Chapitre 14 -La déclaration

Quelques minutes plus tard, un grand tumulte se fit entendre dans le salon. Hermione et Maggie se précipitèrent pour dégager le passage aux deux hommes qui portaient leur lourd fardeau. Après plusieurs tergiversations, tentatives et autre ahanements – le sapin était vraiment imposant – il fut décidé qu'il serait installé près de la cheminée.

Hermione lança la lecture du CD pendant que Drago et Jack allaient enlever leurs manteaux et leurs bottes et que Maggie ouvrait le carton de décorations. Aussitôt après, de joyeux chants de Noël se firent entendre et l'ambiance se colora d'une douce atmosphère festive. Le sourire de pure joie qu'affichait Hermione ne quittait pas ses lèvres, et Drago ne put que sentir son cœur s'emballer devant ce spectacle.

– Alors ? On les accroche, ces guirlandes ? s'impatienta Jack, pressé de goûter aux biscuits dont la bonne odeur s'échappait de la cuisine.

Maggie sortit une à une les grosses boules brillantes ainsi que la guirlande électrique sous l'œil perplexe de Drago. Hermione s'approcha de lui et murmura à son intention :

– Tu n'as jamais fait ça, n'est-ce pas ?

Aucune moquerie dans ses propos et Drago n'eut aucun mal à lui répondre sur le même ton.

– Non... Mais je suis certain que tu vas m'apprendre.

Il sourit et Hermione sentit son cœur chavirer. Depuis quelques temps déjà, son cœur se comportait de la sorte en présence de Drago. Et c'est de cette façon qu'elle avait fini par se rendre compte – à son plus grand désarroi – que ses sentiments pour lui avaient changé.

– Oui, tu as raison. Je vais te montrer.

Elle prit la guirlande lumineuse et s'approcha du sapin, Drago derrière elle.

– On commence toujours par celle-là. Comme ça, quand on la branchera, les petites lampes éclaireront tout ce que l'on mettra par-dessus.

Il l'aida à l'installer parmi les nombreuses branches, grimaçant par moment quand une aiguille griffait ses doigts. Mais il ne se plaignit pas le moins du monde.

– Ensuite, l'informa Jack à son tour, tu prends une boule, n'importe laquelle, et tu la mets n'importe où, et ainsi de suite jusqu'à ce que ce pauvre sapin en soit recouvert.

Il sourit à sa femme qui lui en tendait deux de différentes couleurs, en chantant l'air joyeux qui se faisait entendre. Drago s'exécuta, accrochant des boules par-ci par-là. Il se saisit ensuite de quelques guirlandes colorées qu'il déposa un peu partout, en imitant Jack, et se reculait de temps en temps pour contempler son œuvre, un sourire extatique et satisfait aux lèvres. Il se retourna pour en prendre une dernière et se figea sur place, son cœur ratant un battement : Hermione, une longue guirlande aux franges rouges et brillantes dans les mains et la tête légèrement penchée sur le côté, le regardait avec une telle tendresse qu'il eut soudain envie de la serrer dans ses bras, et, bizarrement, la présence de Jack et Maggie ne le gênait pas du tout.

Hermione sembla reprendre ses esprits lorsque la musique changea. En riant, Jack entraina sa femme dans une espèce de valse assez sportive, lui faisant faire le tour du salon au rythme des notes qui sortait des enceintes. Drago, les yeux soudain rieurs s'approcha d'une Hermione tétanisée qui arrêta de respirer. Il lui prit la guirlande des mains et l'enroula autour de son cou gracile à la manière d'un boa de plumes. Puis, se penchant vers elle dans une révérence théâtrale et joyeusement exagérée, il lui tendit une main :

– Ma chère, m'accorderiez-vous cette danse ?

– Mais avec plaisir, mon cher ! répondit-elle en gloussant, les joues tout de même colorées d'un rouge soutenu.

