Chapitre 14 - Ma trop regrettable erreur

Severus avait fait chou blanc. Aucune trace d'Hermione nulle part. Lorsqu'il était arrivé à l'infirmerie, il n'avait trouvé qu'un lit défait, lui renvoyant des images de la formidable nuit qu'il avait passé avec elle. Poppy lui avait dit qu'elle avait vu la Gryffondor bouleversée quitter les lieux précipitamment très tôt, mais elle n'avait aucune idée d'où elle était partie.

Un nœud dans l'estomac, il parcourut les couloirs dans l'autre sens pour revenir aux cachots : elle était sûrement rentrée chez elle, du moins l'espérait-il. Il décida de passer par le laboratoire, ne préférant pas se montrer en spectacle au milieu d'un couloir où des élèves pouvaient passer à tout moment. Arrivé devant le portrait qui gardait sa porte, il fut déçu en le trouvant vide… Hector avait sûrement dû aller faire un tour…

Tant pis. Il tambourina à la porte comme un forcené. Sans succès.

– Hermione ! Hermione ! Ouvre-moi ! S'il-te-plaît ! BOUM ! BOUM ! BOUM ! Ses poings s'abattaient sans relâche sur le tableau, si bien que…

– Hey ! Mais que vous arrive-t-il mon jeune ami ? Je préfère vous avertir que me casser en deux ne vous aidera en rien !

– Ah, Hector ! Ouvrez-moi, je vous prie.

– Et en quel honneur, mon Cher ? demanda le vieil homme, suspicieux.

– Je dois parler à Miss Granger, immédiatement.

– Un instant, je vais voir si elle est là. Il partit puis revint deux secondes plus tard. Navré Très Cher, mais Miss Granger est absente.

– Je ne vous crois pas. C'est elle qui vous a dit de mentir ! Elle ne veut plus me voir… dit-il, accablé, pour lui-même.

– Je vous assure que non, mais… Severus ? appela-t-il soudain suspicieux. Qu'avez-vous ENCORE fait à cette charmante jeune femme ? Le Serpentard se borna à grogner. Si je ne m'abuse, continua implacablement le portrait, cela fait déjà DEUX fois que vous vous retrouvez dans cette situation !

– Je me passerai volontiers de vos commentaires, Hector. Ouvrez-moi cette porte.

– Mais puisque je vous dis qu'elle n'est pas là !

– C'est ce que l'on va voir. Helleborus Niger ! Helleborus Niger ! répéta-t-il alors que la porte restait définitivement close. Je vous ai donné le mot de passe, espèce de vieux grincheux, s'énerva-t-il. Vous êtes obligé de m'ouvrir !

– Je suis navré, encore une fois, mais ce n'est pas le bon mot de passe.

– PARDON ?!

– Miss Granger l'a changé très tôt ce matin. Et elle m'a bien spécifiquement ordonné de n'ouvrir à personne ! Sous aucun prétexte !

– Mais je suis Professeur ! Vous devez ouvrir à un Professeur ! C'est le Règlement ! insista Rogue, au bord de la crise de nerf.

– Mon cher Professeur, rétorqua le vieillard passablement irrité à présent, je vous rappelle que cette partie du Règlement ne s'applique en aucun cas aux quartiers privés du Personnel de l'établissement. Or, continua-t-il d'un ton hautin, de part son statut d'Apprentie, Miss Granger fait entièrement partie de ce Personnel… Elle bénéficie donc, par cet état de fait, du droit le plus strict au respect de son intimité. Sur ce, Monsieur le Professeur, bien le bonjour ! Et il le planta là, le laissant seul et désemparé.

Severus, rageur, réfléchit à toute vitesse. Où pouvait-elle bien être ? Il fallait qu'il la trouve et qu'il lui parle avant que Maï-Lee ne se réveille… Maï-Lee ! Mais bien sûr ! Pourquoi n'y avait-il pas pensé plus tôt ! Elle était sûrement partie la retrouver !

Il sortit en trombe, veillant tout de même à ne pas courir dans les couloirs, inutile d'attirer l'attention des élèves, et se dirigea vers les appartements de Minerva.

Sur le trajet, qu'il n'avait jamais trouvé aussi long, même en utilisant les raccourcis et les passages secrets, il imagina différents scenarii. Comment réagirait-elle en le voyant ? Que lui dirait-il ? Que lui dirait-elle ? Minerva remarquerait-elle quelque chose ? Soudain, un sentiment d'angoisse le prit : avait-elle raconté quelque chose à Minerva ? Non… Il pensait que ce cas de figure n'était pas envisageable. Hermione était bien trop pudique pour parler de choses aussi intimes et personnelles avec un Professeur… Rasséréné, il s'apprêta à frapper à la porte de celle qu'il considérait comme sa mère, lorsque celle-ci s'ouvrit.

– Ah ! Severus, bonjour, le salua Minerva. Tu tombes bien.

– Bonjour, pardon de passer si tôt. Hermione est-elle ici ? lança-t-il tout à trac.

– Euh… Non… Mais, justement j'allais venir te chercher… Elle est passée ce matin chercher Maï-Lee. Nous avons rendez-vous dans le bureau d'Albus pour discuter des évènements d'hier à Pré-Au-Lard. Elle commença à marcher dans le couloir, le Serpentard lui emboitant le pas.

– Elle est déjà là-bas ? demanda-t-il, soudain inquiet.

– Naturellement ! Que t'arrive-t-il Severus ? Minerva s'arrêta de marcher et lui fit face. Tu as l'air fatigué… As-tu bien dormi ?

– Oui, oui, éluda-t-il. Mais… Comment allait Hermione ce matin ? s'enquit-il alors qu'ils reprenaient leur marche.

– Oh, et bien… Elle semblait assez bouleversée… Mais ce n'est guère étonnant… Elle marqua une pause, se régalant presque de voir Severus pâlir encore d'avantage. Après tout ce qu'elle a vécu hier ! Elle a failli mourir !

