Chapitre 13 - Tantale
Drago n'en pouvait plus.
Il se trouvait dans un état d'excitation permanente, mais toujours dans l'incapacité d'assouvir son désir. Sa seule – et pathétique – compensation se trouvait être sa main, qui commençait à être affublée de douloureuses ampoules. La seule pensée d'Hermione finissait par l'emmener à la limite du priapisme ! Il fallait faire quelque chose. Mais comme le contrat le lui interdisait, il ne pouvait se laisser aller à son désir. La solution la plus simple aurait été de rompre sa promesse et d'aller voir ailleurs, juste histoire de relâcher la pression... Mais voilà, Drago en était incapable. Pourquoi ? Cela, il ne le savait pas vraiment. Ou peut-être ne voulait-il pas vraiment le savoir ? Ce qu'il savait en revanche, c'était qu'il voulait Hermione. Et personne d'autre. Ce qui l'empêchait d'aller voir ailleurs, c'était que si elle l'apprenait, non seulement elle serait dans une rage folle – ce qui était d'autant plus dangereux, parce qu'une Hermione en colère est une Hermione outrageusement sexy – mais rien ne l'empêcherait à son tour d'en faire de même ! Et il était certain que Samuel ou Krum sauteraient directement sur l'occasion – sans mauvais jeu de mot ! Et ça, et bien... Drago ne le supporterait pas. Enfin... Sa fierté ! Oui, c'est ça. C'est sa fierté qui en prendrait un coup. Seulement sa fierté...
Cette option était donc à exclure.
Celle qui restait ne lui plaisait pas du tout. Et il savait pertinemment qu'elle ne plairait pas à Hermione non plus. Mais l'idée de devoir vivre ailleurs que chez elle lui plaisait encore moins.
Alors, à choisir entre l'éclabouille et la dragoncelle… Il devait prendre une décision.
Cela faisait deux semaines que les masques étaient tombés, au mariage de Ron et Luna. Ce soir-là, ils s'étaient avoué le désir qu'ils avaient l'un pour l'autre. Clairement. Sans faux semblant. Et depuis, c'était encore pire qu'avant. Hermione et lui ne pouvaient pas se parler ou même se croiser sans avoir envie de se sauter dessus. Les rêves de Drago étaient devenus incessants – la bonne nouvelle étant qu'au moins, il ne faisait plus de cauchemar – et les yeux d'Hermione criaient haut et fort son insupportable frustration.
Bref, cela ne pouvant plus durer, Drago décida d'agir. Il devait lui parler.
C'est ainsi qu'il se retrouva une nouvelle fois devant la porte de sa chambre, en ce matin de la mi-novembre, attendant patiemment qu'Hermione vienne lui ouvrir.
– Rentre, c'est ouvert ! fit la voix étouffée d'Hermione de l'autre côté du battant.
Intrigué, il entra lentement.
– Grangie ? Tu vas bien ? s'alarma Drago, avançant lentement dans la pénombre de la chambre dont les rideaux étaient encore tirés.
– D'approche pas ! Suis balade... répondit-elle d'une voix enrouée, ses mots rendus presque incompréhensibles par son nez bouché.
Drago alluma la lampe de chevet, plus inquiet qu'il ne voulait l'avouer. Et le spectacle devant lui le laissa perplexe : Hermione était couchée sous une montagne de couvertures, des mouchoirs en papier usagés éparpillés un peu partout au pied du lit, les yeux larmoyants, le visage rouge et transpirant, et la goutte au nez. Rien de bien sexy, en somme... Mais étrangement, Drago ne put s'empêcher de la trouver craquante.
Il décida qu'il réfléchirait à ce point plus tard.
– Qu'est-ce que tu as ? demanda-t-il en s'approchant d'avantage.
– Fièvre, bal partout... marmonna Hermione en frissonnant.
– Tu veux un peu de Pimentine ? proposa-t-il en s'asseyant sur le lit, près d'elle.
– Y a plus... Pas le courage... faire d'autre...
Drago sourit malgré lui. Ils n'allaient pas aller bien loin si sa Miss-Je-Sais-Tout commençait à communiquer uniquement par monosyllabes !
