Chapitre 8 - Faire connaissance

Maï-Lee était sagement assise sur le canapé du salon de l'appartement de sa mère, aux côtés de celle-ci, en ce dimanche matin. En face d'elles, trois paires d'yeux curieux la scrutaient, passant du visage de sa mère au sien, en silence. Elle jeta un coup d'œil furtif à Hermione ; qui lui sourit gentiment.

– Donc, tu viens d'une autre époque ? demanda doucement Ginny. La petite regarda sa mère, qui d'un signe de tête lui donna l'autorisation de parler.

– Oui, fit-elle d'une petite voix timide.

– Et tu nous connais, nous aussi ? demanda Harry, curieux.

– Euh… oui, mais vous êtes plus vieux, là d'où je viens…

– Et… tu pourrais nous raconter des choses sur nous ? demanda Ron, avide.

La petite sourit à son « Tonton Ron » adoré, puis se lança :

– Toi, Oncle Ron, tu es plus grand et beaucoup plus musclé, avec de la barbe au menton et sur les joues. Quand tu viens manger à la maison, il y a toujours une nouvelle tatie qui vient avec toi… et tu m'apportes toujours des Chocogrenouilles… Tu m'as même donné toute ta collection de cartes.

– J'ai fais ça, moi ? pouffa Ron, incrédule et amusé à la fois.

– Oui… rigola la fillette. Avec Oncle Harry, vous êtes tous les deux mes parrains. Souvent, vous nous emmenez Teddy et moi avec vous pour voir des matches de Quidditch. À chaque fois, après, on va manger une pizza tous les quatre dans un restaurant Moldu… Parce qu'Oncle Ron dit que seuls les Moldus sont capables de faire de vraies pizzas ! Et aussi il dit que la serveuse est très jolie !

Des rires se firent entendre à cette annonce.

– Sérieux ? demanda Harry, amusé. Et moi ?

– Toi, tu es marié avec Tante Ginny, qui est ma marraine. Vous n'avez pas d'enfant à vous, mais il y a Teddy. C'est pas votre fils pour de vrai, mais vous faites toujours comme s'il l'était. Mais vous lui avait expliqué que ses vrais parents sont morts pendant la guerre. Mais Teddy, lui, il dit qu'il vous aime comme ses vrais parents… Alors, c'est presque pareil… Et il dit qu'il est heureux comme ça… Alors moi je suis contente aussi… parce que j'aime quand Teddy est content… Toi et Oncle Ron, vous travaillez tous les deux au Ministère de la Magie. Quand Papa et Maman travaillent et que Maminéva n'est pas là, c'est Tante Ginny qui me garde. Alors, avec Teddy, elle nous emmène au Terrier et on fait des gâteaux avec Mamie Molly… Enfin… ça, c'était avant…soupira tristement la fillette. Puis, reniflant, laissa une larme couler sur sa joue.

Hermione la prit dans ses bras, et expliqua à ses amis, la mine triste et le cœur battant :

– D'après la lettre que je me suis envoyée et les souvenirs que j'ai vus dans la Pensine, beaucoup d'entre nous sont morts.

Ginny laissa échapper une exclamation horrifiée et Ron se couvrit la bouche d'une main, étouffant un juron. Elle entreprit alors de leur expliquer en détail ce qu'elle avait appris par Severus, qui lui avait exposé la situation et lui avait montré la lettre de son « futur-lui », et leur affirma que Dumbledore et l'Ordre étaient déjà sur l'affaire, ce qui les rassura considérablement.

Vers midi, Harry, Ginny et Ron prirent congé pour aller manger dans la Grande Salle, tandis que Maï-Lee et Hermione se dirigeaient vers l'appartement de Severus, où Binty avait déjà dressé la table pour trois personnes.

Le Maître des Potions arriva quelques secondes plus tard et les invita à prendre place.

– Merci, Binty, nous allons nous débrouiller, informa-t-il alors que l'Elfe commençait à les servir. Il avait remarqué le regard gêné de la Gryffondor et connaissait son aversion concernant l'exploitation des Elfes de Maison.

– Bien, Monsieur. N'hésitez pas à m'appeler, Monsieur ! Bon appétit. Et elle disparut dans un « pop ! »

– Miss Granger, commença le Professeur, Sainte Mangouste n'a plus de Potion Tue-Loup, et ils m'on demandé si je pouvais renouveler leur stock… Voudriez-vous que nous y travaillions ensemble ? demanda-t-il en connaissant parfaitement la réponse.

– La Potion Tue-Loup ?! Oui, bien sûr, Professeur ! Son regard s'illumina à la perspective de fabriquer cette décoction connue pour être des plus compliquées.

Un rire cristallin les fit tous les deux sursauter et ils regardèrent leur fille se tordre de rire.

– Je peux savoir ce qui se passe ? s'enquit Hermione le sourire aux lèvres.

– Oh ! C'est rigolo comment vous vous parlez !

– Comment ça ? demanda Severus.