– Guère étonnant, en effet… marmonna-t-il, de plus en plus dépité.

Ils marchèrent en silence jusqu'à la Gargouille du bureau de Dumbledore. Severus passant et repassant sans cesse les paroles et les différentes scènes de la veille et du matin Minerva le laissant cogiter tranquillement.

Elle donna le mot de passe à la Gargouille et ils montèrent l'escalier de pierre, une boule d'angoisse grossissant dans la gorge du Serpentard au fur et à mesure de la montée.

– Entrez ! fit la voix du Directeur alors que Minerva actionnait le heurtoir de la grande porte en chêne massif. Bonjour ! lança-t-il joyeusement, venez donc vous asseoir.

Severus se figea dans l'entrée alors que ses yeux restaient fixés sur Hermione. La jeune femme n'avait pas même tourné la tête dans sa direction. Elle était debout au fond de la pièce face à la fenêtre, les yeux rivés sur la Forêt Interdite, raide comme un piquet. Elle portait un pantalon noir moulant et un pull beige, assez près du corps, qui mettaient sa jolie silhouette en valeur, le tout rehaussé par de petites bottines noires à talons. Ses cheveux fous se répandaient sur ses épaules et quelques mèches reflétaient doucement la lumière du soleil qui traversait la vitre.

Albus fit apparaître trois fauteuils devant son bureau, et les invita à y prendre place. Minerva, le regard aussi pétillant de malice que celui du Directeur, s'empressa de prendre celui du milieu, de façon à ce que Severus ne soit pas à côté d'Hermione… Elle n'allait pas non plus trop lui faciliter la tâche !

La jeune Gryffondor se retourna, tête haute et droite, en silence, et prit place à la gauche de Minerva, tandis que Severus, penaud, s'installa sur le fauteuil restant.

Ça allait mal… Très mal. Elle n'avait même pas posé les yeux sur lui. Il s'était attendu à ce qu'elle se mure dans un silence boudeur, c'était naturel. Mais qu'elle ne le regarde pas… Son estomac se tordit encore d'avantage. Peut-être ne lui avait-elle pas fermé son esprit ? Il l'espérait, en tout cas.

Hermione ? tenta-t-il sans trop vraiment y croire alors qu'il pénétrait son esprit. Et il fût agréablement surpris de ne trouver aucune résistance. Peut-être que tout n'était finalement pas perdu, pensa-t-il plein d'espoir. Espoirs qui fondirent comme neige au soleil alors qu'elle lui rejouait, mentalement et au détail près, la scène du matin, insistant encore et encore sur les images de son départ précipité, les mots « regrettable erreur » se répétant inlassablement en fond, comme la musique angoissante d'un mauvais film d'horreur.

Aussitôt après, il se sentit si violemment rejeté de sa tête, qu'il sursauta sur sa chaise, ses mains appuyant sur ses tempes douloureuses.

– Un problème, Severus ? s'inquiéta Albus.

– Non, non, tout va bien, mentit-il en se ressaisissant. Je vous écoute.

– Bien, donc, comme je le disais, j'ai réussi à dépêcher une trentaine d'hommes pour retrouver Malefoy, et une vingtaine de plus pour patrouiller tout autour du Château et à Pré-Au-Lard. Il va de soit que toutes les sorties des élèves sont annulées tant qu'il ne sera pas mis hors d'état de nuire.

– À ce propos, lança Minerva, avez-vous trouvé une solution pour contrecarrer la disparition soudaine de Maï-Lee ?

– Hélas, non, se désola Albus en baissant les yeux, j'ignore comment…

– Hum, hum, fit une voix légèrement gênée.

– Oui, Miss Granger ?

– Je pense avoir trouvé un moyen… Mais, j'ignore s'il sera complètement efficace.

– Lequel ? demanda précipitamment Minerva alors que Severus relevait brusquement la tête.

– Il y a un livre… que j'ai lu… hum…

Hermione se demanda soudain si elle avait le droit de le mentionner, étant donné qu'il n'était pas à elle et faisait partie du trésor caché de Rogue. Mais elle se dit aussi que les personnes présentes ici étaient dignes de confiance et, elle espérait que, pour l'intérêt de Maï-Lee, Severus y verrait autre chose qu'une vile trahison… ou bien une vengeance à son comportement…

– De quel livre s'agit-t-il ? s'enquit Minerva. Je doute fortement que ceux de la Bibliothèque…

– Oh, mais je suis certain que ce livre vient d'une toute autre bibliothèque… N'est-ce pas, Miss Granger ? fit Dumbledore avec un sourire entendu.

– En effet, avoua-t-elle piteusement. Mais je ne suis pas sûre que…

– Ne vous en faites pas, la coupa-t-il, devinant aisément ce qui la troublait. Après tout, l'intérêt de votre fille passe en premier, n'est-ce pas, Severus ?

L'homme acquiesça en silence, son cerveau tournant à plein régime, passant et repassant les livres de sa bibliothèque cachée qu'il avait lus… Qu'avait-elle trouvé qu'il lui aurait échappé ? Et surtout…

– Pourquoi ne m'en avez-vous pas parlé ?! l'interrogea subitement Severus, oubliant momentanément qu'elle refusait toujours de lui adresser la parole.

– Il s'agit d'un sort dans une langue inconnue, indiqua Hermione comme si elle n'avait rien entendu. Au vu de l'origine du livre, je suppose que c'est de l'Elfique Ancien… Probablement le même genre d'incantation qui a envoyé Maï parmi nous.

– Avez-vous plus de détails sur ce sort ? demanda Minerva, clairement curieuse.

