Chapitre 7 - Petites explications et grosse dispute

Les jours passaient tranquillement, ponctués par les tentatives d'Hermione pour apprendre à Drago les us et coutumes Moldus, et les tentatives de Drago pour essayer de comprendre le fonctionnement des divers appareils électriques que lui montraient Hermione et ses parents, sans trop se ridiculiser ni faire ressortir son côté arrogant de fier Serpentard, et tous les envoyer bouler !

Le blond avait compris – avec une facilité déconcertante – le fonctionnement de la télévision dès le premier jour où il avait regardé le dessin animé avec Quentin. Et Hermione souriait à chaque fois qu'elle le voyait, assis sur le canapé, penché en avant, les coudes appuyés sur ses genoux, ses yeux gris écarquillés devant telle ou telle émission. Quoi qu'il regarde, il restait subjugué devant le fait de voir tous ces gens gesticuler derrière l'écran.

L'épisode du lave-linge, aussi, avait été un moment mémorable. La Gryffondor se souvenait encore du visage presque enfantin du Prince des Serpentard qui suivait des yeux son précieux linge qui tournait dans le tambour de la machine. Il avait poussé un cri scandalisé lors du mode 'essorage', hurlant à qui voulait l'entendre que ses vêtements allaient finir en lambeaux. Maggie, la mère d'Hermione, avait dû arrêter le programme avant la fin pour lui montrer qu'ils étaient encore en un seul morceau !

Contre toute attente, Drago avait aimé accompagner Hermione et ses parents faire les courses. Et il était d'ailleurs volontaire à chaque fois. Au début, l'idée d'aller au supermarché du coin ne l'avait pas vraiment enchanté, mais il avait fini par céder. Il n'avait rien dit non plus devant l'image saugrenue – du moins, à ses yeux – du père d'Hermione poussant le chariot pendant que sa mère tenait la liste des achats. Il essaya d'imaginer ses parents à leur place… En vain.

Mais Hermione avait compris pourquoi son ancien ennemi se montrait désormais si assidu lors de la corvée des courses. Elle avait découvert avec effarement que l'héritier Malefoy, l'ancien Monsieur-c'est-moi-le-meilleur-et-toi-tu-n'es-qu'une-merde, celui qui s'était pavané dans les couloirs de Poudlard pendant sept ans, le Grand Drago Lucius Abraxas Malefoy en personne était en fait le plus incroyable et le plus grand gourmand que la Terre ait jamais porté !

On aurait pu jurer que ses yeux allaient sortir de leurs orbites la première fois où Môsieur avait mis les pieds dans le rayon des chocolats et autres douceurs. Oh, il connaissait les friandises de chez Honeyduke, bien sûr, mais… Tout Sorcier qu'il était, le confiseur n'avait pas, dans sa fabuleuse boutique, de tablettes de chocolat emballées dans un papier aussi mauve que la vache dessinée dessus, de pâte à tartiner au délicieux goût de noisettes, de barres biscuitées enrobées du chocolat au lait le plus fondant… Et bien d'autres encore.

Drago allait et venait d'un bout à l'autre du rayon, comme un enfant dans un magasin de jouets, les yeux humides et la langue presque pendante. Hermione avait cru qu'il allait pleurer quand elle avait consenti à lui donner de l'argent Moldu pour qu'il puisse s'acheter un assortiment de son choix. Mais il n'était plus rien resté du jeune homme froid et hautain qu'elle avait toujours connu, lorsqu'il avait tapé une crise digne d'un enfant de trois ans quand elle lui avait dit qu'il devrait attendre de les payer pour pouvoir y goûter. Il avait alors regardé avec un désespoir sans nom la looooooooooogue file d'attente à la caisse et s'était enfermé dans un silence boudeur, sous les yeux moqueurs du père d'Hermione, cette dernière faisant de son mieux pour ne pas éclater de rire.

Drago avait conscience de passer pour un abruti, par moment. Chose qui – et il en était le premier étonné – ne le tracassait pas plus que ça. Décidément, il avait bien changé. Et en très peu de temps, qui plus est.

Il voyait bien que Granger se foutait régulièrement de lui, même si elle faisait de son mieux pour le lui cacher. Mais il tenait sa petite vengeance. Il savait comment obtenir une compensation à son déshonneur. Et il allait de ce pas y recourir.

