasse pardonner… Le Maître des Potions replia tranquillement son journal, se leva, afficha un sourire faussement repentant sur son visage et attendit la sentence...
– TU AS OSÉ ! JE TE JURE QUE TU VAS ME LE PAYER ! Une jeune femme sortit en trombe de la maison, sa baguette à la main, l'air plus menaçant que jamais. Ses cheveux bruns et bouclés voletaient dans tous les sens et ses yeux chocolat semblaient lancer des éclairs.
Nos trois spectateurs restèrent sans voix : devant eux venait d'apparaitre la dernière personne à laquelle ils se seraient attendus. Malgré le fait qu'elle semblait avoir dans les vingt-cinq ans, le doute n'était pas permis. La jeune femme qui se tenait devant eux n'était autre qu'Hermione Granger !
Severus dut s'asseoir par terre tant le choc était grand. Et il étouffa une exclamation horrifiée lorsqu'il vit son double prendre la femme dans ses bras.
– Calme-toi mon Cœur… dit l'homme à sa femme en la serrant contre lui. On avait dit que tu ne travaillerais pas ce week-end…
– Mais Sev ! Il faut que je prépare mes cours pour la rentrée…
– Non, Hermione… assena-t-il en prenant son visage en coupe pour le rapprocher du sien. Il la dépassait d'une bonne tête et elle se mit sur la pointe des pieds. Il plongea ses yeux noirs dans les siens et la fixa comme pour l'hypnotiser, son visage à seulement quelques millimètres du sien.
On vit la respiration de la jeune femme s'accélérer, et des frissons monter le long de sa colonne vertébrale. Elle ferma les yeux un instant, comme pour rassembler ses idées. Puis regarda son mari à nouveau.
– Tu sais que je déteste quand tu fais ça… murmura-t-elle le souffle court alors qu'il frottait doucement son nez de sa mâchoire à son oreille. Tu sais quel pouvoir tu as sur moi quand tu me regardes comme ça… Severus acquiesça en descendant dans son cou. Et vous en abusez toujours Monsieur Rogue… Elle ferma les yeux lorsqu'il posa tendrement ses lèvres sur sa clavicule, couvrant son cou de petits baisers papillon.
– Et c'est pour ça que vous m'aimez… Madame Rogue… Et, ne lui laissant pas le temps de répondre, il plongea sur sa bouche, lui donnant un tendre et long baiser.
– Beurk ! lança la fillette en riant. C'est dégoûtant !
Et le Severus spectateur était bien d'accord… Il n'avait jamais assisté à pareille scène… D'autant plus qu'il faisait partie des acteurs principaux… Il fut tout à coup pris de nausées. Et entendre Albus et Minerva glousser bêtement à ses côtés n'arrangeaient absolument pas les choses !
Tout d'un coup, le décor changea et ils se retrouvèrent dans une salle de bain. Maï-Lee était assise dans une baignoire remplie de mousse et jouait avec un petit bateau et un hippogriphe miniature. Son père, accroupi à côté d'elle avait relevé les manches de sa chemise, laissant apparaitre la Marque des Ténèbres sur son bras gauche, et lui lavait doucement les cheveux.
– Ferme les yeux mon Cœur… Je vais te rincer. Severus prit un gobelet qui était posé sur le rebord de la baignoire et entreprit de faire couler l'eau sur les cheveux de sa fille.
– Tu te rappelles qu'il faut mettre le démêlant après ? Parce que sinon, je vais pleurer…
– Et oui… Grâce à Merlin, tu as hérité de la tignasse de ta mère ! soupira ironiquement l'ancien Serpentard.
– Et qui passe son temps à y enrouler ses doigts, dans ma tignasse ? railla une voix non loin d'eux. Hermione était tranquillement appuyée sur l'encadrement de la porte, une tasse de thé fumant à la main, et admirait d'un regard tendre les deux amours de sa vie.
– C'est Papa ! répondit la petite. Il adooooooooore toucher tes cheveux ! cria-t-elle en éclaboussant son père. Severus leva les yeux au ciel mais sourit tout de même, résigné et plein de mousse.