– Oui, en fait, il agirait plutôt comme un antagoniste au premier sort. Là où celui-ci permettrait au sujet de traverser l'espace-temps, l'autre ancrerait ce même sujet, l'empêchant de le quitter…

– Comment ça ?! s'écrièrent en même temps Severus et Minerva. Hermione dut tout de même répondre, mais il était clair qu'elle ne s'adressait pas à Severus, puis qu'elle fixa Minerva.

– Et bien, voyons... Ce nouveau sort agirait comme un harnais… Comme une ceinture de sécurité dans les véhicules Moldus… Tant qu'il ne serait pas levé, Maï-Lee ne pourrait pas quitter notre temps… Il faudrait appuyer sur le bouton de la ceinture pour qu'elle la relâche…

– Et ce bouton… Il s'agit d'un autre sort, n'est-ce pas ? supposa Albus.

Severus était figé de stupeur. Cette jeune femme était décidément la plus vive et la plus intelligente qu'il lui ait été donné de rencontrer. Et ses regrets n'en furent que plus amers.

– En effet, et je l'ai trouvé aussi… J'allais en parler au Professeur Rogue quand… Enfin… Elle se tût, remarquant qu'elle s'était laissée emporter dans ses paroles.

Rogue, lui, avait remarqué les tristes intonations dans sa voix.

– Bien, s'empressa de dire Minerva, pour changer de sujet. Si nous parlions de cette agression… Nous vous écoutons, Hermione, l'invita-t-elle d'un ton maternel.

La Gryffondor prit une longue inspiration, puis se lança :

– Maï-Lee et moi étions en train de rejoindre le point de rendez-vous où l'on devait attendre le Professeur Rogue (Severus grimaça en l'attendant presque cracher son nom). Tout d'un coup, Malefoy est apparu et il m'a aussitôt envoyé un Expelliarmus. Je n'ai même pas eu le temps de réagir, regretta-t-elle alors que Minerva tapotait doucement son bras.

Severus voulut lui, être à sa place, il voulait lui-même lui apporter du réconfort… C'était comme cela que ça aurait dû se passer ! Hermione renifla, puis reprit :

– Il nous a ligotées l'une à l'autre. Je sentais Maï-Lee trembler violemment derrière moi. Ensuite, il a débité tout un tas d'insanités sur le mélange des Sangs, il n'arrêtait pas de répéter qu'il allait punir la « Sang-de-Bourbe » et le « Traître »… Je lui ai crié de laisser partir Maï, que je ferais ce qu'il voudrait s'il la laissait tranquille…

Severus gronda, imaginant très bien les horreurs que ce pervers sadique de Lucius Malefoy aurait fait subir à sa tendre Hermione, et ses poings se serrèrent fortement sur ses cuisses.

– Mais il s'est alors produit une chose que ni lui ni moi n'avions anticipée… Je sentais toujours Maï-Lee attachée derrière-moi… Elle ne tremblait plus… Elle vibrait littéralement ! Une petite explosion a retenti. La déflagration n'était pas assez conséquente pour blesser qui que ce soit, mais assez pour nous propulser au sol, nous libérant des liens magiques de Malefoy. J'eu à peine le temps de me rendre compte que c'était la magie de Maï qui venait de se manifester que Malefoy était déjà debout, sa baguette pointée sur nous. Maï-Lee a fait apparaitre une espèce de dôme de protection autour d'elle en même temps que Malefoy me jetait son premier Doloris.

Elle marqua une pause et frissonna à ce souvenir. Après plusieurs profondes respirations, elle termina :

– J'essayais de résister du mieux que je pouvais… Il fallait que je sorte Maï de là… J'étais sûre d'y arriver… Après tout, se souvint-elle avec une grimace, ce n'était pas pire que lorsque Bellatrix m'a torturée… Mais Malefoy a entendu, tout comme moi, les villageois arriver… Ils avaient sûrement été alertés par mes hurlements… Alors, voyant que je résistais encore, il m'a jeté le Sectumsempra… Et c'est là que j'ai sombré… Avoua-t-elle, piteuse, les yeux baissés.

– Personne ne vous reproche quoi que ce soit, la rassura Minerva alors que Severus avait les doigts serrés sur les accoudoirs de son fauteuil.

Il se détestait encore d'avantage après ce récit : pour avoir laissé Hermione et leur fille seules face à ce psychopathe, et pour lui avoir fait encore plus de mal, alors qu'il s'était enfui comme un lâche le matin même !

Il se dégoûtait. Il avait envie de la prendre dans ses bras, pour la réconforter, pour lui demander pardon, pour il ne savait quoi d'autre, mais il en avait envie.

Il essaya encore, mentalement, d'entrer en contact avec Hermione, mais elle maintenait ses barrières bien en place.

– Très bien, nous en avons terminé, décida Dumbledore, voyant que la Gryffondor était prête à fondre en larmes. Vous pouvez rentrer chez vous.

– Merci Professeur, répondit Hermione, des trémolos plein la voix. Mais avant, je voudrai lancer ce sort, sur ma fille.

– Naturellement… Suivez-moi. Ils se levèrent tous et suivirent Dumbledore dans ses appartements.

Maï-Lee jouait à la poupée avec Binty. En entendant la porte s'ouvrir, elle releva la tête et sourit.

– Maï, commença Hermione. Viens t'asseoir sur le canapé, s'il-te-plaît. La petite s'exécuta sans rechigner. Je vais te lancer un sort un peu spécial.

– D'accord, mais je pourrai continuer à jouer, après ? questionna la petite sans pour autant demander le pourquoi du comment. Visiblement, elle était habituée aux sorts de sa mère…

– Oui, tu pourras retourner jouer avec Binty. Mais je veux que tu te tiennes tranquille, d'accord ?

– Oui maman. Et pour montrer sa bonne volonté, la fillette s'assit bien droite, les mains sur ses genoux et attendit. Oui, elle devait y être habituée.