– Je peux t'en faire si tu veux, proposa-t-il avant même d'avoir pu s'en empêcher.
Interloquée, Hermione trouva malgré tout la force de se redresser.
– T'es sérieux ? Tu vas vraibent t'occuper de boi ?
– Tu m'héberges chez toi, je te dois bien ça... Où sont tes ingrédients ? demanda-t-il pour dissiper la gêne qui commençait à s'installer.
– Bureau... Deuxièbe tiroir...
– Tu caches ton matériel de potion dans un simple tiroir de bureau ?
– Boîte agrandie par bagie...
– Ok...
Drago se leva et récupéra le matériel nécessaire à la potion. Il procéda minutieusement, redoublant de concentration lorsqu'il sentait le regard d'Hermione sur sa nuque. Il remua une dernière fois et bientôt, la potion fut terminée.
– Voilà... Nous n'avons plus qu'à attendre une heure, et elle sera enfin prête. Je vais te laisser te reposer. Je reviendrai lorsque le temps de pause sera écoulé.
– Don... Tu veux pas rester avec boi ? demanda Hermione d'une voix pâteuse.
– Heu...
– S'il te plaît, implora-t-elle. Je déteste être balade. Et puis j'ai bal partout...
– D'accord, céda-t-il. Mais je ne sais pas quoi faire d'autre pour t'aider.
– Bien ude idée...
– Grangie... C'est pas vraiment le moment, là... s'exaspéra-t-il en levant les yeux au ciel, la voyant venir.
– Don... pas ce que tu crois...
– Ah non ?
– Don... Bal partout... Surtout au dos...
– Et donc ?
– Besoin... bassage...
– Un massage ?! Tu plaisantes, là !
Il ne manquait plus que ça ! Comme si ce n'était pas déjà assez dur comme ça !
– S'te plaaaîîîît... Après je t'embête plus... Probis... Juste bon dos...
Drago ferma les yeux un instant et souffla un grand coup. Comment allait-il faire ? Lui qui était simplement venu lui parler, lui dire qu'il voulait qu'ils arrêtent de jouer parce que ça devenait trop dur de résister. Et voilà qu'elle lui demandait de lui masser le dos...
Le pire dans cette histoire, c'était qu'il n'avait même pas envie de refuser ! S'il s'écoutait, il masserait son dos jusqu'à ce qu'elle s'endorme, et pousserait même la politesse jusqu'à s'allonger dans le lit avec elle pour la veiller ! Elle était comateuse, dégoûtante avec son nez qui coulait, repoussante avec ses cheveux fous collés par la transpiration. Mais il ne pouvait s'empêcher de la trouver vulnérable... et belle.
– Bon, c'est bien parce que tu es à l'agonie...
– Berci... soupira-t-elle avec reconnaissance. Baume... tiroir... commode.
Il leva un sourcil amusé et attrapa le baume en question, avant de repousser les couvertures. Il inspira un grand coup alors qu'il remontait son grand tee-shirt informe vers ses épaules, découvrant le mini short qu'il cachait et qui modelait ses fesses à la perfection. Par Merlin ! Même dans cet état pitoyable, elle lui plaisait ! Il prit sur lui et commença à étaler le baume parfumé sur son dos. Il découvrait sa peau douce et brûlante – à cause de la fièvre – sous ses doigts. Allant et venant en de grands cercles lents, appuyant sur certains endroits stratégiques. Il l'entendait soupirer de bien-être, et décida qu'il pourrait très bien vivre avec ça.
– Drago ? fit Hermione au bout d'un moment.
– Mmh ? répondit l'intéressé, perdu dans ses pensées.
– Tu étais vedu pour quoi, au fait ?
– Hein ? Ah, euh... Pour rien... Laisse tomber... T'es pas en état, de toute façon...
– En état pour quoi ?
– Pour rien... Repose-toi. J'ai besoin que tu aies toutes tes capacités de réflexion.
– C'est à propos de dous ?
– C'est... T'es pas croyable ! s'exclama Drago. Même à l'article de la mort, tu ne peux pas t'en empêcher !