Dumbledore et McGonagall, incrédules, se retournèrent vers leur collègue qui semblait ne plus savoir qui il était, lorsque la scène se modifia une nouvelle fois.
Cette fois, il faisait à peine jour, et ils suivirent la petite fille, habillée d'un pyjama jaune et chaussée de petites pantoufles à fourrure. Elle tenait son doudou dans sa main et elle marchait sans bruit dans la maison. Elle s'arrêta devant une porte entrebâillée qu'elle poussa en silence. Le jour qui commençait à percer à travers les lourds rideaux permettait de voir correctement l'ensemble de la pièce. Dans le grand lit qui trônait contre un mur, dormaient un homme et une femme. La petite brune s'approcha tout doucement.
Albus et Minerva restèrent en arrière, préférant rester discrets par respect pour leur collègue. Severus, en revanche, s'approcha du lit… et maudit immédiatement sa trop grande curiosité.
Il se voyait allongé sur le dos, endormi, le visage paisible. Sur son torse nu parsemé de cicatrices reposait la tête d'Hermione, les cheveux plus ébouriffés que jamais. Le drap leur arrivait à la taille, et montrait qu'elle aussi était torse nu, même si l'on ne voyait que son dos… Ce qui laissait facilement deviner ce qu'ils avaient fait pendant la nuit… Elle avait une main qui passait par-dessus la taille de Severus et qui rejoignait sa grande main posée sur le drap. Leurs doigts étaient entremêlés. Lui, avait entortillé les doigts de son autre main dans les boucles de sa femme. Le drap était défait par endroits, et on remarquait qu'ils avaient aussi mêlé leurs jambes.
Le Severus spectateur regarda la scène devant lui avec une mine perplexe… C'était comme s'il n'arrivait pas à les quitter des yeux. La jeune femme était belle, certes, il ne l'avait jamais vraiment remarqué avant… Mais ce qui le choquait le plus, c'était son image à lui : il semblait si bien, si paisible, si heureux… aussi heureux qu'il ne l'avait jamais été en réalité. Cette image transpirait l'amour et le bonheur à l'état pur. Et puis, l'espace d'un millième de seconde, aussi soudain qu'un éclair qui sillonne le ciel un soir d'orage, il se surprit à envier son double. Il aurait voulu être à sa place, là, tout de suite. Il aurait voulu pouvoir, lui, tenir cette jeune femme dans ses bras…
Un mouvement le sortit de ses pensées et il secoua vivement la tête, se rendant compte avec horreur de ce à quoi il était en train de penser ! Une grande claque mentale plus tard, il regarda autour de lui et vit les deux autres suivre sa fille qui sortait de la chambre aussi silencieusement qu'elle y était entrée.
Le décor se métamorphosa de nouveau et ils se retrouvèrent dans une cuisine. Maï-Lee, assise sur un tabouret, tenait son doudou bien serré contre elle, comme pour se rassurer. À ses côtés était assis un garçon de sept ou huit ans, ses cheveux passant du rose au bleu dans le but manifeste de la faire rire. On entendait des éclats de voix venant de la pièce d'à côté… et une femme qui pleurait.
– Teddy, pourquoi Maman pleure ? demanda Maï-Lee au petit garçon qui arrêta instantanément ses pitreries.
– Je ne suis pas sûr, Maï, mais je crois que l'Oncle Ron est mort… souffla tristement le jeune Métamorphomage. Il n'avait jamais pu lui mentir… et puis de toute façon, à quoi cela lui aurait-il servi ? Elle l'aurait bien appris tôt ou tard !
La petite fille laissa une larme couler sur sa joue et se rapprocha de son ami qui la serra dans ses bras.
– Viens, on va écouter ce qu'ils disent… Il l'aida à se lever, prit sa main et la conduisit devant la porte qu'il ouvrit discrètement.
Dans la pièce d'à côté qui servait de salon, Hermione, assise sur un canapé, pleurait dans les bras de Severus qui tentait de la consoler. Ce dernier parlait avec un Harry Potter totalement désespéré.
– Crache le morceau Potter ! C'est quoi cette histoire ? Tu as tué Voldemort depuis plus de sept ans maintenant ! Qu'est-ce qui se passe ?! cria Severus.
