Chapitre 12 – Lux Vitae Meae
Mme Pomfresh poussa un cri de strident lorsque les portes de son infirmerie d'ordinaire si calme s'ouvrirent tout d'un coup avec fracas, les battants cognant violemment contre les murs. Elle vit avec stupeur entrer un Severus Rogue à la mine aussi inquiète que rageuse, portant dans ses bras une jeune fille inconsciente dont les vêtements déchirés étaient maculés de sang, et faisant léviter un brancard sur lequel reposait le corps de sa fille juste derrière lui.
– Vite ! Appelez Albus ! ordonna l'homme affolé en déposant son fardeau sur le lit le plus proche, la laissant s'occuper de sa fille. HERMIONE ! Reste avec moi ! hurla-t-il à l'attention de la jeune fille, en tapotant ses joues. Et d'un « Accio » informulé, il fit venir à lui toute une collection de fioles de potions, qu'il commença à lui faire ingurgiter.
– Severus ! Que se passe-t-il ? interrogea Dumbledore alors qu'il arrivait en courant, McGonagall et Pomfresh sur les talons.
– MERLIN tout puissant ! hurla Minerva en portant sa main à sa bouche. Que leur est-il arrivé ? Severus ! Réponds !
Rogue continuait de faire avaler les différentes potions à Hermione, les mains tremblantes, tout en marmonnant diverses incantations. Pendant que la médicomage réveillait Maï-Lee.
Il poussa un soupir de soulagement quand il entendit sa fille se réveiller alors que la dernière goutte de potion disparut dans la gorge d'Hermione, qui, dans un gémissement, sombra simplement dans le sommeil. Il s'assit alors par terre, la main d'Hermione emprisonnée dans les siennes, essayant de calmer ses tremblements de plus en plus incontrôlables au fur et à mesure qu'il prenait l'ampleur de la situation. Jamais il n'avait eu aussi peur pour la vie de quelqu'un !
Il releva alors son visage torturé vers Albus, et parvint à lui sortir quelques mots entrecoupés par les spasmes d'horreur de son corps, accompagnés désormais par les claquements nerveux de ses dents.
– Albus… Malefoy… Il… Hermione… Sectumsempra… Horreur… Attaquée…
– Qu'est-ce que tu racontes ? J'ai peur de comprendre. Ressaisis-toi mon Fils. Et explique-nous ce qui s'est passé.
Severus souffla plusieurs fois, puis, dans un effort surhumain, les yeux posés sur la main d'Hermione qu'il serrait compulsivement dans les siennes, arriva enfin à se calmer.
– Malefoy a attaqué Hermione… avec un Sectumsempra… Et il y avait Maï-Lee… Et je n'ai aucune idée de ce qu'il lui a fait, je l'ai juste trouvée inconsciente à côté d'Hermione… Je n'ai aucune idée non plus de ce qu'il sait sur elle… Mais je me doute qu'avec notre ressemblance, il doit avoir deviné pas mal de choses…
– Que s'est-il passé ? demanda Minerva, les larmes menaçant de déborder à chaque instant. Et Hermione ? Est-elle hors de danger ?
– Oui… j'ai refermé ses blessures et elle s'est réveillée… Juste le temps de me dire que Malefoy les avait attaquées… L'instant d'après, elle s'est écroulée dans mes bras, et je l'ai emmenée ici. D'après ce que j'ai entendu dire par les villageois qui étaient sur place, ils ont entendu des hurlements et ils ont attaqué directement en reconnaissant Lucius… Maï était sous une espèce de dôme de protection qui a fini par disparaitre… Je ne sais pas qui lui a lancé. En voyant qu'il risquait sa vie, Malefoy a transplané. Et moi, je suis arrivé après…
– Très bien… acquiesça Pomfresh, vous avez bien fait emmener Miss Granger ici… Maï-Lee va bien, je lui ai donné une potion de Sommeil. Vous pouvez la ramener chez vous. Je veillerai sur votre élève cette nuit.
– Absolument pas, la coupa Severus, énervé. Ma fille n'est plus en danger et elle ne se réveillera que demain, il est hors de question que je laisse Hermione toute seule !
– D'accord, Severus, tempéra Dumbledore, Minerva pourrait peut-être la prendre avec elle cette nuit, proposa-t-il alors que celle-ci acquiesçait. Mais ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi tu n'étais pas avec elles… Avez-vous été séparés pour une quelconque raison ?
Pour toute réponse, le Serpentard sortit de la poche intérieure de sa robe les deux petits coffrets et les tendit à Minerva, qui était plus près de lui. Celle-ci les ouvrit, perplexe, puis, laissa couler les larmes qu'elle retenait depuis trop longtemps.
– Oh, mon petit, pleura la Gryffondor en lisant les inscriptions latines qu'il avait fait graver pour Hermione… Tu l'aimes donc ?
