Chapitre 5 - Quentin et Samuel
Drago se réveilla en sursaut, le cœur encore battant. Mais quand ses cauchemars allaient-ils enfin cesser de lui pourrir ses nuits ? Repoussant le drap qui couvrait son corps en sueur et courbaturé par l'agitation, le souvenir de la veille lui revint en mémoire : il se trouvait chez Granger. Un coup d'œil à sa montre posée sur sa table de nuit lui fit remarquer qu'il était peut-être temps qu'il se lève, s'il ne voulait pas paraître impoli.
Rassemblant ses affaires, il sortit de sa chambre et se dirigea vers la salle de bain. Une bonne douche contribuerait certainement à enlever les dernières traces – physiques, c'était déjà ça – du souvenir de ce pauvre homme qui avait agonisé sous sa propre baguette, devant le regard fou et fier de cette cinglée de Bellatrix.
Vingt minutes plus tard, c'est un Drago caché sous son masque froid et arrogant qui arriva dans la cuisine. Masque qui se fissura aussitôt, laissant place à l'incrédulité et la méfiance dès qu'il entra.
Un petit garçon, les cheveux légèrement bouclés et presque aussi blonds que les siens était assis à la table de la cuisine, une montagne de crêpes au chocolat dans une assiette devant lui, et une serviette sale autour du cou. Ses joues pleines et rondes étaient barbouillées, et ses yeux, d'un marron intense, le regardaient avec curiosité.
– Bonjour, le salua Hermione sitôt qu'elle remarqua sa présence, viens t'asseoir avec nous. Je te présente Quentin. Dis bonjour à Drago, Quentin.
– Chalut ! fit le garçonnet d'une petite voix, la bouche pleine.
– Bonjour, répondit-il, à moitié écœuré.
Voyant le regard de Drago, Hermione se sentit obligée de faire les présentations.
– Quentin est le fils des voisins. Il a trois ans et demi, et il m'arrive de le garder de temps en temps. Tu veux des crêpes ?
– Euh…
– Regarde bien, le coupa le petit. La Fée Mimi, elle sait faire sauter les crêpes.
– Qui ? demanda Drago, qui pensait avoir mal compris.
– Euh… se rattrapa-t-il, les mains plaquées contre sa bouche. Mimione, on peut lui dire à lui ?
– Oui, sourit-elle. À lui tu peux.
– La Fée Mimi, répéta donc l'enfant. Mimione, c'est une fée, expliqua-t-il à son oreille, bien qu'Hermione entende tout de même. Elle sait faire plein de crucs magiques ! Mais faut pas dire à papa et maman… C'est un secret ! Tu diras pas, hein ?
– Ah oui ? demanda Drago en regardant Hermione, étonné.
– J'ai dû avoir recours à la magie, il y a quelques temps alors que je le gardais chez lui. Il était allé se coincer la tête entre les barreaux de son petit lit, et impossible de le sortir de là sans lui faire mal…
– Un Oubliette ? suggéra le Serpentard.
– Je n'en ai pas eu le cœur… avoua la brune. Il avait un regard tellement émerveillé… Et puis j'ignore si je n'aurais pas causé quelques dégâts, sur un cerveau de son âge. Alors, je lui ai dit que s'il voulait que je lui montre plein d'autres choses, il faudrait que cela reste notre petit secret, ajouta-t-elle en regardant le petit bonhomme comme un rappel de leur accord.
– Oui, et comme cha, fit le petit blond, encore la bouche pleine, la Fée Mimi, elle fait sauter les crêpes ! Vas-y Mimione, montre-lui… On peut lui montrer, hein ?
Hermione lui sourit tendrement en acquiesçant et Drago ressentit une étrange chaleur dans son ventre, qu'il oublia bien vite quant il vit la Gryffondor se retourner face à Quentin avec sa poêle. Grâce à un mouvement sec de son poignet, la crêpe s'envola haut sous les yeux ébahis du petit garçon. Mais, ce qui étonna Drago, c'est qu'au moment où celle-ci aurait dû soit se coller au plafond, soit, retomber dans la poêle ou par terre, elle fit plusieurs looping au-dessus de la table pour atterrir bien sagement dans une assiette, sous les applaudissements et les cris de joie du gamin.
