Chapitre 1 – Réveil et petites contrariétés
Elle était là, son corps blotti derrière lui, ses cheveux en bataille lui chatouillant la nuque et l'odeur de sa peau le rassurant. Sa main chaude étroitement serrée dans la sienne, qu'il avait cachée dans son dos, entremêlant leurs doigts.
C'est comme ça qu'ils étaient les plus puissants, tirant leur force l'un de l'autre. Connectés l'un à l'autre, ne faisant plus qu'un.
Il sentait sa douce chaleur se répandre petit à petit dans sa main, tandis que leurs pouvoirs respectifs se liaient en une seule énergie magique, irradiant leurs deux corps.
Il avait peur. Mais pas de ce qui se trouvait devant lui. Non. Il avait peur pour Elle. Il était terrorisé à l'idée de la perdre, Elle. Sans qui il ne pourrait plus vivre. Elle était devenue indispensable à sa vie. Il le savait, il le ressentait au plus profond de son âme, dans chaque fibre de son corps. Elle, la lumière de sa vie, celle qui l'empêchait de sombrer dans les ténèbres.
Il se redressa alors, levant son visage dans un air de défi. Faisant face à l'inévitable.
Tout à coup, un éclair vert fusa, et un corps tomba.
Drago Malefoy se réveilla en sursaut, transpirant, haletant, se redressant sur son lit tel un diable sortant de sa boite. Il passa ses mains dans ses cheveux platine, puis sur son visage. Il se rendit compte qu'il pleurait.
Encore ce rêve. Toujours le même. Mais cette fois-ci, il avait eu une meilleure vue que les autres fois, où les contours restaient toujours flous. Cette fois-ci, il l'avait vue. Mais, contre toute attente, maintenant qu'il savait, il aurait préféré ne jamais la voir.
Que venait-elle faire dans son rêve ? Parmi toutes ces filles dont il pouvait avoir le loisir de rêver, pourquoi fallait-il que ce soit elle ? Cette fichue Sang-de-Bourbe de Granger qu'il détestait plus que tout. Plus que sa vie. Plus que lui, même ! Comme si cela ne suffisait pas qu'il doive la supporter la journée pendant les cours, il fallait en plus qu'elle vienne le provoquer dans ses rêves ! Il ne le supportait pas !
Mais ce qu'il supportait encore moins, c'était ce qu'il avait ressenti pendant ce rêve… et cette intimité qui lui avait alors semblé normale, habituelle, bienvenue même… C'était déroutant. Mais Drago n'aimait pas ce qui était déroutant. Il aimait garder le contrôle. Il était un Malefoy, tout de même ! Son père le lui avait assez dit : « un Malefoy se doit de savoir toujours tout contrôler ». Par Merlin, il allait tout faire pour oublier ce rêve ! Et puis de toute façon, cela n'avait pas tellement d'importance… si ?
Rageur, il repoussa ses couvertures et se leva pour aller prendre une bonne douche, espérant se changer les idées.
Un vertige s'empara alors de lui, faisant danser les murs tout autour, l'obligeant à se rasseoir sur son lit… un sentiment étrange l'oppressait, lui enserrant la poitrine. Une angoisse qui augmentait de seconde en seconde… plus ça allait, plus il avait l'impression de suffoquer… comme s'il manquait d'air. Avec, en plus, une sensation bizarre qui semblait l'attirer vers quelque chose, vers un autre lieu… puis tout d'un coup, plus rien. Tout s'arrêta. Le malaise partit aussi vite qu'il était venu. Seule subsistait cette attirance, impérieuse, ce manque lancinant qui lui lacérait le cœur.
C'est dans un état second qu'il prit sa douche, s'habilla et descendit dans sa salle commune rejoindre ses amis Blaise Zabini et Pansy Parkinson.
« C'est quoi cette tête que tu tires Dray, ce matin ? » lui envoya Pansy en guise de bonjour.
« La ferme Pans' ! Tu t'es déjà regardée dans un miroir ? » lui répondit le blond avec mauvaise humeur.
« Hey ! Lâches-là un peu, tu veux, Malefoy ! » la défendit Blaise. « C'est vrai que tu as l'air d'avoir croisé un Détraqueur ! Tu as mal dormi… je t'ai entendu t'agiter dans ton sommeil et tu n'arrêtais pas de dire des trucs bizarres… comme si tu voulais défendre quelqu'un, ou un truc comme ça… tu nous racontes ? »
« Pas envie d'en parler… suis pas d'humeur… allons plutôt déjeuner… » bougonna le blond en se dirigeant vers la sortie.
Tout le long du chemin, jusqu'au moment où il prit place à la table des Verts et Argent, cette sensation ne le quitta pas. Drago était pensif… machinalement, il frotta la paume de sa main droite. Ces espèces de démangeaisons recommençaient… ça aussi… c'était étrange. À bien y réfléchir, elles avaient commencé presque en même temps que ce fichu rêve… depuis combien de temps déjà ? Ah oui… évidemment… depuis le matin de ses 17 ans ! Ça pour une surprise ! remarqua-t-il ironiquement.
