Chapitre 6 - Explications

Hermione ouvrit les yeux sur un plafond vert qu'elle ne reconnaissait pas. Elle était allongée sur un canapé, une douleur lancinante lui mitraillait le crâne et il lui semblait que tout son corps était passé sous un rouleau compresseur.

– Miss Granger ? murmura la voix hésitante d'une homme qu'elle ne connaissait que trop bien à côté d'elle. Elle tourna la tête et son regard se posa sur un Professeur Rogue à l'air étrangement penaud. Vous vous sentez bien ? Elle acquiesça lentement en grimaçant. Vous souvenez-vous de ce qui s'est passé ?

Hermione réfléchit un instant :

– Je travaillais au laboratoire quand j'ai entendu des bruits provenant de votre appartement. Ensuite, il y a eu une grande déflagration et un cri. C'est la raison pour laquelle je suis entrée. Je me rappelle des livres par terre, puis d'une fillette recroquevillée au sol… Elle s'arrêta un instant pour réfléchir de nouveau. J'ai reconnu l'enfant : c'est celle qui est arrivée de nulle part en début d'année… Je me souviens qu'elle vous a appelé Papa et…

Hermione se releva d'un bond. Ce qu'elle regretta aussitôt car elle fut prise d'un vertige qui l'obligea à se recoucher. Elle tourna vivement la tête vers son Professeur qui la regardait avec inquiétude, puis, s'asseyant plus lentement cette fois, elle reprit d'un ton plus que soupçonneux :

– Elle vous a dit que j'étais sa mère… souffla-t-elle en le regardant, sceptique, croisant ses bras sous sa poitrine. Et vous, vous lui avez dit que vous le saviez… C'est là que les livres sont tombés. Maintenant, il va falloir que vous m'expliquiez, Professeur. Qui est cette petite ? Et puis surtout, pourquoi lui avoir dit que j'étais sa mère ?

– Parcequecestvrai… marmonna Rogue du bout des lèvres et les dents serrées.

– Excusez-moi ?

Rogue ferma les yeux et souffla en se pinçant l'arrête du nez. Pourquoi avait-il fallu que cela se passe comme ça ? Pourquoi avait-il fallu que la magie de sa fille se manifeste pile au moment où il avait demandé à Binty de lui rapporter des ingrédients de sa réserve personnelle pour ses élèves ?

– Bon… Euh…Venez avec moi… dit-il en se relevant, lui intimant de faire de-même. Elle le suivit, perplexe, jusqu'à une porte à laquelle il frappa doucement.

– Entrez ! fit une voix joviale qu'Hermione reconnut comme celle du Directeur. Ah ! Miss Granger ! Vous êtes réveillée… lança Dumbledore le plus naturellement du monde, un livre pour enfant à la main, la fillette sur ses genoux.

– Papa ? Tu lui as dit ? demanda la petite, son visage s'éclairant soudain.

– Non, pas encore, Maï… Et la petite se renfrogna. Hum… Miss Granger ? interpela Rogue. Je vous présente Maï-Lee… ma fille…

– Oh ! D'accord… mais… ça ne répond pas à ma question…

– Maï-Lee ? coupa Dumbledore. Que dirais-tu de venir faire un petit tour… Ton père et… Miss Granger doivent discuter…

– Super ! On va voir Maminéva ?

– Si tu veux… Je crois qu'elle cache des bonbons dans son bureau… lui dit-il malicieusement en prenant sa main. Puis, un regard appuyé vers Severus, il quitta les lieux, la fillette dans son sillage.

– Professeur, que se passe-t-il ? Je ne comprends rien…

– Je vais vous montrer… C'est le plus simple, je crois… Retournons au salon, je vous prie… Je pense qu'il vaut mieux que vous voyiez par vous-même…

Severus ne savait pas vraiment comment aborder les choses… Il avait peur de sa réaction. Il craignait plus que tout qu'elle se fâche… C'était la dernière chose qu'il voulait… Mais en même temps, il n'oubliait pas qu'une Granger en colère était avant tout une Granger plus que désirable… Mais l'heure n'était pas à ces pensées-là… Mais alors pas du tout… Déjà que quelques minutes avant, alors qu'elle avait brusquement croisé ses bras sous sa poitrine, elle lui avait, innocemment, offert une vue qu'il n'oublierait pas de si tôt…

Il ouvrit une armoire et en sortit une Pensine dans laquelle il versa une petite fiole. Hermione regarda un moment les filaments argentés se mouvoir en petites vagues, puis regarda son professeur.

– Ce sont des souvenirs ?