Severus plongea ses yeux dans les siens, et elle n'eut pas besoin de réponse à voix haute. Elle se tourna vers Albus dont les yeux de plus en plus humides pétillaient de joie contenue, puis rendit les bijoux à Severus qui les remit dans sa poche.
– Je vais convoquer les membres de l'Ordre, et les Aurors encore disponibles. Il faut délimiter un périmètre de protection autour du Château et du village. Maintenant qu'il connait l'existence de Maï-Lee, il risque de revenir. Minerva, allons-y… Pompom, je pense que Miss Granger est entre de bonnes mains. Laissons-les, à présent.
Alors, tandis que Poppy faisait apparaitre des rideaux autour du lit avant de s'enfermer dans son bureau pour la soirée, Albus et Minerva quittèrent l'infirmerie, cette dernière avec la petite dans les bras.
Severus attendit que tout le monde s'en aille, puis se redressa pour se mettre à hauteur d'Hermione. Doucement, il caressa son front :
– C'est bon, ils sont partis… Vous pouvez ouvrir les yeux, à présent.
– Tiens, vous ne me tutoyez plus, maintenant ? lança Hermione en se redressant sur un coude. Je ne sais jamais quoi penser avec vous… Puis, dans un grognement douloureux, elle se rallongea et se tourna vers lui. Merci de m'avoir soignée. Je serais morte si vous n'aviez pas été là…
– Si je ne vous avais pas quittées, Maï-Lee et vous, tout cela ne serait pas arrivé. Si vous saviez comme je le regrette…
– Non ! Ce n'est pas de votre faute… Si je n'avais pas insisté pour que l'on sorte tous les trois, rien ne se serait passé… C'est moi qui dois avoir des regrets. Puis, réalisant la véracité de ses propos, elle se mit à pleurer.
Ses larmes firent littéralement craquer Severus, qui, avant même d'avoir conscience de ses gestes, vint s'allonger aux côtés d'Hermione, dans le lit, et la prit dans ses bras. Sitôt après, elle se serra contre lui, et il put enfin apprécier la chaleur de son corps contre le sien.
Elle finit par se calmer, de longues minutes plus tard, puis, semblant se rappeler d'un détail lors de la conversation avec Minerva un peu plus tôt, elle questionna son Professeur à ce sujet :
– Severus ? Qu'avez-vous montré au Professeur McGonagall tout à l'heure ?
Rogue se raidit. Il ne savait pas si c'était le bon moment pour aborder le sujet qui lui tenait à cœur depuis un bon moment déjà. Était-il capable de lui avouer, maintenant, qu'il l'aimait ? Et elle ? Que ressentait-elle pour lui ? Il avait déjà une idée de ses sentiments, et le fait qu'elle se soit serrée contre lui un peu plus tôt et qu'elle n'ait pas quitté ses bras depuis, voulait bien dire quelque chose, non ?
Voyant qu'il ne répondait pas, la Gryffondor commença à regretter sa question. Elle avait entendu l'exclamation de sa Directrice de Maison… Mais elle doutait qu'elle parle d'elle… Elle voulait en avoir le cœur net… Elle voulait savoir si ce qu'elle avait remarqué et deviné au fil du temps était réel. Elle voulait avoir la confirmation de ce qu'elle soupçonnait, et surtout, que ses sentiments étaient réciproques.
– Excusez ma curiosité… Cela ne me regarde pas… Parlons d'autre chose si vous le voulez bien, proposa-t-elle alors qu'il ne répondait toujours pas. Et elle craignait d'être allée trop loin.
– Non… répondit-il. Cela vous regarde, vous avez raison. C'est même totalement en rapport avec vous. C'est juste que j'aurais préféré de meilleures circonstances, pour cela. Il se redressa quelques secondes, puis sortit les deux coffrets de sa poche. J'ai acheté celui-là pour Maï… expliqua-t-il en l'ouvrant, la voix un peu tremblotante.
– Il est magnifique…
– Mais pas autant que celui-ci. Et il lui présenta le deuxième. J'avais l'intention de vous l'offrir pour votre anniversaire… mais dans ces circonstances… Il souffla, puis lui présenta l'écrin de bois, couvercle ouvert. Il s'assit sur le lit, alors qu'elle se redressait pour se mettre en face de lui.
Hermione resta sans voix devant le sublime bijou qu'il lui présentait. Les doigts tremblants, elle caressa les pierres qui ornaient l'Hellébore. Sa respiration se bloqua lorsqu'elle lut les trois petits mots gravés au dos du pendentif.
– Lux Vitae Meae chuchota-t-elle en le regardant dans les yeux. Je suis… la lumière de votre vie ? le questionna-t-elle, totalement incrédule.
