Chapitre 3 – Les Voix
Hermione ouvrit les yeux dans un endroit totalement inconnu. Elle se demandait ce qui avait bien pu la tirer du sommeil… ou peut-être dormait-elle encore ? Ce lieu étrange où elle se trouvait ressemblait à un rêve… elle semblait être étendue sur quelque chose de doux mais piquant à la fois… de l'herbe, oui c'était ça. Une grande étendue d'herbe. Peut-être une prairie ? Toujours allongée, elle tourna la tête d'un côté, puis de l'autre, pour essayer d'en appendre un peu plus sur ce lieu. Elle vit les feuilles d'un arbre, au-dessus d'elle. Un grand arbre vert, avec de jolies petites fleurs blanches, qui ondulaient doucement sous la brise fraiche. Le ciel était bleu et le soleil brillait. Il faisait bon, l'air était doux, un peu comme ces matins d'été lorsque le soleil est encore trop bas pour que la chaleur soit étouffante.
Lentement, elle se leva. Elle se rendit compte que les habits qu'elle portait n'étaient pas ceux de Poudlard : elle était parée d'une longue robe légère d'un blanc pur, qui n'était pas sans rappeler le pelage des Licornes qu'elle avait eu la chance de voir dans la Forêt Interdite. Sa robe était dotée de fines bretelles et semblait refléter la lumière du soleil.
Elle écouta alors les bruits qui l'entouraient. Outre les gazouillis des oiseaux qui nichaient dans l'arbre, elle entendit, plus loin, le gargouillement d'une cascade, les éclaboussures de l'eau… et puis, cette voix qui l'appelait…
Une voix ? C'était déconcertant. Cette voix semblait venir de l'intérieur d'elle. Comme si elle l'entendait dans sa tête. Mais cette voix ne lui était pas inconnue… elle l'avait déjà entendue quelque part… mais elle n'arrivait pas à se rappeler où.
« Hermione ? Hermione, tu m'entends ? » disait la voix dans sa tête.
« Euh…Oui… » répondit-elle en pensée. Il ne lui était même pas venue à l'idée de répondre à voix haute. Pour ne pas déranger la quiétude des lieux, peut-être. Ou alors, elle savait que même comme ça, elle serait entendue. « …mais qui êtes vous ? et où êtes-vous ? montrez-vous, s'il vous plaît… »
« Non, je ne peux pas me révéler à toi pour le moment… pas encore. Tu n'es pas encore prête pour ça. Il ne vaut mieux pas que tu me vois tout de suite… mais ça viendra. Ne t'inquiète pas. » La rassura la voix. « Mais sache que tu n'es pas seule… désormais, nous serons toujours ensemble. Tous les deux. Je ne serais plus jamais loin de toi… le passé est révolu… les erreurs que j'ai commises sont en passe d'être réparées… désormais nous serons toujours ensemble… » répéta-t-il. Car maintenant elle en était sûre. C'était une voix masculine. Empreinte d'une douceur et d'une tendresse sans pareilles… cependant, ces propos étaient pour le moins énigmatiques… et laissèrent notre Hermione plus que sceptique.
« Mais que voulez-vous dire ? Je ne comprends pas ce qui se passe… et puis d'abord, comment faites-vous pour parler dans ma tête ? Et c'est quoi ceserreurs du passé ? Et puis pourquoi est-ce qu'on sera toujours ensemble ? Mais qui êtes-vous bon sang ?!» Elle avait demandé tout ça d'une seule traite, sans même reprendre son souffle, l'agacement se faisant sentir comme à chaque fois qu'elle essayait de trouver une explication rationnelle aux bizarreries qui l'entouraient.
« Hey ! Calme-toi mon Ange… répondit-il d'une voix douce et amusée. J'avais oublié que tu posais toujours tout un tas de questions… »
« Mon Ange ?! Depuis quand suis-je votre Ange ? » La colère laissa place au scepticisme. Non mais pour qui se prenait-il… Puis, sa dernière réplique fit mouche… « on se connait donc… alors pourquoi ne pas se rencontrer ? »
« Euh… je te le répète… il ne vaut mieux pas pour le moment… je dois t'expliquer certaines choses d'abord… des choses dont je viens d'avoir connaissance… et que je suis seul, apparemment, à pouvoir te révéler. »
Drago s'était réveillé allongé par terre, dans l'herbe, au bord d'une petite étendue d'eau, surmontée d'une cascade… à bien y réfléchir, c'était sûrement le clapotis de l'eau qui l'avait sorti du sommeil. Ou bien était-ce cette douce mélodie qui raisonnait dans sa tête… jamais dans sa vie, il n'avait entendu musique plus belle ni plus envoutante… il se redressa pour l'écouter d'avantage… plus qu'une musique, c'était un chant… plus beau encore que le chant des sirènes. Il retrouva alors ce sentiment qu'il avait ressenti plus tôt dans la journée : cette pression dans la poitrine, cet espèce de manque qui lui brisait le cœur… lui donnant l'envie irrépressible de pleurer, de prendre une personne chèredans ses bras…
Plus il écoutait, plus les paroles gagnaient en clarté… se répétant inlassablement :
Avant Elle, Lui se réveillera
L'éveiller, Lui seul le devra
Se séparer d'Elle, plus jamais Il ne pourra.