Hermione se recula de quelques pas en sortant sa baguette magique de derrière son pantalon. Fermant les yeux, elle inspira et expira profondément deux ou trois fois. Puis, quand elle se sentit prête, elle rouvrit les yeux et se concentra un instant. Elle marmonna quelques mots incompréhensibles et les autres furent surpris de voir une lueur bleue illuminer sa baguette. Enfin, elle pointa le bâton sur sa fille et lança l'incantation :

Dartho guin men ad a si, Men ad tolthathon !

La lueur bleue brilla un instant autour de la baguette, puis se déplaça jusqu'à Maï-Lee qu'elle entoura, la faisant scintiller littéralement. Le halo bleu demeura quelques secondes sur la fillette, puis disparût, laissant les trois professeurs sans voix.

– Et bien, ma Chère, s'exclama Dumbledore, clairement admiratif. Je vois que Galadriel n'a plus aucun secret pour vous… J'ignorai que nous pouvions encore trouver des vestiges de ses écrits…

– Hum… Et bien… oui… Donc, Voilà… Maï est « coincée » ici, maintenant, jusqu'à ce que nous décidions de lever le sort. Nous n'avons plus aucune crainte de la voir disparaitre sans que nous ne puissions rien faire.

– Bravo, mon Enfant ! s'extasia Minerva en tapant dans ses mains, visiblement extrêmement fière de sa Gryffondor.

Severus était resté figé. L'admiration et la gratitude qu'il ressentait pour elle à cet instant n'avait d'égal que le profond dégoût qu'il avait de lui-même. Et c'était peu dire ! Il fallait vraiment qu'il fasse tout pour se faire pardonner. Cette jeune femme avait vraiment tout d'exceptionnel !

– Puis-je me retirer, maintenant, Monsieur le Directeur ? demanda la Gryffondor, penaude.

– Bien entendu.

Hermione prit un instant sa fille dans ses bras, lui expliquant qu'elle allait rester avec Papibus encore quelques heures, puis elle se leva et quitta rapidement la pièce, voulant prendre autant d'avance que possible, sachant que Severus ne tarderait pas à lui courir après.

Ni une ni deux, Severus partit à son tour, ne prenant même pas la peine de saluer qui que ce soit ni de refermer les portes derrière lui.

– Hermione ! appela-t-il, Hermione ! Il accéléra ses pas, se demandant s'il ne serait pas plus judicieux de se mettre à courir. Il allait avoir recours à cette option lorsqu'il la vit tourner à l'angle d'un couloir. Hermione, attends ! S'il-te-plaît ! cria-t-il de nouveau en la rattrapant enfin au pied de l'escalier de la tour de Gryffondor. Puis, voyant qu'elle ne se retournait pas, il attrapa sa main pour la stopper.

– Vous devriez lâcher ma main, Professeur, avant d'avoir une autre erreur à regretter… cracha-t-elle en se retournant pour lui faire face.

Ce qu'il vit dans ses yeux à ce moment-là lui fit immédiatement desserrer sa prise, et il recula d'un pas, chancelant.

– Je… Je ne… balbutia-t-il sans plus vraiment savoir ce qu'il allait dire, alors qu'elle gardait la tête haute et le regardait, ses yeux flamboyants de fureur, réduits à deux fentes.

– Auriez-vous autre chose à me dire ? demanda-t-elle d'une voix froide, pleine de rancœur, que ni Severus ni personne d'autre, d'ailleurs, n'avait jamais entendue de sa part.

Severus respira un grand coup. Il savait qu'il avait mérité pareille sanction. Il récupérait la juste monnaie de sa pièce. Mais il eut encore plus mal qu'il avait cru, et il sut qu'il l'avait définitivement perdue. Tout ce qui lui restait, à présent, c'était ce sort pour maintenir sa fille ici avec lui. Grâce à cela, elle continuerait tout de même d'exister, même sans ses parents ensemble… C'était un moindre mal… Et, ce n'était plus que la seule solution. De cette façon, il pourrait toujours voir Hermione, qui tiendrait à passer du temps avec sa fille. Tant qu'elle resterait ici, à Poudlard, il serait plus facile de la voir… Et il restait toujours son apprentissage… Si tant est qu'elle accepte de le terminer avec lui… Et puis, après… elle partirait, il ne savait où, exigeant la garde partagée de leur fille…

NON ! Il s'y refusait ! Il refusait de baisser les bras. Il allait tout faire pour la récupérer ! Il avait commis une erreur… Une regrettable erreur

– Viendrez-vous pour l'anniversaire de Maï-Lee ? demanda-t-il, tentant le tout pour le tout.

– Naturellement ! s'indigna-t-elle. N'avions-nous pas déjà prévu une fête ? Elle n'y est pour rien dans cette histoire, elle. Puis, sans préavis, elle se retourna et grimpa les marches de la tour, disparaissant à sa vue.

Severus eut l'impression qu'un poignard lui lacérait le cœur, et il ne lui fut pas difficile d'imaginer ce qu'avait dû ressentir sa Gryffondor quand il l'avait abandonnée à l'infirmerie. En effet, pour le coup, pendant sa dernière phrase, elle lui avait enfin ouvert son esprit : il eut alors tout le loisir de voir dans quel état elle s'était retrouvée juste après sa fuite. Les images qu'elle lui avait envoyées alors étaient très parlantes ! Il la revoyait assise sur ce lit, les genoux repliés sur sa poitrine nue, le visage ravagé par les larmes, le regard torturé et le corps tremblant…

Monstre ! Il avait été un monstre !

oOo. oOo. oOo. oOo. oOo. oOo. oOo.