Comme s'il n'avait pas assez de choses qui le tourmentaient en ce moment… déjà que son père lui avait dit qu'il allait bientôt être présenté au Maître… Super ! Il n'avait aucune envie de se retrouver devant l'autre psychopathe à la face de serpent. Et il savait pertinemment ce que cela inclurait : son père tenait à ce qu'il intègre les rangs des Mangemort à ce qu'il arbore fièrement la Marque comme lui le faisait… Il ne l'aurait bien sûr jamais avoué à voix haute, mais cela lui faisait peur. Il ne comptait plus les fois où il avait vu son père ou sa tante Bellatrix revenir au Manoir dans un sale état : un mot, un geste de travers et les Doloris fusaient ! Non, vraiment, il n'était pas fait pour ça…
« Oh Drago ! dit-le si on te dérange ! »
« Quoi ? » dit-il en sortant de ses pensées. « Qu'est-ce que tu disais Blaise ? »
« Je te disais que les Gryffondor ont de nouveau de quoi alimenter les ragots… » répondit le métis en montrant la table des Rouges et Or du menton tandis que Drago relevait subitement la tête. « On dirait que Potter et la fille Weasley ont officialisé… »
« Qu'est-ce que tu veux que ça me foute, Zab' ? rétorqua Drago la mine dégoûtée tandis que l'autre haussait les épaules et retournait à son Porridge. Mais il laissa trainer son regard et ses yeux tombèrent sur la seule fille du Trio d'Or. Il fut pris d'un immense frisson lorsque ses yeux gris s'accrochèrent aux yeux noisette et sa respiration se bloqua. Il n'entendit plus aucun son, ni ne vit plus rien autour de lui. Tout ce qu'il voyait c'était ces deux orbes bruns qui semblaient l'engloutir. « Mais qu'est-ce qui m'arrive… il faut vraiment que je me ressaisisse ! » Il fut sorti de ses pensées par un coup de coude de son meilleur ami.
« Hey Malefoy ! Grouille-toi un peu ! On va être en retard au cours de Potions… mais qu'est-ce qu'il t'arrive aujourd'hui ? » s'inquiéta Blaise.
« Ah… euh… oui, j'arrive ! » dit-il en se levant précipitamment pour rejoindre ses amis. Incroyable… il n'avait pas vu passer le petit déjeuner… oh et puis de toute façon il n'avait même pas faim… Tout à coup, les mots de Blaise s'imprimèrent dans son esprit : le cours de Potions… toute la matinée, ils avaient ce cours en commun avec les Gryffondor… et donc, inévitablement, avec Granger. Que Merlin lui vienne en aide !
Ils attendaient en rang dans le couloir des cachots, que le Professeur Rogue les fasse entrer. Il écoutait d'une oreille distraite Pansy raconter à Blaise ses dernières frasques libidineuses quand des pensées qui n'étaient absolument pas les siennes envahirent son esprit : « J'avais oublié les Serpentard… et il sera là aussi…Merlin, j'en peux plus… j'y comprends plus rien ! » Drago resta interdit un instant, avant de secouer vigoureusement la tête pour se débarrasser de ses hallucinations auditives absolument inquiétantes.
Il regarda autour de lui pour vérifier que ce petit égarement soit passé inaperçu quand il la vit arriver, flanquée de ses deux acolytes. Potter lui racontait quelque chose qui semblait avoir pour but de la rassurer tandis que Weasmoche avait passé un bras protecteur autour de ses épaules.
Tout à coup, un violent sentiment de jalousie l'assaillit sans même qu'il comprenne ce qui lui arrivait, et il eut le désir extrême d'aller coller son poing dans la figure de ce satané rouquin.
Il se reprit de justesse alors que Rogue les faisait entrer dans la classe, lui évitant de céder à l'envie de se taper la tête contre le mur. « Mais qu'est-ce qui m'arrive par Salazar ! Je deviens complètement cinglé ! »
Le cours de Potions se passa sans qu'il ne s'en rende compte, si ce n'est qu'il sentait un regard brûlant lui vriller le dos, mais il n'osa pas se retourner, de peur que ce qu'il voit puisse confirmer ses soupçons… ou bien qu'il lui arrive encore un truc désagréable.
Il s'aperçut que le cours était fini quand il vit son voisin ranger ses affaires. Il suivit donc le mouvement des élèves pour sortir des cachots et rejoindre la Grande Salle pour le repas du midi.
Toujours perdu dans ses pensées, il releva brusquement la tête aux paroles qu'ils venaient d'entendre : Crabbe et Goyle manigançaient encore quelque chose contre les Gryffondor. « Rien de bien exceptionnel » songea-t-il avant de se renfermer aussitôt. Mais tout à coup, les mots « Granger » et « Doloris » dans la même phrase arrivèrent à ses oreilles. Alors, à la stupeur générale, à l'instant-même où Goyle lança le maléfice Impardonnable, Drago vu sa propre baguette tournoyer et un puissant « Protego ! » sortit de sa bouche, propulsant Goyle contre un mur, complètement assommé.