– Oui… de Maï-Lee… Je voudrai que vous les regardiez… Je vous promets que nous pourrons en discuter après, si vous le voulez…

– Comme vous voudrez… fit-elle, sceptique. Puis, sans se poser davantage de questions, après tout, elle savait qu'elle ne risquait rien, elle plongea la tête la première dans la Pensine.

Severus ne savait pas très bien s'il avait bien fait de procéder de la sorte, mais cela lui avait paru la meilleure solution à cet instant. Il avait également mis dans sa poche la lettre qu'Hermione s'était adressée à elle-même. Il lui donnerait une fois leur discussion terminée, pour qu'elle la lise tranquillement, à tête reposée, de la même façon que lui, avait lu la sienne.

Il surveilla l'heure… les souvenirs duraient environ une quarantaine de minutes. Elle ne devrait pas tarder à refaire surface, maintenant… Ensuite, ils pourraient discuter. Enfin… si elle le laissait vivre assez longtemps pour ça !

Tout d'un coup, un éclair se forma au-dessus de la pensine, et Hermione réapparut. Sitôt après, elle s'effondra, à genoux sur le tapis, les mains cachant son visage en larmes. De gros sanglots s'échappaient de sa gorge et son corps semblait parcouru de violents spasmes.

– Miss Granger ? fit Severus d'une voix à la fois douce et pleine d'appréhension, en se rapprochant d'elle. Est-ce que ça va ?

Elle se redressa tout à coup, lui lançant un regard noir qui le fit stopper net dans sa tentative d'approche.

Est-ce que ça va ?! répéta-t-elle incrédule. Professeur ! Comment voulez-vous que ça aille ?! Je viens d'apprendre que la gamine que j'ai vue se matérialiser en novembre dans la Grande Salle est la mienne, mais qu'en plus c'est moi qui l'ai envoyée ! Je viens d'assister à ma torture et à ma propre mort, j'ai appris que mes amis avaient été tués, et qu'en plus d'en être visiblement complètement et désespérément amoureuse, je suis mariée à l'homme qui a pourri les six dernières années de ma vie ! Franchement, Professeur Rogue, DITES-MOI COMMENT CELA POURRAIT ALLER !

La fureur dans laquelle elle se trouvait la faisait hurler, chose qu'elle ne se serait jamais permise en tant normal sur un professeur… Mais Severus s'en fichait comme de son premier chaudron. Tout ce qu'il voyait, lui, au-delà de l'outrage à un membre du corps enseignant, c'était que la Lionne avait sorti ses griffes ! Et malgré le fait que la situation ne s'y prêtait pas le moins du monde, il la trouvait diablement excitante…

Mais il fallait qu'il arrive à la calmer. Il ne voulait pas que Maï-Lee la voit dans cet état quand Albus la ramènerait.

– Miss Granger, asseyez-vous, je vous prie... proposa-t-il en lui indiquant le canapé.

Il avait parlé avec un calme olympien. Ce qui ne reflétait absolument pas la panique qu'il ressentait intérieurement. Il fallait qu'elle se calme… Il ne savait que trop bien ce dont elle était capable de faire avec sa baguette : il en avait été témoin lors de la Bataille Finale. Il savait que malgré ses origines Moldues, elle était une sorcière redoutablement douée. Et il ne doutait pas que si elle se décidait réellement à l'attaquer, elle lui donnerait du fil à retordre, tout ex-Mangemort qu'il était ! Et la dernière chose qu'il avait envie, c'était bien de se battre contre elle ! Le ton qu'il avait employé était si apaisant que la Gryffondor en colère se radoucit immédiatement. Elle se contenta de s'asseoir, les jambes tremblantes, des larmes ruisselant sur ses joues en silence, les yeux perdus dans le vague.

– Voulez-vous que nous en discutions ? Je suis en mesure de comprendre votre état de choc… Croyez-le…

– Je… euh… Je ne sais pas, Professeur… Je vous avoue que je suis… Je ne sais pas, en fait… Je voudrais partir… Je voudrais sortir d'ici, s'il-vous-plaît… Sa voix n'était qu'un murmure. Sa supplique, un souffle. Et elle le regarda dans les yeux, comme si elle le voyait pour la première fois.

– À votre guise…

– Mais j'y pense… le coupa-t-elle en se levant tout à coup, c'était pour ça, alors…

– Je ne vous suis pas… déclara Severus, perplexe en voyant la Gryffondor qui lui faisait face devenir aussi rouge que sa maison, la rage se peignant désormais sur son visage.