Elle, son guide, pour toujours demeurera
Au-delà des apparences, Elle le reconnaitra
Se séparer de Lui, plus jamais Elle ne pourra.
De leurs cœurs Ils entendront l'appel
De leurs lèvres Ils goûteront le miel
De leurs corps enlacés, naîtra l'Amour éternel.
Leurs âmes jumelles par le passé opposées
À présent liées pour l'éternité
Repousseront les Ténèbres à jamais.
Ce chant… c'était comme s'il l'avait toujours connu. Comme lorsqu'on se rappelle enfin d'une chose oubliée depuis très longtemps. Au fur et à mesure que les paroles s'insinuaient en lui, des images affluaient dans son cerveau. Des images encore présentes dans sa mémoire, celles-ci. C'étaient celles de ce rêve qu'il faisait souvent en ce moment… mais cette fois-ci, il ne ressentit pas le dégoût à la vue de la demoiselle nichée derrière lui. Cette fois-ci, le sentiment qu'il éprouvait était tout autre… d'un tout autre genre… mais tout aussi dérangeant… dérangeant ? Pas si sûr… troublant, plutôt. Il avait envie de la prendre dans ses bras, de serrer fort son corps contre le sien. Il voulait la protéger du danger qui se trouvait devant eux. La soustraire à leurs yeux malsains. Jamais il n'avait ressenti ça pour une fille… alors, il n'imaginait même pas que ce soit pour cette moins-que-rien, cette sale Sang-de-Bourbe de Granger.
Aussitôt que l'insulte se forma dans sa pensée, un violent pincement au cœur se fit sentir dans sa poitrine, qui le fit tomber à genou, l'obligeant à poser ses mains par terre devant lui pour ne pas s'étaler au sol. De désagréables nausées le prirent, le faisant trembler de tout son corps.
De leurs cœurs Ils entendront l'appel
De leurs lèvres Ils goûteront le miel
De leurs corps enlacés, naîtra l'Amour éternel.
Leurs âmes jumelles par le passé opposées
À présent liées pour l'éternité
Repousseront les Ténèbres à jamais.
Les voix se firent plus fortes, plus urgentes, plus insistantes. Comme pour le punir d'avoir osé penser à elle de cette façon-là. Mais il n'en eut pas besoin. De lui-même, il l'avait compris. C'était elle depuis le début. Elle, qu'il avait envie de serrer dans ses bras. Elle que son corps réclamait. Merlin ! Il allait devenir fou s'il ne la trouvait pas tout de suite. Le manque se faisant de plus en plus pressant, dérangeant, intolérable.
Mais que lui arrivait-il ? Pourquoi cette fille lui manquait-elle de la sorte ? Elle qu'il n'avait jamais touché qu'en mots ? Elle qui était tellement à l'opposé de lui. Cette fille qui l'exaspérait au plus haut point. Elle était tout ce qu'il abhorrait. Enfin… en y repensant, elle était tout ce que son père abhorrait. Mais qu'en était-il de lui ? De son avis à lui ? Lui qui avait toujours suivi les directives de son père… sans jamais faillir, ni se poser de questions… il n'en avait pas besoin : son avenir était tracé depuis sa naissance par celui-là même qui lui avait donné la vie.
Mais maintenant… il n'était plus sûr de lui. Plus sûr de ce qu'il y avait au fond de son cœur. Plus rien n'avait de sens… plus rien ne semblait avoir d'importance… plus rien, sauf elle. Ce constat sonnait comme une évidence. Elle, était là, maintenant. Et ces voix qu'il entendait chanter ne faisaient que confirmer tout cela.
Il fallait qu'il la voie… qu'il lui parle… qu'il la trouve, tout de suite… Il en ressentait le besoin urgent, vital… comme si une partie de lui lui manquait. Mais comment faire ? Il ne savait même pas où il se trouvait lui-même ! Alors comment la trouver, elle !