Hermione s'était hâtée de passer le portait de la Grosse Dame. Jamais pareille discussion lui avait autant coûté ! Elle avait conscience d'avoir un peu exagéré en envoyant toutes ces images à Severus… Mais il fallait qu'il prenne réellement la mesure de son geste. Elle voulait qu'il se rende compte de l'état dans lequel il l'avait laissée. Elle l'aimait ! Et la façon dont elle s'obligeait à se comporter en sa présence lui lacérait le cœur. Elle savait qu'il en était de même pour lui : elle le voyait clairement dans ses yeux dévastés par la douleur et les regrets.

En entrant dans la salle commune, elle vit Harry et Ron occupés à jouer aux échecs sorciers. Ils relevèrent la tête en entendant la porte et lui envoyèrent un sourire malicieux en la reconnaissant.

Hermione connaissait les raisons de ce sourire. Et c'est cette vision qui l'acheva. Sitôt après, elle fondit en larmes.

Harry et Ron étaient atterrés. Alors qu'ils regardaient Hermione dormir, bien blottie entre eux, ils se remémoraient à voix basse ce qui s'étaient passé depuis le début de la matinée.

Ils avaient appris par la Gazette, très tôt le matin, l'agression de leur amie à Pré-au-Lard par ce salaud de Malefoy. Fous d'inquiétude, ils s'étaient précipités à l'infirmerie, se moquant complètement de réveiller Mme Pomfresh si tôt.

Quelle n'avait pas été leur surprise, quand, au lieu de trouver leur sœur gisant blessée, dans son lit, à l'article de la mort, ils l'avaient trouvée à moitié nue, endormie sur le corps tout aussi dénudé de leur Professeur de Potions.

La posture des deux amants ne laissait aucune place à l'imagination, et l'arrivée en trombe des deux jeunes hommes, les réveillant en sursaut n'avait fait que rajouter du comique à la situation… Du moins de leur point de vue à eux…

Ils étaient alors repartis en s'esclaffant, heureux que leur amie ait enfin suivi leurs conseils et écouté son cœur. Mais un peu plus tard dans la matinée, alors qu'ils étaient tous les deux en train de disputer une énième partie d'échecs – bon d'accord, alors qu'Harry se faisait lamentablement piétiner par Ron – ils avaient vu leur brunette adorée entrer en trombe dans la salle commune.

Ils s'étaient préparés à la taquiner gentiment sur son nouveau « statut », mais le spectacle qu'elle leur avait alors offert leur avait tordu les entrailles.

Les implorant du regard, les yeux débordant de larmes, elle avait vacillé dangereusement. Avec la rapidité et les réflexes de l'Attrapeur qu'il était, Harry s'était précipité avant qu'elle ne tombe, Ron derrière lui. De gros sanglots sortaient douloureusement de sa gorge, alors que le rouquin la prenait dans ses bras pour la porter comme une jeune mariée dans leur dortoir, Harry ouvrant puis refermant les portes sur leur passage.

Là, allongés tous les trois sur le lit d'Harry, Hermione leur raconta tout : la sortie de la veille à Pré-au-Lard, l'agression de Malefoy, la discussion entendue à l'infirmerie, le cadeau de Severus, la nuit qu'ils avaient passée… Ses pleurs redoublèrent alors qu'elle leur narrait sa fuite peu après leur irruption, puis le plan mis au point avec Minerva, les difficultés à ne pas le regarder pendant l'entretien avec Dumbledore, les tentatives de Severus de lui parler, et enfin, cette conversation plus que houleuse au bas des escaliers de la Tour.

Épuisée par le chagrin, elle avait fini par s'endormir, bercée par la main de Ron dans ses cheveux et celle d'Harry qui serrait la sienne.

– C'est en partie notre faute, chuchota Ron au bout d'un moment, la main toujours dans les cheveux bouclés d'Hermione.

– J'y ai pensé aussi… confirma Harry. Tu crois qu'on pourrait faire quelque chose ?

– Sais pas… Tu penses qu'il réagira comment si on va lui parler ?

– Tu penses qu'elle réagira comment si on va lui parler ?

– Pas faux, lui accorda Ron. Mais on ne peut pas la laisser comme ça ! Regarde-là, fit-il en posant tendrement ses yeux sur la belle endormie alors qu'Harry faisait de même.

Ils l'aimaient tellement ! Son bonheur à elle aurait suffit à faire leur bonheur à eux. Donc, si elle était malheureuse, eux en étaient malades. Elle était toute leur vie. Ils devaient faire quelque chose !

– On y va, déclara Harry, prenant la décision, alors que Ron acquiesçait.

Puis, tout doucement, ils se levèrent sans bruit et quittèrent le dortoir en direction des cachots.

oOo. oOo. oOo. oOo. oOo. oOo. oOo.

Severus était assis par terre, seul, sur le tapis de son salon, le dos appuyé contre le canapé, et les yeux perdus dans les flammes de la cheminée. Dans sa main droite, un verre de Whisky Pur Feu plein à ras bord et dans sa main gauche, la bouteille qui allait avec. Devant lui, la Pensine était posée sur la table basse, plusieurs fioles de souvenirs alignées tout autour, de même que le coffret en bois contenant le collier d'Hermione.

De grands coups résonnèrent soudain contre sa porte d'entrée, qui ne le firent même pas sursauter. S'il ne répondait pas, pensa-t-il, les énergumènes qui avaient l'audace de le déranger penseraient qu'il n'est pas là et s'en iraient…

Mais c'était sans compter sur les deux personnes qui avaient décidé de lui rendre visite. Ils toquèrent une nouvelle fois, et, n'obtenant toujours pas de réponse, passèrent à l'offensive…

– Professeur Rogue ! Nous savons que vous êtes là ! Ouvrez-nous !

Allons donc ! Il ne manquait plus que ces deux là ! s'exaspéra-t-il en reconnaissant sans peine la voix de Potter. Il imaginait très bien Weasley à ses côtés.

– Ouvrez-nous, ou nous ouvrons nous-mêmes ! menaça Harry.