– À l'article de la bort ? N'exagérons rien ! J'ai juste choppé la grippe... Alors ? C'est à propos de... dous ?
Drago souffla d'exaspération. Pourquoi n'arrivait-il plus à s'énerver contre elle ? Où était passé le temps où elle n'était qu'une insupportable Je-Sais-Tout au sale Sang-de-Bourbe ? Ce temps où il ne la voyait que comme cette chieuse, amie de Potter, contre qui il était sensé se battre ? La sonnette du minuteur le sauva et il se précipita pour mettre une louche de potion dans un gobelet qu'il présenta à Hermione. Cette dernière, une fois assise sur le lit, le remercia et avala le liquide d'une seule traite. Elle gloussa lorsque la fumée lui sortit par les oreilles. Quelques minutes après, la grippe n'était plus qu'un mauvais souvenir.
– Ne crois pas t'en tirer comme ça, Malefoy, fit Hermione après l'avoir regardé de longues secondes. Je t'ai posé une question.
Drago reprit sa place sur le lit à côté d'elle, regardant le mur devant lui.
– Oui, répondit-il au bout d'un moment. C'est à propos de nous...
– Et donc ? Je t'écoute.
– Je pense que... Je pense qu'il faut arrêter de jouer.
Hermione accusa le coup. Elle n'osait poser à voix haute la question qui pourtant lui brûlait la langue.
– Je vois... dit-elle le regard baissé. Et... Tu... Enfin... Qu'est-ce que ça veut dire exactement ? Tu as trouvé un... exutoire... qui t'a fait rompre ta promesse ?
– Hein ?! Non !
– Mais alors ? demanda Hermione relevant la tête tout à coup, le regard perdu. Je ne comprends pas...
Drago se retourna vers elle, un sourire indulgent aux lèvres, et caressa tendrement sa joue.
– Que vas-tu t'imaginer, là ?
– Je n'imagine rien, nia-t-elle. J'essaie juste de comprendre pourquoi du jour au lendemain tu ne veux plus jouer avec moi.
– Hermione...
Drago secoua la tête, incrédule, puis reprit :
– Si je ne veux plus jouer, c'est pour une seule et unique raison. C'est parce que c'est devenu trop dur de te résister. Tu n'imagines pas ce que ça me coûte de rester de marbre quand tu me fais des coups comme tu as pris l'habitude de le faire.
– Tu le fais aussi, je te signale ! se défendit-elle.
– Oui, je sais. Et c'est pour ça que je te demande d'arrêter. J'ai peur de faire une bêtise la prochaine fois. J'ai peur de me laisser emporter. Et tu sais très bien ce qui arrivera si c'est le cas.
– Oui, je sais... Le Ministère risquerait de l'apprendre et tu devrais déménager.
– Exact. Et je n'ai aucune envie de partir d'ici. Sans compter que tu perdrais ta crédibilité.
Hermione acquiesça en silence, sachant parfaitement qu'il avait raison. Mais elle ne pouvait s'empêcher d'être déçue. Comment allait-elle faire pour rester dans sa ligne de mire si elle ne pouvait plus le séduire ? Et lui ? Comment allait-elle savoir qu'il avait toujours envie d'elle s'il ne lui montrait plus ?
– Je comprends, fit-elle tout de même, se rendant compte que son silence avait duré un peu trop longtemps. Maintenant, excuse-moi, mais j'ai besoin d'une douche...
– Ah, ça, je te le confirme ! répondit Drago en se pinçant le nez d'un geste théâtral.
Il reçut un oreiller en plein visage pour toute réponse alors qu'il se dirigeait vers la porte en ricanant. Il partit dans sa chambre et, sitôt qu'il referma la porte derrière lui, il s'y adossa et perdit son sourire. Il n'était pas sûr d'avoir pris la bonne décision. Mais c'était vraiment nécessaire... Rien que l'état dans lequel il était présentement le lui confirmait. Et il n'avait fait que masser son dos !