– Je comprends, maintenant, continua-t-elle comme s'il n'avait rien dit. Ce… revirement… Pourquoi du jour au lendemain vous êtes devenu gentil avec moi. Tout ça, c'était pour cette raison : les « Optimal » dont vous gratifiez tous mes devoirs depuis quelques temps, la place d'Apprentie que vous m'avez si promptement offerte alors que j'ai toujours été d'une insignifiance presque injurieuse à vos yeux ! L'accès à votre laboratoire et à votre bibliothèque alors que même Dumbledore n'y a jamais mis les pieds ! Sans parler de ce nouvel appartement, qui, comme par hasard est juste à côté du votre !

– Miss Granger… tenta Severus, sentant la situation lui échapper complètement.

– Jamais je n'aurais eu droit à tout ça, si nous n'étions pas dans cette situation… Je me trompe ? Sa voix, en colère la minute d'avant, ne reflétait plus qu'une immense déception à présent. Ainsi qu'une immense amertume. Et Severus assista, à son plus grand regret, à ce malheureux changement. Jamais vous n'avez pensé que je le méritais réellement, reprit-elle, les larmes menaçant de plus en plus de couler de ses yeux.

Severus s'assit, peiné et confus, la tête baissée et le regard fixé sur ses pieds. Jamais il n'avait imaginé se retrouver dans cette situation. Plus Hermione fulminait, plus il se maudissait de ne pas tout lui avoir avoué depuis le début. Puis, un hoquet horrifié le fit vivement se redresser.

– Et dire que j'avais cru… commença-t-elle en secouant la tête. Ah ! Elles étaient belles, vos paroles ! « Vous êtes tellement belle lorsque vous êtes concentrée » cita-t-elle. Et toutes vos balivernes sur la concentration, justement ! Tu parles ! fulmina-t-elle.

– …

– Quand aviez-vous l'intention de me mettre au courant ? Quand alliez-vous m'informer que j'ai une fille ? Que se serait-il passé si je n'étais pas entrée dans votre appartement, aujourd'hui ? RÉPONDEZ-MOI ! hurla-t-elle en se rapprochant de son professeur qui n'avait toujours pas bougé.

Son cri eut pourtant le don de sortir Rogue de sa torpeur.

– Vous avez raison… murmura-t-il honteux. Jamais vous n'auriez eu tous ces traitements de faveur…

Hermione ferma les yeux, laissant enfin couler ses larmes amères qui lui brûlaient les joues. Elle le savait déjà, mais se l'entendre dire donnait encore plus d'ampleur à sa déception.

– Mauvaise réponse, asséna-t-elle en ouvrant les yeux. Et Severus put y voir toute la rancœur qu'ils reflétaient, avant qu'elle s'enfuie en courant. Il tressaillit lorsqu'il entendit la porte des appartements de son élève se refermer avec violence.

Il ne sut pas combien de temps il resta là, misérablement assis sur sa chaise, au milieu de son salon. Mais lorsqu'il retrouva ses esprits, il se dirigea machinalement vers le seul endroit où il savait qu'il trouverait le réconfort dont il avait besoin.

Les flammes vertes dans la cheminée du bureau directorial firent relever la tête des deux personnes qui se trouvaient là. Minerva, inquiète, s'approcha tout doucement de l'homme accablé qui sortait de l'âtre, donnant l'impression que tous les malheurs du monde pesaient sur ses épaules.

– Viens mon fils, dit-elle en lui ouvrant ses bras dans lesquels Severus se blottit comme un enfant. Veux-tu nous en parler ? Albus m'a dit que Miss Granger avait découvert l'existence de sa fille… Maï-Lee est aux cuisines avec Binty, l'informa-t-elle en réponse à sa question muette. Je suppose que tout ne s'est pas passé si bien que tu le souhaitais…

– En effet… murmura-t-il d'une voix à peine audible comme s'il avait peur que le fait de le prononcer à voix haute envenimerait d'avantage la situation.

– Viens t'asseoir, Fils, proposa Albus en faisant apparaitre un fauteuil supplémentaire de même que trois tasses de thé fumant. Severus s'exécuta et s'assit aux côtés de Minerva, qui lui adressa un regard encourageant.

Après avoir bu une gorgée de thé qui lui brûla la langue, il prit une longue inspiration, puis, les yeux rivés sur la rondelle de citron qui flottait dans sa tasse, il commença piteusement son récit.

Il leur raconta tout : comment Hermione était tombée par hasard sur Maï-Lee, l'attente interminable pendant qu'elle visitait la Pensine, sa réaction quand elle avait reparu, son désarroi à lui alors qu'il la voyait effondrée, à genoux au milieu du tapis… Il leur fit part de leur discussion, plutôt houleuse… ou plutôt de la rage d'Hermione contre lui alors qu'il restait muet, prostré dans sa stupéfaction. Et enfin, la fameuse question sur son mérite de la fonction qu'elle occupait aujourd'hui…

– « Mauvaise réponse » et elle est partie en pleurant… répéta Minerva quand Severus eut fini de leur relater les faits, les yeux toujours dans sa tasse, le thé maintenant refroidi.