Drago avait pourtant bien regardé ses mains : elle n'avait pas sa baguette. Mais alors… Cela voulait dire que…
– Magie sans baguette ?! demanda-t-il perplexe et admiratif malgré lui.
– Exact. Mange pendant que c'est chaud, lui conseilla-t-elle en lui servant une tasse de café noir.
– Mais… Comment ?
À sa connaissance, peu de personnes étaient capables de telles prouesses. De ce qu'il savait, seuls Dumbledore et le Seigneur des Ténèbres le pouvaient. Et peut-être son parrain, il l'avait toujours soupçonné… Où avait-elle donc appris à faire ça ?!
– Ben, c'est une Fée ! s'exclama Quentin comme une évidence. C'est chouette, hein ?
– Où as-tu appris à faire ça ? demanda Drago, ignorant le petit.
– Je ne sais pas si je dois te le dire…
Il leva un sourcil et elle secoua la tête, se disant que de toute façon, elle ne risquait plus rien.
– Harry, Ron et moi avons suivi un entrainement intensif depuis la cinquième année, avec Dumbledore et… hum… Severus Rogue.
– Pardon ?!
– Quentin, éluda Hermione voyant qu'une grave discussion allait devoir être abordée. Si tu as fini, tu vas à la salle de bain pour te débarbouiller un peu… Ensuite, tu pourras aller regarder la télé.
Le petit garçon se leva et disparut dans l'escalier. Soufflant un grand coup, la Gryffondor prit place en face de Drago qui la regardait avec un mélange de colère et de tristesse. Et elle en devinait aisément la cause.
– En cinquième année, commença-t-elle, au moment où toi et d'autres Serpentard entriez dans la Brigade Inquisitoriale de Dolorès Ombrage, Ron, Harry et moi avons incorporé l'Ordre du Phénix. L'Armée de Dumbledore n'était qu'une façade : même si elle servait effectivement à entrainer les plus motivés à se battre contre Ombrage et ses idées pour le moins dictatoriales, elle servait surtout à repérer les élèves les plus susceptibles d'intégrer l'Ordre. Bref, une fois dans l'Ordre, il a fallu suivre un entrainement disons… particulier. Et c'est là que Severus entre en action.
– Mais… Comment se fait-il que personne ne s'en soit rendu compte ?
– N'as-tu jamais entendu dire que le Professeur Rogue donnait des cours particuliers de Potions à Harry ?
– Si, d'ailleurs, ça avait donné lieu à pas mal de plaisanteries, mais…
– En fait, il n'était pas du tout question de potions. Harry se rendait tous les soirs dans les cachots, comme tout le monde savait, sauf que personne ne se doutait que Ron et moi l'accompagnions, cachés sous une cape d'invisibilité. Il frappait à la porte, un Severus à l'air revêche lui ouvrait et nous entrions tous les trois. Une fois la porte bien fermée et la pièce insonorisée, nous sortions de sous la cape, et Dumbledore arrivait par Cheminette. Puis l'entrainement commençait. Parfois, Remus Lupin se joignait à nous, ou Kingsley, ou Minerva… Enfin, tu vois le topo…
– Incroyable… Et que vous ont-ils appris ?
– Occlumancie, Légilimancie, Magie sans baguette, Sortilèges informulés… Ce genre de choses. Ils nous ont aussi appris à résister à l'Imperium. Severus voulait nous entrainer à reconnaitre différents poisons, mais nous n'avons pas eu le temps de tout voir… Il y a eu la bataille au Département des Mystères, puis avec ça la mort de Sirius, le parrain d'Harry. Et ensuite, tout s'est enchaîné. Un soir, Dumbledore est rentré au Square Grimmaurd où nous avions notre QG avec une main presque morte, et quelques jours après, Severus nous a appris que tu avais pris la Marque et qu'il avait dû faire un Serment Inviolable avec ta mère… Et alors, tu connais la suite…
– Mais pourquoi ?! s'énerva Drago. Pourquoi mon propre parrain ne m'a jamais dit tout ça ?! Peut-être que je n'aurais pas cette horreur tatouée sur mon bras, aujourd'hui !
