Chapitre 2 - Prise de conscience

De retour dans l'infirmerie, Albus et Minerva restèrent silencieux, chacun dans leurs pensées, encore sous le choc de la scène à laquelle ils venaient d'assister, tandis que Severus s'assit sur une chaise, près du lit de sa fille. Puisque maintenant c'était sûr, elle l'était bel et bien !

Il ferma les yeux et prit sa tête dans ses mains… Merlin ! Dans quel pétrin s'était-il encore fourré ! Il releva la tête lorsqu'il entendit le Directeur fouiller le doudou de la petite pour récupérer les parchemins. Il y en avait trois : une liste de noms, une lettre qui semblait lui être adressée, et une autre destinée à « Hermione Granger ».

Les trois professeurs se penchèrent sur la liste de noms, et lurent ensemble :

Voici les Mangemort qui ont disparu après la Grande Bataille et que nous supposions morts, ainsi que les lieux où ils se sont terrés. Leurs cachettes ont été trouvées après plusieurs mois d'investigation et d'espionnage, et malheureusement, au prix de nombreuses vies…

Trouvez-les tous… avant qu'il ne soit trop tard !

- Leroy Avery ; Yorkshire ; Angleterre

- Alecto Carrow ; Gwent ; Pays de Galles

- Antonin Dolohov ; East Midlands ; Angleterre

- Gregory Goyle ; Comté de Antrim ; Irlande du Nord

- Rabastan Lestrange ; Comté d'Angus ; Ecosse

- Lucius Malefoy ; Île de Wight ; Angleterre

- Augustus Rookwood ; Lanarkshire ; Ecosse

- Evan Rosier ; Glamorgan ; Pays de Galles

- Neil Travers ; Yorkshire ; Angleterre

- Terence Yaxley ; Aberdeenshire ; Ecosse

– Il faut s'y mettre le plus tôt possible, décréta Albus. Je vais rassembler l'Ordre. Severus, tiens… c'est pour toi, dit-il en lui tendant sa lettre. Je vais garder celle de Miss Granger pour le moment… à moins que tu…

– Non, gardez-la… le coupa-t-il. Je verrai… plus tard… dit-il en prenant le parchemin signé de sa main. Heu… Albus, puis-je… bafouilla-t-il en montrant la Pensine.

– Oui, bien sûr, mon garçon… Il fit apparaître une fiole de nulle part puis, à l'aide de sa baguette, il transvasa les souvenirs, qu'il donna ensuite à Severus.

Sachant que la petite dormirait encore plusieurs longues heures, Poppy proposa de veiller sur elle. Rogue prit congé. Il avait besoin d'être seul. Il avait besoin de réfléchir au calme. Les autres le regardèrent s'en aller, et il leur fut reconnaissant de ne pas faire de commentaire.

Il arriva dans son appartement sans même savoir comment il y était parvenu… Il se servit un verre de Whisky Pur Feu qu'il avala cul sec, grimaçant sous la brûlure de l'alcool coulant dans sa gorge. Il réitéra son geste une deuxième fois, puis partit s'allonger sur son lit. Il ferma les yeux un instant, inspira un grand coup, puis, enfin se décida à ouvrir la fichue lettre qu'il s'était lui-même adressée, et se força à lire.

Severus,

J'imagine que si tu lis cette lettre, c'est que Maï-Lee est bien arrivée. Mais que, malheureusement, sa mère et moi sommes morts, comme beaucoup d'autres.

Je suppose aussi que tu as pu voir les souvenirs de notre fille… J'avoue que j'espérais qu'Albus et toi y penseriez. Tu as donc dû être choqué en apprenant l'identité de sa mère…

Et oui, tu ne rêves pas, je te parle bien d'Hermione Granger, qui s'appellera Rogue dans quelque temps car, je suis ravi de te le dire, tu vas l'épouser… Et crois-moi, sans parler de la naissance de notre fille, c'est la plus belle chose qui est arrivée (ou qui va arriver, selon le point de vue) dans notre vie !