– Et vous savez que nous en sommes capables ! renchérit Ron.

Oh, que oui, ils en étaient capables ! Outre le fait qu'il avait eu une démonstration assez explicite de leurs capacités lors de la Bataille Finale, ils étaient certainement capables de tout lorsque cela concernait Hermione.

Or, il avait fait du mal à Hermione… Et ils étaient très certainement au courant de ce qui s'était passé à l'infirmerie. Avaient-ils l'intention de lui faire payer ? Pas qu'il avait peur d'eux, bien sûr que non, mais bon… S'il pouvait éviter un affrontement… Il était persuadé que le fait de se battre contre eux n'allait absolument pas jouer en sa faveur pour reconquérir Hermione !

Alors il décida que la décision la plus sage serait de leur ouvrir et d'aviser ensuite. Levant nonchalamment sa baguette en direction de la porte, sans même se retourner vers l'entrée, il leur ouvrit le passage.

– Que me vaut l'immense plaisir de votre visite ? lança ironiquement Severus, les yeux toujours fixés sur les flammes jaunes et oranges devant lui.

– Bonjour à vous aussi, Professeur, répondit Harry en s'avançant vers lui, Ron sur les talons. Et vous devez très certainement deviner les raisons de notre visite…

– Je suppose que je n'ai pas le choix…

– Tout juste… confirma Ron alors qu'ils se postaient devant Severus. Mais je dois vous dire que vous souler n'arrangera rien… bien au contraire… rajouta-t-il en voyant ce qu'il avait dans les mains.

– Oh, détrompez-vous, Weasley… je n'ai pas même eut le courage de vider mon premier verre ! expliqua Rogue en levant ce dernier vers lui.

– Alors, c'est tant mieux. Et d'un coup de baguette, Harry fit disparaître les objets délictueux, entrainant un grognement de son professeur.

Les deux Gryffondor s'assirent sur le tapis, en face de lui, les bras croisés, les yeux fixés sur lui, qui se forçait à ne pas détourner le regard.

– Nous n'avons pas toute la journée, rappela Ron. Il faut que nous remontions avant qu'Hermione ne se réveille…

– Elle ne sait donc pas que vous êtes là…

– Bien sûr que non ! s'indigna Harry. Vous pensez qu'elle nous aurait laissé faire ? Vous n'avez donc pas appris à la connaitre ? Severus grogna.

– Quoi qu'il en soit, coupa Ron qui voyait arriver un conflit inutile, nous sommes ici et c'est le principal.

– Si vous le dites…

– Nous allons essayer de dissiper ce mal entendu, continua Ron sans avoir cure de sa remarque sarcastique. Parce qu'il y a un mal entendu, n'est-ce pas ?

– En tout cas, il vaut mieux que ça en soit un… menaça Harry, l'air de rien.

Severus souffla. Avait-il encore le choix ? Non. Pouvait-il se débrouiller seul pour renouer avec Hermione ? Il avait bien essayé, devant l'escalier, mais ce n'était pas concluant du tout… Pour ne pas dire complètement catastrophique… Résultat : il allait avoir besoin d'aide. Et les seuls à même de l'aider étaient ces deux énergumènes assis en tailleur face à lui, les bras croisés et les yeux fixés sur lui, attendant qu'il parle. L'espace d'un instant, sa fierté le poussa à les jeter dehors par la peau du cou pour avoir eut l'audace de se pointer chez un professeur… Mais justement… Preuve en était que pour Hermione, ils ne reculaient devant rien, eux… Chose que lui devrait faire également…

Il était temps de mettre sa fierté au placard… Pour Hermione.

– J'ai été idiot, lâcha Severus, tout à trac.

Les deux autres écarquillèrent les yeux sous le choc de l'aveu. Que leur professeur de Potions se traite lui-même d'idiot était déjà une situation sans précédent. Mais qu'il le fasse à voix haute, et devant deux Gryffondor, là cela relevait du miracle ! La situation n'était donc peut-être pas si inextricable qu'elle n'y paraissait, après tout… S'il reconnaissait lui-même ses erreurs.

– J'ai agit sans réfléchir, continua-t-il sur sa lancée. Il reposa ses yeux dans les flammes, c'était plus facile que de les regarder. J'ai eu peur. Voilà. J'ai eu peur de la réaction des gens, moi, vous vous rendez compte ? Pour la première fois de ma vie, je me suis soucié de ce que les gens pourraient penser… dit-il en secouant la tête de dépit.

– Et que pensez-vous qu'ils auraient pensé ? demanda Ron, essayant de comprendre le fond de sa pensée.

– J'ai peut-être agit bêtement, Weasley, mais je ne suis pas stupide. J'ai vingt ans de plus qu'Hermione, je ne suis pas une personne des plus appréciées, sans compter qu'elle est mon Apprentie. Que pensez-vous que les gens diraient s'ils avaient appris que j'ai été surpris dans son lit, complètement à poil…

– Et vous croyez que Ron et moi serions allés crier ça sur les toits ?! s'énerva Harry, scandalisé.

– C'est en effet ce que j'ai cru, oui, sur le moment… avoua-t-il piteusement, regardant ses mains, maintenant.

– Jamais nous n'aurions fait ça ! Il s'agit d'Hermione, bon sang ! Et vous devriez le savoir ! Jamais nous n'aurions fait quoi que ce soit qui aurait pu la blesser ! expliqua Ron, énervé, lui aussi.

– Oui… Je sais…

– Mais alors ? insista Harry. Pourquoi être parti comme ça ?

– Je vous l'ai dit. J'ai agi bêtement, sans réfléchir… Et j'ai tout perdu !

Ron et Harry se regardèrent, se comprenant sans avoir besoin de se parler. Jamais ils n'avaient vu leur professeur dans cet état-là… Aussi, ils devaient l'aider. Sans lui parler du plan d'Hermione, bien sûr, ils allaient tout de même lui donner un petit coup de pouce. Après tout, le bonheur d'Hermione était en jeu. Et ils ne pourraient pas la laisser dans un tel désarroi.