Il se sentait trahi, abandonné par cet homme qu'il avait toujours considéré comme son père. Déjà que cela lui avait fait un terrible choc quand il avait appris de quel côté il se trouvait réellement !
– Harry a essayé, plusieurs fois, d'en parler avec lui… C'était d'ailleurs leur sujet de dispute favori !
– Quoi ?! J'ai du mal à imaginer Potter et mon parrain bavardant tranquillement de ma vie de Mangemort… Ils se détestaient ouvertement ! Tout le monde savait ça !
– Oh, bien sûr, devant tout le monde, ils devaient rester en guerre ouverte ! Bien obligé, si Severus voulait garder sa couverture. Et d'ailleurs, jusqu'en quatrième année, Severus le détestait vraiment ! Mais un soir, Harry, alors qu'il était en retenue dans le bureau de Rogue, est tombé sur une Pensine… Et là, il a vu pas mal de souvenirs de notre cher Professeur. Dont beaucoup montraient Lily Evans, la mère d'Harry… Tu n'imagines même pas la colère de Severus quand il l'a surpris le nez dans sa vie privée ! Ils en sont même venus à s'insulter et se lancer des sorts ! Et puis, quand Rogue, sur le coup de la colère, a laissé échapper que pendant toute sa vie il avait été amoureux de Lily et qu'il avait tout fait pour la protéger de Voldemort, la dispute s'est terminée. Ils ont fait la paix et ont discuté toute la nuit, Rogue lui parlant de sa mère, comme personne ne l'avait jamais fait : il la connaissait depuis bien avant leur entrée à Poudlard ! Bref… Depuis ce soir-là, la hache de guerre a été enterrée.
– Mais tu ne m'as toujours pas dit pourquoi Severus ne m'a rien dit !
– Oui, c'est vrai… Donc, le jour où Rogue est arrivé en nous disant que tu avais reçu la Marque, Harry s'est indigné. Il lui a demandé de te sortir de là, toi et les autres Serpentard… Mais lui et Dumbledore ont décrété que c'était trop dangereux. Le risque de perdre sa couverture était trop important. Et l'Ordre avait besoin de son unique espion… Nous n'avions que Severus… Et ses informations étaient tellement précieuses ! D'autant plus que Voldemort était persuadé qu'il nous espionnait pour lui !
– C'est Potter qui voulait me sortir de là ?! Alors qu'il a failli me tuer à coup de Sectumsempra ?!
Décidément, Drago n'y comprenait plus rien.
– Oui, c'est lui… Mais détrompe-toi à son sujet. Tu sais, il a été le premier à émettre l'hypothèse que certains Serpentard avaient été contraints de prendre la Marque des Ténèbres. Il avait deviné qu'après le fiasco de ton père au Département des Mystères, Voldemort chercherait à se venger. Et il avait aussi compris qu'il se servirait de toi, pour ça. Il a d'ailleurs mis en garde Severus, qui pensait, à tort, que Voldemort te trouverait trop jeune. Et quand il a enfin compris les desseins de Jedusor, il était déjà trop tard.
– D'accord mais il a tout de même essayé de me tuer ! insista Drago, plus bouleversé qu'il ne l'aurait avoué, par le récit d'Hermione.
– Non… Il n'a jamais été question de te tuer… Il devait simplement te blesser suffisamment pour que tu sois incapable de continuer ta mission.
– Comment ça ? J'ai peur de comprendre.
– Ce jour-là, lorsqu'Harry t'a trouvé dans les toilettes de Mimi Geignarde, ce n'était absolument pas un hasard. Cela faisait des semaines qu'il avait demandé à Dobby de te suivre partout et tout le temps. Severus nous avait raconté que tu avais une mission à accomplir, en plus de l'assassinat de Dumbledore. Mais il ne savait pas de quoi il s'agissait. Il avait bien essayé d'en parler avec toi, mais tu avais refusé de lui dire. Il a essayé de lire dans ton esprit, mais Bellatrix t'avait déjà appris l'Occlumancie. Donc, il n'a pas insisté de peur que ta tante ne soupçonne quelque chose… Alors, Fol-Œil a eut une idée : il fallait te blesser. L'idée était simple : si tu te retrouvais suffisamment estropié, d'une part tu ne pourrais pas mener à bien ta mission, quelle qu'elle soit, et d'autre part, tu n'aurais – normalement – pas trop de représailles par Voldemort, puisque tu aurais été seulement victime d'une agression.