Hermione rassembla ses affaires et se rendit à la salle de bain. Elle fit couler l'eau de la douche, attendant qu'elle prenne la bonne température pendant qu'elle se déshabillait. Une fois dans la cabine, placée sous le jet presque brûlant, elle ferma les yeux, tête baissée, les mains appuyées contre le mur devant elle, laissant l'eau couler sur son corps. Elle sentait encore les mains de Drago posées délicatement sur son dos. Elle se rappelait de la sensation alors que ses doigts se promenaient doucement du haut de sa nuque au bas de ses reins. Une décharge de frissons étreignit tout à coup son corps à ce souvenir et un vague de chaleur bien connue afflua au niveau de son entrejambe. Merlin qu'elle avait envie de lui ! Lui et ses mains expertes. Lui et son corps à se damner. Lui et son regard brûlant...
Elle ne tiendrait pas. Elle le savait. Il était inenvisageable qu'elle tienne encore huit mois. Elle avait trop envie de lui. Mais ils venaient de prendre une décision... Enfin, Drago avait pris une décision. Elle s'était contentée d'acquiescer, n'écoutant que la raison alors que son corps était en totale insurrection. Surtout quand elle revoyait les yeux affamés qu'il posait sur elle.
Et la chaleur de son bas ventre augmenta d'un cran. Alors, pour la première fois de sa vie, elle porta sa main contre le centre de cette brûlure si douce et si éprouvante à la fois, et, oubliant toute moralité, tenta d'apaiser le feu.
oOo. oOo. oOo. oOo. oOo. oOo. oOo.
Décembre était arrivé, et déjà les guirlandes et enseignes lumineuses avaient envahi les rues de Londres, annonçant les fêtes de fin d'année.
En cet après-midi enneigé, affalés sans aucune grâce de part et d'autre du canapé du salon, Jack Granger et Drago Malefoy s'esclaffaient comme deux idiots devant une émission de téléréalité toute aussi idiote.
Maggie, occupée à remplir une grille particulièrement coriace de mots croisés à la table de la salle à manger, souriait de les entendre rire. Enfin... Elle souriait de voir Drago rigoler devant pareille bêtise. Elle se fit la remarque que le jeune homme avait bien changé depuis son arrivée chez eux. Et elle en était ravie.
Elle avait commencé à entendre parler de ce Drago Malefoy depuis la Première Année de sa fille à Poudlard. Hermione lui avait relaté sa rencontre chaotique avec ce garçon hautain et fier de lui qui l'insultait à longueur de journée. Elle était donc au courant de la relation houleuse et tumultueuse entre les deux adolescents. Relation qui n'avait fait qu'empirer alors qu'ils grandissaient. Et puis la Guerre des Sorciers avait éclaté et sa petite fille, son bébé, était devenue une guerrière aux pouvoirs redoutables. Même si elle – Moldue de son état – n'avait pas une idée très précise de l'étendue de ceux-ci, elle savait qu'elle avait suivi un entrainement intensif avec Ron et Harry, sous la tutelle du Professeur Dumbledore et de ce professeur de Potion dont elle oubliait sans arrêt le nom.
Maggie se rappelait aussi avec une pointe de tristesse le jour où Hermione leur avait dit qu'elle devait partir avec ses deux amis à la recherche de divers objets sensés aider à mettre fin à cette horrible guerre. Elle se souvenait de cet homme qui l'avait accompagnée ce jour-là. Un homme noir, immense, au crâne rasé avec une boucle d'oreille. Il leur avait expliqué, à Jack et elle, comment l'Ordre du Phénix allait tout faire pour assurer leur protection. Ils avaient rendu tout le quartier – ce qui incluait leur maison, celles des voisins et leur cabinet dentaire – « incartable ». Même s'ils n'avaient pas parfaitement compris ce que cela voulait dire, ils en avaient saisi l'idée générale.
Quand enfin, au bout de nombreux mois d'angoisse et de terreur face à l'absence de nouvelle de leur fille, ils la virent rentrer, ils n'en crurent pas leurs yeux. Elle était amaigrie, couverte de cicatrices et avait de grandes cernes noires autour de ses yeux qui semblaient avoir vu des horreurs innommables. Mais elle était là. Épuisée, certes, mais bien vivante.