Il tapa à la porte de sa chambre, en ce jeudi matin. Il avait entendu Jack et Maggie dans la cuisine alors qu'ils déjeunaient avant de partir travailler, et cela l'avait réveillé. Il était donc assez tôt, et il se faisait une joie de réveiller sa Chère Tutrice alors qu'ils s'étaient couchés tard la veille.

Mais la vision qui s'offrit à lui, lui fit perdre toute envie de vendetta et il fit de son mieux pour garder son flegme.

En effet, une Hermione encore endormie était venue lui ouvrir. Mais ce n'était pas ça qui avait troublé le jeune homme. Ce qui avait l'avait mis en émoi, c'était incontestablement de voir Hermione Granger au saut du lit. Ses cheveux, d'ordinaire assez fous, étaient d'une pagaille sans nom, ses boucles brunes partant dans tous les sens. Elle portait un immense tee-shirt qui, visiblement, n'était pas à elle, puisqu'il était tellement grand qu'il lui descendait sur une épaule, la laissant dénudée. Il était facile de deviner à qui il appartenait grâce à sa couleur d'un orange soutenu et à l'effigie des Canons de Chudley. Le vêtement lui arrivait un peu au-dessus des genoux et encore une fois, il ne pouvait que deviner la douceur de ses jambes.

Merlin ! Il n'aurait pas imaginé qu'il pourrait un jour la trouver aussi sexy. Et il se gifla mentalement quand il commença à l'imaginer portant une de ses chemises à lui, au lieu des frusques de Weasley.

Un toussotement digne d'Ombrage en personne le sortit de ses pensées de moins en moins chastes, et il releva la tête vers le visage en face de lui, se rendant soudain compte qu'il fixait depuis un trop long moment l'épaule nue devant lui.

– Oui, Drago ?

– Euh… fit-il en ne sachant plus vraiment ce qu'il faisait là.

– Tu as besoin de quelque chose ?

– Euh… oui… Non ! s'exclama-t-il en secouant la tête et en fermant les yeux, histoire de la soustraire à son regard pour mieux remettre ses idées en place.

– Est-ce que tu vas bien ? demanda-t-elle, visiblement inquiète, en avançant vers lui.

– Oui, oui… Je voulais… je… Hum…

Il souffla un grand coup, rouspétant intérieurement contre lui-même. Mais où était la Grande Classe Malefoy quand il en avait le plus besoin ?

– Hum…reprit-il. Nous n'avons pas reparlé de ce que tu m'avais demandé… Tu voulais que je t'aide à…

– Ah oui, ça… fit-elle, gênée, tout à coup. Oh, tu n'es pas obligé, tu sais… Je t'avais dit ça sur le coup, mais… J'avais bien vu à ce moment là que tu ne voulais pas vraiment t'attaquer à pareil… chantier.

– Non, non, je… Je vais t'aider. Après tout, qui serait mieux placé que moi pour ça ? fit Drago avec un sourire narquois.

Et il se félicita intérieurement d'avoir retrouvé un peu de sa superbe.

– Si tu le dis… céda-t-elle en s'effaçant pour qu'il entre.

Drago n'était jamais entré dans la chambre d'Hermione. Il était entré dans les chambres de tas de filles, mais jamais il n'avait pris le temps, à ce moment-là, d'admirer les lieux. En principe, lorsqu'il y entrait, c'était avec la fille en question, et il avait autre chose à regarder que les meubles de la chambre. Quant auxdits meubles, quand bien même il faisait attention à eux, c'était surtout pour s'en servir pour culbuter ladite fille…

Et il savait que même s'il avait pris le temps de regarder à quoi ressemblaient leurs chambres, celle d'Hermione aurait été en tout point différente. Il n'était pas sûr que les autres filles – du moins celles dont il parlait – aient autant de livres qu'elle. Des livres partout, et de toutes sortes. Aussi bien Moldus que Sorciers, ils étaient tellement nombreux que les étagères prévues pour leur rangement ne suffisaient plus ! Il y en avait sur son bureau, sur la table de chevet, sur la chaise, et même plusieurs piles entassées par terre, contre les murs !

