A la recherche du variant perdu


« Je vais avoir besoin de vous, déclara Mobius en surgissant avec brusquerie près du bureau qu'occupait Loki. »

Le dieu releva les yeux du dossier qu'il feuilletait, intrigué par l'expression affolée qu'arborait l'analyste. Il l'avait rarement vu dans cet état, la dernière fois remontait à leur expédition sur une planète presque en ruines lorsque leur time-pad avait eu quelques défaillances pour leur ouvrir une porte de retour. Il reposa le rapport sur une non-apocalypse empêchée par un ange, un démon et un enfant – une longue histoire étrange selon lui – puis suivit l'agent dans les couloirs, l'écoutant parler d'une oreille très attentive. Mobius l'informa que le TVA avait capturé un variant de Steve Rogers mais il y avait eu un petit imprévu, le Captain ayant décidé d'échapper à ses gardiens pour aller se terrer dans leurs locaux. Ils étaient certains qu'il n'avait pas quitté les lieux car il ne possédait pas de time-pad et ils n'avaient découvert aucun nouveau nexus à la suite de sa tentative de fuite.

Loki n'était pas contre l'idée de venir en aide aux minuteurs, bien qu'il fût surtout prêt à donner un coup de main à Mobius dont la panique ne cessait de croître, mais il n'avait pas la force de lutter contre Rogers alors qu'il ne possédait ni pouvoir, ni arme pour se défendre. L'analyste le conduisit aux casiers du personnel où il récupéra deux dagues de belle facture qu'il lui tendit. Le dieu les saisit avec admiration avant de croiser le regard de Mobius qui lui adressait un mince sourire.

« Vous n'avez pas peur de me donner ceci ? s'enquit Loki. Je pourrais vous poignarder et en profiter pour partir.

— Mais vous ne le ferez pas, répondit l'agent. J'ai foi en vous et j'espère que c'est suffisant pour vous le prouver.

— Thor lui-même n'était pas assez fou pour m'offrir des objets tranchants.

— Je le sais. Vous avez eu l'habitude de donner, que ce soient des coups ou des injures, ou du mépris, mais jamais de recevoir. Alors prenez ça comme un cadeau de ma part. »

Le dieu du chaos n'eut pas le temps de répliquer, Mobius l'entraînait déjà à la chasse au variant sans se préoccuper d'être trahi ou non. Touché par cette nouvelle marque de confiance qui dépassait tout ce à quoi il aurait pu s'attendre, Loki prit au sérieux la poursuite de Rogers. L'analyste lui raconta quelques détails à propos de ce variant pendant qu'ils exploraient le TVA, lui indiquant que l'apparence physique du Captain était celle que le dieu connaissait déjà, avec sa carrure améliorée par le super-sérum et son costume aux couleurs de l'Amérique. Ce Rogers-là avait décidé de tuer Stark en Sibérie à la suite d'un conflit entre les Avengers, créant donc un nexus puisque Iron Man était censé survivre assez longtemps pour se sacrifier face à Thanos et ses armées. C'était donc un Captain America plus âgé et expérimenté que celui qu'avait vu Loki, plus féroce aussi s'il avait mis fin à la vie de Stark.

Le corps d'un chasseur vola dans leur direction, s'écrasant à quelques centimètres de leur position en poussant un gémissement plaintif. Il n'était pas difficile de comprendre que le variant était dans les parages et ils redoublèrent de prudence en constatant que Rogers laissait derrière lui plusieurs agents inconscients, dont certains assez mal en point. Mobius s'assurait de prévenir plusieurs de ses collègues afin d'aider et soigner les chasseurs les plus blessés tandis que Loki veillait sur lui, ses dagues à la main. Ils trouvèrent enfin le Captain près du bureau de Ravonna, et donc non loin sûrement de l'endroit où devaient se cacher les Gardiens du Temps. Si le dieu fut tenté de permettre à Rogers d'entrer pour assouvir sa propre sécurité, il se rappela cependant que Mobius comptait sur lui et il préféra donc héler le superhéros.

Lorsque le Captain se retourna pour leur faire face, Loki distingua une étincelle de rage dans ses yeux. Il repoussa l'analyste derrière lui pour éviter qu'il ne fût la cible de Rogers, puis il s'avança vers Rogers qui n'hésita pas un seul instant avant d'attaquer. Les coups du héros étaient précis, durs, rapides mais le dieu avait l'habitude de combattre des montagnes de muscles, ayant eu plusieurs fois des désaccords avec Thor ou les amis de son frère. Il ne craignait pas de prendre une raclée mais la main que le Captain venait de serrer autour de sa gorge ressemblait un peu trop à ce qu'il avait observé sur l'écran de Mobius lors de son arrivée au TVA, cette séquence qui lui prouvait qu'il était bien mortel et que Thanos lui était supérieur.

« Je te connais, remarqua Rogers sur un ton incertain.

— Je suis Loki, peina à articuler le dieu. »

Il lut l'étonnement dans les yeux du Captain, sans doute en raison de sa peau bleue. Le superhéros se remit rapidement de sa surprise et le balança contre l'un des murs. Loki sentit la douleur irradier dans l'un des poignets mais il n'eut pas le temps de s'inquiéter car Rogers avait saisi Mobius par le col de sa chemise, le soulevant du sol comme s'il n'était qu'une poupée de chiffon.

« Donnez-moi l'un de vos instruments pour partir d'ici.

— Je ne suis qu'un humble employé, mentit l'agent avec aplomb, vous devriez voir ailleurs.

— Donnez-le moi ou je le récupèrerai sur votre dépouille. »

Une vive colère naquit dans l'esprit de Loki qui se releva en récupérant l'une de ses dagues de sa main intacte. Il fut assez silencieux pour arriver à la hauteur de Rogers et détourner ensuite son attention en le poignardant. Mobius intervint à son tour en brandissant son bâton de désintégration, faisant disparaître le variant de Captain America qui s'effrita sous leurs regards.

« Beau travail d'équipe, ironisa Ravonna au bout du couloir. »

Loki dut se retenir de lui répliquer qu'elle aurait pu les aider, s'occupant plutôt de vérifier que Mobius allait bien. L'analyste lui adressa un clin d'œil complice avant de jeter un coup d'œil à son poignet qui commençait déjà à enfler. Le dieu haussa les épaules en marmonnant qu'il avait l'habitude d'être blessé et que son sang divin ferait l'affaire. Il reprit ensuite sa deuxième dague, un sourire aux lèvres, heureux du présent que lui avait fait son ami.