Elle leur avait raconté son périple à travers le pays, mais Maggie, comme Jack, savait qu'elle leur taisait certains détails. Ils savaient par exemple qu'elle avait été capturée, de même que Ron et Harry. Ils l'avaient appris par Molly Weasley qui était venue les voir pour un peu de soutien mutuel. Et même si elle ne savait rien de ce qui s'y été passé, elle savait qu'elle s'était retrouvée dans un manoir... Au Manoir Malefoy, avait pleuré Molly.
Le manoir de Drago Malefoy.
Oui, Maggie pouvait l'avouer désormais : quand elle avait entendu le nom de celui qui allait vivre chez elle pendant une année entière, elle avait ressenti une certaine appréhension. Elle aurait tout à fait été en droit de refuser qu'un jeune homme avec un passé comme le sien vienne sous son toit. Il aurait été légitime, au vu de tout ce qu'il avait fait subir à sa fille pendant toutes ces années, qu'elle le vire à grand coup de balai aux fesses !
Mais elle n'était pas comme ça.
Elle était de ceux qui ne s'arrêtent pas aux opinions des autres. Elle préférait de loin se faire sa propre idée sur les gens. Elle basait son avis sur l'observation et la discussion. Et elle était rarement déçue du résultat. Elle chérissait ce vieil adage qui disait que tout le monde a droit à une seconde chance. Son cher et tendre mari était, fort heureusement, du même avis. Et elle se félicitait d'avoir inculqué les mêmes valeurs à sa fille unique.
Oui, Drago Malefoy, aussi méprisant, malveillant et abject qu'il ait pu être dans ses jeunes années, avait droit à cette seconde chance. Et elle était fière du résultat. Parce que si Maggie était sûre d'une chose, c'était que si personne n'avait obligé Drago à voir un peu plus loin que le monde Sorcier, jamais il ne se serait trouvé, comme il l'était maintenant, en train de se gausser comme une pintade devant une émission débile en compagnie d'un Moldu tout aussi hilare.
Alors Maggie souriait devant cette image. Mais il y avait quelque chose d'autre qui la faisait sourire. Et cette autre chose, ajoutée au fait que Noël approchait à grand pas – ce qui la plongeait déjà dans une grande félicité – ne faisait que la rendre encore plus euphorique qu'elle ne l'était déjà. Car à force d'observer Drago afin de mieux le connaitre, elle avait remarqué quelques détails. Enfin, un en particulier : ce jeune homme était totalement subjugué par sa fille. Il passait son temps à la lorgner, observant ses moindre faits et gestes, buvant ses paroles et lui accordant son attention en toute circonstance.
Alors certes, le Contrat d'Insertion l'obligeait à se calquer sur sa Tutrice, mais tout de même, il y avait des signes qui ne trompaient pas. Et, en bonne mère qui se respecte, toujours à l'affût du moindre changement dans la vie de son enfant, elle se devait d'y voir plus clair. Elle voulait savoir. Elle n'était pourtant pas du genre à cancaner, mais, connaissant le calme plat des amours de son unique fille, elle n'était pas contre le fait d'essayer de jouer les entremetteuses…
Hein ?! Comment ça, la vie amoureuse de sa fille ne la regardait pas... Mais bien sûr que si, voyons !
Justement, la voilà qui redescendait du grenier avec un carton poussiéreux dans les bras. Elle posa son fardeau sur la table à côté de sa mère et regarda, en secouant la tête, Drago glousser sans retenue en compagnie de son père. Un sourire mesquin aux lèvres, elle subtilisa la télécommande et mit la télé en veille, provoquant deux mugissements scandalisés.
– Hey ! cria Drago en essayant de lui reprendre le boîtier des mains.
– Je pense que vous pouvez trouver quelque chose de plus utile à faire, messieurs... leur suggéra-t-elle en pointant le carton du doigt.
– Oh ! Oui, c'est une excellente idée ! s'enthousiasma Jack en se levant. Drago, mon garçon, mets ton manteau et viens avec moi. Nous sortons entre hommes !