– Oui, je sais… lui dit-elle alors qu'il les montrait du doigt, incrédule. Je suis aussi cinglée que tu l'imaginais sûrement.

Drago lui jeta un œil perplexe, mais ne dit rien, préférant s'attarder sur les photos accrochées aux murs, qui lui rappelèrent un peu celles qu'il avait vu dans le bureau de Remus Lupin le jour où il était allé au Ministère. Des photos du Trio, d'autres de l'Armée de Dumbledore, d'autres encore qu'il devinait comme celles de l'Ordre du Phénix, d'autres encore d'elle avec Luna et Ginny, des photos de ses parents… Et le Trio, encore et encore…

Les murs étaient peints d'un joli parme, et des rideaux d'un ton plus foncé pendaient de chaque côté d'une fenêtre dont les volets restés ouverts laissaient entrer la lumière du pâle soleil matinal.

Ses yeux se posèrent sur une grande armoire vers laquelle il se dirigea.

– Hey ! Je peux savoir ce que tu fais ? demanda Hermione en collant son dos contre la porte qu'il voulait ouvrir.

– Du calme Grangie ! Si tu veux que je t'aide à 'assumer ta féminité', articula-t-il en mimant des guillemets avec ses doigts, il va falloir que je jette un coup d'œil là-dedans !

– Mais… C'est personnel ! implora-t-elle.

– Oh, je t'en prie ! Arrête de faire ta prude ! rit-il en la poussant hors de son chemin.

De dépit, la demoiselle alla s'asseoir sur son lit, attendant, pleine d'appréhension, les moqueries qu'il allait inévitablement lui sortir.

Drago regarda l'armoire devant lui. Elle se composait de deux penderies, une de chaque côté d'une large colonne d'étagères, sous laquelle se trouvait un grand tiroir fermé.

Il décida de commencer par la penderie à sa gauche : des pantalons larges en toile côtoyaient de vieux blue jeans et d'amples chemises, ainsi que quelques jupes plus ou moins potables. Parmi elles, il reconnut celle qu'elle portait le jour où il avait fait la connaissance de Samuel. Il grogna intérieurement à ce souvenir.

Il sortit tout ce qui lui déplaisait et le jeta, en vrac, sur le sol, sous le regard outré mais silencieux et résigné d'Hermione. Celle-ci le regardait faire, l'écoutant grommeler devant tel ou tel vêtement, entendant par moment des propos comme « vieux chiffon », « chose informe », « beurk », « accoutrement », « truc moche » … Et d'autres fois, il pestait contre elle avec des « pas possible », « aucun goût » … Mais ce fut lorsqu'il commença à employer des termes comme « pauvre fille », « sacrée Gryffondor » et « mémère » que la Gryffondor en question commença à s'énerver.

Elle avait besoin de son avis, certes, mais il était hors de question qu'elle se fasse insulter ! Elle allait lui expliquer sa façon de penser quand une exclamation se fit entendre du côté de l'armoire.

– AH ! Tout de même ! Voici enfin quelque chose d'enthousiasmant ! déclara Drago en ouvrant l'autre penderie.

Ici, les vêtements étaient incontestablement féminins et intéressants. Des robes, des jupes, des chemisiers, des pulls, des pantalons à la coupe plus avantageuse… Le tout dans des couleurs vives et chatoyantes. Bref, tout ce dont il avait besoin… Et qu'il n'avait jamais vu sur elle.

– C'est ça, Grangie, que tu dois mettre, annonça-t-il en montrant le contenu de la penderie tout en la regardant. C'est comme ça que tu devrais t'habiller. Pas avec ces espèces de trucs disgracieux ! Je suis persuadé que tu as des formes… Mets-les en valeur ! suggéra-t-il alors qu'elle le scrutait, confuse et mal à l'aise.

Il se retourna de nouveau vers l'armoire et se baissa.

– Et ici, qu'y a-t-il ? demanda-t-il en amorçant l'ouverture du tiroir.

– NOOOON ! Pas ça ! cria Hermione, totalement paniquée cette fois, en accourant vers lui.

Mais il était trop tard, et le tiroir était déjà ouvert, emportant avec lui toute la dignité d'Hermione.