– Oui, confirma le Serpentard. Je ne pouvais pas lui mentir… encore une fois.

– Severus… murmura Albus, un peu dépité, alors que Minerva le regardait, un sourire indulgent aux lèvres. Tu tenais peut-être là ta chance de recoller les morceaux…

– Comment ça ? demanda l'homme en relevant enfin sa tête. Vous savez très bien, tout comme moi, que jamais je n'aurai pris un apprenti, encore moins elle, si tout ceci n'était pas arrivé…

– Je suis d'accord, Severus, intervint Minerva, mais tu aurais éventuellement pu lui donner les raisons de tout ça… Elle est une Gryffondor : outre l'immense courage et la ténacité qui la caractérisent, elle est aussi dotée d'une très grande compassion envers ceux qui l'entourent… Elle est en mesure de comprendre le pourquoi du comment de certaines situations… Il suffit de lui expliquer.

– Vous pensez que je doive tout lui dire ? Les deux ainés acquiescèrent en souriant. Vraiment tout ?

– Oui, Severus, confirma Albus. Cette jeune femme va, normalement, devenir ta femme… Je pense ne rien t'apprendre si je te dis que si vous ne vous rapprochez pas un minimum, elle et toi, Maï-Lee n'existera jamais… Tu me suis ?

– Tu n'as pas le choix, mon Enfant, appuya Minerva en posant une main affectueuse sur son bras. Et puis, je crois deviner que sa compagnie t'est de moins en moins désagréable, non ? Severus grogna pour toute réponse.

– Dans ce cas, c'est réglé ! dit Albus en se levant, les autres faisant de même. Va la retrouver, mon Fils, et joue carte sur table ! Sois honnête avec elle… Et fais-moi savoir quand tu voudras que je vous emmène Maï-Lee… Je suis certain que Miss Granger voudra rencontrer sa fille…

Severus acquiesça en silence et se dirigea vers la cheminée, marmonnant un vague « merci », son cerveau tournant à plein régime, cherchant la meilleure façon de dire à Hermione tout ce qu'il devait lui dire.

Il lui fallut un bon verre de Whisky Pur-Feu, une douche et une bonne demi-heure supplémentaire pour mettre ses idées en place. Enfin, il traversa son laboratoire et se présenta devant le portrait qui gardait l'appartement de la Gryffondor.

– Bonsoir, Severus, salua le vieil homme peint sur le tableau.

– Bonsoir, Hector. Miss Granger est-elle dans ses quartiers ?

– Oui, elle y est… Mais je ne sais pas si elle vous recevra : elle est assez bouleversée… J'ignore qui est l'imbécile qui l'a mise dans cet état, mais, elle lui en veut terriblement, si vous voulez mon avis…

Severus préféra se taire, au risque de dire à ce vieillard décrépit où il lui conseillait de mettre son avis… Il se contenta de toquer à la porte… Une fois… Deux fois… Trois fois… Et toujours aucune réponse. Le Professeur soupira, dépité.

– Voulez-vous que je l'appelle ? proposa le portrait. Severus acquiesça et le vieillard disparut de l'autre côté de la porte pour réapparaitre à peine quelques secondes plus tard l'air assez mal à l'aise : Et bien… visiblement, elle n'a pas envie de parler à un « menteur », cita-t-il. Mon Cher Severus, auriez-vous fait quelque chose à cette si charmante demoiselle ?

– Ce que j'ai fait ou non ne vous regarde en rien, Hector. Maintenant, laissez-nous, je vous prie… Si elle veut ouvrir, elle y parviendra seule de l'intérieur.

– Bien, Severus. Comme il vous plaira. Mais… Je dois vous avertir : elle est très remontée contre vous… Bonne chance, en tout cas… Et, si je peux me permettre : cela fait des semaines que je vous vois travailler ensemble… Je pense qu'elle en vaut la peine… Mais… Vous le saviez déjà, n'est-ce pas ?

– Merci Hector…

Le vieil homme disparut en lui lançant un regard sibyllin et le Professeur souffla, cherchant un moyen de faire en sorte qu'Hermione lui ouvre cette maudite porte.

– Miss Granger ? appela-t-il sans grande conviction. Miss Granger, nous devons parler ! Il y a des choses que je dois vous expliquer ! S'il-vous-plait ! Ouvrez-moi !

