Chapitre 3
« Une bonne raison de plus d'être entré dans ce bar ! S'exclama Hayden toujours à ma place derrière le comptoir.
« Quelles autres bonnes raisons avais-tu ? Ris-je.
Il haussa les épaules.
« La déco, la musique, l'accueil, sourit-il.
Je lui renvoyai son sourire. J'allai lui demander quelle théorie je lui avais inspirée quand un bruit de porte me coupa dans mon élan. Curieuse, je tournai la tête et découvris Tyler venir vers moi. Je lui souris, ravie, et me tournai, toujours assise, sur mon tabouret pour me retrouver en face à face quand il arriva. Il m'embrassa et fit durer le baiser un peu trop longtemps par rapport au fait que nous n'étions pas vraiment seuls. Un raclement de gorge le fit se reculer.
« Désolé, je suis Tyler, se présenta-t-il en tendant la main par dessus le bar.
Tyler était nerveux et il semblait tendre sa main par simple politesse et non par envie de se lier d'amitié ce qui n'était pas dans son habitude, il était plutôt bon vivant.
« Hayden, se présenta celui-ci sans prendre sa main qui retomba. Tamsyn m'a beaucoup parlé de toi.
C'était faux mais j'appréciai qu'il tente de rassurer mon petit-ami.
« J'ignorai qu'Audric avait engagé un nouveau barman, fit-il.
« C'est pas le cas, ris-je. Hayden est un client, il... m'a proposé de me remplacer pendant ma pause.
« Je te sers un verre ? Proposa d'ailleurs celui-ci.
« Non merci, refusa Tyler.
« Tant mieux, j'y connais absolument rien, révéla Hayden.
Et je fus contente qu'aucun autre client ne soit entré.
« Je pense d'ailleurs que je viens de me faire virer, j'ai quelques courses à faire, je te rends donc ton tablier, enfin, façon de parler, tu n'en portes pas.
Il glissa sa main dans la poche de son pantalon et en sortit un billet de 20$ qu'il me tendit.
« Mh, je suis la cliente, c'est moi qui suis censée payer, me moquai-je. Puis, c'est moi qui ai bu ton verre.
« C'est vrai, fit-il, amusé. Cadeau de la maison.
« C'est gentil, merci, souris-je, amusée également.
Il me tendit quand même le billet.
« Euh...
« Pourrais-tu donner ce pourboire à la barmaid qui me remplacera ? Elle ne va pas tarder.
J'éclatai de rire et acceptai finalement le billet, me promettant de lui offrir quelques verres s'il revenait, en contrepartie. Je glissai du tabouret, déposai un baiser sur les lèvres de Tyler et fis le tour pour me retrouver derrière le bar. Hayden me sourit en me fixant alors qu'on allait se croiser quand je ressentis une sorte de pression à l'intérieur de mon crâne. Je calai ma main contre ma tempe pour calmer la sensation, elle resta un moment puis s'en alla.
« Bonne soirée à vous, nous salua Hayden avant de quitter le bar.
« Tu ne veux vraiment rien ? Demandai-je à Tyler. Je finis dans une heure.
« Je veux bien un coca, changea-t-il d'avis. Est-ce que ça va ?
M'est avis qu'il avait refusé parce que c'était Hayden derrière le bar... les mecs et leur ego. Je secouai la tête en souriant.
« Ça va, un début de mal de tête je suppose mais c'est parti comme c'est venu avant même d'avoir mal.
Je sortis une bouteille de coca du frigo, la décapsulai et la lui présentai avec un verre.
« Tu vas prendre rendez-vous chez le médecin ?
Je soupirai.
« Pourquoi faire ? C'est une tumeur, dans une zone du cerveau inatteignable, ce n'est pas soignable. Je n'ai pas envie de passer les prochains mois ou les prochaines semaines dans un hôpital.
Ce fut au tour de Tyler de soupirer.
« Ta mère en a guéri, souligna-t-il.
Effectivement, ma mère avait souffert d'une tumeur au cerveau l'an dernier, exactement au même emplacement, le diagnostique nous avait anéanties. Ça avait commencé par des maux de tête, la première fois, elle ne s'était pas inquiétée, ni les quelques fois suivantes, les migraines étaient trop espacées pour que cela veuille dire quelque-chose mais au bout d'un moment, elle en avait de plus en plus souvent avec des troubles de la vision. J'avais peur de la perdre et elle avait peur de me laisser toute seule. J'avais déjà perdu mon père il y avait quelques années de ça et j'allais me retrouver orpheline, le fait que je sois majeur n'enlevait rien à la tragédie, surtout que je venais tout juste de l'être à ce moment. Je me souvenais qu'une fois, je m'étais introduite dans sa chambre pendant qu'elle dormait, j'avais pris sa main et je l'avais suppliée dans un murmure de ne pas mourir.