Drago fixait l'intérieur du meuble avec ahurissement et… une certaine avidité.

Que Merlin lui vienne en aide !

S'il se doutait bien qu'elle portait évidemment des sous-vêtements, jamais il n'aurait imaginé de telles… merveilles. Il déglutit devant les dentelles qui s'offraient à sa vue de jeune mâle en manque de sexe. Du rouge, du noir, du vert, du blanc presque transparent, de la soie, de la dentelle ajourée, des soutiens-gorge pigeonnants, des tangas affriolants, des shorty super sexy…

Vite ! Il fallait qu'il trouve quelque chose à dire, n'importe quoi pour ne plus penser à ce qu'il voyait et qui serait – à tout jamais, il en était certain – imprimé sur sa rétine. N'importe quoi pour ne pas qu'elle remarque le trouble qui agitait déjà ses sens… et son pantalon.

– Oh, mais c'est qu'on a de très jolis dessous… lança-t-il d'un air qu'il espérait moqueur, pour donner le change. Décidément, tu es vraiment pleine de surprises !

– Tu n'avais pas à regarder là-dedans ! répliqua-t-elle aussi honteuse qu'en colère. Je… Tu… Je ne voulais pas que tu voies… tout ça !

– Mais c'est trop tard… J'ai tout vu ! Et je peux te dire que je ne suis pas près de l'oublier ! avoua-t-il avec un sourire carnassier qui la mit encore plus en rage.

– Dis-moi, ma pauvre Granger, comment se fait-il qu'avec tout ce que tu as là, avec ta mère dans les parages et Ginny Weasley et Luna Lovegood comme exemple, tu ne sois pas plus féminine que ça ? lui balança-t-il en la montrant vaguement avec sa main.

– Et bien… commença-t-elle, extrêmement vexée devant son air condescendant et insultant en plus de la rage qui la faisait bouillonner littéralement. Il y a plusieurs raisons, en fait.

Elle articulait doucement de façon à gérer sa colère et lui dire tout ce qu'elle avait sur le cœur.

– Ah oui ?

– Oui… continua-t-elle en le regardant avec un air de défi. Tu veux laquelle, Malefoy ? Celle où je t'explique comment une adolescente de onze ans se retrouve embarquée avec ses amis dans une guerre contre une espèce de psychopathe qui la contraint à se transformer en soldat au lieu d'une gravure de mode ? Ou bien la version de cette même adolescente qui se reçoit un maléfice qui fait tellement pousser ses dents qu'elle ressemble à l'image de castor dont tout le monde l'a affublée depuis le premier jour ?

– Euh…

– Non ! Attends ! insista-t-elle, acide. Peut-être que tu préféreras la version qui raconte l'histoire d'une Née-Moldue qui n'a rien demandé à personne et qui se retrouve tout d'un coup dans la ligne de mire d'un abruti de Serpentard, lui-même à la tête de toute une flopée de Sang-Purs tout aussi débiles, qui la traite de Sang-de-Bourbe et de paillasson à longueur de journée ?!

– Je ne…

– Comment peux-tu oser imaginer ne serait-ce qu'un instant que j'ai voulu devenir comme ça ! cria-t-elle à un blondinet totalement abasourdi.

– Je sais pas, moi ! se défendit Drago avec véhémence.

Il sentait la colère monter en lui, maintenant. Et le fait de la voir à moins d'un mètre de lui, lui criant dessus, ne l'aidait pas vraiment à se calmer.

– Tu me demandes mon avis, je te le donne ! répliqua-t-il.

– Oui, et bien… Je suis consciente que je ne représente absolument pas l'idéal féminin qu'attend la plupart des hommes ! Mais ce n'est pas une raison pour me traiter comme tu viens de le faire ! cingla-t-elle. Et ce n'est pas non plus la peine de me comparer à Ginny ou Luna ! Nous ne sommes pas du tout pareilles et nous n'avons pas vraiment le même vécu !

– Oh, arrête un peu de jouer les victimes ! cria-t-il à son tour. Elles sont bien arrivées à être de vraies femmes, elles, non ? Rien ne t'empêchait de choisir de suivre leur exemple !

