« Tu es debout ? » la voix d'Alim vient finalement briser le silence et les lèvres de la jeune femme s'étire en un sourire fripon.
« Je viens de rentrer du cinéma, je t'avais dit qu'on sortait, avec les filles. » dit-elle simplement en passant une main dans ses cheveux décoiffés.
« Ah oui, ça m'était sorti de la tête ! »
« Je pensais que vous alliez rentrer plus tôt. » enchaîne Alix en ne s'intéressant qu'à son père, ignorant royalement les deux inconnus.
« Leur avion a eu du retard. Je te présente Anton, mon élève et ami. Et sa fille, Solaris, qui a ton âge. »
Solaris offre un sourire timide à la jeune fille face à elle, qui semble hésiter, un instant, avant de sourire à son tour.
« Salut, moi c'est Alix ! » qu'elle dit avec assurance.
« Puisque tu es réveillée, peut-être que Solaris peut dès à présent utiliser le lit qu'on a installé dans ta chambre pour elle ? »
Alix hausse les épaules mollement et tourne les talons pour rejoindre sa chambre. Elle laisse cependant la porte ouverte et son père prend cela pour une invitation.
« Je te laisse suivre Alix ? » dit-il à l'intention de la blonde, avant de se tourner vers son père. « Et je vais te montrer la chambre de Kalil. »
Les deux hommes disparaissent bientôt derrière une porte, fermée, et Solaris se retrouve seule dans le couloir. Elle inspire, profondément et s'élance vers la porte ouverte. Mais impossible de bouger, ses jambes refusent de coopérer. Parce que dans le fond, Sola, elle n'a pas envie d'être ici, elle n'a pas envie d'entrer dans l'intimité d'une fille qu'elle ne connait pas. Elle n'a pas envie de vivre dans sa chambre, ou de vivre à Paris, tout court. Pourtant, quand son père lui a annoncé, des étoiles dans les yeux, qu'il pouvait continuer ses recherches auprès de son professeur, et même, peut-être, terminer son livre, elle n'a pas eu le cœur de lui dire qu'elle n'avait pas envie de déménager. Elle est comme ça, Sol, elle a dû mal à dire ce qu'elle a sur le cœur, alors elle préfère suivre le mouvement et taire ses propres sentiments. Parce que si elle veut rendre les autres heureuses, parce que si elle veut être à la hauteur de son prénom et ensoleillé la vie de ses proches, elle doit s'oublier.
Une tête apparait dans l'embrasure de la porte et le regard glaciale d'Alix se pose sur elle et Sol se sent frissonner.
« Tu viens ? » qu'elle demande, ennuyée et Sol hausse vivement la tête avant de trottiner vers la chambre, reprenant le contrôle de ses jambes.
Et c'est ainsi que Solaris pénètre dans la chambre d'Alix. C'est une pièce de taille moyenne qui doit être plutôt lumineuse, en journée. Une immense fenêtre donne directement sur la pyramide du Louvres, encore illuminée malgré l'heure tardive. Un coin a été aménagé, juste en dessous, avec des coussins et une bibliothèque. Elle a beau ne rien connaître d'Alix, Sol a dû mal à l'imaginer en liseuse, pourtant, la chambre regorge de livres en tout genre. Deux autres bibliothèques habillent le mur opposé, près d'un immense bureau. Elles regorgent d'ouvrages, mais également de peinture, de toile, de bombes et de stylo. Ce n'est pas très bien rangé, même un peu fouillis, mais Sol est bien mal placée pour faire la moindre remarque, sa chambre étant toujours sans dessus dessous également. Le mur contre lequel est appuyé un lit double est d'un vert criard, qui n'est pas vraiment au goût de Sola. Les autres sont blancs, où ils ont été blancs, à une époque. Aujourd'hui, ils sont recouvert de photographies, de poster ou de dessins. Alix semble être passionnée par l'art, comme elle, et n'hésite pas à s'exprimer à même les murs. Solaris observe les nombreux dessins psychédéliques ornant les murs. Ils sont colorés et abstraits, loin de son style personnel, mais ils s'harmonisent étrangement bien ensemble.