– Écoute Sev, je ne comprends pas plus que toi cette situation, mais il semble que tous ceux qui ont fait parti de l'Ordre du Phénix meurent ou disparaissent mystérieusement ! On en était pas sûr jusqu'à aujourd'hui… mais on n'a toujours pas retrouvé Minerva ni Albus… et maintenant Ron est mort… Sa voix se brisa et il ferma les yeux pour ravaler ses larmes. Il semble que nous soyons les prochains sur la liste… Nous sommes en danger… Il faut faire quelque chose… mais je n'ai trouvé aucune solution…
– Déjà il faudrait que l'on sache qui sont ceux qui agissent dans l'ombre… Severus se leva et commença à arpenter la pièce de long en large, les mains derrière le dos, en se concentrant. Puis, relevant soudain la tête, proposa son hypothèse : Et si les Mangemort qui ont disparu et que l'on croyait morts étaient finalement encore en vie ?
– Tu veux dire qu'ils se seraient cachés tout ce temps ? Pendant sept longues années ? Et qu'ils auraient attendu leur heure pour agir ? demanda Harry à son ancien professeur. Ce serait possible… Il faut établir une liste. Réfléchit Sev : lesquels seraient les plus susceptibles de faire ça ? Il faudrait que tu reprennes tes services d'espionnage…
– Harry… s'étrangla presque Severus. Il jeta un œil à sa femme, effondrée sur le canapé. Tu sais bien que je ne peux plus faire ça… Il n'y a plus les mêmes enjeux qu'avant ! Il ne semblait pas en colère… juste désespéré et malheureux.
– Je sais Sev… mais nous n'avons pas le choix… Et il n'y a pas meilleur espion que toi…
Harry se rapprocha de Severus, et à la grande stupeur de nos trois spectateurs, posa une main réconfortante sur son épaule. Le Professeur regarda un moment son ancien élève qu'il avait tant détesté des années auparavant, puis souffla.
– Très bien… Je le ferai… Sa voix était légèrement tremblante, mes ses yeux affichaient une détermination sans faille.
La scène suivante se mit en place. Hermione faisait les cent pas devant la cheminée et sa fille était assise, immobile sur le canapé. Soudain, un soupir de soulagement se fit entendre, lorsque Severus passa enfin la porte du salon.
– C'est bon, ma Chérie, j'ai la liste…
– Oh, Sev… pleura Hermione de soulagement.
– Il faut la cacher, pour pouvoir leur transmettre… As-tu écrit ta lettre ?
– Oui. Et où est la tienne ? demanda-t-elle en sortant un parchemin plié de sa poche.
– Je l'ai là… Il rassembla les trois documents qu'il plia ensemble et attrapa le doudou de sa fille dans lequel il les cacha. Il s'accroupit devant elle, la regardant dans les yeux qui ressemblaient tellement à ceux d'Hermione. Mon Ange… Comme nous t'en avons déjà parlé, lorsque nous te le dirons, tu partiras en voyage avec ton doudou… Il faut que tu le gardes toujours avec toi, tu as compris ?
La petite opina calmement. Ce n'était pas la première fois qu'ils avaient cette discussion… Mais jamais son père n'avait encore caché quelque chose dans son précieux doudou. Elle pressentait que cette fois-ci, le grand voyage approchait…
La scène changea et les trois professeurs se retrouvèrent dans une nouvelle pièce. Les murs étaient rose pâle et des rideaux transparents étaient accrochés de part et d'autre de la fenêtre. Dans un coin, un petit lit était recouvert d'une couette dont les couleurs étaient assorties au reste de la chambre. Au milieu, sur un tapis, était allongée Maï-Lee, habillée d'une jolie robe bleue et blanche. Elle jouait tranquillement avec son doudou en chantonnant doucement.
Tout à coup, un homme habillé de noir entra en trombe par la porte ouverte. La fillette sursauta, mais sembla rassurée en le reconnaissant. Toutefois, elle se leva et accourut vers lui quand elle le vit vraiment.
– Papa ! Pourquoi tu saignes ? s'affola la petite.