Si je me rappelle bien, et surtout si ma tendre épouse a correctement agi, ce qui est quasiment sûr, à l'époque où elle t'a envoyé Maï, tu ne t'es pas encore rendu compte à quel point tu ne peux te passer d'elle.

Maintenant, et avant que tu ne t'énerves, après tout, je te connais bien… je vais te donner matière à réfléchir.

Je voudrais que tu penses à tout ce que tu ressens lorsque tu vois Hermione… Lorsqu'elle est près de toi, ou quand tu entends sa voix ou son rire... Et par-dessus tout, quand elle répond à tes questions en cours… Bien entendu, je te demande de rester honnête envers toi-même et totalement objectif… Ne répète pas les erreurs que j'ai commises : j'ai mis beaucoup trop longtemps à comprendre, et du coup, elle et moi avons perdu beaucoup trop de temps !

Je m'en rends compte à présent où je vais devoir la quitter pour toujours. Elle est ma raison de vivre, la lumière de ma vie… Et si tu sais te montrer intelligent, ce qui est certain, elle sera la tienne également.

Nous avons commencé à nous fréquenter deux ans après la fin de ses études à Poudlard. Elle faisait des recherches en Potions pour devenir Maître (ce que, bien évidemment et sans grande surprise, elle est devenue quelque temps plus tard !). Elle m'assistait sur certaines préparations et moi je lui enseignais tout ce que je savais… Cela a duré ainsi pendant quelques mois… Je n'ai pas remarqué tout de suite ce que je ressentais pour elle… ou du moins, je peux l'avouer à présent, je me voilais la face…

Et puis, un soir où elle était restée un peu plus tard pour travailler, une chose en entrainant une autre… Je ne sais pas ce qui m'a pris ce soir là, mais j'ai eu envie de l'embrasser… Et, Ô miracle, elle ne m'a pas repoussé ! Je te passe les détails de la nuit époustouflante que nous avons passée ensemble (après tout, tu verras bien par toi-même…), mais ce que je peux te dire, c'est que quand elle est repartie le lendemain matin, je me suis juré de tout faire pour qu'elle revienne et reste avec moi pour toujours !

Nous nous sommes rapidement mariés et Maï-Lee est arrivée l'année d'après, juste après les vingt ans d'Hermione.

Elle a pris ma place en cours de Potions pendant que je gardais les Défenses Contre les Forces du Mal. Tout allait parfaitement bien… Maï-Lee grandissait et s'épanouissait tranquillement, entourée de tout l'amour que nous pouvions lui donner. Tu remarqueras qu'elle est extrêmement intelligente (tu penses avec des parents comme les siens !), et assez mature et réfléchie pour son âge.

Et puis, il y a quelques mois, peu après le quatrième anniversaire de la petite, les choses ont commencé à se gâter : des gens disparaissaient mystérieusement… tous des anciens membres de l'Ordre du Phénix… Certains étaient retrouvés morts avec leur famille dans leur maison, ou sur leur lieu de travail…

Jusqu'à ce que dernièrement, Albus et Minerva disparaissent eux aussi… On ne les a jamais retrouvés… Aussi, le matin où nous avons appris la mort de Ronald Weasley, nous nous sommes rendu compte que nous étions réellement en danger… Des gens assassinaient tous ceux qui étaient impliqués directement dans la mort du Seigneur des Ténèbres !

Peu de temps après, ce sont Harry et Ginny Potter qui ont été retrouvés morts, avec le petit Teddy Lupin… C'est là qu'Hermione et moi avons décidé de tout faire pour sauver Maï-Lee… Et si par cet exploit, nous pouvions aussi sauver tous les autres, ce serait une bonne chose !

C'est pourquoi nous t'avons envoyé la liste des Mangemort suspectés… Il faut les retrouver avant qu'ils se rassemblent tous. Si nos informations sont exactes, ils n'ont encore rien fait… La mort de Voldemort est encore trop récente… vous avez donc un avantage… à vous de vous en servir.