– De choisir ?! s'indigna-t-elle en se rapprochant encore plus de lui, plus vraiment certaine de parler encore de féminité. MAIS JE N'AI JAMAIS EU LE CHOIX ! vociféra-t-elle tout à coup, en détachant chaque syllabe, les yeux brillants d'une fureur depuis trop longtemps contenue. PERSONNE NE M'A JAMAIS LAISSÉ LE CHOIX ! PERSONNE NE M'A JAMAIS DEMANDÉ MON AVIS POUR ÇA !

– OUI ET BIEN MOI NON PLUS, JE N'AI JAMAIS EU LE CHOIX ! hurla Drago en retour. TU PEUX ME REPROCHER BEAUCOUP DE CHOSES, GRANGER, MAIS PAS ÇA ! beugla-t-il en pointant un doigt rageur sur elle. OUI, J'AI ÉTÉ UN MONSTRE AVEC TOI PENDANT TOUTES CES ANNÉES ! OUI, A CAUSE DE MOI LES SERPENTARD NE T'ONT JAMAIS FAIT DE CADEAUX ! MAIS BORDEL, RIEN DE TOUT ÇA NE T'A EMPÊCHÉ D'ÊTRE CE QUE TU ES DEVENUE AUJOURD'HUI !

– AH OUI ? ET QU'EST-CE JE SUIS DEVENUE AUJOURD'HUI ?

Hermione était rouge, d'amères larmes dévalaient ses joues et sa cage thoracique se soulevait au rythme de son souffle saccadé.

– CE QUE TU ES DEVENUE ?! répéta Drago, proprement estomaqué devant son manque évident de discernement. MAIS PAR LES COUILLES DE MERLIN ! jura-t-il. TU ES BRILLANTE ! COURAGEUSE ! TU AS UNE FAMILLE QUI T'AIME ET DES AMIS QUI SERAIENT PRÈS A TOUT POUR TOI ! ET PAR-DESSUS TOUT, TU ARRIVES A ÊTRE DÉSIRABLE MALGRÉ TES FRINGUES QUI RESSEMBLENT A RIEN !

– P… Pardon ?!

– MAIS ENFIN, REGARDE-TOI !

Il attrapa violemment son bras et la positionna devant le miroir en pied installé dans un coin de la chambre.

– QU'EST-CE-QUE TU VOIS ? demanda-t-il, toujours énervé.

– Heu…

Drago, positionné dans son dos, fixait le reflet de celle qui avait eu don de le mettre dans une rage noire comme il n'en avait pas connue depuis longtemps. Et il comprenait pourquoi, toute Miss-Je-Sais-Tout qu'elle fut, elle était présentement incapable de répondre à sa question.

Hermione avait les cheveux encore plus en bataille que lorsqu'elle lui avait ouvert la porte de sa chambre, des mèches folles lui barraient le front et d'autres étaient collées à ses joues striées de larmes. Le bout de son nez et ses joues brûlaient d'un rouge carmin qui lui descendait dans le cou et autour de la gorge, et sa poitrine se soulevait frénétiquement. Son tee-shirt, déjà vieux et déformé, avait été déchiré à l'encolure quand il avait tiré son bras pour l'emmener devant la glace, ce qui le faisait descendre encore plus bas sur son épaule.

Autrement dit, elle ne ressemblait pas à grand chose… Sauf peut-être à ces portraits qui dépeignaient les femmes hystériques, au moyen âge.

Elle pinça les lèvres, ne sachant plus vraiment s'il fallait crier, rire ou pleurer devant l'image horriblement repoussante qu'elle dégageait. Elle leva un instant les yeux vers le haut de son reflet et rencontra ceux de Drago, qui la dépassait d'une bonne tête.

Les deux se regardèrent quelques secondes puis, contre toute attente, ils explosèrent de rire.

C'était un rire contagieux, incontrôlable. Mais sincère et ô combien libérateur.

Leur fou rire dura de longues minutes, pendant lesquelles ils se tordaient, lui effondré sur la moquette, elle sur son lit, se tenant les côtes, les yeux larmoyants et le souffle court.

Puis, petit à petit, ils se calmèrent, réalisant le bien fou que cela leur avait procuré à tous les deux. Toutes ces tensions, ces non-dits trop longtemps tus, avaient été exprimés, enfin. L'abcès avait été crevé et rien ne leur était plus salutaire.