– Allez-vous-en ! entendit-il et il se rendit compte qu'elle se trouvait juste de l'autre côté de la porte. Il pouvait alors tout aussi bien lui parler comme ça, sachant qu'elle entendrait tout, mais il préférait qu'ils soient face à face… Il devait donc trouver un moyen infaillible de faire sortir la Lionne de sa cage !

Une idée lui vint alors : il avait trouvé une information fascinante il y a peu de temps, et il était persuadé qu'elle n'y résisterait pas… Serpentard un jour, Serpentard toujours ! pensa-t-il.

– Comme vous voudrez… répondit-il un sourire diabolique aux lèvres en agitant sa baguette vers sa bibliothèque. Mais… J'ai ici un certain livre dont je suis sûr qu'il pourrait vous intéresser au plus haut point, fit-il alors que ledit livre venait sagement se poser dans sa main. Voyez-vous, continua-t-il, j'ai découvert le grimoire dans lequel figure la formule qui a permis de faire venir Maï-Lee jusqu'à nous…

Il marqua une pause stratégique, tendant l'oreille pour jauger de sa réaction. Il devinait amplement qu'elle se battait furieusement entre sa colère contre lui et son extrême curiosité… Il était proche du but, il continua donc :

– C'est un des six livres venant des Anciens Mages Elfiques de la Terre du Milieu dont je vous avais parlé… Tout porte à croire qu'il aurait été transcrit par la Belle Galadriel en personne ! Vous rendez-vous compte ? Enfin… En tout cas, je l'ai ici… Dans les mains…Voyons, fit-il semblant de chercher, ah, oui, c'est cela… à la page 899… Voilà… « Les obscurs secrets du Temps… […] commença-t-il à lire, Le Temps peut être vu comme la Moria et ses innombrables galeries, […] » puis il se tût, lisant pour lui, maintenant, veillant tout de même à laisser échapper de temps en temps quelques « mmh, ah, d'accord… » ou des « oh, intéressant… » ou encore « et bien, j'ignorais cela… »

Il releva la tête lorsqu'il entendit les grincements caractéristiques d'une porte que l'on ouvre et arrêta là sa pseudo-lecture.

– Vous êtes un Serpent ! gronda Hermione les yeux rouges et les cheveux en bataille. Elle tendit une main tremblante dans laquelle il mit l'imposant ouvrage, un sourire très Serpentard aux lèvres. Merci, murmura-t-elle alors qu'elle déposait le précieux recueil sur son bureau. Elle revint vers son professeur mais ne dit rien de plus, se contentant de le regarder, attendant qu'il parle.

– Venez avec moi… Enfin… si vous le désirez…

Elle ne dit toujours rien, mais le suivit tout de même, curieuse de ce qu'il allait lui dire, même si elle appréhendait cette discussion.

Arrivés dans le salon de Severus, il lui proposa de s'asseoir. Il raviva les flammes et conjura une théière et deux tasses sur un plateau qui se posa de lui-même sur la table basse.

– Je vous écoute, l'invita Hermione après avoir bu une longue gorgée pour se donner contenance.

Severus se leva, faisant des allers-retours devant elle, sur le tapis, les mains dans le dos, les yeux rivés sur ses pieds, rassemblant ses idées une dernière fois, pour être sûr de ne rien oublier, puis, un peu plus sûr de lui, il se lança enfin :

– Tout d'abord, Miss Granger, je vous présente mes excuses… Pour vous avoir caché une information si capitale et bouleversante sur votre vie. Elle lui fit un signe de tête pour lui signifier qu'elle lui pardonnait (un peu), puis il continua : Il faut que vous sachiez, même si vous devez vous en douter, que, de part mon rôle d'Espion parmi les Mangemort, je me devais de toujours favoriser ma Maison, berceau de la grande majorité de leurs enfants, et la plupart futur-Mangemort eux-mêmes… Donc, je devais tenir mon rôle pour ne pas éveiller les soupçons.

– Ce que vous faisiez à la perfection, soyez-en rassuré ! dit-elle, légèrement sarcastique, avoir d'avoir pu s'en empêcher.

– Merci, répondit-il tout de même. Donc, vous avez dû remarquer également que, depuis que la Guerre est finie, j'essaye d'être le plus impartial possible, même si les vieilles habitudes ont la vie dure… En tout cas, je dois vous l'avouer, tout à vraiment commencé avec l'arrivée de Maï-Lee… Une fois que j'ai vu ses souvenirs, et bien, comment dire… J'ai compris qu'il faudrait, d'une manière ou d'une autre, que je me rapproche de vous… pour elle. C'est de là que tout est parti : j'ai commencé par vous donner enfin les notes que vous méritiez, et que vous avez toujours mérité, soit dit en passant. C'est ce jour-là que je me suis tout à coup souvenu d'une conversation que j'avais eu avec Minerva… Elle racontait que vous aviez comme projet, à la fin de vos études à Poudlard de devenir Maître des Potions… Je tenais là la meilleure façon de me rapprocher de vous… Alors, encore une fois, je vous ai menti : il me fallait une excuse qui tenait la route pour vous prendre comme Apprentie, chose que je n'avais jamais envisagée de faire jusqu'alors. J'ai donc inventé cette histoire d'injonction du Ministère… Et j'en ai profité pour vous proposer le poste…

– Je comprends… murmura Hermione. Mais… Pour le reste ?