– C'est donc pour ça que je me suis retrouvé pratiquement exsangue dans les chiottes du deuxième étage ?! Mais Severus avait l'air tellement en colère !
– Et pour cause ! s'esclaffa presque Hermione. Non seulement il n'était absolument pas d'accord avec le sortilège employé, mais en plus il a failli arriver en retard pour te sauver ! Tout ça à cause de cet abruti de Rusard qui l'a retenu pour je ne sais plus quelle idiotie ! Tu n'imagines pas la panique d'Harry quand il a vu que Severus n'arrivait pas ! Il était sensé se pointer exactement une minute après que le sort ait été lancé, mais il n'était pas là ! Et toi, tu te vidais lentement de ton sang… Il en a cauchemardé pendant des nuits !
Drago grimaça à cet horrible souvenir mais n'eut pas l'occasion de poser d'autres questions car un petit Quentin arrivait dans la cuisine.
– Mimione, tu veux bien me mettre un dessin animé, s'il te plaît ?
– Oui, mon chéri. Va choisir un DVD et j'arrive.
– Un quoi ? demanda Drago alors que le petit repartait dans le salon et qu'Hermione débarrassait la table.
– Un DVD… C'est une sorte de disque que l'on peut regarder à la télévision.
– La quoi ?
– Laisse tomber… Je vais te montrer, ce sera plus simple… Après tout, il est peut-être temps que je fasse ton éducation…
Drago grogna sous les propos condescendants d'Hermione, mais ne dit rien. En un sens, elle avait raison : s'il devait passer une année complète chez les Moldus, il faudrait bien qu'il apprenne un minimum de choses… Une année complète. Merlin ! Et ce n'était que son deuxième jour !
Il suivit néanmoins sa tutrice dans le salon et alla s'asseoir sur le canapé, à côté d'un petit garçon aussi excité qu'une puce, se demandant bien ce qui pouvait le mettre dans un état pareil.
– Mimione ! Mimione ! Je veux Merlin ! Je veux Merlin !
– C'est comme ça que l'on demande, Quentin ? le réprimanda-t-elle.
– Pardon… Mimione, est-ce-que-tu-peux-mettre-Merlin-l'Enchanteur-s'il-te-plait ? ânonna-t-il en tortillant ses petits doigts.
– Oui, mais attends un peu, tu veux bien ? Il faut que j'explique quelque chose à Drago. Vois-tu, il n'a pas de télévision chez lui…
– Oh ! s'exclama le petit en regardant le Serpentard comme s'il était sur son lit de mort. Mais comment tu fais, alors ?
– Nous allons lui montrer comment ça marche, d'accord ? contra Hermione en voyant le regard de Drago s'assombrir dangereusement.
Elle s'assit de l'autre côté de lui et lui montra la télécommande.
– Tu vois, pour allumer la télévision, expliqua-t-elle en lui montrant le boitier, tu appuies sur ce bouton. Ensuite, tu fais défiler les chaines pour regarder le programme qui t'intéresse. Tu peux regarder des films ou des séries, des reportages, du sport…
Elle lui apprit ensuite en quoi consistaient tous ces genres de programmes, puis lui montra le DVD que Quentin avait choisi, avant de lui expliciter le fonctionnement d'un lecteur DVD.
– Merlin l'Enchanteur ?! demanda-t-il, sceptique.
– Oui ! rigola Hermione. C'est un dessin animé que beaucoup d'enfants adorent. Tu vas voir. Je suis sûre que tu vas aimer…
– Je ne suis pas un enfant ! s'insurgea-t-il.
Mais sa remarque tomba à plat alors que ses yeux le trahissaient. En effet, Drago Malefoy, tout adulte qu'il était, n'arrivait pas à détacher les yeux de cet écran bizarre où défilaient différents dessins qui bougeaient tous seuls.