Et elle cria en riant alors qu'il l'entrainait rapidement à la suite de l'autre couple qui tourbillonnait non loin d'eux. On n'entendit alors plus que des rires et des plaisanteries, au son de la musique et des cris que Maggie poussait quand son mari lui écrasait les pieds. Mais lorsque la musique cessa, ce furent quatre personnes qui s'écroulèrent dans un bel ensemble sur le canapé, complètement hilares et essoufflées, les joues rougies et les cheveux en bataille.

Alors qu'ils reprenaient leur souffle, Jack se leva et se dirigea vers le sapin alors que Maggie fermait les volets pour assombrir le salon.

– Et maintenant, les enfants, contemplons notre chef-d'œuvre...

Il appuya sur l'interrupteur de la guirlande lumineuse qui se mit à clignoter dans un mélange de petites lumières rouges, bleues, vertes et jaunes. Donnant à la pièce une atmosphère feutrée et agréable.

– Jack, fit Maggie doucement, interpelant son mari. Viens avec moi à la cuisine pour chercher le thé et les biscuits.

Il la suivit sans rien dire, et Drago et Hermione se retrouvèrent seuls, encore avachis côte à côte sur le canapé.

La pénombre les entourait, seulement éclairés par les petits clignotements lumineux et colorés qui se reflétaient sur les boules brillantes et dans leurs yeux. Hermione fixait le sapin, les pensées encore tournées vers le moment où Drago l'avait faite danser autour de la table du salon, une main tenant fermement la sienne et l'autre posées sur sa hanche, les yeux criants de joie non contenue. Drago ne regardait plus devant lui. Le sapin était magnifique, oui, mais son regard et toute son attention étaient tournés vers celle qui lui procurait toutes les sensations inconnues qui l'assaillaient depuis quelques temps déjà. Ça et aussi vers sa main qui tenait encore la sienne, se rendant compte qu'il avait oublié de la lâcher quand ils s'étaient affalés sur le canapé. Mais elle n'avait pas non plus enlevé sa main.

Alors, mu par il ne savait quel élan d'inconscience, il porta ses doigts entremêlés aux siens à ses lèvres. Le geste eut le don de sortir Hermione de sa torpeur et ses yeux se plantèrent dans les siens, pour ne plus les lâcher. Ils étaient proches. Trop proche, et Hermione perdit les pédales. Sans vraiment comprendre pour quelle raison son corps agissait de la sorte, alors qu'elle savait pertinemment qu'elle n'en avait pas le droit, elle rapprocha son visage du sien. Une partie de son cerveau – celle encore en mesure de réfléchir à peu près correctement – lui fit remarquer que c'était la troisième fois qu'ils étaient aussi proches de s'embrasser. Elle se souvint aussi que la première fois, dans la salle de bain, il l'avait repoussée. La deuxième fois, ils s'étaient fait bousculer. Qu'allait-il se passer cette fois-ci ?

Elle n'eut pas l'occasion de réfléchir d'avantage que déjà Drago avait posé son autre main contre sa joue, la rapprochant encore d'avantage de lui. Puis, le cœur battant tellement fort qu'il en avait les oreilles bourdonnantes, il posa doucement ses lèvres sur celles d'Hermione.

Il n'eut même pas le temps d'en apprécier la saveur que la sonnette retentit à l'entrée, faisant éclater la magie du moment comme une bulle de savon.

– Fais chier ! gronda Drago en s'éloignant d'Hermione qui était restée figée.

Puis, semblant réaliser quelque chose, il se leva et monta les escaliers quatre à quatre, au moment où les lumières se rallumaient dans le salon et que Jack allait ouvrir à cet imbécile qui avait gâché leur premier baiser.

Quand Drago arriva en haut des escaliers, la voix de celui qui venait d'arriver parvint à ses oreilles et le mit dans une telle rage qu'il en claqua la porte de sa chambre. Cela faisait un moment qu'il n'avait pas ressenti une telle colère. Mais là, tout de suite, alors qu'il avait encore la sensation de la douceur d'Hermione sur les lèvres, il ne put s'empêcher de grogner d'exaspération.

Contre Samuel, tout d'abord, abruti de bellâtre Moldu toujours accroché aux basques de sa douce Hermione. S'il n'avait pas décidé de ce moment-là pour lui pourrir la vie une fois de plus, il serait peut-être encore en train d'embrasser Hermione ! Il aurait pu goûter pleinement à ses lèvres, à sa langue, à sa bouche qu'il rêvait de dévorer depuis si longtemps !