À peine ce constat se forma dans son esprit, qu'une nouvelle image apparut : celle d'une jeune fille allongée dans l'herbe, sous un arbre.
Drago la reconnut aussitôt. Les traits de son visage détendus laissaient supposer qu'elle dormait. Il la trouva irrésistiblement belle. Belle à couper le souffle. Avec sa robe blanche, on aurait dit un ange… Une envie irraisonnée de la toucher, de la prendre dans ses bras le prit… il voulait qu'elle se réveille, qu'elle lui parle, qu'elle vienne vers lui… il le fallait ! Jamais, depuis plus de six ans qu'il la connaissait, le fait de la regarder ne lui avait fait cet effet-là.
Depuis six ans qu'il la connaissait… Merlin ! Son cœur chavira d'un seul coup. Jamais elle n'éprouverait pour lui les sentiments que lui ressentait à cet instant ! Il avait passé toutes ces années à l'insulter, la rabaisser, l'humilier ! Il avait multiplié les coups bas, les mauvais sorts contre elle et ses amis ! Sans parler de sa position à lui qu'elle ne connaissait que trop par rapport à son sang à elle ! Il lui avait assez dit que son statut de Sang-Pur était bien supérieur au sien !
Ces constatations lui provoquèrent une forte envie de vomir. Il entra dans une colère noire mêlée de désespoir, qui lui donnèrent envie de hurler ! Jamais il n'avait éprouvé autant de dégoût envers lui-même, envers sa famille, envers son rang… envers son sang !
Il tremblait de rage et sentit de grosses larmes salées couler de ses yeux orage, sans qu'il puisse les arrêter. Mais, à bien y réfléchir, il n'avait pas envie de les arrêter… il lui semblait qu'il lui devait bien ça… une larme pour chaque insulte proférée, pour chaque coup porté… il pleurait pour elle… sans honte… Ces larmes bienfaitrices le lavaient du passé… il les accueillit alors avec bonheur.
Elle, son guide, pour toujours demeurera
Au-delà des apparences, Elle le reconnaitra
Se séparer de Lui, plus jamais Elle ne pourra.
Les chants reprirent et une voix douce s'éleva de nulle part et de partout à la fois, lui expliquant ce qui allait se passer désormais. La prophétie qui les liait tous les deux et tout ce que cela engendrerait.
Il écouta avec attention, sentant ses forces et ses pouvoirs augmenter au fur et à mesure du récit. Et lorsque celui-ci arriva à son terme, il était un autre homme. Il se sentait grandi, mûri. Plus calme aussi. Et par dessus tout, capable de très grandes choses.
Il se redressa, debout, droit et fier, le cœur gonflé d'amour, toujours au bord de l'eau, et sût que le moment était venu. Alors, il l'appela, Elle. Il savait qu'elle l'entendrait dans sa tête… et il savait aussi qu'elle lui répondrait.
« Je t'écoute » fit Hermione en s'asseyant contre le tronc de l'arbre sous lequel elle se trouvait, laissant tomber le vouvoiement sans s'en rendre compte. Il lui semblait qu'elle le connaissait déjà de toute façon. Outre sa voix, il y avait autre chose… mais quoi ?
« Et bien, je t'avoue que je ne sais pas trop par où commencer… » avoua-t-il penaud. « Il y a beaucoup de choses, que moi-même je n'ai pas eu le temps d'assimiler dans la totalité, et je suis un peu perdu. Je ne sais pas comment t'annoncer ce que j'ai à te dire. Je ne sais pas non plus comment faire pour te dire qui je suis sans que tu te mettes en colère… » ajouta-t-il avec des trémolos dans la voix.
« En colère ? Pourquoi je me mettrais en colère ? » demanda-t-elle aussitôt, suspicieuse.
« Tu verras par toi-même…lança-t-il. En attendant, je vais essayer de t'expliquer les choses le plus simplement possible. Tout d'abord, comme tu l'auras remarqué, il semble que nous ayons la faculté de se parler par la pensée… une sorte de télépathie. »
« Ok, ça j'avais remarqué, merci… lui dit-elle d'un ton cassant. Mais ce que je voudrais savoir, c'est comment c'est possible !»
« Attends ! j'y viens mon Ange… apparemment, nous sommes liés toi et moi. Enfin pas seulement nous… nos âmes, plus exactement… »
« Liés ? comment ça ? et par qui ? qu'est-ce que nos âmes ont à faire dans cette histoire ? »Elle était de plus en plus désespérée. Elle commençait à s'énerver, frustrée de ne pas comprendre cette situation, et, par-dessus tout, frustrée de ne pas le voir… Elle ne pouvait nier les divers sentiments qui l'assaillaient depuis le début de leur conversation. Elle sentait une attirance démesurée envers cet homme, et elle ne se l'expliquait pas.