Un grand silence s'abattit soudain dans le couloir et tous les regards se tournèrent vers le Prince des Serpentard. Ceux des Lions semblaient stupéfaits, tandis que ceux des Serpents se firent soupçonneux. Mais avant que quiconque n'ait eu le temps d'ouvrir la bouche, le Professeur Rogue attrapa le bras d'un Drago absolument ahuri et lança un vague « dépêchez-vous d'aller manger, ne trainez pas dans les couloirs » avant de l'emmener à travers de château, faisant léviter derrière lui le Serpentard inconscient.
Les réactions ne se firent pas attendre. Un brouhaha assourdissant raisonna dans le couloir alors que les élèves se dispersaient. Seuls trois Gryffondor restèrent en arrière.
« Vous avez vu ça ? » lança Ron à ces deux amis. « Ce salaud de Goyle a voulu lancer un Doloris sur toi, Mione ! Devant tout le monde, en plein milieu du couloir ! Ces fils de Mangemort sont vraiment des ordures ! » s'indigna-t-il.
« Ouais… une chance que Malefoy ait lancé un Protego… » remarqua Harry, « mais ce que je pige absolument pas, c'est pourquoi il l'a fait ! Pas que ça me dérange, ne crois pas ça Herm', mais jamais je ne l'ai vu prendre la défense de quelqu'un, encore moins d'un Gryffondor ! Hein ? t'en penses quoi Mione ? »
« … »
« Mione ? »
« … »
« Hermione ! »
Harry et Ron se figèrent, contemplant leur amie avec inquiétude.
Elle était adossée contre le mur, haletante, la respiration saccadée, son regard perdu au loin, fixant quelque chose qu'ils ne pouvaient pas voir. Elle tremblait comme une feuille et des gouttes de sueur perlaient sur son front alors que de grosses larmes striaient ses joues.
Semblant se focaliser à nouveau sur ses amis, elle poussa tout à coup un hurlement strident en levant sa main gauche, paume en l'air, vers eux. Ron étouffa une exclamation tandis qu'Harry attrapa sa main… qu'il relâcha aussitôt en criant : elle était brûlante.
« Le feu ! » Hurla-t-elle en pleurant. « Éteignez le feu ! Ma main brûle ! »
« HERMIONE ! Qu'est-ce que tu as ? Viens, on t'emmène à l'infirmerie ! » cria Ron dans tous ses états en saisissant son autre main et la tirant vers lui pour qu'elle avance.
Pendant ce temps, dans le bureau de Dumbledore, celui-ci signait les papiers du renvoi de Gregory Goyle. Il ne pouvait malheureusement pas l'envoyer à Azkaban, puisque, techniquement, il n'avait pas fini de lancer le Doloris, et ce, grâce à la dernière personne que l'on aurait soupçonnée, Drago Malefoy.
Ce dernier était justement assis devant le Directeur, les yeux dans le vide, frottant la paume de sa main droite d'un air absent.
Posant lentement sa plume dans son encrier, il leva son regard bleu et avisa l'élève assis en face de lui.
Quelques minutes plus tôt, le Professeur Rogue l'avait informé des évènements récents, le laissant assez perplexe quant à la situation.
Drago daigna enfin poser ses orbes gris sur le vieil homme, et attendit qu'il parle. Se demandant encore comment il était arrivé là.
« Bien. Monsieur Malefoy… » dit-il en croisant ses doigts sous son menton. Derrière ses lunettes en demi-lune, ses yeux bleus semblaient le passer aux rayons X. « Il semble que vous soyez le héros du jour… »
Le blond le regarda, toujours muet, frottant sa main de plus en plus fort en fronçant les sourcils, sentant sa respiration s'accélérer. Voilà que ça recommençait… la même sensation que le matin même… les vertiges, le manque d'air… il suffoquait à présent, sa main, maintenant douloureuse, fermée en un poing. Tout à coup, il se leva, comme mu par une force invisible, les yeux exorbités. Il tendit alors sa main droite devant lui en criant, visiblement dans un désarroi le plus complet :
« Ma main ! Elle gèle ! Faites quelque chose ! Je ne sens plus mes doigts ! AAAAAAHHHHHH ! vite, aidez-moi ! réchauffez-là ! »
Rogue se précipita sur lui pendant que Dumbledore faisait le tour de son bureau pour le rejoindre. Ils saisirent sa main, et poussèrent une exclamation horrifiée : elle était glacée, toute bleue et commençait à durcir, le phénomène semblant vouloir s'étendre à tout son bras.
« Vite, Severus, à l'infirmerie ! Pompom aura de quoi le soigner. »
Il saisit Drago, Albus sur les talons, et se dirigèrent en courant vers l'infirmerie.