Ils finirent par se taire, se murant dans un silence confortable, chacun dans ses propres pensées.

– Drago ? appela Hermione au bout d'un long moment, allongée à plat dos sur son lit.

– Mmhh ?

Il était assis le dos contre le lit juste à côté d'elle, sa tête au niveau de la sienne et n'avait qu'à tourner le cou pour la regarder.

– Oui ? répondit-il.

– Excuse-moi de m'être énervée contre toi.

– Ce n'est rien… Et tu avais raison : je n'avais pas à te parler comme ça.

– Quand bien même, insista-t-elle. Je n'aurai pas dû crier sur toi comme je l'ai fait. D'autant plus que c'est moi qui t'ai demandé de m'aider.

– Oublie, je te dis. On n'en parle plus, d'accord ?

– D'accord, concéda Hermione. Oh ! Si, une dernière chose, quand même…

– Quoi donc ? demanda-t-il perplexe.

– C'est vraiment comme ça que tu me vois ?

– Comment ça ?

– Et bien… rougit-elle. Brillante et courageuse ?

Drago se perdit un instant dans les yeux chocolat fondu qui le scrutaient avec intérêt.

Devait-il lui dire le fond de sa pensée ? Comment réagirait-elle s'il lui disait la vérité ? S'il lui ouvrait son cœur ? Cette fille avait la capacité de lui faire ressentir des choses inédites. Et cela ne faisait que quelques semaines seulement qu'il la côtoyait !

Il n'avait jamais eu de véritables amis. Bon d'accord, s'il était vraiment honnête, il avait eu des amis. Blaise et Théo avaient joué ce rôle, des années auparavant. Mais ils avaient été forcés de prendre la Marque, et cela avait tout fichu en l'air. Et quand bien même il pouvait – à l'époque – les considérer comme des amis, il n'était pas coutume, dans la Maison Serpentard, et encore moins chez les Malefoy, d'étaler ses états d'âme.

Ce qui s'était passé un peu plus tôt avec Granger constituait une situation sans précédent. Jamais, aussi loin que remontait sa mémoire, il n'avait ri comme ça. Oh, il lui était arrivé de rire, bien sûr ! Avant le retour du Seigneur des Ténèbres, cela lui arrivait souvent, même. Mais toujours pour de mauvaises raisons. Et la plupart du temps, il s'agissait de moqueries ou autres railleries plus ou moins méchantes.

Oui, vraiment, il devenait différent. Cette fille le rendait différent. Et il ne savait pas si c'était une bonne chose ou non.

Toujours plongé dans ses yeux, il décida de lui répondre. Pas de tout lui dire, non. Il n'était absolument pas près pour ça. Mais juste ce qu'il fallait pour qu'elle comprenne… Ou du moins, pour qu'elle se pose les bonnes questions.

– Oui… Je t'ai toujours trouvée brillante. Même s'il était hors de question que je l'avoue, bien sûr, rajouta-t-il avec un petit air supérieur. Il fallait vraiment être aveugle pour ne pas le remarquer. Tu as toujours eu les meilleures notes. C'est d'ailleurs la première raison qui a fait que je te détestais, à Poudlard.

– Comment ça ?

– Tu n'imagines pas le nombre de punitions que m'a valu le fait d'arriver toujours en deuxième position, derrière toi, au classement à chaque fin de trimestre.

– Oh… Je suis vraiment dés…

– Non, non ! Ne t'excuse pas de ça ! Mon père a toujours été… un immonde salopard. Quant à te trouver courageuse, continua-t-il pour changer de sujet, et bien… Tu es une Gryffondor, non ? Et Héroïne de Guerre…

– Oui ! rit-elle, légèrement gênée. Et… Heu… Comment tu as dit, déjà ? 'Désirable malgré mes fringues qui ressemblent à rien' ?

Drago se leva, lui adressant un sourire des plus énigmatiques.

– Il n'y a qu'à voir comment ce… Samuel… te regarde…

Refermant soigneusement la porte sur sa remarque plus que sibylline, il partit se doucher, espérant vivement que l'eau froide l'aiderait à oublier l'excitante lingerie qu'il avait eue à portée de mains quelques minutes plus tôt.