Voilà… il ne me reste plus qu'à vous souhaiter bonne chance pour tout ça…

Si je peux me permettre d'être égoïste (une fois n'est pas coutume), laisse les autres se charger de retrouver les Mangemort et consacre-toi plutôt à conquérir le cœur de notre tendre Hermione… Je sais que cela ne sera pas la tâche la plus aisée, vos rapports actuels étant ce qu'ils sont ! Mais sans vouloir te mettre d'avantage la pression, si Hermione et toi ne vous mettez jamais ensemble, Maï-Lee n'existera jamais… avec toutes les répercussions que cela implique… Sans parler de ton bonheur à toi, que tu ne connaitras jamais, puisque celui-ci est intrinsèquement lié à elles deux…

De plus, je te conseille d'économiser tes forces pour t'occuper aussi de Maï-Lee… elle à notre caractère à tous les deux !

Je te laisse à présent… Je t'envie presque d'avoir ton avenir devant toi, le mien étant définitivement compromis… Dis à Hermione à quel point je l'ai aimée, et combien je l'aimerai toujours…

Désespérément,

Severus.

Rogue replia la lettre et ferma les yeux. Même s'il semblait impassible, vu de l'extérieur, un sérieux combat faisait rage à l'intérieur de lui : il était en proie à une intense réflexion…

Les mots écrits par son « futur-lui » tournaient en boucle dans sa tête, de même que les images des souvenirs de Maï-Lee…

Laisser les Mangemort aux autres et conquérir le cœur d'Hermione… La première partie était aisée : Dumbledore s'en chargerait, de même que d'autres membres de l'Ordre… Mais pour la deuxième partie, là, le problème était d'une toute autre envergure…

Conquérir le cœur d'Hermione… Cela allait être aussi facile que s'il avait dû demander à Voldemort de danser la Rumba avec Potter… Mais en avait-il vraiment envie ? Après tout, même s'il est vrai qu'il avait été témoin de l'amour qu'elle et son « futur-lui » se portaient mutuellement, en aucun cas il n'était amoureux d'elle ! Il est vrai aussi que, dans les souvenirs, il n'avait jamais paru si heureux et serein… Mais étais-ce vraiment grâce à elle ? Son bonheur apparent pouvait tout simplement venir du fait que la guerre était finie, non ?

Il avait passé six ans à la rabaisser lors de ses cours ou à chaque fois qu'il en avait eu l'occasion. Toutes ces années, il avait pris un malin plaisir à enlever des points à cette fichue Miss-Je-Sais-Tout…

D'ailleurs, il se souvenait très bien du jour où il lui avait donné ce surnom. Il savait aussi que ce jour-là, il l'avait blessée et humiliée devant toute sa classe, de même que devant celle des Serpentard.

Comme il aimait la rabaisser ! Comme il aimait lui faire croire qu'il ne la voyait pas, lui faisant croire qu'elle était insignifiante à ses yeux ! Il aimait cette lueur de défi qu'il voyait dans ses yeux noisette lorsqu'il la noyait sous des sarcasmes toujours plus venimeux les uns que les autres. Il aimait voir le mépris qu'elle avait pour lui lorsqu'il la rabrouait sans aucune raison valable…

Et plus il la poussait dans ses retranchements, plus elle le détestait. Il le savait. Il le voyait dans son regard. Il le lisait dans son esprit. Mais il était comme ça… C'était sa faute à elle…Il la trouvait tellement et irrésistiblement détestable ! Il adorait tellement quand la Lionne sortait ses griffes ! Elle avait tant de mordant, et une répartie si digne de lui…

Mais, même s'il aurait préféré subir le sortilège Doloris pendant des heures plutôt que de l'avouer, il aimait bien son caractère de feu. Il aimait voir son bras se lever à la vitesse d'un boulet de canon dès qu'il posait une question. Il devait bien admettre aussi que de toute façon, les questions qu'il posait étaient uniquement pour elle, puisqu'il savait pertinemment que personne d'autre dans la classe n'avait la réponse !