– Pas maintenant mon Cœur… Où est ta mère ? demanda-t-il, l'air pressé, prenant sa fille dans ses bras.
– Je suis là ! cria la voix d'Hermione qui semblait venir d'une autre pièce. Qu'est-ce qu'il y a ? La jeune femme apparut. On ne distinguait d'elle qu'une partie de son corps, la partie au-dessus de sa taille étant cachée par la pile de linge fraîchement plié qu'elle portait. Puis, on vit son fardeau tomber en vrac sur le sol lorsqu'elle passa sa tête sur le côté pour regarder son mari.
– Merlin ! Sev, qui t'as fait ça ?! Sa frayeur fit monter sa voix dans les aigus.
– Hermione ! cria Severus, il faut agir, vite ! Ils vont bientôt arriver !
– Non ! Pas déjà ! Sev, s'il-te-plaît ! supplia-t-elle. On ne peut pas ! Ses yeux étaient de plus en plus brillants.
– Si ma Chérie… J'ai renforcé les protections autour de la maison, mais elles ne tiendront pas longtemps… Nous n'avons pas le choix… Tu le sais bien… Nous en avons déjà parlé… Il faut le faire… Tu dois l'y envoyer… C'est le seul moyen de la sauver… De nous sauver… tous.
– Oh, Sev, et si ça ne marchait pas… Elle pleurait à présent. Et le Severus spectateur éprouva une sensation étrange.
– Il faut que tu y arrives, tu t'es déjà entrainée plusieurs fois… Allez mon Cœur… Ne me dit pas que la meilleure élève de Poudlard ne serait pas capable de faire ça ! tenta-t-il de la convaincre.
– Mais mon Amour… Nous nous détestions tellement à cette époque… Et j'étais bien trop jeune !
– Toi, tu me détestais… Il est vrai que je faisais tout pour ça…railla-t-il. Mais, même si je refusais de me l'avouer à cette époque, moi, j'étais bien plus attiré par toi que je n'aurais pu l'avouer… Évidemment, je ne m'en suis rendu compte que bien plus tard… Mais… cela peut avoir du bon… Quant à ton âge… Tu sais très bien que ta maturité de l'époque te permettra d'élever notre fille à la perfection… Et puis, je serai là, moi… lui dit-il tendrement.
– Si tu crois que ça me rassure… Te rappelles-tu comment tu étais à cette époque-là ? Severus grimaça. Remarques… si l'arrivée de Maï nous permet de nous rapprocher un peu plus tôt, comme tu dis, cela peut être une bonne chose… et peut-être sauver des vies…
Ils bondirent tous, spectateurs compris, lorsqu'ils entendirent la porte d'entrée de la maison voler en éclat.
– Emmène-là ! Vite ! Je vais les retenir le plus longtemps possible !
– Severus, non ! Viens avec nous ! pleura Hermione quand son mari mit leur fille dans ses bras en sortant sa baguette.
– Va-t-en ! dit-il doucement, plongeant ses yeux onyx dans ceux de sa femme. Je t'aime… de toute mon âme… Puis, il déposa un tendre mais urgent baiser sur ses lèvres, ainsi que sur le front de sa fille. Ensuite, la mort dans l'âme, il se rua vers ses assaillants pour laisser le temps à ses deux seules raisons de vivre de s'échapper.
La scène se modifia de nouveau et les trois professeurs se retrouvèrent dans une forêt. Ils virent Hermione courir aussi vite qu'elle le pouvait, entrainant avec elle Maï-Lee par une main, et jetant des sorts avec sa baguette qu'elle tenait dans l'autre. On entendait la fillette sangloter, serrant son doudou contre elle, et le souffle court de sa mère. Si cette dernière ne pleurait pas, on voyait clairement que des larmes avait déjà coulé sur ses joues. Il semblait que des heures avaient passé depuis la scène de la chambre. Hermione saignait d'une lèvre, avait l'œil et la joue gauche tuméfiés et ses cheveux étaient plus emmêlés que jamais. Ses habits étaient sales et déchirés, tous comme ceux de sa fille, qui avait perdu une chaussure et semblait être tombée plusieurs fois.
