Chapitre 20 – Stratégies et déchirures
Rappel de la fin chapitre 18 :
[Les élèves et les professeurs étaient tous assis dans la Grande Salle, dégustant le repas de midi en ce dernier jour des vacances. Déjà, ce soir, les autres élèves reviendraient par le Poudlard Express, affrontant les neiges de Janvier.
Les tables croulaient sous des plats tous plus succulents les uns que les autres. On voyait encore de temps en temps éclater un pétard mouillé du Dr Flibuste, ou des feux d'artifices directement venus de chez les Jumeaux Weasley, seuls restes du dernier Réveillon de Noël, qui avait eu lieu deux semaines plus tôt. On entendait des rires et des conversations gaies.
Les plats disparurent et ils allaient entamer le dessert lorsque Argus Rusard, accompagné de Miss Teigne fit une entrée fracassante dans la Grande Salle. Toutes les têtes se retournèrent, intriguées et surprises, et un silence oppressant se fit immédiatement lorsque tout le monde découvrit l'homme qui accompagnait le concierge.
Dumbledore se leva avec une rapidité étonnante, son sourire ayant disparu aussitôt de son visage pourtant toujours bienveillant et regarda le nouveau venu avec appréhension.
« Albus ! » Kingsley Shakelbot, le nez en sang, un œil enflé et la joue tuméfiée s'avança. « Voldemort a attaqué Azkaban. Il a récupéré ses Mangemort. » Aussitôt après, il s'écroula.]
Albus et le Professeur Rogue s'étaient précipités sur le blessé, McGonagall sur les talons. Elle fit immédiatement apparaître un brancard et ils le déposèrent dessus.
Toute la Salle était silencieuse. Seuls des sanglots étouffés se faisaient entendre parmi les élèves les plus jeunes.
« Mes enfants, finissez de manger, nous nous occupons de lui… » Le Directeur avait parlé tout en intimant aux deux autres professeurs de le suivre jusqu'à l'infirmerie. Mais le cœur n'y était plus… tout le monde avait perdu l'appétit… chacun avait compris ce que la mauvaise nouvelle impliquait.
Drago jeta un coup d'œil vers sa mère, qui, depuis Noël, mangeait à la table des Professeurs. Tétanisée sur sa chaise, elle avait les yeux rivés sur Severus qui la regardait. Alors que celui-ci suivait le brancard, le jeune Serpentard décela une lueur qu'il n'avait encore jamais vue dans les yeux de son parrain : la peur. Pas pour lui-même, bien sûr, Drago savait que ce qu'il avait vécu pendant ses missions l'avait blindé de ce côté-là, mais pour Narcissa. Tous les trois savaient que Lucius serait prêt à tout pour la retrouver et se venger. Elle se leva, chancelante, et sortit de la Salle, intimant à son fils qui faisait mine de se lever de rester à sa place. Elle avait besoin de réfléchir au calme.
Une intense chaleur émanant de la poche droite de son pantalon le sortit de ses sinistres pensées : le Gallion de l'AD. Il releva la tête, et vit un certain nombre de regards s'orienter discrètement vers Harry, qui avait dû ensorceler le sien.
Aucun d'entre eux ne l'avait sorti cependant, mais chacun savait où se diriger dès qu'ils seraient sortis de la Salle.
Petit à petit, la table se vida. Les membres de l'AD sortant par deux ou trois parmi d'autres élèves, histoire de ne pas éveiller les soupçons, même si tous se dirigèrent au même endroit, par des chemins différents.
« Dray… il va venir vous chercher, toi et ta mère, n'est-ce pas ? » Hermione n'avait pas eu la force de formuler sa question à voix haute, même si le couloir était désert. Mais Drago sentit un sanglot dans ses pensées.
Il savait que tôt ou tard, cela arriverait. Il savait que tôt ou tard, quelqu'un lui enlèverait son bonheur. Il avait été trop méchant, trop arrogant, trop sûr de lui, pendant toutes ces années… et il fallait qu'il paye.
Son père allait venir le chercher, et il ne voyait pas comment il pourrait lui échapper. Avec le Seigneur des Ténèbres derrière lui, il était trop fort pour Drago.
Depuis son anniversaire, depuis le tout premier rêve qu'il avait fait, il avait eu peur qu'on lui enlève Hermione, pour ce qu'elle était. Pour son ascendance et son sang. Mais il n'avait pas imaginé que c'est le contraire qui allait se produire. C'est Drago qui allait être enlevé à Hermione, et ce pour les mêmes raisons.