Bon pour son caractère, ça, c'était vu…

Pour son physique, maintenant… Il était vrai que la petite fille avait bien grandi… Elle était une femme, à présent… Elle n'avait plus ses grandes dents de devant qui la défiguraient à une époque… Elle avait changé ça en quatrième année… Là aussi, se souvint-il, il n'avait pas été très tendre ! Mais cette fois-là, cela lui avait plutôt rendu service. Elle était dorénavant un peu plus jolie…

Sois honnête avec toi-même… lui dit soudain une voix dans sa tête. D'accord ! s'énerva-t-il. Elle est bien plus que jolie ! Là, voilà ! C'est une très belle jeune femme… Mais pour ce qui est de ses cheveux, ça, non ! Il est hors de question que je les apprécie ! J'ai tellement souvent rêvé de les lui couper ! Cette tignasse qui part dans tout les sens ! Bon, d'accord… ça lui donne un petit côté sauvage qui n'est pas si déplaisant que ça… Et puis lorsqu'elle relève ses cheveux, en cours de potion… sa nuque dégagée est si agréable à regarder… HEIN ?! Non mais ça va pas, non ?

Severus souffla bruyamment. Il devenait cinglé… Il se forçait à fantasmer sur une de ses élèves… Enfin, pour rester tout à fait honnête, puisqu'il devait l'être, il n'avait pas beaucoup à se forcer… Il aurait été bien plus en peine s'il avait dû le faire sur Sybille Trelowney !

Il se dit à ce moment-là qu'il aurait bien besoin d'une pause… Il allait partir déjeuner, puis retournerait en cours l'après-midi… Voilà, c'est ce qu'il ferait… Mais d'abord, il devait passer à l'infirmerie, voir si sa fille dormait encore…

Sa fille… Maintenant qu'elle venait d'entrer dans sa vie, il se sentait différent… Cela devait sûrement avoir un rapport avec les souvenirs qu'il avait vus, et qui lui embrouillaient le cerveau…

Avant cela, jamais il ne lui serait venu à l'idée d'avoir des enfants… Déjà, il aurait fallu qu'une femme digne de ce nom veuille bien rester avec lui assez longtemps pour en avoir l'occasion ! Et quand bien même, avec son rôle d'espion, de toute façon, il n'aurait jamais pu… Sans compter son apparence qui n'était pas des plus attirantes à cette époque-là…

Désormais, évidemment, c'était différent… Le Seigneur des Ténèbres n'était plus, et la guerre était finie… Il avait donc le temps d'y penser… Il est vrai qu'elle était attachante, cette gamine et, pour le peu qu'il en avait vu, semblait également très intelligente… Elle lui ressemblait beaucoup, aussi… Même si elle avait les yeux de sa mère… et ses cheveux… Bon, définitivement, il y repenserait plus tard !

Il se dirigea comme prévu à l'infirmerie, mais la fillette dormait encore. Poppy parla de quelques heures encore : elle avait subi des évènements éprouvants et un voyage hors du commun… Il avait donc tout le temps de passer au bureau d'Albus, d'aller manger et d'aller en cours. Il reviendrait le soir.

Dans le bureau directorial, Dumbledore et McGonagall lui expliquèrent qu'ils avaient déjà dépêché une vingtaine d'Aurors et autant de membres de l'Ordre. Ils étaient en train de s'activer à retrouver les Mangemort de la liste, puisque leurs cachettes y étaient mentionnées.

Puis Dumbledore croisa ses mains sous son menton, en le regardant par-dessus ses lunettes en demi-lune… Mauvais signe… Très mauvais signe…

– Quand vas-tu parler à Miss Granger, Severus ?

Le Maître des Potions s'étrangla avec sa propre salive. Penser à elle, la regarder, l'observer dans ses moindres faits et gestes étaient une chose… mais lui PARLER ?! Quelle idée, encore ? Il voyait déjà la scène d'ici : « Miss Granger, vous voyez la petite fille qui a atterri dans la Grande Salle ce matin… et bien figurez-vous qu'elle est ma fille… et vous voulez savoir la meilleure ? C'est la votre aussi ! En fait, dans un futur assez proche nous allons nous marier ! Ah Ah Ah ! Dingue, non ? » Elle allait adorer !