Les yeux de Sola glisse sur le lit d'Alix elle n'a jamais vu autant de couvertures, autant de coussins sur un lit. Tous dépareillés, et colorés, ils donnent de la vie à cette chambre et Sol peut apercevoir une ou deux peluches, cachées parmi les oreillers, ce qui lui arrache un sourire. Alix semble être une jeune fille pleine de vie et de couleurs. Si sa chambre est à son image, on doit rarement s'ennuyer, avec elle. La jeune femme aux cheveux roses se laissent tomber parmi les coussins et en pousse un du pied qui tombe sur un tapis berbère, identique à celui de sa chambre, au Caire. Le cœur de Sol se serre légèrement à cette idée. Elle ne reverra jamais cette chambre qu'elle aimait tant.
Il y a trois portes, dans la chambre. Celle qu'elles viennent de passer, et que Solaris a refermer derrière elle, et deux autres, assez proches. Ces trois portes sont peintes en rose, un rose fluo, et sont tapissées, encore une fois, de photos. Sol peut en apercevoir quelques-unes. Alix qui rit, montée sur une paire de Roller, avec un groupe de fille. Alix qui tire la langue à un garçon asiatique, Alix entourée d'élèves, dans une cour de récréation, Alix avec sa famille, Sol peut reconnaître Kalil et Alim mais il a également une femme qu'elle ne connait pas. Il ne lui faut pas plus de deux secondes pour comprendre que c'est la mère d'Alix, les deux se ressemblant comme deux gouttes d'eau.
« Quand tu auras terminé de fouiller ma chambre, tu pourras poser tes affaires sur le lit. » la voix d'Alix est lasse et Solaris ne peut s'empêcher de s'excuser en rougissant. Elle est terriblement curieuse. Sol fait un pas en avant, vers le matelas posé au sol, au pied du lit de la jeune femme. Les lèvres de la blonde s'étire de nouveaux en apercevant la housse de couette winnie l'ourson. Alix, qui l'observe depuis un moment, réplique immédiatement.
« C'est la seule housse de couette une place qu'il nous reste. »
« C'est très bien. » réponds Solaris en posant sa valise et son sac à dos.
« La porte tout à droite, c'est le dressing, je t'ai fait de la place, pour tes affaires. L'autre, c'est la salle de bain, tu peux y aller, moi je vais me coucher. Eteins la lumière quand tu as terminé. »
Et Alix se glisse finalement sous l'un de ses plaids, s'installe contre les oreilles et met ses air pods. Elle ne semble pas franchement sur le point de dormir.
A genoux sur le lit, Solaris ouvre sa valise en grands. Il y a là toute sa garde-robe. Des tee-shirts trop grands pour elle et des shorts. Quelques jupes et même une ou deux robes. Trois jeans, qu'elle mettait rarement et son vieil uniforme scolaire. Il n'y a ni pull, ni manteau. Elle n'a jamais pensé au fait qu'à Paris, à cette période de l'année, il ferait bien plus froid qu'au Caire. Elle sort l'un de ses trois pyjamas ainsi que sa trousse de toilette et sa serviette de bain puis s'en va vers la salle de bain.
C'est une pièce petite mais fonctionnel, sans couleurs cette fois-ci. Il y a une douche, une toilette et un lavabo. Sur un meuble se trouve quelques produits d'hygiène, un tube de crème, une brosse à cheveux et un tube de mascara. Une brosse à dent traine sur le rebord du lavabo.
Solaris se déshabille avec empressement et glisse dans la douche. Elle se permet d'utiliser les produits de son hôte et se lave rapidement avant de sortir en se séchant. Elle enfile son pyjama, un vieux tee-shirt ayant appartenu à son père et un short en coton. La serviette sur la tête, elle se lave les dents, prend soin de sa peau puis sèche ses cheveux avant de sortir de la salle de bain. Elle y a laissé ses affaires, espérant ne pas déranger. C'est étrange de vivre chez cette fille dont elle ne sait rien.
Une fois de retour dans la chambre, son regard glisse vers la jeune fille aux cheveux roses. Cette dernière est toujours sur son téléphone. La lumière de son téléphone fait briller ses yeux, elle semble concentrer. Solaris éteint la lumière avant de rejoindre son lit.
Elle déverrouille son téléphone, regarde ses dernières notifications avant de l'éteindre et de se glisser sous les couvertures en frissonnant. Elle a froid. Roulée en boule, elle ferme les yeux après avoir dit :
« Bonne nuit. »
Mais seule le silence lui répond.