– Et bien… L'accès au laboratoire fait partie des clauses de votre apprentissage. Oui, je dois tout de même respecter certaines conditions et rendre des comptes au Ministère pour valider votre Maîtrise… Car, si toutes les raisons premières étaient, disons, factices, votre diplôme, lui, ne l'est absolument pas. Vous aurez la garantie, après vos deux années d'Apprentissage, d'être une Maîtresse des Potions diplômée et reconnue par le Ministère de la Magie de même que par le Conseil International Sorcier des Potionnistes et Apothicaires. Avec votre diplôme, vous aurez la possibilité de prétendre à différentes orientations de carrière : la recherche, l'enseignement, la pharmacopée sorcière, et bien d'autres…

– Vraiment ? demanda-t-elle, abasourdie. Elle pensait uniquement à l'enseignement… Jamais elle n'avait pensé avoir la possibilité d'accomplir toutes ces choses passionnantes !

– Oui, je vous l'assure… affirma Severus, qui, maintenant était revenu s'asseoir sur le fauteuil, à côté du canapé où Hermione était assise. Et, avant que vous n'imaginiez des choses fausses, sachez que vous avez amplement le niveau de tout ce que je vous apprends. Et qu'aucun élève à Poudlard n'a votre niveau en Potions… Cela, vous pouvez le croire.

– Je vous remercie de votre franchise…

– Ce n'est rien, je vous dois bien ça… Il marqua une courte pause avant de poursuivre sur des sujets beaucoup plus épineux. Concernant l'accès à la Bibliothèque Secrète, comme j'aime la nommer, et bien… comment dire… Même si le Professeur Dumbledore connait son existence, il n'y a jamais mis les pieds… C'est en quelque sorte, mon… Jardin Secret… sans vouloir paraître trop fleur bleue…

– Mais alors, le coupa-t-elle, pourquoi moi ?

– Et bien… D'une part, vous êtes la seule capable d'apprécier ce trésor à sa juste valeur (à part Albus, bien sûr)… Et d'autre part, continua-t-il en baissant de nouveau la tête, après avoir vu les souvenirs de Maï-Lee, je me disais que le fait de partager quelque chose seulement avec vous pourrait être… important… Enfin…

– Vous avez bien fait, Professeur, et je vous en remercie.

Elle lui souriait, et il remarqua que c'était le premier vrai sourire qu'elle lui adressait depuis qu'elle avait tout découvert. Il en fut bien heureux, ce qui le poussa à poursuivre :

– En ce qui concerne votre appartement, et bien, il s'agit des mêmes raisons que je vous avais données le jour où je vous ai proposé le poste… Et cela s'est présenté par la suite au vu de certaines potions que nous avons eu à préparer à des heures spécifiques. Mais, la raison cachée était aussi que, par la suite, une fois que vous auriez fait connaissance avec Maï, elle aurait pu vous rendre visite plus facilement.

– D'accord, je vois…

– Et enfin, pour répondre à vos questions concernant votre rencontre avec Maï-Lee, et bien… Vous risquez de vous mettre en colère, mais je vais quand même vous le dire : au début, je ne voulais pas vous en parler. Hermione siffla d'indignation, mais il continua. En fait je vous trouvais trop jeune pour être confrontée à ce genre… d'évènement, et par-dessus tout, j'avais peur de votre réaction… A juste titre, m'accorderez-vous… Mais par la suite, Maï-Lee a insisté sur le fait qu'elle avait besoin de sa mère… Cette mère qui était morte devant ses yeux… Alors, je lui ai promis de vous parler… Mais plus le temps passait, plus je repoussais l'échéance, prétextant ignorer la manière dont j'allais vous dire tout ça. Mais en fait, je me rends compte que j'avais peur, surtout, de ce que ce genre de situation impliquerait… Enfin, fit-il pour alléger l'atmosphère qui s'était alourdi tout à coup, je n'avais jamais imaginé que votre rencontre se passerait dans ces conditions !

– Mais que s'est-il passé exactement ?

