Note : Plus ou moins une scène alternative dans Civil War.


Qui suis-je ?


Le journal télévisé retransmettait les images prises par les caméras à Lagos, zoomant sur l'immeuble dévasté par l'explosion de Rumlow. Assise sur son lit, Wanda ne parvenait pas à quitter l'écran des yeux, le ventre serré par la culpabilité, incapable de penser à autre chose qu'à tous ces cris qui s'étaient mis à résonner là-bas à cause de son geste désespéré. Elle n'était pas à sa place au sein des Avengers, elle n'était pas une héroïne et doutait de l'avoir été vraiment un jour. Si elle avait appris à maîtriser un peu plus ses pouvoirs pour ne pas les voir uniquement comme des armes – contrairement à ce qui lui avait été inculqué par Hydra – elle n'avait cependant pas les réflexes nécessaires pour protéger les gens.

« Tu as sauvé Rogers. »

La voix de Vision la fit sursauter, elle ne l'avait pas entendu entrer, focalisée sur les paroles accusatrices du présentateur. Elle observa l'androïde alors qu'il s'approchait d'une démarche humaine, sans voler, le corps encore un peu maladroit. D'une certaine manière, il était comme elle, il n'avait pas de rôle précis à jouer dans ce vaste monde, il était différent et possédait une magie étrange, venue d'une pierre qui les rassemblait. Elle avait trouvé en lui quelque chose qui lui manquait, une affection qui avait disparu avec la mort de Pietro. De temps en temps, elle recevait des nouvelles de Clint Barton qui lui répétait qu'il avait une dette envers sa famille – envers son jumeau, plus précisément, mais l'archer se rattrapait avec elle puisqu'elle était la seule survivante. S'il était une figure paternelle attachante, Clint n'était pas apte à comprendre ces doutes qui ne cessaient de la ravager jour après jour, au contraire de Vision qui avait un point de vue bien plus vaste.

L'androïde n'était pas familier de toutes les émotions humaines, il lui arrivait souvent de devoir réfléchir à ce qu'il disait pour ne pas brusquer ses collègues alors qu'il ne pensait pas à mal. Il s'était peu à peu adapté au tact des humains, pour éviter de déclencher des disputes inutiles à cause d'une remarque quelconque, mais il n'était pas tout à fait au point, ce qui engendrait parfois des discussions tendues. Vision voyait le monde sous un angle particulier, en statistiques et en rapports de causalités qui n'étaient pas toujours faciles à entendre de la part de son entourage. Wanda ne s'en formalisait pas, elle appréciait cette note de franchise désarmante qui prouvait que l'androïde aussi avait besoin d'être aidé pour se fondre dans la masse.

« J'ai fait du mal autour de moi, Vision, souffla-t-elle en détachant enfin son regard de l'écran. Il y a eu des morts à Lagos, des innocents qui auraient pu s'en sortir si j'avais géré la situation autrement.

— Tu as agi sous le coup de l'impulsion. Le cerveau humain n'a pas toujours la possibilité de réfléchir en pleine crise immédiate. Tu voulais protéger Rogers et tu l'as fait.

— En ignorant tous ces gens ! Nous sommes les Avengers, nous ne devrions pas laisser des victimes derrière nous. Je suis un monstre. »

L'amertume la consumait, elle revoyait les couloirs froids du repaire de Strucker, ces individus presque anonymes qui testaient les pouvoirs du sceptre de Loki sur elle et sur d'autres cobayes. Elle avait accepté d'être une expérience comme une autre, par envie de vengeance, sans imaginer les conséquences que tout cela aurait sur elle. Hydra avait commencé à la changer en une source de puissance, sans tenir compte de ses émotions, belle petite poupée malléable à leur guise, mais elle avait espéré être autre chose avec Rogers et son équipe. Elle n'était plus la jeune femme terrifiée qui abusait de sa magie pour plonger dans l'esprit des gens et les manipuler, elle était désormais une aide pour ce monde. Tout du moins, elle avait cru l'être. Sans doute était-ce ridicule de sa part de songer à une meilleure vie.

« Si tu es un monstre, que suis-je ? s'enquit Vision en prenant ses mains dans les siennes. Regarde-moi bien, Wanda. J'ai la peau violette, une gemme à mon front, et des yeux qui analysent les gens. Je ne suis pas humain, contrairement à toi. Tu es une belle personne, n'en doute pas.

— Tu n'as rien fait de mal, rétorqua-t-elle. Tes seuls actes ont été positifs pour les Avengers alors que moi …

— Tu as sauvé Rogers, répéta l'androïde. Captain America, le symbole de toute une nation. Crois-tu que ce soit un détail à passer sous silence ? Penses-tu que tu serais mieux vue si tu l'avais laissé mourir ? »

La question était pertinente, mais Wanda refusait de l'admettre. Certes, elle avait permis à Steve de survivre à l'attaque en traître de Rumlow mais était-elle une bonne personne pour autant ? Peu importaient les décisions qu'elle prenait, rien ne semblait être juste. Elle avait eu un contrat tacite avec Hydra puis elle avait suivi Ultron alors qu'il prévoyait de détruire le monde. Si elle n'avait pas pris le temps d'entrer dans l'esprit du robot, elle serait elle-aussi une victime de sa folie.

« Les héros ont tous des faiblesses, lui rappela Vision en croisant son regard. Et ils commettent tous des erreurs. Tu n'es encore qu'une enfant pour la plupart d'entre eux, tout comme moi. Mais tu peux apprendre et aller de l'avant, parce que tu es une personne empathique. Tu m'as fait confiance alors que tu ne me connaissais pas. J'ai foi en toi, Wanda. »

Il porta l'une de ses mains à ses lèvres, en un geste tendre et touchant. Elle lui sourit en retour, incapable de parler après ce qu'il venait de lui dire. Elle n'était pas tout à fait d'accord avec lui, mais elle pouvait bien mettre de côté ses propres incertitudes pendant quelques minutes. Elle sentait toutefois que ce qu'il se passait n'était que le commencement d'un plus grand drame, comme à chaque fois qu'une catastrophe avait lieu. L'incident de Lagos était la goutte de trop, celle qui faisait déborder le vase, celle qui désignait les Avengers comme des coupables à faire monter à l'échafaud. Wanda doutait de retrouver la paix qu'elle avait eu tant de mal à découvrir.