– Je ne compte pas lui en parler…

– PARDON ?! Albus et Minerva avaient répondu en même temps. Ce qui aurait pu être comique si la situation s'y prêtait… mais ce n'était pas vraiment le cas…

– Severus ! s'indigna Minerva. Tu dois lui parler ! Elle a le droit de savoir ! Sans parler de Maï-Lee qui a besoin de sa mère !

– Ah oui ? répondit-il avec un sourire narquois. Et comment voulez-vous que je fasse ça ?! Je ne sais pas si vous l'avez remarqué, mais cette fille me déteste ! Littéralement !

– Il est vrai que tu n'as jamais été très tendre avec elle ! le morigéna la Directrice des Gryffondor. Tu pourrais, déjà… je ne sais pas, moi… Commencer à être gentil avec elle…

Gentil ?! Je ne suis pas gentil ! s'insurgea le Serpentard. Je ne suis gentil avec personne ! C'est mon caractère ! Personne ne pourra rien y changer !

– Severus ! l'interpela Dumbledore. Elle n'est pas une personne ordinaire… Elle sera ton épouse… et elle est la mère de ton enfant… Et, excuse-moi, mais d'après ce que j'ai vu dans les souvenirs de Maï-Lee, tu es quelqu'un de gentil, d'aimant et de très attentionné…

Severus eut tout à coup envie de vomir. Gentil, aimant et attentionné… N'importe quoi !

– Severus, mon enfant… Il va falloir que tu fasses des efforts… Nous pouvons t'y aider… mais le plus gros doit venir de toi !

Minerva le regardait avec ce petit air maternel qu'elle employait souvent lorsqu'elle se souciait de lui. Comme elle le faisait du temps où il devait partir en mission dans les rangs des Mangemort et qu'elle était inquiète pour lui, comme une mère aimante aurait pu l'être pour son enfant adoré.

– Je… Il respira un grand coup, résigné. Il ne pouvait jamais gagner contre elle... Surtout lorsqu'elle le regardait avec ces yeux-là. Bon d'accord… J'essaierai de lui parler… Mais pas tout de suite… Il faut que je trouve le bon moment… En attendant, Maï-Lee doit rester au secret… Il ne faut surtout pas qu'elle voit sa mère avant que j'aie réussi à lui expliquer !

– Comme tu voudras Severus… Mais ne tarde pas trop… lui conseilla Minerva. Et comment vas-tu faire, justement, avec Maï-Lee ? Elle ne peut pas rester à l'infirmerie, tout de même…

Severus ferma les yeux et se pinça l'arrête du nez en soufflant. C'était vrai… la petite ne pouvait pas rester avec Poppy… Mais que fallait-il faire ? Serait-il capable de l'accueillir chez lui ? Il n'avait jamais vécu avec personne… alors avec une enfant ? MERLIN ! À l'aide !

– Je pense que la réponse est évidente ! intervint Dumbledore. Tu dois la prendre avec toi… Mais ne t'inquiète pas… nous allons t'aider… Nous sommes-là… toujours…

– Tu n'es pas seul, mon garçon… Tu le sais, n'est-ce pas ? lui rappela Minerva en s'approchant doucement de lui. Elle déposa tendrement la main sur son bras, en guise de soutien.

– Oui, je le sais… répondit-il, la voix un peu tremblante en posant sa main sur la sienne. Vous avez toujours été là, tous les deux… depuis toujours… Mais… pourrait-on m'attribuer un Elfe, disons… pour m'aider un peu ?

– Oui, évidemment ! pouffa le Directeur. Je m'en occuperai.

