Chapitre 4 - L'Apprentie

Hermione était un peu nerveuse en se dirigeant vers les cachots. Plus tôt dans la journée, elle avait reçu un message du Professeur Rogue qui lui indiquait qu'elle devrait venir le voir le soir même, après le repas pour discuter de ce qui l'attendait en tant qu'Apprentie.

Elle toqua à la porte et attendit, les mains tremblantes. Ce n'était pas de venir ici qui la rendait nerveuse… Ce n'était pas la première fois… Mais c'était plutôt ses réactions à elle qui l'angoissaient : elle avait été assez troublée en repensant à la voix de son professeur… et son regard l'avait littéralement transpercée.

La porte s'ouvrit sur le Maître des Potions en personne, plus beau que jamais ! Il avait échangé sa sempiternelle redingote noire pour une chemise blanche et un pantalon (noir, tout de même, il ne faut pas exagérer !).

– Miss Granger… vous êtes très ponctuelle… Et hop ! Une gentillesse de plus ! Entrez, je vous en prie.

– Merci, Professeur.

Hermione était méfiante. Mais que se passait-il ? Il n'était pas si gentil d'habitude ! Il n'était pas gentil tout court, d'ailleurs ! Certes, depuis qu'il n'avait plus à jouer les Mangemort sans pitié, il n'était plus aussi sarcastique qu'avant… Mais tout de même… C'était assez inquiétant… Qu'est-ce qui lui prenait depuis ce matin ? Avait-il reçu un sort ? Ou bien est-ce que les effluves combinées de toutes ses potions lui étaient montées à la tête ? Ou alors, c'était tout son passé d'espion pour l'Ordre qui avait fini par avoir raison de lui et il était en train de craquer ?

– Asseyez-vous… dit-il, lui présentant la chaise devant son bureau alors qu'il s'y installait lui-même. Donc, voilà ce que vous aurez à faire lors de votre Apprentissage : vous m'assisterez pendant les cours des Première Année. Votre emploi du temps sera aménagé en ce sens. Vous suivrez vos cours comme d'habitude, et vous aurez des cours particuliers trois soirs par semaine, ainsi qu'à d'autres moments en fonction des potions que nous étudierons. Bien entendu, je vous autorise l'accès à mon laboratoire ainsi qu'à ma bibliothèque personnelle…

– PARDON ?! le coupa-t-elle sans avoir pu s'en empêcher. Vous m'autorisez l'accès à votre « Forteresse » ? À moi ? demanda-t-elle, incrédule. Il était de notoriété publique que Severus Rogue n'autorisait jamais personne à ne serait-ce que poser un pied dans sa « Caverne d'Ali Baba » ! Même le Professeur Dumbledore n'avait jamais eu cet honneur ! Euh… Merci !

Severus essaya sans grand succès d'ignorer les sauts périlleux que faisait son estomac devant le regard illuminé et éperdu d'Hermione et reprit :

– Votre nouvel appartement donne sur le laboratoire, tout comme le mien. Votre entrée se trouve donc juste à côté de la mienne. Vous pourrez vous y installer dès demain… En attendant, je vais vous montrer l'entrée du laboratoire et vous faire entrer dans ma bibliothèque, dit-il en se levant et l'invitant à faire de même. J'ai fait en sorte que personne à part moi ne puisse y entrer… Il faut que les murs reconnaissent votre présence également, désormais…

– Comment ça ? demanda Hermione, perplexe.

– Voyons, Miss Granger… Je ne peux pas croire qu'avec le nombre de fois où vous avez dû lire l'Histoire de Poudlard, ceci vous ait échappé…

Le sourire goguenard qu'il lui décocha la fit frissonner de la tête aux pieds, ce qui ne passa pas inaperçu auprès de notre cher Serpentard, qui décida d'en profiter… La faisant passer devant lui, il effleura imperceptiblement son poignet pour lui montrer le chemin, se régalant de voir la peau fine se couvrir instantanément de chair de poule.

Ils s'arrêtèrent devant un simple mur. Hermione se demanda comment elle pourrait le reconnaitre pour y revenir seule, étant donné que rien ne le distinguait des autres murs du château : pas de tapisserie, pas de tableau, pas un seul signe indiquant la moindre entrée…

Elle se raidit tout à coup lorsqu'il se tourna vers elle et posa ses mains sur ses épaules. Mais Severus ne lui laissa pas le temps de faire la moindre remarque :

– Très bien. Maintenant vous me laissez faire. Avez-vous confiance en moi, Miss ?

– Naturellement… s'offusqua-t-elle. Pourquoi une telle question, Professeur ?

– Oh, et bien je pensais…

– Vous pensiez qu'avec vos actions passées, cela serait impossible… N'est-ce pas ?

– En effet…

– Vous savez, Professeur, commença Hermione en rougissant un peu, j'ai toujours su au fond de moi que vous vous cachiez derrière un masque… Même lorsque certains pensaient que vous étiez réellement un Mangemort, je n'ai jamais douté de vous, ni de votre loyauté… Elle baissa les yeux, honteuse d'avoir laissé ses paroles exprimer les pensées qu'elle nourrissait à son égard depuis si longtemps !