ProfesseurMiss Granger… On dirait qu'on est dans une famille royale ! pouffa-t-elle tandis que Severus s'étouffait avec la purée de pomme de terre qu'il venait d'ingérer et qu'Hermione virait au cramoisi. Pourquoi vous n'utilisez pas vos prénoms ?

Les deux parents se regardèrent, ne sachant quoi dire. Ils ne s'attendaient pas à cette question, et encore moins à en venir à cette étape si tôt !

– Et bien… commença Hermione, les joues rouges, ton père et moi n'avons pas… Enfin, vois-tu, ton père est mon professeur, alors… Et moi, je suis son élève… tu vois… hésita-t-elle en jetant un regard appuyé vers ledit professeur en quête de soutien.

Severus, à peine remis de sa fausse route, but un grand verre d'eau, d'avantage pour gagner du temps et réfléchir à ce qu'il allait dire… Avait-il envie de l'appeler Hermione ? Avait-il envie qu'elle l'appelle Severus ? La réponse à sa première question était encore floue : ils n'étaient pas encore assez proches pour ça… C'était certain. Et au vu de leur relation élève/professeur, cela semblait Ô combien déplacé et… malsain !

Quant à répondre à sa deuxième question, il lui suffisait de se rappeler les sensations qu'il avait éprouvées lorsqu'elle prononçait son prénom dans les souvenirs de Maï-Lee ! Cette façon qu'elle avait de faire rouler son prénom sur sa langue… Maintenant qu'il y pensait, il n'avait jamais vraiment prononcé le prénom de cette jeune femme à voix haute… Il faudrait qu'il essaye… un jour… pour voir ce que cela ferait…

Mais il se rappela aussi qu'il avait choisi de tout faire pour que la petite se sente le mieux possible avec ses parents… alors il se décida de prendre les devants… Après tout, c'était là une occasion à saisir !

– En fait, Miss Granger, commença-t-il encore hésitant, dans l'intérêt de Maï-Lee, bien entendu, nous pourrions… essayer de nous appeler… par nos prénoms… Lorsque nous somme seuls tous les trois, évidemment…

Ce fut au tour d'Hermione d'avaler de travers et de virer au bleu. Après une bonne quinte de toux et un grand verre d'eau, elle essaya de répondre avec le peu de dignité qui lui restait :

– Euh… oui, dans l'intérêt de Maï-Lee… si vous voulez… répondit-elle sans trop oser le regarder.

– Super ! s'exclama la fillette en levant les deux bras en l'air. Comme ça, ce sera comme avec mes vrais parents ! Vous allez vous faire des bisous, aussi ?

– Bon ! Allez, ça suffit ! intervint Severus alors qu'Hermione suffoquait. C'est l'heure de la sieste ! Il se leva, fit descendre sa fille de sa chaise et la conduisit dans sa chambre en marmonnant dans sa barbe.

Hermione, elle, ne savait pas quoi faire ou dire. Jamais elle n'avait été si mal à l'aise… Embrasser son professeur ! Non mais quelle idée saugrenue ! Bon, il est vrai qu'il était devenu plutôt charmant depuis qu'il prenait un peu plus soin de lui : ses dents jaunes et tordues ainsi que ses cheveux gras n'avaient été qu'un artifice uniquement destiné à son apparence de Mangemort-Espion. Depuis qu'il n'avait plus à jouer ce rôle, ses cheveux étaient propres, souvent attachés sur sa nuque et ses dents, si blanches et droites, auraient fait pâlir d'envie les dentistes qu'étaient les parents de la Gryffondor. Sans parler de ses sarcasmes qu'il semblait avoir laissé au placard lorsqu'il s'adressait à elle ! Oui, Severus Rogue était un homme charmant, et… attirant. Mais l'embrasser ! Ok, d'accord, c'est vrai qu'elle en avait peut-être eu envie l'autre fois, pendant qu'il faisait tout pour éprouver sa concentration…

Oh ! Stop ! Mais ça va pas, non ? Elle était dangereusement près de craquer encore plus pour lui, là… Non… Il fallait qu'elle se reprenne… C'était impensable ! Malgré la lettre qu'elle s'était elle-même envoyée, malgré celle qu'il lui avait montrée (elle sourit d'ailleurs à ce souvenir : comment un homme comme lui avait-il pu écrire des choses aussi belles la concernant, elle ? Leurs « futurs-eux » devaient être sacrément amoureux l'un de l'autre !) et enfin, malgré tout ce que Ron et Harry avaient pu lui dire, elle ne voulait pas tomber amoureuse de lui ! En tout cas pas tant qu'elle ne savait pas sur quel pied danser avec lui…

C'était son professeur, premièrement, ce qui risquait vraiment de faire jaser dans les couloirs et deuxièmement, et pas des moindres, elle n'avait jamais connu d'homme… Le seul baiser qu'elle avait échangé était avec Viktor Krum, lors du bal de Noël en quatrième année… Et la liste s'arrêtait là ! Le combat contre les forces du Mal, l'année de vagabondage à la recherche des Horcruxes dans tous le pays et enfin la Bataille Finale n'avaient pas vraiment été propices aux rencontres amoureuses… Et elle ne se voyait pas réellement perdre sa virginité avec son professeur, aussi charmant soit-il !