– Mimione, elle me fait peur, Madame Mim, fit Quentin d'une petite voix de l'autre côté de Drago, au bout d'un moment.
– Viens mon cœur… Viens sur Mimie.
Le petit ne se le fit pas dire deux fois et, passant devant Drago, vint se pelotonner, le pouce dans la bouche, dans les bras d'Hermione qui le serra fort contre elle.
Encore une fois, Drago ressentit cette étrange chaleur. Il ne comprenait pas ce qui se passait. Il n'était pas sensé s'attendrir comme un Poufsouffle devant le tableau qui se dépeignait à côté de lui. Il n'était pas sensé non plus trouver ce petit garçon de trois ans attachant et mignon dans les bras de cette Gryffondor, tendre et pleine de douceur de surcroît. Et pire que tout, il n'était absolument pas sensé avoir remarqué que les traits physiques de cet enfant pourraient être un délicat mélange entre ceux d'Hermione et les siens…
Non, décidément, cela ne tournait pas rond dans sa tête depuis qu'il s'était mis en Mode Moldu. Il faudrait qu'il redresse la barre vite… Très vite s'il ne voulait pas avoir d'autres ennuis !
Mais ses réflexions furent stoppées par une sonnerie stridente à l'entrée. Il sursauta et Hermione déposa Quentin sur le canapé pour aller ouvrir la porte, à quelques mètres de là.
– Oh, salut Sam ! fit la jeune fille.
– Salut Mimie ! Comment vas-tu ? Ça fait un bail qu'on s'est pas vu !
– Ça tu peux le dire ! Mais entre donc, Quentin regarde un DVD.
Drago se redressa, retrouvant son masque habituel de Serpentard sûr de lui quand il vit Hermione revenir avec un type dans son sillage. Le jeune homme, de leur âge, aurait très bien pu être son frère : aussi blond que lui, les yeux d'un bleu électrique, il était grand et massif. Outre le fait qu'il avait un regard des plus bienveillants et une allure décontractée, Drago ne put s'empêcher de le trouver antipathique, pour il ne savait quelle raison.
– Samy ! s'écria Quentin en lui sautant dans les bras.
– Hey ! Comment vas-tu mon bonhomme ? Tu m'as manqué, tu sais ?
– Toi aussi, tu m'as manqué… Papa, il sait pas raconter les histoires comme toi, se renfrogna le petit.
– Ah ! s'esclaffa le jeune homme. Je me rattraperai ce soir, d'accord ?
– Super !
– Allez, va chercher tes affaires.
Le petit quitta les bras du grand, et partit récupérer son sac. Pendant ce temps, Hermione fit les présentations.
– Sam, je te présente Drago.
– Drago, voici Samuel, le grand-frère de Quentin.
Ils se serrèrent poliment la main, le Serpentard ne répondant pas au sourire pourtant sincère de Samuel. Le léger flottement qui suivit fût rapidement interrompu par la sonnerie du téléphone qui retentit. Hermione se précipita en s'excusant et disparût aussitôt dans la cuisine, laissant les deux hommes en tête à tête.
– Alors ? Drago, hein ? demanda Samuel au bout d'un moment, autant par politesse que pour briser la glace.
– C'est ça, répondit froidement le Serpentard. Et toi, tu es Samuel, le frère de Quentin.
– Exact, fit-il en ignorant le sarcasme. Son demi-frère, en fait… Il est le fils de mon père et de ma belle-mère. Mais, je le considère comme mon petit frère. Et… Tu connais Mimie depuis longtemps ? Enfin… Hermione, je veux dire ?
– Depuis l'âge de onze ans, répondit-il avec un air de défi. Nous étions au collège ensemble.
Il n'aimait pas sa façon de l'appeler 'Mimie' comme si elle était à lui. Et il n'était pas obligé de savoir quelle était la vraie nature de leur relation.
– Oh, alors toi aussi tu fais partie de l'élite ?
– Comment ça ?
– Et bien, c'est une école pour surdoués, non ? En tout cas, c'est là qu'elle m'a dit qu'elle allait…
– Et toi ? Tu la connais depuis longtemps ? éluda Drago.