Ils faisaient partie d'un tout. Ils étaient les deux parties d'une même entité. Les deux bouts d'un même ruban. Si on coupait l'un, l'autre s'effilochait. L'un sans l'autre ne survivrait pas. Oh, ce n'était plus une question de pouvoirs, le temps où chacun avait besoin du pouvoir de l'autre pour équilibrer le sien était révolu. Cela faisait longtemps qu'ils les maîtrisaient à un tel point qu'ils n'étaient plus dangereux pour eux.
Mais enlever Hermione à Drago, ou Drago à Hermione, reviendrait à la même chose que les soumettre au Baiser d'un Détraqueur. Ils seraient privés de leurs âmes, et leurs cœurs n'y survivraient pas.
À cette seule pensée, Drago sentit le sol se dérober sous ses pieds. Il s'empara du bras d'Hermione, la serra contre lui et la pressa contre le mur. Dans un élan de total accablement, il plaqua violemment ses lèvres contre les siennes, mêlant chagrin et désespoir dans un fiévreux baiser, auquel elle répondit avec la même force.
« Nous ne les laisserons pas nous séparer. Nous sommes plus forts qu'eux ! Hermione essayait de se convaincre en même temps que lui, leurs deux fronts collés et leur respiration saccadée. Allons dans la Salle sur Demande, il faut rejoindre l'AD et organiser les défenses. »
Lorsqu'ils arrivèrent dans la fameuse salle, ils furent étonnés de trouver plus de monde que d'habitude. En effet, trois anciens membres de l'AD les avaient rejoints : les jumeaux Weasley et Lee Jordan, qui étaient en train d'expliquer que Dumbledore était déjà en train de rassembler les autres membres de l'Ordre pour renforcer les mesures de défenses du Château.
Dans un coin, Blaise, Lavande, Pansy, Neville, Ron et Luna consultaient les différents postes stratégiques sur la Carte du Maraudeur étalée sur une table devant eux.
Une plume de Phénix surgit tout à coup de nulle part, et atterrit aux pieds d'Harry. Dès qu'il la toucha pour la ramasser, elle se transforma en parchemin, qui, dès que le Survivant en eut fini la lecture, s'enflamma pour disparaître.
« Drago, nous allons avoir besoin de tes talents de persuasion… » l'interpela Harry.
« Explique. » Il serrait les doigts d'Hermione, pressentant que les souhaits de Dumbledore n'allaient pas forcément lui plaire.
« Il faut que tu te débrouilles pour attirer ton père ici… et avec lui, Voldemort et les autres Mangemort… »
« Rien que ça ! » le ton était sarcastique, mais la grimace qui défigurait son visage était clairement déchiffrable par tout le monde : il allait provoquer leur perte à tous. « Et… j'ai combien de temps pour accomplir cette merveilleuse prouesse ? »
« Pas beaucoup… »
« Merci Potter ! Tu m'aides énormément, là ! »
« Aucun problème, vieux ! »
L'échange désinvolte allégea un peu la tournure mélodramatique qu'avait prise la discussion, apaisant légèrement les esprits troublés de chacun.
« Bon, repris Harry. Il vaut mieux retourner un peu à nos occupations pour ne pas qu'on lance un avis de recherche… en attendant que Drago ait trouvé une solution, réfléchissez aussi de votre côté à un plan d'attaque… surveillez vos pièces, je vous recontacterai bientôt. »
Là-dessus, ils commencèrent à sortir discrètement, chacun dans sa propre direction et dans ses propres réflexions.
Pendant que nos deux Préfets-en-Chef se dirigeaient vers leurs appartements en pensant à la nouvelle mission de Drago, deux autres membres de l'AD restèrent en retrait.
« Tu te rends compte que si les Mangemort viennent à Poudlard, toi aussi tu seras menacé ? » Lavande regardait Blaise qui était appuyé contre le mur du couloir.
« Oui… mais toi aussi, et ça, par ma faute. » Son regard et le ton qu'il avait employé étaient durs, tout à coup, et Lavande fut parcourue d'un frisson qui n'avait absolument rien avoir avec ceux que le Serpentard lui procurait d'habitude.
« Blaise ? Qu'est-ce que tu as ? » Sa main était posée sur le torse musclé du garçon, et ses doigts crispés sur sa chemise.
« Lavande. Ça ne peut plus durer tous les deux. Je dois m'éloigner de toi. » La voix était implacable, mais il ne la regardait pas. Tout le corps de la jeune fille se mit à trembler, son poing toujours accroché à la chemise de son amant, qui, lui, ne la touchait pas.