Les trois professeurs se dirigèrent ensuite vers la Grande Salle pour le repas du midi. Les dégâts avaient déjà été réparés par les Elfes de Maison, mais les conversations sur les évènements de la matinée allaient bon train ! Tous avaient vu la grande boule bleue se matérialiser dans la salle. Et tous ceux qui n'avaient pas fui, avaient vu la fillette. Et ils l'avaient aussi entendue appeler Rogue « Papa » ! Et ce dernier détail avait déjà fait le tour du Collège. Tout le monde y allait de son avis, des plus mauvaises langues aux plus bienveillants…

Severus essaya de ne pas faire attention aux regards sceptiques qui étaient braqués sur lui, mais il devait bien avouer que cela le dérangeait de plus en plus : il n'aimait pas se faire remarquer. Il avait toujours préféré se fondre dans la masse.

La tête plongée dans son assiette, il repensait à la conversation qu'il venait d'avoir avec Albus et Minerva : comment allait-il faire pour être « gentil » avec cette fichue Gryffondor ?! Il n'avait jamais fait ça… Il n'avait jamais eu à être gentil avec qui que ce soit… Ce n'était pas la peine quand on était entouré de Mangemort ! Au contraire, c'était la crainte qui instaurait le respect !

Et comment allait-il bien pouvoir lui expliquer pour Maï-Lee ? Ils se détestaient… Alors comment élever une petite fille dans pareilles conditions ? Elle n'avait rien demandé à personne, elle… Elle avait juste atterri dans un autre lieu, dans une autre époque…

Toutes ces questions lui collaient la migraine… Il avait besoin de repos… Mais les cours avec les premières années de Poufsouffle de l'après-midi n'allaient sûrement pas aller dans ce sens ! De cela, il en était certain !

Trois heures plus tard, Severus se retrouvait à l'infirmerie. À peine avait-il fait quelques pas dans la pièce qu'une tornade brune se précipita sur lui.

– Papa ! Tu es revenu ! Avec Poppy on s'est super bien amusé ! Elle m'a montré plein de choses super géniales ! Et toi, t'étais où ? T'étais avec Maminéva et Papibus ? Et vous avez fait quoi ? Et tu as pris les lettres dans mon Doudou ? Et, tu sais, je sais que tu es mon papa mais que tu n'es pas vraiment mon papa ! Maman me l'avait expliqué. Et même ma maman d'ici, ce n'est pas vraiment ma maman… Je peux la voir maintenant, même si elle n'est pas pareille ? Et elle est où ma chambre ? Est-ce que je pourrais… mmphhh…

Severus, carrément horrifié, avait fermé les lèvres de la fillette avec son pouce et son index. MERLIN ! Il allait devenir dingue si elle continuait à jacasser comme ça ! Alors là, plus aucun doute n'était possible : elle était bien la digne fille de sa mère !

– Dis-moi… tu parles toujours autant ?!

– Oh, oui ! rigola la petite, tu dis toujours que je ressemble à Maman quand je fais ça ! Tu dis aussi qu'il ne me manque plus qu'à lever la main… Mais je ne comprends pas pourquoi… finit la gamine, perplexe, les sourcils froncés.

Severus préféra changer de sujet… Lui, il comprenait très bien pourquoi…

– Je vais t'emmener dans mes appartements et tu auras ta propre chambre. Mais tu dois me promettre de ne pas sortir dans le château sans mon autorisation… Tu entends ? La fillette acquiesça. Pendant que je ne serai pas là, c'est un Elfe de Maison qui va s'occuper de toi…

– Maman dit que les Elfes de Maison doivent être payés pour leur travail et elle ne veut pas qu'on en ait à la maison… Elle dit qu'on arrive très bien à se débrouiller sans eux…

– Oui, bon… et bien ici, il y en a… alors autant en profiter… Et puis qui va s'occuper de toi si je ne suis pas là ?

– Et bien… Maminéva, comme d'habitude… ou Papibus, ou bien Tante Ginny ! Comme ça je pourrai jouer avec Teddy !

– Euh… pour le moment, on va faire avec l'Elfe… préféra répondre son père pour éviter de rentrer dans des détails sordides qu'il devrait forcément aborder à un moment ou à un autre.