– Oui ! s'esclaffa Samuel. Depuis qu'on porte des couches-culottes ! On a quasiment grandi ensemble ! Et puis…
Il se renfrogna tout à coup, le regard perdu.
– Et puis, reprit-il, un jour, elle m'a dit qu'elle allait entrer dans un collège spécial. J'ai voulu y aller avec elle, mais elle m'a dit que c'était impossible. Enfin… C'est du passé, maintenant, et puis… Nous avons grandi.
Drago n'était pas réellement sûr du sens à donner aux propos de ce Samuel, mais une chose était sûre : ce type avait des vues sur Granger. Et là, tout de suite, il n'était pas certain d'aimer cela… Encore une fois, il ne savait pas s'expliquer pourquoi.
– Et donc, poursuivit Sam, qu'est-ce que tu fais ici ?
– Drago va habiter ici pendant une année, répondit la voix d'Hermione qui revenait avec un plateau qu'elle posa sur la table basse devant eux. Qui veut du café ?
– Comment ça ? demanda tout à coup Samuel d'un ton qui frôlait l'impolitesse.
Drago lui fit un sourire dont Salazar Serpentard aurait été plus que fier, et laissa sa tutrice expliquer la situation au bellâtre en face de lui.
– Oui, et bien… commença Hermione, légèrement déboussolée par l'attitude inhabituelle de son ami d'enfance. C'est dans le cadre d'un projet d'étude… Tu sais, par rapport à l'école dont je t'ai parlé…
L'air de rien, elle remplit les trois tasses et s'assit avec la sienne.
– Une année entière ? insista le Moldu en les regardant, effaré.
– En effet, confirma Drago en se rengorgeant. Hermione et moi avons un projet commun qui nécessite une année entière d'immersion… Nous nous aidons… mutuellement… pour arriver à nos fins.
Hermione s'étouffa presque dans sa tasse et tenta de camoufler ça par une toux bruyante, changeant de position pour se donner contenance.
Drago ne put s'empêcher de remarquer le regard que posait Samuel sur les jambes dénudées d'Hermione alors qu'elle les croisa, faisant, sans le vouloir, remonter un peu sa jupe. Il voyait bien qu'elle était parfaitement inconsciente de l'effet qu'elle faisait à Samuel.
Et il se mit à la regarder d'un œil nouveau.
Depuis quand Hermione portait-elle des jupes – en dehors de l'uniforme de Poudlard, bien entendu – si courtes et si sexy ? D'ailleurs, depuis quand la trouvait-il sexy ? N'était-elle pas sensée être cette fille quelconque, asexuée, qui lui avait demandé à lui, justement, de la coacher pour être plus féminine ? Et ses jambes, pourquoi les trouvait-il longues et musclées ? Depuis quand essayait-il d'imaginer la sensation qu'il éprouverait s'il pouvait les sentir serrées autour de sa taille ? Et surtout depuis quand Granger était-elle devenue 'Hermione' ? Pire encore 'Hermione et moi' ?
Il secoua la tête pour remettre ses idées en place et fit de son mieux pour ne pas arborer le même regard que Samuel sur les jambes de la Gryffondor.
Samuel et Quentin finirent par partir et bientôt, il fut l'heure de manger. Hermione prépara rapidement un repas pour deux et, pendant qu'ils mangeaient, elle exposa dans les grandes lignes à un Drago étrangement silencieux ce qui était prévu pour leur année de cohabitation, comme elle aimait l'appeler.
– Ah, et au fait, se rappela-t-elle. Harry m'a prévenu que lui et Ron vont passer tout à l'heure… Est-ce que ça ira ?
– Parce que j'ai le choix ? demanda-t-il, sarcastique.
– Je tenais juste à te prévenir, murmura-t-elle en soupirant. Je ne souhaitais pas te mettre devant le fait accompli.
Drago la regarda un moment sans rien dire, alors qu'elle triturait sa serviette, le regard baissé. Il souffla intérieurement : elle n'était pas supposée être si attentionnée envers lui !
AAAAARRGGHH ! Fichue Granger ! Fichu caractère Gryffondor ! Et surtout, fichu Programme d'Insertion !