Il en voulait à Hermione, aussi. De quoi, exactement ? Ça, il ne savait pas. Mais il savait qu'il lui en voulait. D'être si belle, si attirante, si attachante... De lui faire tellement envie. De faire battre son cœur à la limite de la crise cardiaque à chaque fois qu'il la voyait... Il ne savait pas pourquoi, mais il était aussi en colère contre elle... Un peu.

Mais surtout, il s'en voulait à lui-même. Il avait pris une décision, par Salazar ! Il avait décidé d'arrêter de jouer avec elle. Et voilà qu'il l'embrassait ! Et pire que tout, il avait une furieuse envie de recommencer, là, tout de suite. Peu importaient les parents Granger, cet abruti de Samuel, le Ministère... Là, tout de suite, il s'en foutait comme de son premier chaudron ! Tout ce qu'il voulait, lui, c'était encore une fois poser sa bouche sur celle d'Hermione... Et serrer son corps contre le sien, aussi... Oh, et puis la déshabiller... La caresser et l'entendre gémir... Et puis lui faire l'amour, encore et encore...

– AAAAAAHHHH !

Le cri de rage sortit de sa bouche sans qu'il ne s'en aperçoive, fulminant devant ce que son esprit lui montrait.

Un éclat de rire masculin se fit entendre depuis le rez-de-chaussée, et il se souvint que Samuel était en bas avec Hermione. Et si ses parents l'avaient laissée seule avec lui ? Comme ils l'avaient fait pour eux un peu plus tôt ? Et si elle décidait que de coucher avec Samuel était une bonne idée, maintenant qu'il lui avait dit vouloir arrêter de jouer ? Et si elle finissait par se rendre compte des intentions de Samuel à son égard ? Drago, accablé par ses sombres pensées écarquilla soudain les yeux, se figeant au milieu de sa chambre. Et si Hermione voulait se marier et comprenait qu'il était préférable de le faire avec un simple Moldu très gentil à la place d'un ancien Mangemort qui lui avait pourri l'existence pendant trop longtemps ? Son cœur se serra tout à coup dans sa poitrine. Et s'il la perdait ? Non ! Il ne la perdrait pas. Il allait de ce pas la rejoindre dans le salon. Il allait jouer les trouble-fêtes comme Samuel l'avait fait un peu plus tôt pour eux ! Voilà ! Il allait faire ça !

Tout doucement, sans faire de bruit, il descendit les escaliers, voulant arriver au moment le plus opportun pour lui... Mais il stoppa net, le cœur au bord des lèvres, alors qu'il entendait Samuel demander à Jack et Maggie s'il pourrait parler à leur fille en privé.

De là où il était – c'est-à-dire pile au coin de l'entrée du couloir – il pouvait les épier sans être vu. Il les voyait de profil, assis sur le canapé, inconscients d'être observés. Samuel était assis face à Hermione, les joues rosées et le regard incertain.

– Mimie... souffla-t-il en rougissant d'avantage. Il y a un moment que je veux te parler.

– Je t'écoute, l'encouragea-t-elle en souriant.

Et Drago – tout comme Samuel, il en était certain – avait l'impression qu'Hermione ne s'attendait pas du tout à ce qu'il allait lui dire. Ce qui rendit le Moldu encore moins sûr de lui et fit presque rire Drago... Presque.

– Voilà... Heu...

Il lui prit la main et Drago grinça des dents.

– Samy, qu'est-ce que tu as ? s'inquiéta Hermione. Je ne t'ai jamais vu aussi stressé. Est-ce que tout va bien ?

– Non. En fait, tout ne va pas bien, répondit-il après avoir soufflé plusieurs fois. Mais je suis certain que ça va bientôt aller mieux...

– Là tu m'inquiètes ! Il y a un problème avec Quentin ? Il ne lui est rien arrivé de grave, au moins ?