Il déglutit, à la fois plein de gratitude envers elle, et plein de rancœur envers lui-même, pour l'avoir si mal traitée pendant toutes ces années, sachant désormais ce qu'elle pensait de lui…

– Bon… Euh… Donnez-moi votre main, dit-il en présentant la sienne en invitation. Elle s'exécuta, un peu hésitante, mais posa tout de même sa main sur la sienne. Elle déglutit difficilement à son contact, essayant de faire refluer la rougeur de ses joues. Rougeur que le professeur ne put s'empêcher de trouver adorable. Il sentit néanmoins son cœur s'accélérer en sentant ses doigts fins se mêler aux siens, et une pléiade de souvenirs de la Pensine explosa dans son cerveau. Il secoua sa tête pour se remettre les idées en place… Ce n'était pas le moment d'être distrait. Surtout, ne bougez pas pendant que je prononcerai l'incantation. Elle acquiesça en silence, un peu perturbée par la soudaine proximité de son Professeur. Il appuya son autre main à plat sur le mur devant eux. Fermez les yeux, ordonna-t-il, et laissez la magie vous envahir.

Hermione sentit des picotements dans sa main que tenait Severus, mais elle était incapable de dire si c'était cette fameuse magie, ou bien simplement le contact avec le Maitre des Potions qui l'électrisait littéralement. Tout d'un coup, alors qu'il marmonnait une série de mots incompréhensibles, elle sentit une chaleur l'envelopper toute entière, ainsi qu'un crépitement tout autour d'elle. Elle se fit violence pour ne pas ouvrir les yeux… La chaleur augmentait au fur et à mesure que les doigts de Severus se resserraient sur les siens, alors que les crépitements se faisaient moins audibles. Puis, au bout d'une minute, tout s'arrêta.

– Vous pouvez ouvrir les yeux, entendit-elle. Lorsqu'elle le fit, elle découvrit devant elle une magnifique porte ouvragée. Elle semblait faite d'un bois précieux, orné de fines arabesques en or.

– C'est magnifique… Mais que s'est-il passé ? demanda-t-elle, sa curiosité piquée au vif.

– Et bien… Hum… hésita le Professeur qui se demandait comment elle allait interpréter ses propos… J'ai fait en sorte que les murs croient que vous êtes mienne…

– Que je suis vôtre ? répéta-t-elle, soupçonneuse.

– Ils… Ils vous reconnaissent désormais comme faisant partie de moi… Rien ne peut vous arriver lorsque vous êtes à l'intérieur… Ce qui n'aurait pas été le cas si vous aviez réussi à y entrer sans ma permission…

– D'accord… Je comprends… fit Hermione en essayant d'ignorer (sans trop de succès) les contractions de son estomac à l'idée qu'il pourrait la faire sienne… dans tous les sens du terme…

Elle pénétra à sa suite dans la mystérieuse salle, et resta littéralement scotchée à l'entrée, les yeux tellement écarquillés que l'on aurait légitimement pu se demander si elle arriverait un jour à les refermer…

Devant elle se trouvait le plus incroyable étalage dont elle n'aurait jamais pu rêver. La pièce devait faire une cinquantaine de mètres carrés. Contre le mur faisant face à l'entrée, se trouvait une grande cheminée, avec un énorme chaudron pendu à une crémaillère. Sur tous les autres murs, étaient accrochées des dizaines et des dizaines d'étagères, toutes, croulant sous d'innombrables pots et fioles d'ingrédients... Si elle en reconnaissait certains, la plupart, en revanche lui était complètement inconnue… Une grande armoire vitrée contenait des centaines de petites fioles de toutes les couleurs, étiquetées avec le nom de la potion contenue, ainsi que sa date de fabrication. Dans un coin étaient entassés plusieurs chaudrons de différentes tailles, aussi bien en or, qu'en cuivre ou en étain.

Au centre de la pièce se trouvait une grande table de travail sur laquelle trônait un autre chaudron. Des flammes faisaient bouillonner la potion bleu pâle qu'elle contenait, et des volutes bleues et vertes s'élevaient dans les airs. Une table plus petite demeurait à côté, sur laquelle étaient correctement rangés des outils et une balance.

– Miss Granger ? l'interpela Rogue. Et elle se rendit compte qu'elle n'avait toujours pas bougé.

– Euh… oui, excusez-moi… Elle le rejoignit devant une autre porte qu'elle n'avait pas encore vue, identique à celle de l'entrée du laboratoire.

– Ceci est l'entrée de ma bibliothèque personnelle… Posez votre main au centre pour l'ouvrir.

Hermione regarda les dessins sur la porte, puis finit par repérer un emplacement au milieu d'une arabesque compliquée. Elle posa doucement sa main dessus et la même chaleur que plus tôt l'entoura immédiatement. Sitôt après, la porte disparut et laissa place à un trou dans le mur, ouvrant sur une autre pièce, plus petite que le laboratoire.