– Oh, et bien… rien de plus simple : j'ai profité de l'heure de la sieste de Maï pour faire venir Binty dans ma classe – c'est l'Elfe qui s'occupe d'elle pendant mes cours – et lui demander de m'apporter un ingrédient de ma réserve personnelle… Ce que je n'avais pas prévu c'était que d'un, ma fille se réveillerait si tôt, et de deux, sa magie en ferait autant !

Severus pouffa un peu devant le ridicule de la situation dans laquelle il s'était mis tout seul, et Hermione soupira, ne sachant pas s'il fallait le rejoindre dans son élan de gaité soudain ou cultiver sa rancœur envers lui. Aussi, décida-t-elle d'aborder un sujet plus pressant :

– Professeur, je voudrai la rencontrer. Cette simple phrase eut le don de lui enlever le demi-sourire qui ornait encore son visage quelques secondes avant.

– Vous êtes sûre ?

– Oui, assura-t-elle. Elle a assez attendu comme ça. Il est temps que nous nous connaissions.

– Comme vous voudrez.

Severus se leva puis s'agenouilla devant la cheminée, lançant une poignée de Poudre de Cheminette et prononça distinctement « Bureau d'Albus Dumbledore ». Sa tête disparut deux minutes puis, ensuite, il se redressa pour annoncer la venue imminente de la fillette.

Hermione eut à peine le temps de se ressaisir et de se composer un visage avenant, essayant au maximum de cacher sa nervosité, que les flammes vertes laissèrent place au Grand Albus Dumbledore, tenant par la main une petite fille qui semblait aussi nerveuse qu'elle.

Dumbledore sourit, et Severus attrapa la main de Maï-Lee qu'il fit passer devant lui. Hermione se remit debout, les jambes flageolantes. La fillette avança timidement vers elle, sa petite main serrée dans celle de Severus.

La jeune femme posa un nouveau regard sur cette enfant. Remarquant des détails qui lui avaient totalement échappé lorsqu'elle l'avait vue plus tôt : les yeux de la petite –ses propres yeux– la regardaient avec une crainte évidente et une curiosité non feinte. Ses cheveux étaient la même pagaille broussailleuse que les siens, même s'ils étaient beaucoup plus foncés. La Gryffondor sentit ses jambes se dérober sous elle, et retomba à genoux, sous le choc.

– Maman… souffla la gamine qui tenait toujours la main de son père. Elle pleurait à chaudes larmes à présent, mais n'avançait toujours pas.

Hermione, en l'entendant l'appeler ainsi, sentit comme un pincement dans sa poitrine, alors que les souvenirs de la Pensine lui revenaient en masse. Une étrange chaleur envahit son corps et elle sentit son cœur se gonfler. Puis, avant même d'avoir pu s'en empêcher, les yeux également baignés de larmes, elle lui tendit les bras.

Maï-Lee souffla un grand coup, comme soulagée, puis, lâchant enfin la main de son père, se jeta contre sa mère, qui la pressa contre son cœur. Elles restèrent un moment comme ça, la fillette répétant « maman, maman, maman… » comme une litanie sans fin. Hermione avait les yeux fermés, et Severus les regardait. Il s'était assis sur une chaise, en silence, laissant respectueusement sa fille retrouver sa mère, ne remarquant pas que le Directeur était parti discrètement.

– Elle s'est endormie… chuchota tout à coup Hermione au Professeur, le sortant de ses réflexions dans lesquelles il était plongé depuis un long moment.

– Ah euh… oui, d'accord… euh… très bien… Sa chambre est là…

La Gryffondor se releva, la fillette bien serrée dans ses bras. Elle la déposa dans son lit, remonta précautionneusement la couette jusqu'à son menton et caressa doucement sa joue avant de sortir de la pièce. Puis, passant devant son professeur, elle lui dit tout bas :

– Elle vous ressemble…

– Mais elle a vos yeux… répondit-il d'une voix étrangement rauque.

– Et mes cheveux… finit-elle en souriant doucement. Je vais partir maintenant… Nous discuterons un peu plus de tout ça… demain. D'accord ?

– Avant, je dois vous donner ceci. Il lui tendit une enveloppe adressée à « Hermione Granger », qu'elle regarda avec méfiance : c'était sa propre écriture. Mon « futur-moi » m'en a écrit une aussi… expliqua-t-il devant son air interrogateur. Et si vous le désirez, je vous la ferai lire… plus tard…

– D'accord… à demain, Professeur.

Puis elle partit, le laissant seul devant la porte de la chambre de leur fille endormie.

Severus… appelle-moi Severus… pensa-t-il.

Mais ils n'étaient pas encore prêts pour ça.

oOo. oOo. oOo. oOo. oOo. oOo. oOo.