Samuel secoua la tête, un sourire indulgent aux lèvres, à l'instar de celui de Drago qui reconnaissait bien là sa Gryffondor : toujours à s'inquiéter pour les autres.

– Non, tu n'y es pas du tout... Quentin va très bien. En fait c'est plutôt que...

Il s'arrêta de parler, souffla encore une fois pour se donner du courage, et Drago s'accrocha tellement fort à la rampe de l'escalier que ses phalanges blanchirent dangereusement. Le moment allait arriver, il le savait. Il devait intervenir, avant qu'il ne soit trop tard. Mais une idée malsaine lui vint alors à l'esprit : il devait écouter cette conversation. Il devait connaitre le point de vue d'Hermione. Il fallait qu'il connaisse ses intentions. Et il aviserait ensuite, en fonction de la teneur de celles-ci... Alors, se mordant les lèvres presque jusqu'au sang, il écouta attentivement.

– Bon, Hermione, voilà. J'ai quelque chose à te dire, et je voudrais que tu m'écoutes jusqu'au bout sans m'interrompre, d'accord ?

– D'accord.

– Voilà... Heu... On se connait depuis longtemps, toi et moi. Et on a toujours été très proches. Quand tu es partie dans cette école spéciale, j'étais perdu, comme abandonné. Et je me suis rendu compte que tu me manquais. Mais j'étais trop jeune et je n'ai pas compris, à l'époque, ce que ça voulait vraiment dire. Les années ont passé, nous avons grandi et nous nous sommes éloignés. Chacun ayant sa propre vie à vivre de son côté. Mais quand je t'ai revue, au mois de juillet, ça m'a fait quelque chose. Au début, je pensais que c'était seulement la joie de te revoir après une aussi longue période, mais en fait, j'y ai beaucoup réfléchi. Et j'en suis venu à une autre conclusion. Et cette conclusion, c'est celle qui me pousse aujourd'hui à te demander...

Il s'arrêta quelques instants, reprenant son souffle et s'armant de courage.

– Te demander si tu voudrais bien m'accompagner en vacances. Je pars dans quelques jours pour trois semaines dans un chalet à la montagne. Et je voudrais que tu viennes avec moi. On ne serait que tous les deux et on pourrait, je ne sais pas... Se retrouver... Apprendre à se connaitre autrement que quand nous étions gamins. Nous avons vingt ans tous les deux. Et je suis sûr qu'il y a des tas de choses que nous pourrions faire ensemble... Je... Tu me plais, Hermione, vraiment beaucoup. Et... enfin... Je voudrais construire quelque chose avec toi. Voilà.

Samuel souffla, les joues écarlates, soulagé et terrorisé à la fois. Hermione n'avait pas bougé et le regardait, les yeux écarquillés de stupeur.

Drago, lui, était atterré. Son cœur cognait avec une telle force contre ses côtes qu'il avait l'impression qu'il faisait tout pour qu'Hermione l'entende et se rappelle de sa présence. Comment pouvait-elle refuser quoi que ce soit à cet homme, après une déclaration comme celle-ci ? Si honnête et innocente à la fois ? Drago ne décelait aucune malhonnêteté dans ses propos, aucune tentative d'entourloupe. Pourtant, il savait les reconnaître. Il en avait lui-même usé et abusé à de trop nombreuses reprises à chaque fois qu'il voulait mettre une fille dans son lit, à Poudlard ! Alors soit ce Samuel était vraiment très fort, un acteur hors pair, ou alors, ses sentiments étaient d'une sincérité désarmante. Et c'était plutôt ce que pensa Drago, et qui lui fit encore plus mal. Samuel aimait Hermione. Vraiment. Sincèrement. Et depuis longtemps, apparemment. Si l'enjeu ne le concernait pas autant, Drago aurait très facilement pu aller secouer Hermione – d'ailleurs toujours immobile – et lui dire de se dépêcher de répondre à ce pauvre garçon qui se ratatinait un peu plus à chaque seconde. Mais Drago ne pouvait pas faire ça. Jamais de la vie. Il voulait Hermione. Il ne savait pas encore de quelle façon, ni avec quelle intensité – ou du moins ne voulait-il pas le savoir – mais il la voulait. Et tant qu'elle ne répondait pas, il avait peut-être encore sa chance.