« Non… » Son murmure raisonna dans le silence étouffant du couloir, et Blaise eut l'impression qu'il lui dynamitait les tympans. Mais il ne disait toujours rien. « C'est donc ça… tu as fini par te lasser de moi… tu en avais assez de ne plus aller voir ailleurs… Ces dernières nuits ne signifiaient donc rien pour toi… »
« C'est ça. Tu as tout compris. Cela ne signifiait rien du tout… je… j'ai fait une erreur. » Blaise détourna la tête et regarda dehors. Il ne pouvait la regarder. La main de Lavande lâcha sa chemise et ses jambes l'abandonnèrent. Elle glissa lentement le long du mur, lui toujours debout à côté d'elle, qui ne bougeait pas.
Le Serpentard serra les dents. Évidemment que ce n'était pas ça… Il lui mentait… il ne pouvait plus se passer d'elle… c'était trop tard. Et le fait qu'il ait passé les quinze dernières nuits avec elle dans la Salle sur Demande lui avait prouvé, non ? Il avait passé les plus belles nuits de sa vie. Ils faisaient l'amour, bien sûr, mais ils discutaient aussi beaucoup. Et par-dessus tout, il adorait se réveiller auprès d'elle le matin.
Mais il devait lui faire croire le contraire. Il fallait qu'elle s'éloigne de lui au plus vite. Il la mettait en danger par le seul fait de sa présence. Il avait fui sa mère et les Mangemort pour ne pas devenir l'un d'eux. Si Voldemort mettait le grappin sur lui, il était foutu. Mais ce serait pire s'il voyait à quel point Lavande comptait pour lui ! De la même façon qu'il pourrait atteindre Drago s'il s'en prenait à Hermione, ou Harry à Ginny, il suffirait que l'un d'entre eux menace sa jolie Gryffondor pour lui faire faire ce qu'il voulait… il serait même capable de tuer !
Il baissa les yeux vers elle et vit ses larmes… il crut un instant qu'il n'y survivrait pas, qu'il n'y arriverait pas... mais il devait le faire. Aussi dur et écœurant que cela puisse être. Ses sanglots redoublèrent et elle recommença à parler.
« Je suis vraiment la pire des idiotes d'avoir cru que tu pourrais m'aimer… mais après tout, qu'est-ce que je suis, moi, pour toi, hein ? Qui je suis, moi, Lavande Brown pour le Grand Blaise Zabini ? » Elle se releva, essuya rageusement ses larmes, puis, releva la tête.
Se plantant face à lui, elle rassembla toute la dignité qu'elle avait encore et, le défiant du regard, répondit elle-même à sa propre question purement rhétorique :
« Une trainée tout juste bonne à écarter les cuisses ! » Puis, elle fit demi-tour et disparut.
Blaise resta là, le souffle coupé, les oreilles qui bourdonnaient, la tête vide et le cœur en miette. NON ! Elle n'était pas une trainée ! Elle ne l'était pas du tout ! Elle ne l'a jamais été à ses yeux !
« Mais qu'est-ce que j'ai fait ! » Il agrippa sa tête avec ses deux mains, se laissant à son tour glisser contre le mur, son doux visage strié de larmes encore incrusté sur sa rétine. Ses jambes ne le portaient plus et tout son corps fut parcouru de violents tremblements. Quand un sanglot sortit de sa gorge en feu, il se rendit compte qu'il pleurait. Pour la première fois de sa vie, le Grand Blaise Zabini, comme elle l'avait si bien dit, pleurait pour une fille !
Il ne sût dire combien de temps il resta dans ce fichu couloir, mais lorsqu'il sortit de sa torpeur, il faisait nuit et la lune était déjà haute dans le ciel. Il avait raté le repas du soir, mais c'était sans importance. De toute façon il n'aurait rien pu avaler…
Comme un zombie, la dernière phrase de Lavande tournant et retournant dans sa tête comme une litanie morbide, il se leva et erra dans le Château, laissant ses pieds le mener jusqu'à son dortoir.
Il s'affala directement sur son lit qu'il avait déserté depuis deux merveilleuses semaines, sans même prendre la peine de se déshabiller. Il sentit quelque chose qui le gênait dans une de ses poches. Plongeant sa main dedans, il ressortit une cravate aux couleurs de Gryffondor.
Il porta le bout de tissu à son nez et le parfum envoutant de son ex-petite amie s'insinua en lui, tel le venin du plus mortel des serpents.