C'était un homme de deux fois son âge ! Et il devait en avoir connu, des femmes, lui… Alors, qu'est-ce qu'il pourrait bien s'encombrer une gamine sans expérience comme elle !

Hermione se figea tout à coup. Elle débloquait totalement ! Rien que le fait de penser à l'appeler par son prénom la faisait rougir, et voilà qu'elle évoquait le fait de coucher avec lui ! Non mais vraiment ! Elle secoua la tête pour tenter de s'éclaircir les idées, et s'aperçut à peine que Binty était revenue pour débarrasser la table.

Elle se leva, et, estimant que le rouge avait suffisamment reflué de ses joues, parcourut les quelques mètres qui la séparait de la chambre de sa fille et écouta malgré elle la conversation que cette dernière entretenait avec son père :

– … mais si, je te dis ! Toi et Maman vous vous en faites plein, des bisous ! Alors vous devez le faire aussi !

– Maï… Je te l'ai déjà expliqué… soupira Severus, se pinçant l'arrête du nez, les yeux fermés, de plus en plus dépassé. Ici, c'est différent : ta mère et moi ne sommes PAS amoureux ! Il n'y a que les amoureux, qui font ça !

– Et bien, vous n'avez qu'à être amoureux ! Comme ça, vous pourrez le faire ! D'ailleurs, décida-t-elle en s'asseyant sur son lit, les bras croisés sur la poitrine et la mine déterminée, je ne ferai pas la sieste tant que vous, vous aurez pas fait un bisou ! C'est comme ça ! Na !

Severus releva la tête, incrédule et… exaspéré. Comment expliquer une telle situation à une enfant de quatre ans ! Il pataugeait complètement…

– Hum hum… Je pense qu'il est temps de dormir, Maï-Lee, lança sévèrement Hermione depuis la porte. Le professeur la regarda, la remerciant silencieusement d'avoir coupé court à cette discussion sans fin.

– D'accord… concéda la gamine qui se roula en boule sous sa couette, se promettant intérieurement de tout faire pour arriver à ses fins…

– Merci, murmura Severus. Merci d'être intervenue… Je ne savais plus comment m'en sortir… Il sortit de la chambre en fermant la porte et s'assit sur son canapé, la tête dans les mains. Je crois que je me suis surestimé… Je commence sérieusement à douter de moi…

– Comment ça ?

– Je n'ai pas la moindre idée de la façon d'élever un enfant ! se désola-t-il. Vous vous rendez compte ? Moi, un Mangemort !

– Vous n'êtes plus un Mangemort, le coupa Hermione, touchée par cet accès de faiblesse qui lui permettait de voir autrement l'homme devant elle. Depuis bien longtemps !

– Pas si longtemps que ça ! Voldemort est tombé depuis quelques mois seulement !

– Oh ! s'indigna-t-elle. Mais vous avez cessé d'être un véritable Mangemort dès lors que vous êtes entré sous les ordres de Dumbledore comme espion, Professeur !

– Severus… corrigea-t-il sur le ton de la conversation.

– Hein ? Oui, d'accord… Severus… Mais ne changez pas de sujet, osa-t-elle alors qu'il souriait étrangement. Vous n'avez pas l'expérience de la parentalité, moi non plus, d'ailleurs, mais je suis sûre que cela ne doit pas être compliqué… Après tout, vous avez réussi à vous faire respecter par tous les élèves auxquels vous avez enseigné, non ? Alors il n'y a pas de raison que ça ne marche pas avec Maï-Lee ! affirma-t-elle avec véhémence.

– Justement, c'est différent, avec elle : elle n'a qu'à me regarder comme elle le fait, avec ses grands yeux si adorables, et je fonds littéralement… Vous vous rendez compte, Miss Granger, je fonds… MOI !

– Hermione… lança-t-elle sans vraiment y penser, toute à la pensée que les yeux de sa fille le faisaient fondre… Les siens, en fait !

– Oui… Hermione… Si vous voulez… répondit-il sans faire attention, tellement il était préoccupé par ses aveux.

Ils se figèrent instantanément, se rendant compte de la conversation qu'ils avaient : ils venaient de s'appeler par leurs prénoms, tous les deux, et Severus venait d'avouer sans pudeur que les yeux de sa fille, qu'elle avait hérité de sa mère, le faisaient littéralement craquer…

– Euh, oui, bon… Excusez-moi, mais il faut que je parte… Je n'ai pas terminé mes devoirs pour demain…

– Oui, bien sûr, je vous en prie…

– Je reviendrai ce soir pour son bain… à plus tard. Puis, sans autre cérémonie, elle sortit des appartements de Severus pour regagner les siens, légèrement chamboulée.