Ils étaient arrivés dans ses appartements, où Albus avait déjà fait préparer une pièce transformée pour l'occasion en chambre de petite fille. Rogue remarqua qu'elle était identique à celle du souvenir, ce qui enchanta la petite.

Une Elfe minuscule se trouvait à l'intérieur et finissait de ranger des vêtements sur les étagères d'une armoire.

– Bonjour Professeur, dit l'Elfe en faisant une révérence. Mon nom est Binty. C'est moi qui vais m'occuper la petite Miss pendant vos cours.

– Bonjour Binty… salua la fillette. Tu sais raconter des histoires ? Maman m'en raconte tous les soirs, signala la fillette en se dirigeant vers ce qui ressemblait à une bibliothèque pour enfant.

– Oui, Miss ! Binty sait bien raconter… Mais Binty en connait aussi plein qui ne sont pas dans les livres ! sourit-elle.

– Parfait, remarqua Severus. Binty, voilà les ordres : Maï-Lee ne doit en aucun cas sortir de l'appartement sans mon autorisation. Ensuite, elle prendra ses repas ici avec toi. Je voudrais aussi que tu t'occupes de son bain…

– Bien Professeur, acquiesça Binty en prenant la main de la fillette pour la conduire à la salle de bains.

Pendant ce temps, Rogue rejoignit son bureau, où un tas tout à fait honorable de copies l'attendait. Il en avait corrigé une bonne partie, sans même regarder les noms des cornichons, auteurs de ces perles toutes plus gratinées les unes que les autres, lorsque l'une d'entre elles retint son attention. Une copie parfaite, sans faute, des réponses détaillées au-delà de ses espérances et tout à fait exactes et pertinentes. Sans surprise, il découvrit le nom de l'élève, qui n'était autre qu'Hermione Granger.

Il relut sa copie plusieurs fois… Oui, décidément parfaite… Comme toutes celles qu'elle lui rendait, en fait. Mais jamais il ne lui avait mis l' « Optimal » qu'elle méritait, bien que ses copies le vaillent amplement. Il ne lui avait même jamais mis « Effort Exceptionnel ». Il s'était toujours contenté de lui coller un « Acceptable » à la va-vite, sans jamais, Ô grand jamais, culpabiliser de son extrême mauvaise foi d'alors !

C'était peut-être le moment d'être « gentil avec elle » … Alors, prenant sur lui et ravalant la grimace qui menaçait de transparaitre sur son visage froid et sévère, et au prix d'un effort monumental, il décida de lui donner un « Optimal ».

L'appréciation écrite, il fronça les sourcils : ce n'était pas un mot qu'il avait l'habitude d'écrire. À vrai dire, il ne se souvenait pas d'avoir jamais mis un Optimal à quelqu'un ! Il devrait le dire à Minerva… Elle verrait peut-être qu'il fait des efforts, et le laisserait tranquille après ça… Enfin, peut-être !

Une fois le tas de copies entièrement corrigé, il leva la tête pour se rendre compte de l'heure. Au même moment, Binty apparût :

– Monsieur, Maï-Lee a fini de manger. Elle est au lit et j'ai déjà lu son histoire. Mais elle réclame son père pour lui dire bonne nuit, Monsieur.

– Hein ? Ah… euh… oui, j'arrive… Le Serpentard se leva et se dirigea vers la chambre de sa fille, se demandant bien ce qu'il était sensé faire…

– Papa, tu viens me faire un câlin ? minauda la fillette en lui tendant ses petits bras.

Un câlin ?! Comment ça, un câlin ?! pensa-t-il horrifié. Il n'avait jamais fait ça ! Et pour quoi faire, d'ailleurs ? Voyant que la petite attendait toujours les bras tendus vers lui, il se décida à avancer. Il s'agenouilla devant le petit lit rose, puis Maï-Lee vint se blottir contre lui. Timidement, et maladroitement, il fallait bien l'avouer, il referma ses bras autour d'elle. Ils restèrent un moment comme ça, lui, réfléchissant à ce qu'il ressentait à ce moment-là.