– Et pour aller où ? demanda le blondinet, grimaçant en regardant par la fenêtre.
L'idée de sortir dans la rue par ce temps ne l'enchantait pas du tout. Il préférait de loin rester sur le canapé, bien au chaud, avec le feu qui crépitait joyeusement dans la cheminée.
– Nous allons faire ce que seuls les hommes sont capables de faire beaucoup mieux que les femmes... annonça-t-il solennellement, alors que les femmes en question pouffaient devant tant d'éloquence.
– Ah bon ? Et c'est quoi ? s'inquiéta Drago, un peu étonné devant l'inhabituel machisme dont faisait preuve l'homme devant lui.
– Nous allons choisir un sapin ! s'écria-t-il simplement. Maggie et Mimine le choisissent toujours trop petit ou pas assez fourni, expliqua-t-il en secouant la tête, dépité.
Drago sourit malgré lui. Il aimait beaucoup le père d'Hermione. Il le suivit sans faire d'histoire, malgré le froid qui mordait ses joues.
– Nous allons prendre le plus grand, le plus beau et le plus vert des sapins de Noël, mon garçon. Et ensuite, tous les quatre, nous le décorerons. Tu as déjà décoré un sapin, je suppose...
– Euh... Pas vraiment, avoua Drago en regardant le trottoir enneigé sur lequel ils marchaient. Chez moi, c'étaient toujours les Elfes de Maison qui s'en chargeaient.
– Ah. Et bien... Tu verras, c'est un moment fabuleux ! Et, si nous avons de la chance, les filles auront préparé du thé et des biscuits !
Drago ne put que sourire face à l'allégresse contagieuse de l'homme à ses côtés, et se surpris à avoir hâte de rentrer avec le plus gros sapin qu'ils puissent trouver.
oOo. oOo. oOo. oOo. oOo. oOo. oOo.
Hermione était restée avec sa mère, pendant que les deux hommes était partis chercher le sapin. Aussitôt la porte refermée sur eux, elles se regardèrent, se sourirent, puis d'un même mouvement, se précipitèrent en riant dans la cuisine.
La course contre la montre était lancée. Elles avaient environ une heure pour faire les biscuits, préparer le thé, mettre le CD de chants de Noël dans le lecteur, prêt à être écouté, et emballer les cadeaux de Jack et de Drago.
Avec des gestes presque automatiques – après tout elles opéraient ainsi depuis des années – elles se mirent à l'ouvrage. Pendant qu'Hermione mettait le four à préchauffer et le CD dans le lecteur en pause, Maggie sortait les ingrédients et le matériel. Elles s'attablèrent ensuite, un saladier devant chacune d'elle, et entreprirent d'y jeter un à un les composants nécessaires à la préparation.
– Alors, ma chérie ? attaqua Maggie qui n'avait plus besoin de regarder la recette depuis belle lurette.
– Alors quoi ? fit Hermione, les mains dans le saladier, malaxant la pâte sablée.
– Tout va bien entre toi et Drago ?
Maggie Granger n'était pas du genre à tourner autour du pot, et Hermione, parfois, maudissait ce manque de diplomatie.
– Euh... Oui, tout va bien. Il s'est parfaitement intégré au monde Moldu. Et il ne m'insulte plus...
Le silence se fit quelques instants, le temps que les deux femmes s'arment chacune d'un rouleau à pâtisserie. Elles étalèrent la pâte sur la table enfarinée. Hermione avait les yeux rivés sur son abaisse, sachant pertinemment que sa chère et tendre mère adorée ne se contenterait pas d'une réponse aussi fade. Et en effet, quelques secondes plus tard, alors qu'elle choisissait ses emporte-pièce avec soin – un sapin, une étoile filante et un ourson – la suite arriva :
– Hermione, ma chérie... Tu sais très bien de quoi je parle. Ce jeune homme est très bien.
– Maman...
– Je sais que vous avec un passé pas vraiment reluisant, tous les deux, mais... Il a changé, non ? Je suis certaine que toi aussi tu l'as remarqué, sourit-elle malicieusement. Tu l'as remarqué, n'est-ce pas ?