Quelques semaines plus tard, elle apprenait que sa tumeur avait disparu mais la vie rééquilibrait tout, car quelques semaines passèrent et je commençais à avoir des maux de tête. Ayant vécu cette descente aux enfers auprès de ma mère, je m'étais tout de suite inquiétée, même si je me disais être parano. Seulement, ça n'avait pas été de la paranoïa. Ma mère s'était miraculeusement débarrassée de sa tumeur mais j'en avais récoltée une peu de temps après.
Maintenant, tout ce que j'espérais, c'était d'au moins pouvoir fêter mon anniversaire. Tyler resta silencieux, me laissant le temps dans mes réflexions. Ma mère avait guéri mais ça ne voulait pas dire que je guérirai... et puis, au vu de cette coïncidence, je me dis que si je guérissais moi aussi, quelqu'un d'autre devrait subir ce ''rééquilibrage'', peut-être même que ce serait de nouveau ma mère qui l'obtiendrait. Même si cela n'avait pas de sens, scientifiquement, pour moi ça en avait, c'était comme une transmission d'électrons entre les atomes. Quand bien même cela ne voulait rien dire.
« Les miracles n'arrivent jamais deux fois, Tyler.
« Deux de tes ancêtres ont survécu immergées dans l'eau pendant plus de vingt minutes, argumenta-t-il. Guérir de la tumeur est peut-être votre pouvoir mère-fille.
Je levai les yeux au ciel.
« Tu lui as dit, à ta mère ? Demanda-t-il.
Je secouai la tête. Ma mère n'était pas au courant de mon état de santé déplorable, j'avais réussi à garder mes maux de tête secrets jusque là parce que j'étais plus souvent hors de la maison, ce qui faisait qu'elle n'y avait jamais assisté.
« Je graverai « Au fait, maman, j'ai une tumeur insoignable » sur ton tombeau, fit-il laconique. Pourquoi ne lui dis-tu rien ?
« Parce que je sais comment je me sentais quand je la pensais perdue, je ne veux pas lui faire vivre ça.
« Parce que la mettre devant le fait accompli, une fois tes derniers instants, c'est mieux ?
« Comme tu dis, ma mère en a guéri, on ne sait jamais... autant lui éviter cet enfer pour rien.
« Je ne devrais pas rentrer à Forks, se lamenta Tyler.
« Ta mère est mourante, contrai-je.
« Ma petite-amie aussi.
« Ton père a besoin de toi, appuyai-je.
Voyant qu'il n'ajouta rien, je jetai sa bouteille vide et nettoyai son verre.
« Je pense que je peux fermer, je doute que d'autres clients rappliquent.
Je nettoyai le bar sous l'œil attentif de Tyler, puis je passai aux tables et je soulevai les chaises sur les tables. J'allai chercher mon sac dans le casier, éteignis la radio et rejoignis Tyler, resté dans la salle.
Le chemin du retour se fit main dans la main mais en silence. Ma mère était absente ce qui fait que nous avions la maison pour nous deux.
Tyler passa la nuit avec moi où nous n'avions pas fait que dormir, depuis que j'avais appris que j'allais mourir, j'avais vu mes rêves de mariage et de première fois pendant ma nuit de noce s'éloigner à jamais. Pas que le sexe avant le mariage me gênait mais je voulais qu'au moins une partie de ma vie ressemble à un conte de fée.
« Au fait, tu le connaissais, le client d'hier soir ? Me demanda Tyler en beurrant sa tartine de pain.
« Hayden ? Non, il vient d'arriver, c'est l'un des italiens du château.
Nous étions autour de la table à la cuisine, prenant notre petit-déjeuner.
« Ah ouais ? Tu connais son nom de famille ?
« Volturi, pourquoi ?
« Oh, je pensais qu'il était de la famille des ados étranges de mon ancien lycée à Forks, les Cullen. Ils ont la même peau pâle et des yeux sombres flippants aussi, mais pas de reflets rouges, plutôt dorés. Cependant, ils étaient moins sociables que le client du bar, ils ne parlaient à personne sauf à une élève, arrivée en cours de route en première. Quoiqu'à la fin, ils avaient fini par se joindre à notre groupe, sans doute grâce à Bella.
Bizarre. Des yeux noirs avec des reflets, je n'avais vu ce genre de couleurs que dans ceux d'Hayden et je ne pensais pas que c'était si commun.
Le temps de dire au revoir était venu et je regrettai que le temps passe si vite en sa présence.
« J'essaye de revenir au plus vite, me chuchota-t-il à l'oreille pendant qu'il me serrait dans ses bras.
« Je serai là à ton retour, répondis-je sur le même ton.
Il se recula et me sourit.
« C'est une promesse, n'est-ce pas ?
« Promis, approuvai-je.
Un dernier câlin, des ''je t'aime'' échangés, un dernier baiser et je dus le laisser partir avec regrets.
Ma mère était partie pour une journée entre copine et j'avais appelé Emelyne pour qu'on passe la journée ensemble. Elle ne rentrait à Salem que le week-end, allant à une université plus éloignée que la mienne. Elle accepta avec enthousiasme et cinq minutes plus tard, elle frappa à ma porte. Je lui ouvris, Emelyne avait les yeux bleus de son père et avait récemment coupé ses cheveux roux et bouclés au niveau des épaules. Ses tâches de rousseurs autour de son nez lui ajoutait un certain charme.