Tant qu'elle ne répondait pas... Mais elle semblait ne plus respirer non plus. Et ça, c'était autrement plus inquiétant. Samuel semblait en être venu aux mêmes conclusions quand il l'interpela, une appréhension certaine dans la voix.

– Hermione ? Dis quelque chose, je t'en prie...

– Heu... Disons que c'est... un peu... inattendu... répondit enfin la jeune femme, reprenant finalement ses esprits.

Samuel se redressa, impatient et effrayé à la fois d'écouter ce qu'elle allait répondre. Il ne savait pas que Drago était dans le même état. Hermione souffla pour se donner du courage, complètement inconsciente des oreilles qui étaient à l'affût du moindre de ses mots. Elle adorait Samuel. Elle ne voulait pas lui faire de mal. Et, même si elle avait fini par soupçonner qu'elle lui plaisait bien, elle ne pensait vraiment pas que c'était à ce point-là.

– Samy, commença-t-elle en prenant ses mains dans les siennes.

Et Drago tomba assis sur la dernière marche, attendant la sentence.

– Ce que tu m'as dit là est... comment dire... Extrêmement plaisant à entendre. Et comme tu l'as dit, nous avons grandi et avons chacun construit notre vie de notre côté.

Elle fit une pause, ne sachant pas combien elle mettait ses interlocuteurs au supplice. Elle savait ce qu'elle voulait lui dire, mais ne savait pas comment lui dire. Elle réfléchit encore quelques secondes, puis se lança, décidant d'un autre angle d'attaque que celui prévu au départ :

– Je t'ai toujours beaucoup aimé, Sam, et toute femme aurait adoré entendre les mots que tu viens de prononcer...

– Mais pas toi... devina Samuel, dépité.

– Non. Pas moi, accorda-t-elle. Je suis persuadée qu'il y a quelqu'un, quelque part, qui t'attends... Tu ne l'as peut-être pas encore rencontrée.

– Si, Mimie, je l'ai déjà rencontrée. Et c'est toi.

– Sam, je suis désolée, mais... Je ne t'ai jamais vu autrement que comme un ami. Un extraordinaire et adorable ami. Mais pas autre chose...

– Alors pars avec moi ! insista-t-il. Viens avec moi dans ce chalet ! Je te promets de ne pas te forcer la main. Je veux juste que tu ouvres les yeux, sur moi... Sur nous. Et si au bout de ces trois semaines, tu n'es toujours pas convaincue, je te jure de laisser tomber... S'il te plaît !

– Non, Sam, assena-t-elle en fermant les yeux, malheureuse pour lui. Je ne peux pas.

– Alors c'est ça, n'est-ce pas ?

– Quoi ? demanda Hermione qui rouvrit soudainement les yeux.

– Hermione. Réponds seulement à ma question, veux-tu ? Est-ce que oui ou non, il y a déjà un homme dans ta vie ?

La Gryffondor ouvrit la bouche, puis la referma, puis recommença, à plusieurs reprises, incapable de répondre à cette question. Avait-elle un homme dans sa vie ? Pouvait-elle considérer que Drago faisait partie de sa vie ? Le Serpentard faisait partie de sa vie, oui, mais était-ce de la façon dont Samuel l'entendait ? De cela, elle en doutait. Depuis quelques temps, elle s'était rendu compte de ses sentiments pour Drago. Mais elle était persuadée qu'il ne ressentait pas les mêmes. Une fois son contrat terminé, qu'adviendrait-il d'eux ? Une fois qu'ils auraient assouvi ce désir fou qui les tiraillait depuis si longtemps, qu'arriverait-il ensuite ? Repartirait-il chez lui, dans son manoir ? Reprendrait-il sa vie d'avant ? Épouserait-il une Sang-Pur de son rang ?

– Euh... je... commença-t-elle en baissant la tête, les yeux rivés sur ses doigts agrippés au tissu de sa robe en coton.

– C'est ce Drago ?