Étrange. Il se sentait étrange. Il sentait dans ses bras ce petit être sans défense, qui lui ressemblait tant. Il sentait battre son petit cœur contre le sien et appréciait la chaleur du petit corps, qui, bizarrement, réchauffait le sien.

Tout d'un coup, il la sentit s'alourdir. Il la regarda, inquiet malgré tout, puis remarqua qu'elle s'était endormie. Il la déposa délicatement dans le petit lit et la couvrit correctement de façon à ce qu'elle ne prenne pas froid. Il resta là, un moment, à la regarder dormir.

Il est vrai qu'il n'était « père » que depuis quelques heures. D'une petite fille de 5 ans, qui plus est. Ce n'était pas comme s'il était marié et que sa femme venait d'accoucher : il n'avait pas eu neuf mois pour se préparer à l'idée de la paternité ! Il se retrouvait maintenant avec cette fillette sur les bras, qu'il n'avait même pas vue grandir. Et en plus, pour résumer la situation, il devait conquérir sa mère qui, de Un, ne l'était pas vraiment, de Deux, avait tout juste dix huit ans, soit la moitié de son âge à lui, de Trois, le détestait cordialement et de quatre, n'avait aucune idée de ce qui l'attendait !

Il était dans une impasse. Son côté Serpentard se demanda si ce serait si grave que ça s'il n'en parlait jamais à Granger… Il pourrait très bien essayer d'élever la petite tout seul, avec l'aide des Elfes de Maison… et de Minerva… et d'Albus…

Oui, bon d'accord… C'était nul comme idée ! Et en plus, la gamine avait clairement demandé à voir sa « maman qui n'est pas pareille » ! Il ne pouvait pas priver cette enfant d'une mère… Elle avait déjà vu la sienne mourir ! À cette pensée, le cœur du sombre Severus se serra… Cette petite avait déjà vécu trop de mauvaises choses pour son âge. Il devait faire quelque chose pour son bonheur !

Une petite partie de son cerveau lui souffla qu'il se ramollissait vraiment depuis qu'il n'était plus dans les rangs des Mangemort… Mais il avait le droit de vivre, maintenant. Il ne voulait plus avoir à servir qui que ce soit, mis à part sa propre personne. Si le Destin avait mis sur sa route cette fillette qui lui ressemblait tant, alors il l'accepterait. Avec plaisir, même ! C'était SA chance. La chance qui lui permettrait de racheter ses erreurs du passé. La chance dont il avait besoin pour expier ses fautes, pour se pardonner lui-même des horreurs de la Guerre, de toutes ces morts qu'il n'avait pu empêcher…

Oui ! C'était décidé ! Il vivrait ! Ce qu'il avait pris pour son infortune ce matin, devenait sa fortune ce soir ! Il endosserait son rôle de père du mieux qu'il pourrait ! Cette fillette n'avait plus personne. Il savait ce qu'elle pouvait ressentir : ses propres parents étaient morts lorsqu'il avait onze ans. Sa mère, sous les coups de son alcoolique de père et ce dernier s'était suicidé en prison. Albus et Minerva l'avaient plus ou moins élevé depuis tout ce temps…

Il mettrait un point d'honneur à élever cette enfant. Son enfant. Et il lui trouverait une mère. Sa mère. Hermione. Cela prendrait le temps qu'il faudrait, mais il ferait tout pour la faire entrer dans sa vie. Dans leur vie. Et peut-être qu'à force de se côtoyer, ils pourraient se rapprocher, et, un jour, pourquoi pas, s'aimer… pour Maï-Lee.

Alors, il fit ce qu'il n'avait jamais fait de sa vie : il se pencha vers la petite princesse endormie et déposa un baiser sur son front.

– Je prendrai soin de toi, Maï-Lee, je te le promets… murmura-t-il avant de se relever. La fillette sourit dans son sommeil.