– Tu te fatigues pour rien ! cria la voix d'un homme qui courait derrière elles. Nous allons te tuer, toi et ta Sang-Mêlée de fille ! Tout comme nous l'avons tué, lui, ce salaud de traître !
– Oui ! renchérit une autre voix. Severus a hurlé comme un bébé lorsque nous l'avons torturé… Tu aurais dû voir ça ! railla-t-il. C'était tout ce qu'il méritait pour avoir trahi le Seigneur des Ténèbres et avoir épousé une sale Sang-de-Bourbe aux veines souillées ! Mais rassures-toi, ma jolie… tu vas bientôt le rejoindre !
Hermione pleurait. Elle courait, faisant presque voler sa fille derrière elle, esquivant les rayons verts qui se dirigeaient vers elles, et ripostant du mieux qu'elle pouvait sans ralentir sa course. Elle semblait chercher quelque chose. Soudain, son regard s'éclaira et elle se dirigea vers un endroit entre deux arbres. Elle marmonna une incantation étrange et une espèce de grotte fit son apparition, à moitié cachée derrière des branches et des ronces. Elles s'y engouffrèrent toutes les deux, et sans même avoir repris son souffle, Hermione poussa sa fille dans le fond et la prit dans ses bras.
– Mon Cœur… écoute-moi bien, pleura-t-elle. Il va falloir que tu sois forte, maintenant. Je vais t'envoyer dans un endroit où tu seras en sécurité. Tu vas vite nous retrouver, papa et moi. Nous serons un peu différents, mais ce sera nous quand-même. Tu as compris ? La fillette acquiesça, les yeux pleins de larmes. Hermione passa ses mains sur les joues sales de sa fille pour les sécher. Je t'aime mon Ange, de tout mon cœur, et je t'aimerai toujours. Tu t'en rappelleras ? Maï-Lee acquiesça une nouvelle fois, un sanglot s'échappant de sa bouche tremblante. Maintenant, tu dois partir. Garde bien ton doudou avec toi…
Elle la serra une dernière fois contre son cœur, laissant couler ses larmes trop longtemps retenues, puis s'éloigna à regret de sa fille. Enfin, pointant sa baguette sur elle, elle prononça une incantation dans un langage qui ressemblait à de l'Elfique. Une lumière bleue éclatante sortit de la baguette d'Hermione et se répandit tout autour de la fillette en formant une bulle qui s'enroula sur elle-même.
Au même moment, apparurent à l'entrée de la grotte quatre hautes silhouettes encapuchonnées. Hermione se retourna vivement. Il était trop tard. Elle avait échoué. Elle n'aurait pas le temps de sauver sa fille. Severus était mort seul, pour rien. Elles allaient mourir toutes les deux, seules, comme lui. Elle le devinait en voyant les quatre baguettes pointées sur elle, puis encore d'avantage lorsque le sort impardonnable la toucha. Puis, dans un dernier espoir, puisant dans les dernières forces qui lui restaient, malgré la douleur insoutenable qui ravageait chaque cellule de son corps, elle se concentra et envoya toute sa puissance et toute sa magie vers sa fille. Elle savait qu'en choisissant cette option, elle n'aurait plus la force de supporter les quatre Doloris combinés qui la meurtrissaient, et encore moins celle de se défendre.
Maï-Lee pleurait. Elle était prisonnière de cette boule bleue qui tournait très vite autour d'elle. Elle ne pouvait plus bouger, elle n'entendait plus sa mère non plus… Elle aurait voulu lui faire un câlin. Puis elle avait vu ces quatre hommes habillés avec de grandes capes noires entrer dans la grotte où elles s'étaient cachées.
Elle avait vu sa mère s'effondrer et se tordre sur le sol, puis, juste avant qu'un éclair vert n'atteigne le corps qui se convulsait à terre, elle avait senti une nouvelle puissance l'entourer, étreindre tendrement son corps comme l'auraient fait les bras de sa mère. Enfin, au moment-même où Hermione rendit son dernier souffle, la bulle disparut, emportant avec elle la petite orpheline à travers l'espace et le temps.