Elle releva subitement la tête, sans savoir que Drago avait sorti son visage de ses mains dans lesquelles il s'était caché, oubliant même de respirer.

– C'est lui, n'est-ce pas ? C'est pour lui que tu refuses de venir avec moi... constata Samuel, non sans une inhabituelle amertume dans la voix.

– Non, ce n'est... pas...

– Mais es-tu sûre de lui ? insista-t-il en la regardant dans les yeux. Il habite ici pour votre soi-disant projet d'étude... Mais qu'en sera-t-il lorsque ce sera terminé ? Tu penses qu'il restera avec toi ? Ou bien il se sert uniquement de toi pour arriver à ses fins ?

Hermione avait les larmes aux yeux. Pourtant, il n'y avait aucune méchanceté dans les propos de Samuel. Il lui posait juste de simples questions, s'inquiétant réellement pour elle.

– Hermione, regarde-moi. Est-ce que Drago t'a fait une promesse à laquelle tu pourrais te rattacher ? Une promesse d'avenir ? Quelque chose que tu pourrais construire avec lui ?

La Gryffondor pleurait, maintenant, et Drago s'affaissait de plus en plus contre la marche de l'escalier, le cœur au bord des lèvres et un poids énorme dans la poitrine.

– Mimie, une dernière question, ma belle. Est-ce que Drago t'aime autant que toi, tu l'aimes ?

Puis, dans le silence seulement troublé par les sanglots d'Hermione, Samuel se leva, déposa un tendre baiser sur le sommet de sa tête et partit.

Ce n'est qu'une fois qu'elle entendit la porte d'entrée claquer qu'elle se leva à son tour, rageuse et malheureuse. D'un mouvement brusque, elle sortit un pot d'une cachette derrière la cheminée, attrapa une poignée de poudre qu'elle jeta avec colère dans les flammes qui verdirent instantanément, et, de lourds sanglots dans la voix, elle cria :

– Le Terrier !

Et elle disparut.

En bas des marches de l'escalier, un Drago complètement anéanti et le cœur en lambeaux, fixait sans les voir les flammes dans lesquelles Hermione, en larmes, venait de disparaitre. La dernière question de Samuel tournant et retournant dans sa tête, comme pour qu'il se rende bien compte de l'énormité de ce qu'il venait de réaliser. Une poigne forte sur son épaule le fit sursauter et il se retourna vivement pour se retrouver nez à nez avec Jack et Maggie, un sourire compatissant sur les lèvres. Il avait légèrement oublié le passage entre la cuisine et le couloir... Il n'avait donc pas été le seul à épier la conversation entre Hermione et Samuel. Et pire – il s'en rendait compte à présent – ils avaient été cachés derrière lui depuis le tout début ! Ne manquant donc aucune de ses réactions...

– Te voilà rassuré, fiston, assena Jack, la main toujours sur son épaule.

Drago le regarda, incertain, ne comprenant pas ce qu'il entendait par là.

– Hermione ne part pas avec Samuel, expliqua Maggie.

– Tu as donc toutes tes chances, ajouta le père de famille, devant les yeux incrédules de Drago qui n'en croyait pas ses oreilles.

– Mais... Je... Enfin...

– Ne te fatigue pas, va... Nous aussi avons été jeunes, rit Jack avec un clin d'œil.

– Et ne t'inquiète pas, le rassura Maggie. Elle est partie faire un petit tour pour voir Harry et Ron...

– Et sûrement demander un conseil ou deux à Ginny et Luna... rajouta Jack en levant les yeux au ciel.

Drago resta abasourdi. Cette situation lui paraissait complètement irréelle : non seulement les parents d'Hermione ne lui en voulaient pas d'avoir écouté aux portes, mais en plus, ils semblaient avoir compris beaucoup de choses. Peut-être un peu trop, d'ailleurs, à son avis.

– Quoi qu'il en soit, termina Jack, l'air de rien, ce que le Ministère ne sait pas, ne peut pas lui faire de tort...

Et ils le laissèrent là, dans les escaliers, encore plus perdu qu'il ne l'était avant, et le cœur au bord de l'implosion.