Severus ne répondit pas, se contentant de se perdre dans ses yeux, étrangement brillants. Hermione se sentit happée par ses deux abysses noirs brûlants qui ne la lâchaient pas. Elle sentait des frissons remonter du bas de ses reins jusqu'à sa nuque, la poussant inexorablement vers lui. Puis, alors que son visage se trouvait à seulement quelques centimètres du sien, qui n'avait toujours pas bougé, comme s'il était pétrifié, elle murmura, tout prêt de ses lèvres fines :
– Dites-le…
Severus déglutit bruyamment, les battements de son cœur résonnant dans sa poitrine, et se dit que c'était le moment. Il n'aurait pas de deuxième chance. Il n'avait jamais ressenti les émotions qui l'assaillaient en ce moment-même pour personne. Ses yeux faisaient la navette entre les siens, couleur chocolat, et ses lèvres si tentantes… Il avait tellement envie de les embrasser, là, tout de suite… Mais il devait dire quelque chose, avant. Alors, dans un murmure à peine audible, il scella son aveu :
– Oui, tu l'es… Tu es celle qui a apporté la lumière dans ma sombre vie.
Il n'en fallut pas plus à Hermione pour combler les quelques centimètres qui les séparaient encore, et lentement, elle posa ses lèvres sur les siennes.
Comme ses lèvres étaient douces et chaudes ! Severus s'en émerveilla alors qu'il les sentait bouger contre les siennes. Ses lèvres qu'il rêvait d'embrasser depuis des semaines, qu'il regardait bouger avec fascination lorsqu'elle parlait, articulant les mots, s'étirant en un doux sourire, ou rougir lorsqu'elle les mordillait…
Ses lèvres qu'il était présentement en train de mordiller de ses propres dents, de caresser de sa propre langue, osant demander implicitement l'accès à l'intérieur de sa bouche. Laissant échapper un soupir alors qu'elles s'ouvraient sur son passage.
Un soupir, quasiment inaudible pour quiconque se serait trouvé un peu plus loin, mais qu'il avait entendu, lui, Severus, comme marquant l'intimité de leur rapprochement. Cette intimité qui n'impliquait qu'eux. Ce soupir qui le poussa, lui, à l'étreindre d'avantage, à presser son corps chaud contre le sien, froid, mais qu'elle réchauffait inexorablement. Enflammant malgré elle ses sens, alors qu'elle passait ses bras innocents autour de son cou, comme pour le rapprocher encore d'avantage, comme pour que leurs corps se fondent l'un dans l'autre.
Ce soir, il n'y avait plus de Professeur, ni d'élève.
Ce soir, il n'y avait plus de Maître, ni d'Apprentie.
Ce soir, il y avait seulement Severus et Hermione.
Deux êtres dont les corps éclairés par la lueur du soleil déclinant se mouvaient en harmonie, serrés dans ce petit lit. Deux êtres dont les mains avaient commencé d'elles-mêmes leur exploration du corps de l'autre. Découvrant centimètre par centimètre la peau d'un corps encore inconnu, fiévreux, frissonnant et exalté, au fur et à mesure que le tissu tombait.
Ces mains caressantes rendirent les soupirs plus audibles lorsqu'elles furent remplacées par ces mêmes lèvres, cette même langue qui les avait fait naître.
Et les corps de se mouvoir davantage.
Et les soupirs de devenir plus rauques alors que les rôles s'inversaient. Alors que les mains expertes laissaient la place aux mains innocentes, encore en apprentissage. Alors que les lèvres ingénues s'éveillaient à la connaissance de la vie, et éveillait le corps encore méconnu, le faisant frissonner et vibrer sous leurs caresses.
Et les corps de se mouvoir encore.
Et les jambes et les doigts et les langues de s'entremêler alors que le corps expérimenté recouvrait de sa chaleur le corps encore innocent et enfiévré.
Et les lèvres d'étouffer les gémissements tour à tour provoqués par le désir, puis par la douleur alors que l'innocence s'envolait déjà dans les brumes des souvenirs, puis enfin par le plaisir de ces deux êtres enfin unis, fondus l'un dans l'autre, tels une seule et même entité.
Et les corps de se mouvoir toujours.
Alors que l'exaltation de l'un décuplait l'enivrement de l'autre. Alors que l'ardeur de l'un déchaînait l'embrasement de l'autre. Alors que l'extase de l'un déclenchait l'apothéose de l'autre, les cris passionnés toujours assourdis par les lèvres furieusement mordues.
Et qu'enfin les corps s'immobilisèrent, seulement trahis par les mouvements de respirations sporadiques, les battements de cœurs frénétiques. Et que les corps, lourds, transpirants et amorphes sombraient, encore et toujours enlacés, dans un sommeil rêveur et satisfait.