« Emy, cinq jours sans te voir est un calvaire ! Me lamentai-je.
Je la pris dans mes bras et la serrai fort.
« Tu me manques aussi, Tammy. Tyler n'est pas là ?
« Non, il vient à peine de partir pour Forks, sa mère est malade.
« Oh, je vois. Je ne suis que la remplaçante, bouda-t-elle.
« Je te signale qu'absent ou pas, nous passons tous nos week-ends ensemble.
« C'est vrai mais rarement sans Tyler.
Je haussai les épaules et lui offris un sourire contrit.
« Je comprends que tu veuilles profiter de nous deux le plus longtemps possible mais passer du temps seule avec toi, me manque, puis ça me rappelle que trop que je suis célibataire.
Emelyne aussi était au courant mais seulement depuis peu. Après beaucoup de larmes, elle s'était laissée convaincre par ma philosophie : on n'aura bien le temps de se lamenter sur mon sort le dernier jour, en attendant, on profitait de chaque moment ensemble. En ce qui concernait sa plainte de célibat, je savais qu'elle finirait bien par trouver la perle rare. Elle avait bien sûr ses petits défauts, comme tout à chacun, mais un garçon finira bien par voir au-delà et la voir comme moi, je la voyais : une amie loyale et rêveuse sur qui on pouvait compter et avec qui on passait de beaux moments à refaire le monde. J'étais bien placée pour le savoir, je la connaissais depuis toujours.
« Je ne comprends d'ailleurs pas pourquoi tu continues de travailler pour mon père et même d'aller à l'université.
Ce n'était pas la première fois qu'on avait cette conversation.
« Je veux vivre une vraie vie, même raccourcie, lui rappelai-je. Tu sais bien que gamine, je rêvai de travailler au Chaudron et les cours sont simplement là pour nourrir ma curiosité.
« Je sais, je sais, sourit-elle.
Je pris ma carte bancaire, mon téléphone et nous sortîmes.
« Alors, musée des sorcières ? Witch House ? Ou fête foraine ? Énuméra Emy.
« Fête foraine ! Cria-t-on en même temps.
Une fois arrivée au milieu des manèges, nous achetâmes chacune une glace et marchâmes au milieu de la foule. Il y avait plus de monde que jeudi soir et cela donnait à la fête foraine une ambiance plus festive avec un air de parc d'attractions où tout le monde voulait s'amuser. Emelyne était déjà rendue au cornet de sa glace alors qu'il me restait encore une petite montagne de glace à la menthe au dessus du mien. Emelyne ne savait pas profiter des choses. J'avais ma méthode personnelle pour manger mes glaces, d'abord, je passais mon index horizontalement sur la glace pour le glisser dans ma bouche puis un coup de langue vertical ensuite, j'alternai entre les deux. C'était plus long et ça me permettait de ne pas tout engloutir en regrettant d'y être allée trop vite. Ça amusait beaucoup Emelyne qui ne manquait jamais de se moquer.
« Il faudra bien que tu te décides entre ta langue et ton doigt.
Et aujourd'hui n'était pas une exception.
« Pourquoi choisir alors que j'ai les deux ? M'enquis-je avec un sourire taquin.
Elle pouffa.
« Tamsyn, Emelyne ! Nous héla une voix que nous n'avions pas entendue depuis longtemps.
Nous nous tournâmes comme une seule tandis que Mallory nous rejoignit. Emy, Mallory et moi formions un trio d'enfer en seconde et en première, jusqu'à ce que Mallory se fasse virer du lycée à la fin de la première, parce que Mallory ne savait pas rester deux minutes en place sans mijoter un mauvais coup. Elle nous colla deux bises à toutes les deux avant de sautiller sur place en frappant ses mains. Mallory ne savait pas rester en place tout court.
On n'avait chacune nos propres traits de caractère dominants, ce qui avait probablement fait que nous nous étions complétées les unes des autres. Emy était principalement rêveuse et idéaliste, Mallory était insouciante et énergique et j'étais sociable et espiègle.
« Ça faisait si longtemps, s'enjoua-t-elle.
Nous lui sourîmes et avant que nous puissions dire quoique ce soit, elle ajouta :
« Hé, ça vous dit d'aller voir le château de plus près ? Il paraît que des italiens y vivent maintenant !
« Ouais, c'est le sujet de conversation du moment, ris-je. Pourquoi pas ? Il paraît qu'ils ont refait le jardin.
De toute façon, on ne pouvait pas empêcher Mallory de faire ce qu'elle voulait faire. C'était physiquement impossible et psychologiquement, il ne valait mieux pas tenter de la convaincre de renoncer. Puis, de toute façon, je ne voulais pas l'en dissuader, curieuse de nature, l'idée me plaisait.