– Oui, maman, je l'ai remarqué, ânonna Hermione, blasée.
– Et je suis certaine que tu as aussi remarqué la façon dont il te regarde...
– Maman !
– Quoi ? Il te mange des yeux à chaque fois que vous vous trouvez dans la même pièce. Et ne me dit pas que ça ne te fait rien, tu fais pareil !
Hermione ne dit rien, le temps de mettre les petits sablés dans le four, espérant que sa mère changerait de sujet. Mais peine perdue. C'était d'elle qu'elle avait hérité sa ténacité.
– Ma chérie, insista Maggie en prenant sa fille par les épaules. Vous avez vingt ans tous les deux, vous vous connaissez depuis l'âge de onze ans... Même si vous ne vous entendiez pas à l'époque, vous avez tout de même vécu certaines choses qui ont fait que vous avez un passé commun. Et il est donc normal que vous vous rapprochiez. Il n'y a pas de mal à ça...
– Ce n'est pas le problème, maman, céda enfin Hermione.
– Ah ? Et quel est donc ce problème ? Te connaissant toi, je pense que cela n'a rien à voir avec son passé, ni même avec ce que les gens pourraient penser.
– Non, tu as raison, ça n'a rien à voir avec ça...
Hermione s'assit face à la table, soudain accablée, posant son menton dans ses mains. Maggie prit place sur la chaise à côté et posa une main apaisante sur son épaule, le regard tendre vers sa fille, qui connaissait parfaitement cette lueur dans ses yeux. Une lueur qui lui disait « vas-y mon bébé, raconte à maman ce qui ne va pas... ».
– C'est plus compliqué que ça, expliqua-t-elle enfin. Drago et moi ne pouvons pas nous rapprocher de cette façon-là avant la fin de son contrat.
– Et pourquoi donc ? demanda la mère, interloquée.
– C'est une clause imposée par le Ministère, pour éviter les abus. Il pourrait être accusé de m'avoir manipulée pour que je valide son Insertion. Et si jamais il se passe quelque chose entre nous et que cela vient à se savoir, il sera obligé d'aller vivre chez d'autres Moldus et moi, je perdrai ma fonction de Tutorat.
– Oh, je vois...
– Mais il y a autre chose... continua Hermione, qui, maintenant qu'elle était lancée, trouvait que c'était une bonne idée de se confier à sa mère.
– C'est quoi ?
– Et bien... Je crois que... Hum. Je pense que je suis peut-être...
Hermione souffla, submergée par la véracité de ce dont elle avait fini par se rendre compte, et des conséquences de sa prise de conscience.
– Que tu es peut-être... ? l'encouragea-t-elle à continuer.
– Je pense que je suis amoureuse de lui, lâcha-t-elle enfin.
– Mais c'est une merveilleuse nouvelle ! s'extasia la femme en prenant sa fille déconfite dans ses bras.
– Non, maman, ça n'en est pas une...
– Bien sûr que si, enfin ! Et je suis persuadée que lui aussi !
– Alors là, tu vois, je doute fortement de ça ! s'esclaffa Hermione.
Mais son rire sonna faux, même à ses propres oreilles.
– Et qu'est-ce qui te fait dire ça ? Tu lui as demandé ?
– NON ! Bien sûr que non !
– Alors...
– Alors ? Et bien, rien de plus simple : il est Drago Malefoy. Et Drago Malefoy ne tombe pas amoureux.
Maggie n'insista pas. De toute façon, la sonnerie du four annonça la fin de la discussion, au grand soulagement d'Hermione qui se précipita pour retirer les biscuits tout chaud. Puis, voyant l'heure, elles décrétèrent qu'il était trop tard pour l'emballage des cadeaux. Il faudrait trouver une autre excuse pour mettre les hommes dehors une prochaine fois.
Hermione s'excusa et monta dans sa chambre, laissant sa mère seule dans la cuisine.
Alors comme ça, Drago Malefoy ne tombe pas amoureux ?
– L'ancien, peut-être... remarqua Maggie à voix haute. Mais le nouveau, ça...