– Nous allons vous aider… assura Ron.

– Pardon ?!

– Nous allons vous aider à récupérer Hermione, répéta Harry. Cela prendra le temps qu'il faudra, mais nous y arriverons…

– Pourquoi feriez-vous ça ?

– Mais vous le faites exprès, se fâcha Ron. Vous n'avez toujours pas compris ? Elle vous aime ! Mais elle est malheureuse.

– Et Ron et moi, ça nous rend malade de la voir dans cet état.

– Je n'ai jamais très bien compris ce qu'il y a entre vous trois… Je n'arrive pas à le définir…

– Oh, c'est simple, expliqua Ron, s'adoucissant tout à coup. Elle est celle sans qui nous n'aurions pu survivre toutes ces années. C'est grâce à elle que nous avons pu déjouer tous les plans de Voldemort, à chaque fois qu'il essayait de revenir. C'est grâce à elle que nous avons pu trouver et détruire la plupart des Horcruxes…

– Mais surtout, rajouta Harry, c'est grâce à elle que nous sommes inséparables. Elle a un don, vous savez ? Elle a le don de donner tellement d'amour, inconditionnellement, que vous ne pouvez que lui donner la même chose en retour.

– C'est pour cette raison que nous sommes venus vous voir, continua Ron. Quand elle est entrée dans la salle commune, elle était dans un tel état de désespoir, de tristesse, qu'Harry et moi en étions malades. La voir malheureuse nous rend tristes. Tout ce que nous voulons, c'est son bonheur. Et vous faisiez partie de son bonheur…

– Jusqu'à ce matin… comprit Severus.

– Jusqu'à ce matin, confirma Harry. Et vous allez réparer ça…

– Je voudrai bien ! J'ai essayé de lui parler ! Mais elle ne veut même plus m'adresser la parole ! Elle refuse même de me regarder… se lamenta Severus.

– C'est pour cela que nous sommes ici… Nous allons vous aider.

– Mais pour cela, nous avons besoin d'un plan…

oOo. oOo. oOo. oOo. oOo. oOo. oOo.

Voilà, elle y était : le jour de l'anniversaire de Maï-Lee était arrivé. Et ce jour allait être moralement et sentimentalement épuisant, elle le savait. Il faudrait qu'elle se montre d'une ténacité à toute épreuve…

Son anniversaire à elle, quelques jours plus tôt, avait été dur, mais elle avait survécu. Ses amis y avaient été pour beaucoup. C'est pour cette raison qu'elle avait décidé de faire uniquement un simple repas, à Pré-au-Lard, en petit comité, seulement avec Harry, Ron, Ginny et Maï-Lee. Elle avait fait exprès de le fêter à l'extérieur, pour ne pas que Severus vienne toquer à sa porte.

Elle avait réussi à l'éviter, jusque là… Mais elle n'avait pas encore repris les cours, puisque c'était les vacances de Pâques… Et encore moins les cours particuliers, qu'elle ne pourrait arrêter… Après tout, son avenir professionnel en dépendait ! Pour ça, il fallait encore qu'elle réfléchisse à une stratégie… Mais là, maintenant, ce n'était pas la question. La question du moment était celle-ci : comment survivre à l'anniversaire de Maï-Lee, en présence de Severus, tout en gardant le sourire et en l'ignorant en même temps ?

C'était ça, la vraie question. Et là, pour une fois, Hermione ignorait la réponse… Sur ce coup-là, elle séchait totalement ! Et aucun livre d'aucune bibliothèque, secrète ou non, ne pourrait lui être utile dans de telles circonstances !

Pourtant, comme l'avait si bien souligné Ginny, dans la confidence également, il s'agissait de Un, faire bonne figure devant sa fille et tous les autres invités (car c'était tout de même une fête d'anniversaire), de Deux, ignorer totalement Severus (tout du moins, le lui faire croire), et de Trois, être la plus irrésistible possible (pour qu'il regrette encore plus son geste) …

C'est pour cela qu'Hermione, Gryffondor machiavélique de son état, se trouvait présentement dans la plus belle robe qu'elle n'ait jamais portée. Achetée pour l'occasion et choisie avec soin par une Ginny digne de chez Serpentard et avide de cancans, cette robe était sulfureuse : mettant ses formes en valeurs tout en restant très sage, elle était rouge (nous sommes tout de même en présence d'une Gryffondor), près du corps et s'arrêtait un peu au-dessus de ses genoux. Mais ce qui allait irrévocablement envoyer Severus se taper la tête contre les murs, c'était ce petit liseré vert qui soulignait sa poitrine et dessinait des arabesques compliquées dans son dos.

C'est aussi pour cela que ses cheveux étaient relevés : pour qu'il ne rate rien du tableau. Son chignon, toutefois, restait un peu flou, avec des mèches qui s'échappaient ça et là, pour ne pas paraître trop stricte (elle ne s'appelait pas Minerva, tout de même). Voilà. Un léger, très léger maquillage et des escarpins à talon parachevaient le tout.

Regardant sa montre, elle remarqua avec angoisse qu'il était l'heure d'y aller. La petite fête se déroulait dans une classe du quatrième étage, arrangée et décorée pour l'occasion. En terrain neutre, avait précisé Minerva.

Ginny lui avait conseillé d'arriver vingt minutes après l'heure prévue, histoire de soigner son entrée et de mettre un doute dans la tête du Maître des Potions, qui penserait qu'elle avait changé d'avis.

Tout le long du trajet, elle s'essaya à quelques exercices de respiration dans le but de desserrer l'étau qui lui enserrait la poitrine. Mais plus elle avançait, plus l'étau se resserrait, et moins elle parvenait à respirer.