Elle fit un pas à l'intérieur et ferma les yeux pour inspirer une grande goulée d'air. Elle se sentit aussitôt chez elle : l'odeur des parchemins vieillis et de l'humidité un peu caractéristique des vieux livres l'assaillirent de plein fouet. Elle ouvrit les yeux et son regard se perdit sur les innombrables ouvrages qui lui faisaient face. Elle se tourna vers son professeur qui était resté sur le seuil, à ses côtés, en une demande muette, à laquelle il répondit d'un hochement de tête.

Avec un sourire éblouissant, elle s'approcha des étagères lentement, comme pour faire durer ce moment magique, puis approcha ses doigts de la reliure du premier livre qui se présentait à elle. Un frisson la parcourut des pieds à la tête, tellement le plaisir de découvrir de nouveaux ouvrages lui était grisant !

Severus la regardait, comme subjugué. Elle avait l'air d'une enfant, le matin de Noël, découvrant des cadeaux inespérés. Ses yeux pétillaient de bonheur face à ce plaisir simple mais Ô combien passionnant de s'adonner à la lecture. Lui seul pouvait comprendre ce qu'elle ressentait à ce moment-là. Lui seul avait la même passion qu'elle pour ces grimoires aussi vieux que rares. Il avait lui-même monté sa propre collection, ajoutant les livres un à un au fil des années, allant parfois même dans des contrées lointaines et presque oubliées pour dénicher une ultime rareté qui viendrait compléter son Eldorado… Il savait qu'aucun des livres ici présents ne se trouvaient dans la bibliothèque de Poudlard. Il était donc persuadé qu'elle n'en connaissait aucun de ceux-là.

Et il en éprouvait une fierté sans nom. Désormais, ils étaient les seuls à connaitre cet endroit. Même Albus, qui pourtant connaissait tout dans son Château n'était jamais entré ici ! Et lui, il l'y avait emmenée, elle.

Comme si elle avait lu dans ses pensées, elle se retourna vers lui, et il y vit la plus belle chose qui lui ait été donné de voir : ses yeux étaient remplis de larmes. Pas qu'elle était triste, non, mais il y vit toute l'ampleur de ses émotions du moment. Il sut alors qu'elle appréciait ce lieu magique à sa juste valeur. Et il se retint à grand peine de faire ou dire quelque chose qui pourrait gâcher cet instant. Pourtant, après quelques minutes, il parla :

– Vous pourrez venir ici quand bon vous semblera, Miss, l'informa-t-il, la voix rendue un peu rauque par l'émotion. Je dois tout de même vous mettre en garde : plusieurs grimoires traitent de Magie Noire, comme vous devez très certainement vous en douter… Et il faut que vous sachiez que certains appartenaient à la collection privée de Voldemort. Il faut donc les manier avec précautions. Tous les ouvrages traitant des potions se trouvent de ce côté-là. Il montra des étagères sur leur droite. Ceux-ci, il montra une petite étagère dans le fond de la pièce, traitent de magie très ancienne. Ils datent de bien avant les Fondateurs. Ils nous viennent des Anciens Mages Elfiques de la Terre du Milieu… Je pense qu'avec tout ça, vous pourrez trouver de quoi combler un peu votre inextinguible soif de connaissance…

– Merci, Professeur… répondit-elle, le regard plein de gratitude. Jamais je n'aurai imaginé pareils ouvrages… C'est extraordinaire !

– Je vous montre l'entrée de votre appartement, maintenant ?

– Ah, oui, j'avais oublié. Je vous suis…

Il se dirigea de nouveau dans le laboratoire puis la conduisit devant un grand tableau représentant un sorcier d'âge incertain étudiant des Parchemins qui paraissaient aussi vieux que lui, caché entre deux étagères d'ingrédients.

– Voilà… Cette porte fonctionne de la même manière que toutes celles de Poudlard. Vous pouvez lui donner votre nouveau mot de passe pour entrer … Severus commença à se détourner pour qu'elle puisse énoncer son laissez-passer en toute discrétion, lorsqu'elle s'écria, haut et fort :

Helleborus Niger ! Voilà, c'est ce que je choisis…

– Comme c'est intéressant… chantonna le vieillard dans son tableau. L'Hellébore noir… On l'appelle aussi la Rose de Noël…

– Oui, confirma Severus en se retournant vers elle. Ou bien… le Pied du Griffon… ajouta le Professeur, légèrement sarcastique.

– Ou bien encore, la Rose du Serpent… renchérit Hermione, en souriant malicieusement, clouant le bec aux deux hommes. Merci beaucoup Professeur, et à demain.

Et elle disparut derrière le portrait menant à ses nouveaux quartiers.

– Cette jolie demoiselle n'a pas sa langue dans sa poche, n'est-ce-pas Severus ? remarqua le portrait en souriant au Professeur d'un air entendu.

– Vous n'avez pas idée à quel point… répondit Rogue encore interloqué après le départ soudain de la Gryffondor.

– Et j'ai comme l'impression que cela vous plaît plus que de raison… Je me trompe ? demanda-t-il avec un sourire en coin.

Severus préféra ne pas répondre, se contentant d'un reniflement dédaigneux ainsi que d'un demi-tour accompagné d'un de ses tournoiements de cape dont lui seul avait le secret, essayant d'ignorer les ricanements du portrait.