Destination : Mexique
Le portail venait de s'ouvrir sur Midgard, le vingt-et-un décembre deux-mille-douze. Loki s'était désintéressé du sort de la petite planète bleue depuis qu'il était arrivé au TVA, conscient qu'il ne remettrait pas les pieds là-bas autrement que pour traquer son autre lui. Le royaume des humains n'était de toute manière qu'un pavé sur son chemin, une conquête qu'il pensait gagner mais qui s'était terminée par l'une de ses pires défaites. Aussi, lorsque Mobius lui avait annoncé qu'ils avaient une nouvelle piste du côté de la Terre – une piste sérieuse et réelle cette fois-ci – le dieu avait haussé les épaules puis l'avait suivi sans se préoccuper de l'endroit où ils allaient apparaître. Il était bien plus curieux de revoir son variant que la planète où il s'était fait battre par les Avengers et aplatir par un Hulk un peu trop violent.
« N'oubliez pas que ce Loki est aussi fourbe que les autres, rappela B-15. Si quelque chose vous paraît suspect, ne vous laissez pas surprendre. Il a fait assez de dégâts dans nos rangs. »
Elle ponctua sa phrase par un regard noir adressé au dieu du chaos qui leva les yeux au ciel. Il n'y était pour rien si son autre avait la fâcheuse manie de vouloir tuer tout le monde. Alors que les chasseurs formaient deux groupes distincts, Loki se rapprocha de Mobius, sachant qu'il s'agissait de la seule personne qui hésiterait avant de l'abattre si un problème devait survenir.
« Il se passe quoi en deux-mille-douze ? s'enquit le frère de Thor.
— Une prédiction de fin du monde, répondit l'analyste sans cacher son sourire.
— Depuis quand une apocalypse vous met de si bonne humeur ?
— Ce n'en est pas une, pas vraiment. Des humains ont tenté d'interpréter des signes sur une stèle et ont conclu que ce serait la fin de leur monde.
— Si tout est faux, pour quelle raison croyez-vous trouver mon variant ici ?
— Il y a eu plusieurs débordements à cause de cette histoire de fin du monde, avec une montée de violences de la part des populations. »
Ainsi, son autre aurait pu se dissimuler derrière autant de chaos sans être repéré par le TVA. Loki reconnaissait que c'était assez astucieux, lui-même n'aurait peut-être pas fait mieux – ou tout du moins, il l'aurait fait d'une autre façon. Leur groupe se glissa parmi des humains en train de célébrer ce qu'ils pensaient être l'arrivée imminente de la fin du compte-long. Le site maya de Tikal était noir de monde, et le dieu du chaos ressentait les vibrations de tous ces gens en quête d'une vie après la mort.
« N'y songez pas, l'avertit Mobius en le voyant s'arrêter au pied de l'un des temples.
— Vous devenez lassant, répliqua Loki avec un rictus. Regardez cet endroit, ce serait une belle destination de vacances.
— Quand comprendrez-vous enfin que je n'ai pas, n'ai jamais eu et n'aurai jamais de vacances ? J'ai un travail, Loki. Et je suis là pour empêcher que le Flux Temporel Sacré ne soit mis en morceaux par des variants un peu trop susceptibles.
— Est-ce que le TVA vous a un jour remercié pour ce que vous faîtes ? tempêta le dieu. Si vous êtes un aussi bon employé, pourquoi n'avez-vous pas droit à un peu de temps pour vous ? »
Mobius était sur le point de rétorquer lorsqu'ils furent interrompus par l'un des chasseurs, alarmé. Loki perçut le changement dans l'atmosphère alors que le ciel se couvrait de nuages noirs. Un murmure parcourut l'ensemble des personnes présentes sur les lieux tandis qu'une lueur verte illuminait le plus haut point de la pyramide principale. Le frère de Thor usa de ses sens pour repérer son autre, sachant pertinemment que cet éclat émeraude était là pour détourner l'attention. Il avisa un mouvement dans la foule et s'empressa de suivre la silhouette encapuchonnée, sans tenir compte des supplications de l'analyste. Le dieu ne pouvait pas laisser passer l'occasion de remettre la main sur le variant, il avait besoin d'entrevoir ce qu'il aurait pu être dans une autre chronologie.
Il retrouva l'autre derrière l'un des temples mayas, à l'abri des regards. Lorsque la capuche s'abaissa, Loki eut la surprise de découvrir un visage féminin dont les traits étaient marqués par la colère. Il eut juste le temps d'éviter un coup de poing de la part de l'autre, esquivant avant d'attaquer à son tour. La variante finit par le pousser contre la pierre du temple, plaçant un poignard sur sa gorge.
« Pourquoi es-tu de leur côté ? persifla-t-elle en appuyant sur la lame.
— Peut-être parce que je voulais vivre ? répondit Loki.
— Le TVA n'est qu'un nœud de mensonges, tu aurais dû t'en rendre compte si tu étais un vrai Loki !
— Je n'ai pas foi en eux, si c'est ce que tu crois. Mais je préfère survivre plutôt que d'être désintégré ! Et je te ferai remarquer que tu n'es pas si douée puisque je sais exactement comment tu réfléchis, Loki.
— Ne m'appelle pas comme ça ! Je ne suis pas toi.
— Lâchez-le ! tonna la voix de Mobius à quelques pas d'eux. »
L'analyste avait activé son bâton de désintégration et semblait déterminé à éliminer la variante. Elle plissa les paupières en avisant l'absence de chasseurs, notant que l'agent du TVA ne paraissait pas prêt à sacrifier Loki, sans quoi il les aurait déjà détruits. Un sourire amusé vint ourler ses lèvres lorsqu'elle s'éloigna de son double masculin, lui redonnant sa liberté tout en activant le time-pad qu'elle avait en permanence avec elle.
« Je suis Sylvie, lança-t-elle à Loki en croisant son regard. »
Puis elle disparut aussi vite, sans permettre au dieu de comprendre l'échange qui venait d'avoir lieu. Il se massa la gorge avec une grimace, sentant sous ses doigts la légère entaille due au poignard de son autre. Mobius le rejoignit et posa une main sur son épaule en lui demandant si tout allait bien, l'observant avec une lueur d'inquiétude dans ses yeux bleus.
« Je crois que j'ai besoin de vacances, répondit Loki avec un air malicieux. »
Mais son esprit, lui, débordait de mille questions sur cette Sylvie. Quelles étaient ses motivations ? Pourquoi n'avait-elle pas profité de sa faiblesse pour le tuer ? Qu'avait-elle vu pour changer ainsi d'avis ? Il soupira, devinant que les prochains jours seraient sans doute épuisants s'ils ne réussissaient pas à la piéger une bonne fois pour toutes.
Note : J'ai placé l'anecdote du vingt-et-un décembre deux-mille-douze parce que je trouvais qu'elle s'intégrerait bien dans le contexte de la série. J'ai pris le site de Tikal parce qu'il a subi des débordements à cause des prédictions de fin du monde, en raison des célébrations qui ont eu lieu (comme plusieurs autres sites archéologiques des environs).