Hermione retourna à son appartement comme un robot, les rouages de son cerveau tournant furieusement dans tous les sens. Elle fila directement sous la douche, sans même l'envie de manger quelque chose. Le jet d'eau brûlante contribua grandement à détendre ses muscles tendus et contractés. Une fois séchée et habillée de son pyjama, elle grimpa sur son lit. Puis, prenant une grande inspiration, elle ouvrit sa lettre, le cœur battant, dans un mélange de curiosité et d'appréhension.

Hermione,

Comme tu l'as sans doute deviné, je suis morte et Severus aussi, de même que bon nombre d'entre nous. Je ne sais pas si tu auras vu les souvenirs de Maï-Lee, mais j'ose espérer que c'est le cas. Severus étant un homme intelligent, il aura sûrement lu cette lettre avant de te la donner.

Donc, comme tu as pu le constater, Severus est mon mari (et sera le tien dans un avenir que j'espère proche). Je suppose que tu as sauté au plafond dès que tu t'en es rendu compte ! Mais je te demande d'avoir confiance en mon jugement (qui est aussi le tien) et de regarder au-delà des apparences.

Severus, derrière le masque froid et sévère que tout le monde connaît, est en réalité un homme doux, aimant et très généreux (sans oublier un amant hors du commun ! Mais ça, je te laisse l'occasion de le découvrir… Et j'espère que cela ne tardera pas trop…).

Nous avons commencé à nous rapprocher il y a quelques années, après la fin des études à Poudlard, lorsque je faisais des recherches pour ma Maîtrise en Potions. Je me suis peu à peu rendue compte que je restais de plus en plus tard, le soir, avec lui dans son laboratoire.

Ce qui, au début, n'était qu'une entente cordiale entre l'élève et son professeur, est devenu au fil du temps plus familier, puis… plus intime… Sans qu'il ne se passe quoi que ce soit pour autant.

Je n'avais pas tout de suite remarqué les frôlements et autres gestes que nous avions l'un envers l'autre, ni les réactions de mon corps lorsque cela se produisait. Et puis, un soir, il était très tard, je n'avais pas vu l'heure passer tant nous étions tous les deux absorbés par la potion que nous fabriquions à quatre mains. Au moment où j'allais partir, il s'est rapproché de moi et m'a embrassée. C'est à ce moment-là que j'ai réalisé que j'attendais ça depuis longtemps, sans même le savoir !

Bref, j'ai passé toute la nuit avec lui, et, crois-moi, c'était la plus merveilleuse expérience qu'il m'ait été donné de vivre. Le matin alors que je devais m'en aller, je n'avais qu'une seule envie, celle de passer toutes mes nuits dans les bras de cet homme si charismatique et mystérieux !

Quelques semaines après, il m'a demandé de l'épouser. Mais, même si cela aurait pu sembler précipité aux yeux de n'importe qui, je n'ai pas pris la peine de réfléchir : la réponse était une évidence pour moi. Nous avons tant en commun !

Lorsque plusieurs mois après notre mariage je tombais enceinte, Severus fût le plus heureux des hommes. Et Maï-Lee est arrivée le 3 avril, juste après mes vingt ans.

C'est là que j'ai découvert une autre facette de mon tendre époux, celle d'un père. Et je peux te dire qu'il est un père merveilleux et toujours aux petits soins pour sa fille… Même s'il aurait tendance à un peu trop la gâter…

Nous avions décidé de donner un petit frère à Maï-Lee, lorsque le bonheur que nous connaissions depuis quelques années a volé en éclat.

Je ne te raconterai pas tout en détail car je sais que Severus l'aura déjà expliqué dans sa propre lettre, qu'il pourra te faire lire. Mais tout ce que je peux te dire, c'est que beaucoup trop de personnes sont mortes et que c'est la raison pour laquelle j'ai renvoyé Maï-Lee dans le passé.

Normalement, Severus à conseillé à son « autre-lui » de ne pas s'occuper des personnes responsables de ce carnage, et de laisser faire les autres membres de l'Ordre. Je te conseille de faire la même chose : Maï-Lee a besoin de sa mère et de son père… ensemble.

J'imagine très bien la grimace que tu fais en lisant ces mots. Mais laisse les choses se faire entre lui et toi, et tu verras que le bonheur qui en résultera ne sera que meilleur.

Voilà. Il est temps pour moi de te laisser, même si j'ai le cœur gros en pensant à l'avenir.

Dis à Maï-Lee que je l'aime de tout mon cœur et qu'elle a été une petite fille extrêmement courageuse.

Une dernière chose encore : si tu vois que Severus tarde trop… prends les devants ! Il a parfois tendance à trop réfléchir !

Merci, prends soin de notre fille…

Hermione.