« Il existe une prophétie… je l'ai entendue tout à l'heure…. Et il semblerait que ce soit cette prophétie qui nous lie. »
« Une prophétie, rien que ça ! permets-moi d'en douter… comment une prophétie pourrait me lier à quelqu'un, MOI ?! Peut-être ne le sais-tu pas, mais je suis une Née-Moldue… je n'ai pas beaucoup de reconnaissance dans le monde Sorcier… certains disent même que je ne suis pas une vrai sorcière ! alors explique-moi un peu comment une prophétie pourrait parler de moi… »
Drago reçu ses affirmations comme un gifle. Indirectement, elle parlait de lui : c'était lui qui lui avait dit cela… il s'en rappelait comme si c'était hier. Il le lui avait dit, lors d'une de leurs innombrables disputes, vexé qu'il avait été qu'elle ait obtenu une meilleure note que lui encore une fois. Il sentit une grosse boule se former dans sa gorge, et ses yeux brillaient dangereusement. Comme il s'en voulait ! Comme il avait envie de la prendre dans ses bras, là, tout de suite pour se faire pardonner… il ne voulait plus attendre. Tant pis pour les conséquences. Il fallait qu'il assume ses erreurs. Il fallait qu'il lui dise, maintenant, qu'elle soit prête à l'accepter ou non…
Il rassembla alors tout son courage… une infime partie de son cerveau lui fit remarquer que cette attitude n'était pas très Serpentard. Mais il chassa l'idée très vite avant de se dégonfler.
« Écoute…commença-t-il, je veux que tu saches que je m'excuse pour tout ce que je t'ai fait subir pendant toutes ces années. Je regrette profondément chaque insulte que je t'ai envoyée. Et par dessus tout, je regrette d'avoir dit que tu n'étais pas une vrai sorcière. Tu es la sorcière la plus douée que j'ai jamais vue et je te conjure de me pardonner. Je n'ai fait que suivre bêtement le chemin qu'avait tracé mon père pour moi… Mais je n'y crois plus maintenant ! Toutes ces histoires stupides à propos de la pureté du sang, ce sont des balivernes ! S'il te plaît Hermione, pardonne-moi. » Il avait dit tout ça rapidement, tout d'un coup, comme pour s'en débarrasser avant qu'elle ne lui coupe la parole ou bien que le peu de courage qui lui restait ne s'envole définitivement.
La réaction ne se fit pas attendre.
« MALEFOY ?! Mais qu'est-ce que c'est que cette histoire ? C'est encore une de tes blagues foireuses, espèce de vil serpent ? » demanda-t-elle affolée. Elle était plus perdue que jamais… elle ressentait un curieux mélange d'incrédulité, de suspicion et de… soulagement ?
« Non, Hermione, je ne te fais pas de blague. Je te le promets… mais laisse ta raison de côté pour le moment, s'il te plaît, et écoute ce que te dicte ton cœur. Toi aussi tu l'as ressentie, n'est-ce pas ? cette attirance inexplicable ? cette sensation de manque qui te rend malade ? avoue-le… c'est pareil pour moi, mon Ange… j'ai besoin de toi… de te sentir près de moi… » Sa voix se brisa sur ces derniers mots.
Elle n'y comprenait rien : il s'agissait de Drago Malefoy ! Celui-là même qui l'avait malmenée pendant de longues années…. Une part d'elle était soulagée d'avoir une explication rationnelle à tout ça, mais l'autre part s'insurgeait face à cette situation : de l'explication d'une prophétie, il en était venu à une sorte de déclaration… et elle n'avait rien vu venir.
Le pire là-dedans, c'est quelle avait éprouvé tout ça. Depuis qu'elle s'était réveillée dans cette prairie, elle avait ressenti cette attirance, ce manque… exactement comme il l'avait décrit. Mais elle se rappelait aussi, en réfléchissant un peu, qu'elle avait discerné ces sentiments bien avant de se retrouver ici…
Alors, l'évidence vint la frapper de plein fouet… oui ! Elle avait envie de le voir, de le toucher, de le sentir contre elle… et tout de suite… elle ne voulait plus attendre… non, elle ne pouvait plus attendre. Elle prit alors sa décision et se leva pour quitter l'arbre qui avait été son refuge.
« Où es-tu ? » murmura-t-elle dans un souffle.
« Laisse ton cœur te guider… il trouvera le mien. »