Enfin, elle arriva devant la porte à travers laquelle des voix et des rires se faisaient entendre. Hermione marqua un temps en fermant les yeux, histoire de se calmer un peu avant d'atterrir dans la fausse aux lions…ou aux Serpents, dans ce cas-là… Elle respira un grand coup, pausa fébrilement sa main sur la poignée de la porte, verrouilla son esprit, et entra dans l'arène.

oOo. oOo. oOo. oOo. oOo. oOo. oOo.

Severus arrangeait de nouveau les paquets sur la pile déjà conséquente de cadeaux. Tout était prétexte à ne pas regarder sa montre encore une fois.

Elle aurait déjà dû être là ! Au moins pour Maï, se lamenta-t-il. Déjà plus d'un quart d'heure que la fête de sa fille avait commencé… Tout le monde était déjà là : Albus et Minerva, qui tentaient tant bien que mal de canaliser la furie qu'était devenue sa fille depuis le matin (même une puce ne sautait pas autant qu'elle !), Weasley et Potter, qui lui lançaient de temps en temps des regards encourageants, la fille Weasley, qui était présentement en train de mettre en place les assiettes pour le gâteau, et même Binty était là, furetant à droite et à gauche afin de vérifier que rien n'avait été oublié.

Il venait de regarder, pour ce qui devait être la centième fois en moins de cinq minutes, en direction de la porte lorsqu'il entendit son hystérique de fille hurler :

– MAMAN !

De grandes exclamations accompagnèrent le cri en même temps que Severus relevait subitement la tête. Il crut sincèrement que son cœur allait définitivement s'arrêter de battre tant le spectacle devant ses yeux était magnifique.

Jamais elle n'avait été si belle et si séduisante. À part peut-être le jour de leur mariage dont il avait vu le souvenir dans la pensine… Et il n'en fut que plus malheureux.

– Et bien, on a cru que tu ne viendrais jamais ! s'exclama Harry en l'embrassant sur la joue.

– Laisse ta mère entrer, Maï, lança Ron en prenant la petite dans ses bras pour qu'elle arrête de sauter partout autour de sa mère. Puis, il ajouta à son oreille pour que personne d'autre n'entende : ce n'est pas très fair-play d'avoir mis une telle robe. Le pauvre Rogue va avoir une attaque !

Hermione sourit malicieusement puis referma la porte derrière elle en entrant, le cœur battant. Elle avait vu le regard de Severus à son arrivée. Elle avait remarqué cette lueur de désir légèrement atténuée par la tristesse et le regret dans ses yeux. Elle aurait dû être contente, son plan marchait à la perfection… Pourtant, cela la rendait aussi très malheureuse… Ses bras lui manquaient, ses baisers aussi… Mais plus que tout, encore, les discussions qu'ils avaient tous les deux, lui manquaient !

Severus n'avait pas bougé. Il était même pétrifié, là, derrière la table sur laquelle reposait la montagne de cadeaux pour sa fille. Sa pomme d'Adam faisait des allers-retours le long de sa gorge et ses yeux restaient fixés sur Hermione.

Il aurait voulu se précipiter sur elle comme Maï-Lee venait de le faire. Il aurait aimé poser ses lèvres sur les siennes pour bien montrer à tout le monde que la merveilleuse jeune femme qui venait de faire son apparition était à lui. Il aurait adoré la prendre dans ses bras et sentir, encore une fois, son corps chaud contre le sien.

Mais il ne pouvait rien faire de tout cela, encore une fois par sa seule faute.

– Arrête de la regarder comme ça, Fils… Tu vas l'user, rigola Albus, le sortant de ses pensées amères.

Seul un grognement réprobateur lui répondit alors qu'il baissait les yeux en soufflant, le cœur en dérive, alors qu'Hermione souriait à tous, sauf à lui.

Enfin, ils prirent place à table, Maï-Lee insistant pour que ses parents s'assoient de chaque côté d'elle. Binty apporta le gâteau, et, avant de souffler ses cinq bougies, la fillette émit le vœu silencieux qu'un jour, ses parents et elle forment une vraie famille.

Le gâteau coupé, les parts servies dans les assiettes, tout le monde mangeait, discutait, plaisantait… Mais un lourd silence se fit lorsque Maï, en toute innocence, s'adressa à son père, haut et fort :

– Tu as vu, Papa ? Elle est belle, Maman, hein ?

Tout le monde se tût, attendant la réponse d'un Severus au comble de l'exaspération devant ses petites filles qui ne peuvent pas s'empêcher de dire des choses gênantes dans n'importe quelle situation.

– Oui, Maï, dit-il en relevant la tête, faisant appel au peu de fierté qui lui restait. Puis, regardant Hermione qui, malgré elle, avait fixé ses yeux sur lui sans même s'en rendre compte, il continua sur sa lancée. Quitte à mourir de honte, autant y aller jusqu'au bout : Oui, ta maman est la plus belle femme que je n'ai jamais rencontrée…

Hermione fit tout ce qu'elle put pour ne pas rougir, allant même jusqu'à réciter dans sa tête des recettes compliquées de diverses potions. Mais c'était peine perdue. Ses joues étaient en feu et elle devait être aussi rouge que sa robe.

Elle balbutia un « merci » à peine audible, jusqu'à ce que Minerva la sauve de l'embarras en proposant à Maï-Lee d'ouvrir ses cadeaux.

Le raffut qui suivit fut salutaire pour tout le monde qui avait senti l'ambiance prendre une mauvaise direction.

L'après-midi se passa ainsi, entre Maï-Lee qui allait des uns aux autres pour montrer ses cadeaux, Hermione qui essayait de discuter avec tout le monde tout en évitant Severus, et Severus qui essayait de discuter avec Hermione tout en évitant tout le monde…

Bref… La situation n'était pas près de s'arranger…